Compte personnel de formation : 15 décembre 2022 Cour d’appel d’Orléans RG n° 20/01996

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Compte personnel de formation : 15 décembre 2022 Cour d’appel d’Orléans RG n° 20/01996
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C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE – A –

Section 1

PRUD’HOMMES

Exp +GROSSES le 15 DECEMBRE 2022 à

Me Anne BONNEVILLE

la SELARL SELARL EFFICIENCE

AD

ARRÊT du : 15 DECEMBRE 2022

MINUTE N° : – 22

N° RG 20/01996 – N° Portalis DBVN-V-B7E-GG5O

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 23 Septembre 2020 – Section : ENCADREMENT

APPELANTE :

S.A.S. SAINES NETTOYAGE prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social,

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Anne BONNEVILLE, avocat au barreau de TOURS

ET

INTIMÉ :

Monsieur [Z] [V]

né le 23 Avril 1957 à [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Me Elise HOCDÉ de la SELARL SELARL EFFICIENCE, avocat au barreau de TOURS

Ordonnance de clôture : 20 septembre 2022

Audience publique du 11 Octobre 2022 tenue par M. Alexandre DAVID, Président de chambre, et ce, en l’absence d’opposition des parties, assisté lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier.

Après délibéré au cours duquel M. Alexandre DAVID, Président de chambre a rendu compte des débats à la Cour composée de :

Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité,

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre,

Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller

Puis le 15 décembre 2022 (délibéré prorogé, initialement fixé au 13 décembre 2022), Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de Mme Karine DUPONT, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS Saines Nettoyage a pour activité le nettoyage et l’entretien de bureaux, commerces, administrations et résidences. Son siège social est à [Localité 4].

Elle a engagé M. [Z] [V] le 1er juin 2015 en qualité de cadre commercial confirmé, mais sans expérience antérieure dans une entreprise de propreté.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011.

Pendant six mois, le salarié a travaillé en binôme avec le directeur général, M. [K]. Il a bénéficié d’une formation de deux jours par semaine pendant trois mois pour passer les qualifications des métiers de l’entretien, notamment sur le chiffrage.

L’équipe comprenait trois commerciaux et l’entreprise était soumise à la convention collective de la propreté.

Le 8 juin 2018, la société a convoqué le salarié à un entretien préalable pour le 18 juin suivant.

Le 3 août 2018, M. [V] a été licencié pour insuffisance professionnelle et l’employeur l’a dispensé d’effectuer son préavis de 3 mois.

Il lui était fait grief :

– d’une insuffisance de développement et d’enrichissement de la base de données prospects,

– d’un manque de compétence sur le chiffrage des devis,

– d’une insuffisance dans la rédaction et la maîtrise des termes techniques du métier,

– d’une inexistence de tableaux de bord et reportings,

– d’une insuffisance de résultats.

Le 19 janvier 2019, M. [V] a saisi le conseil de prud’hommes de Tours, en sa section de l’encadrement, afin de contester son licenciement pour insuffisance professionnelle d’obtenir la condamnation de la SAS Saines Nettoyage à lui verser les sommes de :

. 27’380 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle sérieuse,

. 13’692 € de dommages intérêts pour préjudice moral du fait du comportement déloyal de l’employeur,

. 10’269 € de dommages-intérêts pour discrimination syndicale,

. 27’542,66 € de rappel de salaires sur commissions,

. 2754,26 € de congés payés afférents,

. 15’000 € de rappel de primes annuelles,

. 65’600€ d’heures supplémentaires non payées,

. 6560 € de congés payés afférents,

. 2000 € pour remise tardive des documents de fin de contrat

. 20538 € de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

. 2500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

De son côté, l’employeur a soutenu que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse et a conclu au rejet de toutes les demandes du salarié.

Par jugement du 23 septembre 2020, auquel il est renvoyé pour un plus ample exposé du litige, le conseil de prud’hommes de Tours a :

– débouté M. [V] de ses demandes au titre des heures supplémentaires, de la discrimination syndicale, du préjudice moral pour comportement déloyal de l’employeur, de l’indemnité pour travail dissimulé et de l’indemnité pour remise tardive des documents,

– condamné la SAS Saines Nettoyage à payer à M. [V] les sommes de :

. 1635,89 € pour la prime annuelle et 163,59 € de congés payés afférents,

. 18’142,66 € pour commissions sur chiffre d’affaires et 1 814,26 € au titre des congés payés afférents, ces sommes étant dues avec exécution provisoire,

-et sous réserve d’appel

. 13’692 € d’indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

. 1200 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La SAS Saines Nettoyage a interjeté appel de ce jugement, par voie électronique, le 9 octobre 2020.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 16 décembre 2020 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du Code de procédure civile et aux termes desquelles la S.AS. Saines Nettoyage demande à la Cour de :

– déclarer l’appel recevable et bien fondé ;

– réformer le jugement dont appel ;

Statuant à nouveau :

– dire et juger que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

En conséquence:

– débouter M. [V] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire si le licenciement est déclaré sans cause réelle et sérieuse ou nul :

– dire et juger que M. [V] ne rapporte pas la preuve d’un préjudice évaluée à 8 mois de salaire ;

– prendre acte que les commissions sur chiffre d’affaires sont au plus égales à 3108€ et qu’une prime annuelle serait due en 2017 pour un montant de 1635,89€ ;

– débouter M. [V] de toutes ses autres demandes de rappels de salaires, commissions, indemnités de congés payés, dommages-intérêts pour remise tardive de document, dommages intérêts pour préjudice moral et indemnité pour travail dissimulé;

– dire et juger que la société SAINES a exposé des frais pour la défense de ses intérêts;

En conséquence :

– condamner M. [V] à verser à la société SAINES la somme de 4000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Sur le licenciement, la SAS Saines Nettoyage fait valoir :

-que la preuve du caractère réel et sérieux du motif ne pèse pas spécialement sur l’une ou l’autre des parties,

-que M. [V] ne communique aucune pièce permettant de démontrer qu’il a réalisé un travail de commercial confirmé,

-qu’il ne prouve pas que sa clientèle a été attribuée à autre commercial.

Sur les griefs :

A) sur l’insuffisance de développement de la base de données prospects.

Le salarié n’aurait rien produit pendant deux ans et a fourni le 28 février 2018 un document où figure une liste de 14 mairies sans dates de contact. Il ne consultait sa base de données qu’une fois tous les deux mois.

Il a produit un tableau de prospection , où il n’a réalisé que 7 prospects contactés en septembre 2015, 7 en octobre 2015,9 en novembre 2015 et 4 en juin 2016. Ces documents s’avèrent notoirement insuffisants et généralement inexploitables.

B) sur le chiffrage des prestations.

Il ne tenait pas compte des tarifs applicables, faisait des évaluations erronées et proposait des prestations que l’entreprise ne fournissait pas, à cet égard, des exemples nombreux sont fournis. Le directeur commercial n’a pas vérifié ses chiffrages alors qu’il était commercial confirmé et qu’il lui faisait confiance.

C) sur la maîtrise des termes mentionnés dans les devis.

La société estime que son descriptif était inadapté pour le Square Habitat qu’il existe des erreurs dans les consommables pour l’étude technique Formatec.

S’agissant des demandes du salarié au titre des commissions, l’employeur fait valoir qu’en plus de son salaire mensuel, M. [V] devait percevoir une commission sur toutes les ventes réalisées par ses soins à hauteur de 1 % sur les contrats d’abonnement et de 3 % sur les travaux exceptionnels, en fonction des factures émises et acquittées en décalage de deux mois, l’objectif annuel de chiffre d’affaires à atteindre étant de 150’000 € en abonnements.

En plus, le salarié devait percevoir une prime annuelle sous conditions de réaliser une augmentation du chiffre d’affaires de 150’000 € hors-taxes.

En pratique, il n’a jamais remis un état des contrats réalisés personnellement avec la marge par contrat et il s’est abstenu de calculer la rentabilité de chaque contrat conclu.

L’employeur conteste les comptes rendus remis par M. [V], faisant observer que certains des clients étaient antérieurs à son arrivée, que le chiffre d’affaires développé en 2015, sans ôter les contrats non rentables, s’élève à 46’284 € et que M. [V] a intégré le pourcentage des clients de son collègue [N], absent pour arrêt maladie, pour démontrer l’augmentation sensible d’affaires en 2017.

La société a dû reprendre les conditions de marge pour tous les contrats en sorte que de 2015 à 2018 les commissions devaient atteindre 3108,39 € au total et la prime annuelle pour 2017, 1635,89 €.

L’employeur réfute la thèse de son adversaire fondée sur un licenciement généré par des rémunérations trop hautes alors qu’en plus de son salaire, il devait percevoir des commissions mensuelles et annuelles.

S’il avait émis le souhait de se présenter aux élections de délégués du personnel, rien ne démontre qu’il en ait fait part à la société.

La société dénie que le salarié ait été relégué dans un cagibi : elle a dû procéder à des travaux d’aménagement pendant plusieurs semaines puis l’a placé dans un bureau avec un collègue dont il a choisi lui-même le mobilier avant d’aménager son bureau dont des photos sont jointes à la procédure.

Sur les préjudices, elle soutient que le salarié n’était pas en mesure de justifier l’ampleur des sommes sollicitées, alors que l’attestation d’assurance lui a été remise en janvier 2019 et qu’elle a attendu la communication de son état de chiffre d’affaires avec le taux de marge par contrat, ce qui explique le retard relatif du solde de tout compte.

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 22 décembre 2020 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du Code de procédure civile et aux termes desquelles M. [Z] [V] demande à la Cour de :

– confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de Tours en ce qu’il a :

– jugé que le licenciement de M. [Z] [V] est dépourvu de cause réelle et sérieuse sauf en ce qui concerne le quantum de l’indemnité prononcée ;

– condamné la SAS Saines Nettoyage au paiement de commissions sur chiffre d’affaires et de primes annuelles sauf en ce qui concerne le quantum des condamnations prononcées ;

– infirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de TOURS en toutes ses autres dispositions ;

La Cour statuant de nouveau :

– dire et juger que le licenciement de M. [Z] [V] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– condamner la société Saines Nettoyage au paiement de :

– 27.384€ au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 13.692€ en réparation du préjudice moral du fait du comportement déloyal de l’employeur ;

– 10.269€ en réparation du préjudice subi du fait de la discrimination syndicale ;

– 27.542,66€ au titre des rappels de salaire sur commissions ;

– 2.754,26€ au titre des congés payés afférents aux rappels de salaire sur commissions ;

– 15.000€ au titre des primes annuelles ;

– 65.600€ au titre du rappel d’heures supplémentaires ;

– 6.560€ au titre des congés payés afférents aux heures supplémentaires ;

– 20.538€ au tire du travail dissimulé ;

– 2.000€ au titre de la remise tardive des documents de fin de contrat ;

– 3.000€ en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile;

– condamner la société Saines Nettoyage au paiement des entiers dépens.

M. [V] plaide l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement alors qu’il convient de ne retenir que les faits objectifs précis et vérifiables et qu’il se soit vu fixer des objectifs commerciaux réalistes et compatibles avec le marché et qu’il ait les moyens de les atteindre.

En trois ans, il n’a jamais fait l’objet d’un rappel à l’ordre ou d’une sanction.

Sur l’insuffisance de développement de la base de données prospects, il affirme avoir établi un fichier prospect depuis son arrivée en produisant les tableaux de prospection.

Sur le manque de compétence sur le chiffrage de devis, il expose qu’il n’existait pas de document officiel avec un tarif unique à respecter pour tous les clients. D’ailleurs il sollicitait systématiquement la validation de son employeur pour le chiffrage des devis et il donne plusieurs exemples en ce sens.

Sur l’insuffisance de la rédaction et de la maîtrise des termes techniques, il relate les formations suivies qui lui permettaient d’être au point sur ce sujet et, au besoin la société pouvait lui proposer des formations pour s’améliorer, ce qu’elle n’a jamais envisagé.

Sur l’inexistence des tableaux de bord et reportings, il plaide que jamais la rentabilité n’a été évoquée avec lui et fait observer que la société n’a pas chiffré l’insuffisance des résultats reprochée alors qu’il n’a disposé d’un contrat de travail écrit qu’à la fin de l’année 2017 et qu’il a perdu de nombreux contrats, puisque les appels téléphoniques où les mails étaient dirigés vers ses collègues.

Il dénonce également l’absence de paiement de ses commissions et primes annuelles qui n’ont pas été régularisées lors du solde de tout compte.

Il avait voulu se présenter aux élections de délégués du personnel et fournit plusieurs attestations cet égard, mais la société trouvait son salaire trop élevé, motifs qui ont en réalité fondé son licenciement maquillé en insuffisance professionnelle.

Il soutient avoir accompli des heures supplémentaires à hauteur de 65’600 € et le travail dissimulé qui s’en suit.

Il insiste, en outre, sur son préjudice matériel et moral alors qu’à 61 ans il est difficile de retrouver un emploi.

Une ordonnance de clôture a été rendue le 20 septembre 2022 renvoyant la cause et les parties à l’audience des plaidoiries du 11 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La notification du jugement est intervenue le 25 septembre 2020, en sorte que l’appel principal de la société, régularisé le 9 octobre 2020, dans le délai légal d’un mois, s’avère recevable en la forme, comme l’appel incident de M. [V] sur le fondement de l’article 550 du code de procédure civile.

Sur la discrimination syndicale alléguée

L’article L. 2141-5 du code du travail dispose qu’il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière de recrutement ,de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

M. [V] prétend avoir informé son employeur de son intention de se présenter aux élections de délégués du personnel devant avoir lieu à la fin de l’année 2018. Il soutient que le licenciement procède d’un motif discriminatoire et sollicite l’allocation d’une somme de 10’269 euros à titre de dommages-intérêts, correspondant à trois mois de salaire, sur le fondement de l’article L. 2141-8 du code du travail.

À ce titre, il fait référence aux pièces suivantes :

-Pièce 4 : Dans son attestation, Mme [P] [E] se contente de reproduire les propos tenus par M. [V],

– Pièce 5 : Il en est de même s’agissant des attestations de Mme [F] [D] [R] et de Mme [S] [H] qui ne font que rapporter la teneur de leur conversation avec M. [V].

Ces attestations n’emportent pas la conviction de la cour.

La pièce n° 41 est une photocopie d’un SMS de M. [A] [O] qui demande à M. [V] : « [Z], bonjour, tu es toujours d’accord pour faire partie du syndicat ‘ ».

Ce message, dont rien n’établit que l’employeur en ait eu connaissance, ne révèle aucunement une quelconque intention de M. [V] de se présenter aux élections professionnelles.

En conclusion, l’allégation de M. [V], selon laquelle il a été licencié pour avoir voulu se porter candidat en qualité de délégué du personnel, n’est pas établie, puisqu’il n’est démontré ni qu’il ait eu l’intention de se porter candidat ni que l’employeur ait été informé d’une telle intention.

Il y a lieu, en conséquence, de débouter M. [V] de sa demande de dommages-intérêts.

Sur la demande de rappel d’heures supplémentaires

Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant (Soc., 18 mars 2020, pourvoi n° 18-10.919, FP, P + B + R + I).

L’article 5 du contrat de travail du 1er juin 2015 stipule que le salarié « ne saurait être soumis à un horaire fixe contrôlable ». Aucune convention de forfait n’ayant été conclue entre les parties, les heures accomplies au-delà de la durée légale du travail doivent être considérées comme des heures supplémentaires et rémunérées comme telles.

M. [V] affirme avoir accompli de 10 à 13 heures de travail quotidien en arrivant la plupart du temps à six heures du matin et avoir accompli a minima 50 heures par semaine au lieu des 35 heures prévues. Sur la base d’un calcul mathématique fondé sur 15 heures supplémentaires par semaine pendant 47 semaines sur trois ans, il estime avoir accompli 2115 heures supplémentaires et sollicite la condamnation de la SAS Saines Nettoyage à lui payer la somme de 65’600 € à titre de rappel d’heures supplémentaires sur la période des trois années passées au sein de cette société (conclusions, p. 20 et 21).

Au soutien de sa demande, il invoque les trois pièces suivantes :

– pièce 27 : M. [I] [K] lui envoie un SMS le 16 août 2017 à 20 heures : « désolé, [Z] de te déranger est-ce que je peux t’appeler j’ai juste une question rapide sur [C] ‘ ».

– pièce 28 : ses plannings sur trois feuillets indiquent sept heures de travail pour chaque journée des jours mentionnés,

– pièce 29 : il s’agit d’un courriel de M. [V] à M. SAINES du 26 février 2018 où il évoque les fichiers prospects sur 2017 et 2018.

M. [V] ajoute avoir dû remplacer quatre collègues pour maladie ou d’autres motifs.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre en produisant ses propres éléments.

La SAS Saines Nettoyage verse aux débats l’attestation de M. [N], qui partageait le bureau de M. [V] (pièce n° 18). Celui-ci relate que M. [V] arrivait le matin entre 8h30 et 9h, qu’il quittait son bureau à 11 h 45 / 12h et revenait à 14h pour partir au plus tard à 17 h 30 / 18 h, à l’exception du vendredi où il quittait l’entreprise à 17h (pièce 23). Cette attestation emporte la conviction de la cour. Elle permet de contredire les pièces produites par le salarié.

Après examen des pièces versées aux débats par l’une et l’autre des parties, la cour retient que le salarié n’a accompli aucune heure supplémentaire n’ayant pas donné lieu à rémunération.

Dans ces conditions, il y a lieu de débouter M. [V] de sa demande à ce titre.

Il y a lieu de le débouter de sa demande subséquente d’indemnité pour travail dissimulé.

Sur le rappel de commissions

L’article 5 du contrat de travail stipule qu’en plus de la partie fixe de sa rémunération, le salarié a droit à une partie variable.

A ce titre, M. [V] peut prétendre à une commission sur toutes les ventes réalisées par ses soins à hauteur de 1 % sur les contrats d’abonnement et de 3 % sur les travaux exceptionnels.

M. [V] sollicite la condamnation de la SAS Saines Nettoyage à lui payer la somme de 27’542,66 € à titre de rappel de salaires sur commissions, outre 2754,26 € de congés payés afférents.

Il décompose cette somme en :

-19’342,66 €, selon le tableau de rappel de commissions établi par ses soins (pièce n° 14),

-8200 € correspondant aux commissions dues dans le cadre du détournement de clientèle.

M. [V] ne verse aucun élément aux débats de nature à démontrer l’existence du détournement de clientèle qu’il allègue.

Selon les stipulations de l’article 5 du contrat de travail, M. [V] devait établir un tableau de bord mensuel du chiffre d’affaires obtenu par lui, ce tableau étant élaboré conjointement avec les services paie et exploitation de la société.

Contrairement à ce qu’elle allègue, la SAS Saines Nettoyage a à sa disposition tous les éléments nécessaires au calcul des commissions dues à M. [V] en vertu du contrat, peu important à cet égard que le salarié ait ou non calculé la rentabilité de chaque contrat conclu par lui.

Il appartient donc à l’employeur de verser aux débats les éléments détenus par lui et permettant de calculer la rémunération variable due au salarié.

La SAS Saines Nettoyage produit un tableau Excel sur lesquels figurent, selon elle, les contrats conclus par M. [V] de 2015 à 2018 avec le taux de marge généré (pièce 22).

Elle en conclut que le montant des commissions auxquelles pourrait prétendre le salarié est de 3108,39 €, ce qui représenterait, sur une période de trois années, moins de 100 € de commissions par mois.

Le document produit par la société, qui n’est accompagné d’aucune pièce comptable, apparaît insuffisant pour déterminer les montants devant revenir au salarié.

Il convient de relever qu’au soutien de sa demande au titre des commissions pour la période du 1er juin 2015 au 3 août 2018, M. [V] se borne à produire un tableau mentionnant le chiffres d’affaires annuel qu’il aurait réalisé de 2015 à 2018 et le calcul des commissions lui revenant.

Il apparaît que M. [V] s’est attribué des contrats initiés avant le 1er juin 2015, date de son entrée dans les effectifs de la société.

La SAS Saines Nettoyage établit notamment qu’en 2016, s’agissant des quatre mois de prestations à 116,49 € par mois pour le client Arkham Studio, le chiffre d’affaires était de 465,96 € et non de 4689,96 €.

Elle démontre également que les clients [W], [L], golf d’Adree, Cil 37, CRVH, Agri conso 37 étaient des clients de la société avant l’engagement du salarié.

Au regard des éléments de la cause, il y a lieu de fixer à 10’000 € brut le montant du rappel de commissions dû à M. [V] et de condamner la SAS Saines Nettoyage au paiement de cette somme, outre celle de 1000 € brut au titre des congés payés afférents. Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur le rappel de prime annuelle

L’article 5 du contrat de travail prévoit que M. [V] peut prétendre au paiement d’une prime annuelle, conditionnée à la réalisation d’une augmentation du chiffre d’affaires annuel de son portefeuille d’au minimum 150’000 € HT encaissé.

Au regard des éléments versés aux débats, il y a lieu de retenir que la prime n’est due que pour l’année 2017.

Il y a lieu, par voie de confirmation du jugement, de condamner la SAS Saines Nettoyage à payer à ce titre à M. [V] la somme de 1635,89 €, outre 163,58 € de congés payés afférents.

Sur le bien-fondé du licenciement

L’insuffisance professionnelle se définit comme l’incapacité objective, non fautive et durable, d’un salarié à accomplir correctement la prestation de travail à laquelle il est tenu.

La lettre de licenciement du 3 août 2018, qui fixe les limites du litige, énonce cinq séries de fait, qui seront successivement examinés :

A) sur l’insuffisance de développement et d’enrichissement de la base de données prospects

La lettre de licenciement énonce : « Ce fichier de prospection qui est la base et votre outil principal de développement et de suivi n’a jamais été suivi de façon satisfaisante, comme nous devions pourtant l’attendre en vue de votre fonction de commercial confirmé [‘] Nous vous avons fourni un modèle de fichier dans lequel nous avons demandé de renseigner l’historique de votre prospection. Plusieurs semaines seulement après notre demande, vous avez finalement renseigné ce fichier avec seulement quelques dizaines de prospects sur une période de plus de deux ans [‘] Votre fichier n’était pas exploité de façon régulière [‘] »

Par exemple, le 26 février 2018, M. [V] a remis à son employeur un document qui comporte une liste de 14 mairies d’Indre-et-Loire sans nom de contact pour un publipostage où il est noté simplement : « M. le responsable du service technique [Adresse 1] » ou encore une liste d’entreprises implantées sur les zones commerciales de l’agglomération de [Localité 4], sans davantage de précision (pièce 7 du dossier de l’employeur).

Les copies du journal de consultations révèlent qu’en 2018 M. [V] n’a consulté sa base de données qu’une fois tous les deux mois (pièce 8 du dossier de l’employeur).

Ces éléments sur l’insuffisance de prospection ne sont pas utilement démentis par le salarié, les tableaux de prospection qu’il produit ne portant que sur les années 2015 et 2016.

A cet égard, la SAS Saines Nettoyage fait utilement observer que les lettres types adressées le même jour par M. [V] à des mairies d’Indre et Loire afin de remercier de l’accueil qui lui a été réservé ne précisent pas les dates de sa visite (pièces 34 du dossier du salarié).

Ainsi que le relève également l’employeur, les relevés de consommation d’essence pour le véhicule de M. [V], pour la période de janvier à mai 2018 (pièce 24 de la société) sont révélateurs d’un faible nombre de déplacements professionnels pour prospecter d’éventuels clients.

Ces faits seront donc retenus.

B) sur le manque de compétence caractérisé sur le chiffrage des devis

La lettre de licenciement énonce : « Nous avons constaté des incohérences dans votre utilisation des cadences de travail et rendements et un mauvais calcul du prix de vente. Ces incohérences ont des conséquences sur la rentabilité du chantier et réduisent forcément de résultats commerciaux.

Nous vous avons pourtant apporté du temps à votre formation et accompagnement sur le domaine de l’étude et du chiffrage […]»

Il ressort des pièces n° 9, 10, 11, 12, 13 et 14 de la société divers manquements, non fautifs, imputables à M. [V] : offre du nettoyage gratuit des miroirs pendant quatre passages, non-application du tarif des prestations en vigueur, erreur dans le taux horaire des prestations, proposition d’une prestation non fournie par la société, sous-estimation du temps passé pour nettoyer le sol d’une surface commerciale.

M. [V] soutient que M. [K] a signé l’essentiel de ses devis. Cependant, il s’agit de devis d’un montant peu élevé et le directeur général était censé pouvoir faire confiance à ce responsable commercial confirmé qui était présent dans l’entreprise depuis le 1er juin 2015.

Il est avéré que M. [V] proposait des prestations inappropriées et ne remplissait pas toutes les informations sur les devis.

Ces faits seront également retenus.

C) sur les insuffisances dans la rédaction et la maîtrise des termes techniques du métier

La lettre de licenciement énonce : « vous avez été pourtant formé dès votre arrivée. Une formation sur les techniques et méthodes de nettoyage vous a été dispensée par l’organisme de formation Forma Pro. Vous avez intégré nos équipes d’interventions pour découvrir toutes nos activités et les différents sites représentatifs de notre métier ».

La société se fonde sur ses pièces 15, 16 et 17 qui constituent respectivement une étude technique pour Square habitat, pour Famatec et un devis sur tableau manuscrit. Ces éléments ne permettent pas de caractériser le reproche d’imprécision fait à M. [V].

Dans ces conditions ces faits ne seront pas retenus.

D) sur l’inexistence des tableaux de bord et reporting

La lettre de licenciement énonce : « nous déplorons également l’inexistence des différents tableaux de bord et reporting réguliers de vos résultats commerciaux que vous deviez nous fournir malgré nos demandes répétées. Ce tableau de bord qu’il vous appartient d’établir doit indiquer les mouvements des chiffres d’affaires obtenus par votre activité commerciale. Après validation de la direction, il doit également servir au paiement de commissions. Malgré nos demandes régulières, vous n’avez pas jugé nécessaire de nous fournir ce document. Devant notre insistance et après réception d’un mail que vous nous avez adressé le 17 avril 2018, vous avez fini par nous déposer un dossier censé indiquer votre activité commerciale.

Après lecture des éléments et transmission à notre service relations humaines, nous vous avons indiqué que votre compte-rendu d’activité était incomplet puisqu’il manquait les données relatives au respect des conditions de vente ( principalement prix de vente horaire hors frais supplémentaires divers).

Nous vous avons donc demandé de compléter ce compte-rendu pour pouvoir procéder au règlement des commissions qui vous sont dues ».

Cette carence est établie, compte tenu de l’insuffisance des éléments de reporting versés aux débats (cf pièce n° 36 du dossier du salarié). Les éléments produits par M. [V] (pièce 12) ne permettent pas d’imputer à l’employeur ce manquement à une diligence attendue d’un salarié occupant un poste de commercial.

E) sur l’insuffisance de résultat

La lettre de licenciement énonce : « L’objectif annuel prévu à votre contrat de travail n’est pas atteint. En effet, votre contrat de travail prévoit un objectif annuel de chiffre d’affaires supplémentaire à atteindre de 150’000 € en abonnements en contrepartie de sa rémunération. L’insuffisance de résultat est la conséquence des défaillances énumérées ci-dessus. »

Le contrat de travail ne fixe pas d’objectif annuel de chiffre d’affaires. Son article 5 prévoit l’octroi d’une prime annuelle conditionnée à une augmentation du chiffre d’affaires annuel du portefeuille du salarié de 150 000 euros. Le fait de ne pas avoir atteint ce chiffre, seuil de déclenchement de la prime, ne saurait suffire à caractériser une insuffisance de résultat.

Cependant, il est établi que les résultats du salarié étaient insuffisants, en raison de carences non fautives de sa part dans la prospection, dans la prise de contacts avec des clients, dans le respect des règles internes de chiffrage des devis et dans le reporting.

Il y a donc lieu de considérer que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.

M. [V] est débouté de sa demande d’indemnité à ce titre. Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral du fait du comportement déloyal de l’employeur

M. [V] affirme avoir fait l’objet d’une mise au placard dans la mesure où son bureau au début de l’année 2018 lui a été retiré et qu’il a été contraint de déménager dans l’ancien local archive de la société. Des photographies sont versées au dossier. Cependant il s’est agi d’un déplacement qui n’a duré que quelques semaines dû à la réfection des locaux dans lesquels se situait son bureau. Ces circonstances ne peuvent donc être retenues.

Il ne résulte d’aucun élément du dossier que le contrat de travail ait été antidaté.

Il ne résulte de la pièce n° 12 du dossier du salarié, en tant qu’elle porte sur les congés, aucun comportement fautif imputable à l’employeur.

L’allégation de détournement de clientèle faite par M. [V] dans son courriel du 20 avril 2018 (pièce n° 12) n’est corroborée par aucun élément du dossier.

Il ne résulte pas de l’échange de courriels du 24 février 2016 que la SAS Saines Nettoyage ait retiré à M. [V] des appels d’offres.

Le refus opposé par l’employeur que M. [V] soit assisté par M. [T], conseiller du salarié, lors de l’entretien préalable, au motif qu’il existe des délégués du personnel élu au sein de l’entreprise, ne permet pas de caractériser un comportement déloyal de l’employeur.

L’allégation de renseignement du compte personnel de formation faite par l’avocat de M. [V] dans un courrier du 18 février 2019 n’est corroborée par aucun élément du dossier.

Le contrat a été rompu le 3 août 2018. Le 2 novembre 2018, M. [V] a demandé à la SAS Saines Nettoyage une attestation de conduite de son véhicule de fonction. Le délai apporté par la société à lui apporter satisfaction ne saurait caractériser un comportement déloyal. En tout état de cause, M. [V] ne justifie pas du préjudice subi de ce fait.

Il y a lieu de le débouter de sa demande de dommages-intérêts.

Sur la remise tardive des documents de fin de contrat

Il ne ressort pas des éléments du dossier que la SAS Saines Nettoyage se soit révélée défaillante sur ce point.

En tout état de cause, M. [V] ne justifie pas du préjudice qu’il aurait subi.

Il y a lieu de le débouter de sa demande de dommages-intérêts au titre de la remise tardive des documents de fin de contrat.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Il y a lieu de condamner la SAS Saines Nettoyage aux dépens de première instance et d’appel.

Il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles.

L’équité ne recommande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile s’agissant des frais irrépétibles de l’instance d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

Infirme le jugement rendu le 23 septembre 2020 entre les parties par le conseil de prud’hommes de Tours mais seulement en ce qu’il a condamné la SAS Saines Nettoyage à payer à M. [Z] [V] les sommes de 18’142,66 € au titre des commissions sur chiffre d’affaires, de 1 814,26 € au titre des congés payés afférents, de 13’692 € à titre d’indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Dit que le licenciement de M. [Z] [V] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

Déboute M. [Z] [V] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SAS Saines Nettoyage à payer à M. [V] les sommes de 10’000 € brut à titre de rappel de commissions et de 1 000 € brut au titre des congés payés afférents ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Saines Nettoyage aux dépens de l’instance d’appel.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier

Karine DUPONT Alexandre DAVID

 


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