Compte personnel de formation : 15 décembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/01822

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Compte personnel de formation : 15 décembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/01822
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 83C

15e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 DECEMBRE 2022

N° RG 21/01822

N° Portalis DBV3-V-B7F-USAV

AFFAIRE :

[F] [P]

C/

S.A.S. VAUBAN AUTOMOBILE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 octobre 2015 par le Conseil de Prud’homme de – Formation

N° Section : Commerce

N° RG : 15/00061

Copies certifiées conformes et copies exécutoires délivrées à :

Me Ghislain DADI de la SELAS DADI AVOCATS

Me Jérôme BIEN

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant, initialement fixé au 25 mai 2022, prorogé au 22 juin 2022, puis au 21 septembre 2022, différé au 22 septembre 2022, puis prorogé au 27 octobre 2022, puis prorogé au 17 novembre 2022, puis prorogé au 15 décembre 2022, les parties ayant été avisées, dans l’affaire entre :

DEMANDEUR devant la cour d’appel de Versailles saisie le 10 juin 2021 comme cour de renvoi, en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation du 08 janvier 2020 (45 F-D) cassant et annulant l’arrêt n° 516 rendu le 30 novembre 2017 par la cour d’appel de Versailles – 11ème chambre- RG 15/05082

Monsieur [F] [P]

né le 10 Avril 1961

[Adresse 1]

[Localité 4]

Comparant, assisté de Me Ghislain DADI de la SELAS DADI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0257

****************

DÉFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

S.A.S. VAUBAN AUTOMOBILE

N° SIRET : 609 800 495

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Jérôme BIEN, Constitué, avocat au barreau de DEUX-SEVRES – Représentant : Me Anne LOEFF de la SELAS ACTY, Plaidant, avocat au barreau de DEUX-SEVRES, vestiaire : 100

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 16 mars 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Perrine ROBERT, Vice-président placé,

Greffier lors des débats : Madame Carine DJELLAL,

EXPOSE DU LITIGE :

A compter du 16 décembre 2002, Monsieur [F] [P] a été engagé en qualité de conseiller clientèle services par la société par actions simplifié Vauban Automobile, dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée.

La relation de travail entre les parties est régie par la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l’automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile. La société emploie habituellement au moins onze salariés.

Le 30 mai 2007, le salarié a été élu membre du comité d’entreprise et délégué du personnel. Ces mandats électifs n’ont pas été renouvelés à l’issue des élections professionnelles des 25 juin et 10 juillet 2012.

Par la suite, il a été désigné en qualité de délégué syndical par le syndicat CGT et est devenu membre du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).

Par requête reçue au greffe le 16 décembre 2013, il a saisi le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise, afin notamment d’obtenir le paiement de diverses sommes en réparation de préjudices causés par une discrimination syndicale.

En parallèle, le 2 décembre 2014, il a signé un avenant à son contrat de travail mentionnant qu’il occupait un poste de gestionnaire de garantie depuis le 3 novembre précédent.

Par jugement du 28 octobre 2015, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes a :

– débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes ;

– débouté la société de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– mis les dépens à la charge du salarié.

Par déclaration au greffe du 13 novembre 2015, le salarié a interjeté appel de cette décision.

A compter du 26 janvier 2017, le salarié a accepté d’occuper un poste de contrôleur qualité et prévoyance.

Par arrêt du 30 novembre 2017, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, la 11ème chambre de la cour d’appel de Versailles a :

– écarté des débats les pièces numérotées 17 à 30 communiquées par le conseil du salarié le 24 août 2017 ainsi que les conclusions ayant été adressées à cette date au conseil de la société ;

– confirmé le jugement en toutes ses dispositions ;

– condamné le salarié à verser à la société la somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté le salarié de sa demande formée par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné le salarié aux dépens.

Le salarié a formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cette décision.

Par arrêt du 8 janvier 2020, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, la chambre sociale de la Cour de cassation a

– cassé et annulé, en toutes ses dispositions l’arrêt rendu le 30 novembre 2017 ;

– remis, en conséquence, les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d’appel de Versailles, autrement composée ;

– condamné la société aux dépens et à payer au salarié la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration au greffe du 10 juin 2021, Monsieur [P] a saisi la cour de céans comme cour de renvoi après cassation.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 28 février 2022, soutenues oralement à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, il expose notamment que :

– dès lors qu’il a saisi la juridiction prud’homale au mois de décembre 2013, l’article R. 1452-7 du code du travail en sa rédaction antérieure au 20 mai 2016 telle qu’il autorise les demandes nouvelles dérivant d’un même contrat de travail est applicable, ce dont il résulte que ses demandes sont admissibles ;

– il est victime d’une discrimination syndicale depuis près de vingt ans, celle-ci étant caractérisée à la fois par un retard dans l’avancement de sa carrière (laquelle a stagné après son engagement syndical, contrairement à celle de ses collègues placés dans une situation comparable, ce sans justification objective) et dans sa rémunération (qui n’a fait l’objet d’aucune augmentation individuelle depuis son premier mandat, alors que ses collègues placés dans une situation comparable sont mieux payés et régulièrement augmentés, outre le fait qu’il est défavorisé dans l’attribution de primes) ;

– il a fait l’objet d’un avertissement injustifié le 16 novembre 2015, lié à ses mandats ;

– l’employeur a usé de différents stratagèmes pour faire en sorte qu’il ne bénéficie pas des formations qu’il avait sollicitées pour exercer ses nouvelles fonctions ;

– le traitement différencié qu’il a subi durant toute sa carrière au sein de la société lui a causé un préjudice, au vu des souffrances morales qu’il a endurées et de l’image de lui qu’a véhiculée l’employeur au sein de l’entreprise ;

– il a été victime de faits répétés de harcèlement moral qui ont dégradé ses conditions de travail, au vu notamment des rétrogradations successives dont il a fait l’objet, de sa mise à l’écart, de l’absence d’augmentation de son salaire, de la privation de travail qu’il a subie.

Il demande à la cour de :

– Infirmer le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau :

– Dire qu’il est victime de discrimination syndicale ;

– Condamner la société à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice pécuniaire causé par la discrimination :

– Salaire de base et prime qualité de 2007 à 2015 : 51.833,60 euros ;

– Prime mensuelle sur le nombre d’heures de l’équipe mécanique de 2017 à 2021 : 1.470 euros ;

– Prime semestrielle sur la qualité de l’équipe mécanique de 2017 à 2021 : 6.720 euros ;

– Condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

– 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé par la discrimination ;

– 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral ;

– 1.500 euros euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de formation ;

– Ordonner à la société de lui faire suivre des formations adaptées aux fonctions de contrôleur de qualité

– Annuler l’avertissement du 16 novembre 2015

– Condamner la société à lui verser la somme de 1.500 euros pour sanction injustifiée ;

– Ordonner à la société de lui remettre les bulletins de paie des mois de février 2017 et jusqu’au mois suivant la notification de la décision de la cour, rectifiés (indiquant comme emploi « contrôleur qualité et convoyeur ») ;

– Assortir la remise de ces bulletins de paie rectifiés d’une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l’arrêt et se réserver le pouvoir de la liquider ;

– Condamner la société à prendre en charge les frais irrépétibles à hauteur de 2.000 euros et aux entiers dépens.

En réplique, par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 3 mars 2022, soutenues oralement à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, la société Vauban Automobile, intimée, soutient en substance que :

– le salarié ne fournit aucun élément laissant supposer une quelconque discrimination syndicale en lien avec sa carrière et/ou son salaire et ne justifie nullement des sommes qu’il réclame, en ce qu’il n’est pas établi qu’il s’est vu imposer des rétrogradations (l’appelant ayant lui-même sollicité une nouvelle orientation et signé sans réserve les avenants qui lui ont été proposés, lorsqu’il a accepté les postes de gestionnaire de garantie puis de contrôleur qualité et prévoyance), en ce qu’il indique de façon mensongère qu’il ne percevait plus de primes sur son poste de contrôleur qualité et prévoyance alors qu’il n’a jamais bénéficié de primes aussi élevées que sur ce poste, en ce que ses propres carences expliquent son absence d’évolution salariale en comparaison avec ses collègues ;

– le salarié n’apporte aucun élément établissant que son prétendu refus de tenir compte de la formation qu’il a suivie en 2012 pour obtenir une revalorisation de poste ou d’échelon ou que le refus opposé à sa demande de formation en 2017 étaient liés à son mandat syndical ;

– les allégations de l’appelant concernant la discrimination dans l’exécution de son contrat de travail et en termes de rémunération dont il se prévaut sont inexactes ou infondées ;

– outre le fait que la demande du salarié relative à l’annulation de l’avertissement est devenue sans objet en ce qu’elle ne peut se prévaloir dudit avertissement à l’appui d’une nouvelle sanction en application du délai triennal résultant de l’article L. 1332-5 du code du travail, le salarié n’a nullement remis en cause les faits qui lui étaient reprochés dans la lettre de contestation qu’il a rédigée ;

– la demande du salarié au titre du harcèlement moral est infondée, celui-ci n’étayant aucunement ses affirmations, alors qu’elle a précédemment démontré que ses différentes allégations n’étaient pas fondées.

Par conséquent, elle demande à la cour de :

In limine litis,

– Rejeter les demandes nouvelles de l’appelant au visa de l’art 564 du Code de procédure civile

Sur les autre demandes,

– Confirmer le jugement ;

– Dire que l’appelant ne produit aucun élément de nature à laisser supposer qu’il a été discriminé en terme de carrière et /ou de rémunération et/ou dans l’exercice de ses attributions, au regard de son mandat syndical ;

– Le débouter en conséquence de l’ensemble de ses demandes de ce chef ;

Subsidiairement,

– Dire et juger que le salarié a perçu l’ensemble de ses primes ;

– En conséquence, le débouter de ses demandes de condamnations de ce chef ;

– Dire que sa demande d’annulation de l’avertissement est prescrite ;

– En conséquence, le débouter de sa demande de ce chef ;

– Dire que le salarié ne justifie d’aucun harcèlement moral ;

– En conséquence, le débouter de sa demande de ce chef ;

– En tout état de cause, débouter l’appelant de l’ensemble de ses demandes ;

– Condamner l’appelant au paiement d’une indemnité de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS :

Sur la demande de rejet de demandes nouvelles :

Il résulte des articles 8 et 45 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 que les dispositions de l’article R. 1452-7 du code du travail, aux termes desquelles les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel, demeurent applicables aux instances introduites devant les conseils de prud’hommes antérieurement au 1er août 2016.

En l’espèce, il est constant que le salarié a saisi le conseil de prud’hommes le 16 décembre 2013.

Il en résulte que l’instance ainsi introduite est soumise au principe de la recevabilité en appel des demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail.

Dès lors que l’ensemble des demandes formées par le salarié découlent du contrat de travail le liant à l’intimée, il y a lieu de dire recevables les demandes qu’il a formées au titre de la prime mensuelle sur le nombre d’heures de l’équipe mécanique, sur la prime semestrielle sur la qualité de l’équipe mécanique et à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Sur l’avertissement du 16 novembre 2015 :

La circonstance selon laquelle l’avertissement contesté ne peut désormais plus être invoqué à l’appui d’une nouvelle sanction en application de l’article L. 1332-5 du code du travail dans la mesure où il a été notifié au salarié le 16 novembre 2015 ne saurait le priver de la faculté de demander son annulation.

Le salarié s’est vu notifier l’avertissement litigieux dans les termes suivants :

‘En date du mardi 10 Novembre 2015, M. [E] vous a demandé de porter assistan[c]e à Mme [U] dans le cadre de son classement et vous avez refusé prétextant que ce n’était pas dans vos attributions. Afin d’appuyer votre refus d’obéir, vous avez ajouté qu’il y avait suffisamment de chômeurs en France pour embaucher.

Par la suite, et sans même une volonté de vous excuser, vous êtes revenu sur vos propos pour préciser que si vous étiez dans l’obligation de le faire, vous le feriez.

Il s’agit là d’un comportement inacceptable au sein de l’entreprise et nous ne pouvons tolérer.

De ce fait, nous vous rappelons que de par votre contrat de travail, vous êtes placé sous un lien de subordination vis-à-vis de votre employeur. Cela suppose que vous devez respecter les consignes qui vous sont données, auquel cas, votre comportement représenterait un manquement à vos obligations contractuelles.

Au regard des faits qui vous sont reprochés, je vous adresse donc cette présente lettre à titre d’Avertissement qui sera porté à votre dossier.’

Le salarié se réfère à un courrier du 26 novembre 2015 qu’il a transmis à la société en réponse à cet avertissement.

Il convient de relever qu’aux termes de ce courrier, l’appelant se limite à critiquer la société, à remettre en cause le terme d’ ‘assistance’ employé dans le courrier d’avertissement et à souligner son investissement au service de la société.

Ainsi, in fine, il n’a pas contesté la matérialité des faits qui lui sont reprochés, à savoir le refus de déférer à une demande de sa hiérarchie visant à ce qu’il apporte de l’aide à une collègue de travail, lesquels sont ainsi établis.

Dès lors qu’il est établi que le salarié à refusé d’appliquer une consigne de son employeur et à se conformer à son pouvoir de direction, ce dernier était fondé à lui notifier un avertissement.

Le salarié sera donc débouté de ses demandes d’annulation de la sanction du 16 novembre 2015 et de dommages et intérêts y afférents.

Sur les demandes au titre de l’obligation de formation :

Il résulte de l’article L. 6321-1 du code du travail que l’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.

En l’espèce, s’il n’est pas établi que la société a, à dessein, organisé une formation au bénéfice de l’appelant alors que celui-ci était convoqué par la Direccte, elle n’apporte pas d’élément suffisant à démontrer qu’elle s’est conformée à son obligation de formation.

A ce titre, les attestations établies par Monsieur [O] [B] et Monsieur [V] [L], qui indiquent, pour le premier, qu’il a été témoin à plusieurs reprises des formations au traitement de garantie dispensée par Monsieur [E] au profit de l’appelant et, pour le second, de ce que l’appelant a reçu de multiples heures de formation au traitement de la gestion des procédures de garantie par son supérieur hiérarchique apparaissent ainsi excessivement vagues pour démonter qu’il a satisfait à son obligation.

Pour autant, le salarié n’apporte aucun élément permettant de caractériser le préjudice que lui aurait causé ce manquement de l’employeur.

Il sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de formation.

Par ailleurs, il n’y a pas lieu d’ordonner à la société de faire suivre à l’appelant des formations adaptées aux fonctions de contrôleur de qualité.

Sur la discrimination alléguée :

Il résulte notamment de l’article L. 1132-1 du code du travail qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d’horaires de travail, d’évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses activités syndicales ou mutualistes.

Par ailleurs, l’article L. 2141-5, alinéa 1er du code du travail dispose qu’il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

Selon l’article L. 1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance du principe de non-discrimination, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, au soutien de ses allégations selon lesquelles il a fait l’objet d’une discrimination liée à l’exercice de son activité syndicale dans l’avancement de sa carrière, le salarié fait état de différents éléments :

– alors que ses bulletins de paie ont fait apparaître dans un premier temps qu’il occupait des fonctions de responsable clientèle après-vente, il a été rétrogradé au poste de réceptionnaire après-vente en 2013 ;

– il n’a connu aucune évolution dans son poste de réceptionnaire après-vente, contrairement à plusieurs de ses collègues (à savoir Monsieur [W], qui occupait un poste d’un niveau hiérarchique supérieur alors qu’il a intégré l’entreprise après lui, et Messieurs [C] et [M], qui occupaient les mêmes fonctions que lui mais bénéficiaient d’un échelon supérieur, en dépit de leurs expériences de durées moindres ;

– il a fait l’objet d’une nouvelle rétrogradation en 2014, en étant contraint de signer (pour ne pas être licencié) un avenant stipulant sa nomination au poste gestionnaire de garantie, son poste correspondant en réalité à celui d’un réceptionnaire après vente ;

– le poste de gestionnaire de garantie, qui a été créé spécifiquement pour lui, a entraîné une nouvelle répartition du travail le privant de tout contact avec la clientèle ;

– l’employeur n’a pas communiqué ses coordonnées aux clients alors qu’il était un interlocuteur essentiel de ces derniers en sa qualité de réceptionnaire ;

– l’employeur ne lui a pas fait bénéficier de la formation de base au poste gestionnaire de garantie et l’a inscrit immédiatement à la formation de niveau 2, alors qu’il venait de prendre son nouveau poste ;

– la société ne lui a fourni aucun travail entre le 26 septembre et le 22 octobre 2014 (à l’issue de son arrêt de travail pour maladie) et entre les mois de juillet 2016 et février 2017 ;

– il a subi une nouvelle rétrogradation discriminatoire en 2017, lorsqu’il a signé une fiche de poste prévoyant sa nomination aux fonctions de contrôleur qualité et prévoyance (sous réserve d’être formé pour ce poste’), lequel semble avoir été créé pour lui et qu’il consistait principalement en des tâches de convoyeur et subsidiairement au contrôle des démarches qualités (bien que la fiche de poste ‘sembl[ait] décrire l’inverse’) alors qu’il ne disposait pas de voiture de service et était obligé de solliciter les voitures de service de ses collègues ou toute autre voiture disponible sur le site ;

– il n’a bénéficié d’aucune formation au poste de contrôleur qualité et prévoyance, au-delà de la demi-heure d’explication que lui a consacrée son responsable, la société ayant refusé par courrier qu’il mobilise son compte personnel de formation pour bénéficier d’une formation en bureautique à cette fin.

S’agissant de la discrimination syndicale qui se serait traduite dans sa rémunération, l’appelant fait valoir que :

– sa voiture de fonction lui a été retirée en 2006 ;

– alors que ses collègues ont été régulièrement augmentés depuis huit ans, il n’a bénéficié d’aucune augmentation individuelle depuis le mois de mars 2007, à savoir antérieurement à son premier mandat et d’une augmentation unique de 20 euros en 2014 qui correspondait à une augmentation collective, l’intégration de sa prime annuelle et de sa prime d’assiduité dans son salaire de base en 2012 ne constituant que la mensualisation d’une prime ;

– en se voyant attribuer un nombre de clients bien moindre à celui de ses collègues lorsqu’il était réceptionnaire (puis, aucun client lorsqu’il est devenu gestionnaire de garantie) et compte tenu de l’effet de ses absences dans le cadre de ses heures de délégation, il a été privé du bénéfice de la prime de satisfaction client qui imposait d’obtenir vingt réponses de clients à un questionnaire de satisfaction ;

– le montant des primes qu’il perçoit a chuté depuis qu’il exerce des mandats au sein de la société (celui-ci s’élevait à 1.940,67 euros en 2003, a représenté 629,50 euros en 2008 puis 1.003,50 euros en 2009 puis et devenu nul en 2015) ;

– alors que le document par lequel il a accepté les fonctions de gestionnaire de garantie prévoyait qu’il bénéficierait d’une prime variable identique à celle des chefs d’équipe atelier, il a été indûment privé de l’attribution de la prime mensuelle sur le nombre d’heures de l’équipe mécanique pour les contrôleurs qualité, alors qu’il a atteint les objectifs en la matière entre 2017 et 2021 ;

– il n’a jamais perçu la prime semestrielle sur la qualité de l’équipe mécanique pour les contrôleurs qualité prévue par le Pay Plan APV 2021, alors qu’il occupe les fonctions de contrôleur qualité depuis le 26 janvier 2017.

Le salarié soutien par ailleurs qu’il a fait l’objet d’une sanction discriminatoire le 16 novembre 2015.

A l’appui de son argumentation, il se réfère en particulier :

– à l’avenant contractuel qu’il a signé le 2 décembre 2014 et qui prévoit sa nomination au poste de gestionnaire de garantie ;

– à la fiche du poste de gestionnaire de garantie qui lui a été remise par son employeur ainsi que les fiches conventionnelles correspondant aux postes de réceptionnaire après-vente et de spécialiste garantie-après vente ;

– à un document intitulé ‘Vos interlocuteurs service après-vente’, lequel ne mentionne pas ses nom et coordonnées parmi ceux des réceptionnaires indiqués ;

– à une convocation au stage ‘Traitement de la garantie – Niveau 2″ datée du 16 mars 2015 ;

– à la fiche de poste correspondant aux fonctions de contrôleur qualité et convoyeur qu’il a reçue le 26 janvier 2017, laquelle porte les mentions manuscrites suivantes : ‘bon pour accord exprès et sans réserve’ et ‘sous réserve d’être formé pour ce poste’ ;

– aux différentes fiches conventionnelles présentant les postes de gestionnaire d’atelier contremaître d’atelier, chef de centre contrôle technique VL, chef de centre contrôle technique PL, chef de station, chef de service ; adjoint au chef après-vente responsable d’atelier ;

– au courrier du 6 février 2017 par lequel son employeur a refusé qu’il utilise son compte personnel de formation pour bénéficier de formations aux logiciels de bureautique Excel et Word durant huit jours, pendant son temps de travail ;

– à un courrier daté du 8 octobre 2013 par lequel son collègue, Monsieur [C], s’est plaint auprès de sa hiérarchie de ce qu’il était insuffisamment disponible pour effectuer son travail, en raison de ses absences liées à son mandat syndical ;

– à un document intitulé ‘Animation de Conseiller Accueil Services’ daté du mois d’octobre 2015 ainsi qu’à un document signé le 18 avril 2021 intitulé ‘Pay Plan APV 2021 – Contrôleur Qualité’, qui prévoient le mécanisme de versement des primes sur les heures facturées (le Pay Plan APV 2021 prévoit par ailleurs une prime semestrielle sur la qualité de l’équipe mécanique) ;

– à différents tableaux de suivi concernant les années 2017 à 2020, dont il indique qu’ils laissent apparaître qu’il a atteint ses objectifs entre 2017 et 2021 ;

– ses bulletins de paie des mois de février à mai 2017.

A supposer qu’elles soient avérées (ce qui n’est nullement établi), les affirmations du salarié liées à la rétrogradation au cours de l’année 2003 sont antérieures à la période au cours de laquelle il a exercé son activité syndicale, de sorte qu’elles ne sauraient contribuer à laisser supposer une quelconque discrimination, au même titre que le retrait de sa voiture de fonction en 2006.

De même, ses allégations quant aux déclassement dont il fait état au cours de l’année 2017 en se référant aux descriptifs de fonctions conventionnels ne sont nullement étayées, en l’absence d’élément probant quant aux missions qu’il exerçait effectivement et quant à leur correspondance avec les postes auxquels il se réfère. La cour observe notamment qu’il ne justifie aucunement de l’exercice d’activités d’encadrement.

S’agissant de l’absence de communication de ses nom et coordonnées aux clients de la société, la fiche de présentation qu’il verse aux débats est dépourvue de force probante, en ce qu’aucun élément ne permet de la situer dans le temps et de prouver que les fonctions qu’il occupait alors justifiaient qu’il soit mentionné parmi les interlocuteurs du service après-vente.

En outre, il n’est pas établi que l’employeur a manqué à son obligation de fournir du travail au salarié pour la période comprise entre le 26 septembre et le 22 octobre 2014, ce dernier reconnaissant avoir été placé en congés payés durant cette période, de sorte qu’il ne se tenait pas à la disposition de la société.

En revanche, les éléments dont fait par ailleurs état le salarié laissent apparaître que l’évolution de sa rémunération a été moins importante que celle de ses collègues, comme le reconnaît l’employeur.

Ainsi, alors que son salaire de base était fixé à 2.050 euros bruts par mois entre 2007 et 2011, avant d’atteindre 2.244 euros bruts en 2014 par l’effet de l’intégration de ses primes de fin d’année d’assiduité dans son salaire et d’une augmentation générale de salaire, la rémunération de Monsieur [M], qui a été engagé en 2007 en qualité de réceptionnaire après-vente, est passée de 1.950 euros à 2.300 euros en 2010 et a atteint 2.536 euros bruts en 2014. De même, la rémunération de Monsieur [C], engagé en qualité de réceptionnaire après-vente en 2012 a évolué de 2.138,40 euros à 2.390 euros en 2014 (il n’apparaît en revanche par opportun de comparer la carrière du salarié avec celle de Monsieur [W], compte tenu des particularités du parcours de ce dernier, qui a quitté la société avant de la réintégrer à un niveau hiérarchique différent).

S’agissant de la prime de satisfaction client, de la prime mensuelle sur le nombre d’heures de l’équipe mécanique pour les contrôleurs qualité et de la prime semestrielle sur la qualité de l’équipe mécanique pour les contrôleurs qualité, l’intimée ne conteste pas leur absence de versement ou leur paiement partiel au salarié.

En ce sens, les changements de fonction successifs du salarié en 2014 et en 2017 ont par ailleurs été susceptibles d’avoir une incidence sur sa rémunération.

En outre, l’employeur reconnaît qu’il a refusé au salarié de bénéficier d’une formation à la bureautique dans le cadre de son compte personnel de formation en 2017.

En tout état de cause, l’employeur se borne à affirmer que le salarié ‘n’établit aucunement ses mises au placard’ entre les mois de juillet 2016 et février 2017 et n’apporte aucun élément permettant de démontrer qu’il s’est conformé à son obligation de fourniture de travail.

Par ailleurs, il est constant que le salarié a fait l’objet d’un avertissement le 16 novembre 2015, dans les jours qui ont suivi la notification du jugement qui l’opposaient à son employeur.

De façon générale, ces éléments laissent supposer l’existence d’une discrimination.

Par conséquent, il appartient à l’employeur de prouver que l’ensemble des décisions contestées est justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En réplique, pour soutenir que l’évolution du salaire, l’exécution de son contrat de travail et la rémunération du salarié sont étrangères à toute discrimination fondée sur son état de santé, l’employeur soutient notamment que:

– le salarié a accepté, sans avoir fait l’objet d’une contrainte, d’être nommé gestionnaire de garantie en signant sans réserve le 2 décembre 2014 un avenant ;

– le poste de gestionnaire de garantie a été créé pour le salarié en tenant compte de ses compétences et appétences, au vu notamment de ‘son tempérament coléreux et exagérément susceptible’, qui entraînait des conséquences dans ses relations avec ses collègues et sa hiérarchie ainsi que sur ses résultats ;

– le salarié a immédiatement bénéficié de la formation de niveau 2 au poste de gestionnaire de garantie, dans la mesure où la formation de niveau 1 (destinée à la découverte de la garantie) ne lui était pas nécessaire, en ce que ses précédentes fonctions lui avaient permis de traiter de la garantie, une formation lui ayant par ailleurs été dispensée par son responsable hiérarchique, Monsieur [E] ;

– l’affectation du salarié au poste de gestionnaire de garantie n’a pas occasionné de perte de rémunération, en ce que l’avenant qu’il a signé prévoyait qu’il bénéficierait de primes alignées sur celles d’un chef d’équipe mécanique et qu’il en a effectivement bénéficié lorsqu’il a rempli les conditions fixées par les pay plans ;

– le salarié a librement signé le 26 janvier 2017 la fiche du poste de contrôleur qualité et convoyeur qui lui a été confié, alors qu’il n’était pas parvenu à s’adapter à ses fonctions liées au traitement des garanties ;

– le salarié n’a jamais perçu de primes d’un niveau aussi élevé que celles dont il bénéficie en qualité de contrôleur qualité et convoyeur ;

– la différence entre les rémunérations perçues, d’une part, par l’appelant et, d’autre part, par Monsieur [C] et Monsieur [M] s’explique par le fait que ces derniers ont accepté un forfait en jours (ce que le salarié a refusé) et qu’ils ont obtenu de bons résultats (contrairement au salarié) ;

– le refus opposé à la demande de formation formée par le salarié en 2017 était justifié par des raisons d’organisation de service et dans la mesure où elle a été formulée sans respecter le délai de prévenance de 60 jours ;

– le salarié n’établit nullement les ‘mises au placard’ dont il affirme avoir fait l’objet en raison de ses revendications syndicales, aucun autre délégué syndical ne s’étant plaint d’un quelconque traitement discriminatoire ;

– le salarié n’a pas atteint les objectifs justifiant le versement des primes de satisfaction client dont il sollicite le versement ;

– outre le fait qu’il ne saurait se prévaloir du pay plan de l’année 2016 pour les primes sur les heures facturées dont il sollicite le versement pour les années 2017 et 2020, le salarié ne remplit pas les conditions de versement des primes dont il sollicite le paiement à ce titre ;

– alors que seuls les pay plans pour les années 2020 et 2021 ont prévu une prime qualité de sorte que le salarié ne saurait solliciter le paiement de ladite prime pour les années précédentes, celui-ci a été justement rémunéré à ce titre au premier semestre de l’année 2021 ;

– l’avertissement notifié au salarié est justifié.

Au soutien de ses allégations, l’employeur verse notamment aux débats :

– différentes copies de comptes rendus d’évaluation du salarié, dont l’un daté du 3 juillet 2013 qui comporte notamment la mention suivante : ‘voir pour une proposition d’orientation à un autre poste’ ;

– une lettre manuscrite non datée rédigée par un dénommé Monsieur [K] [A], qui indique qu’il travaille pour la société depuis le 22 juillet 2013 et se voit régulièrement reprocher par l’appelant de s’investir dans son travail ;

– une lettre datée du 8 octobre 2013 par laquelle Monsieur [C] indique que sa charge de travail était ‘bien supérieure’ à celle de l’appelant, en raison de son inefficacité liée à ses absences régulières à son poste de travail ;

– des documents de présentation de la formation ‘Traitement de la garantie’ (niveaux 1 et 2), qui montrent notamment que la formation de niveau 1 visait à former sur les règles et conditions générales de la garantie et des contrats de service ;

– des attestations établies par Monsieur [B] et Monsieur [L] qui indiquent, en substance, que l’appelant a bénéficié de nombreuses heures de formation au traitement de la gestion des procédures de garantie dispensées par son supérieur hiérarchique ;

– de bulletins de paie de Monsieur [M] et de Monsieur [C] concernant différents mois des années 2013 et 2014, qui montrent notamment qu’ils étaient rémunérés dans le cadre d’un forfait en jours ;

– des comptes-rendus d’entretien d’évaluation concernant Monsieur [C] et Monsieur [M] pour les années 2011 et 2012 ;

– des tableaux de résultats trimestriels pour les années 2011 à 2013 concernant le nombre de questionnaires traités et l’éligibilité à la prime de satisfaction client ;

– un courrier intitulé ‘rappel à l’ordre’ daté du 30 novembre 2010 aux termes duquel elle a indiqué au salarié que son taux de saisie de courriers électroniques de clients de situait en-deçà de 20 % ;

– une attestation établie par Monsieur [S], coordinateur après-vente de la société, qui indique que les primes de performance relative aux heures facturées durant un mois donné étaient payées le mois suivant.

Les courriers de plaintes de salariés dirigées contre le comportement de l’appelant, telles qu’ils sont versés aux débats par l’employeur, sont dépourvus de force probante. D’une part, le courrier rédigé par Monsieur [A] n’est pas daté et excessivement imprécis quant aux griefs qu’il contient. D’autre part, le courrier rédigé par Monsieur [C] ne permet pas de distinguer les reproches que ce dernier met en relation avec ses absences, légitimes, liées à ses activités syndicales de ceux qui seraient étrangers à ces dernières.

Au vu de l’ensemble des éléments produits par les parties, les différences de salaires entre, d’une part, l’appelant et, d’autre part, Monsieur [C] et Monsieur [M], apparaissent objectivement justifiées, dans la mesure où ces derniers ont accepté de conclure une convention de forfait en jours (laquelle justifie une majoration de 25 % du salaire minimum conventionnel à hauteur de 25 %, selon l’article 1.09 de la convention collective applicable).

Au surplus, il se déduit des comptes-rendus d’entretiens d’évaluation de Monsieur [C] et Monsieur [M] que leurs performances ont pu justifier l’octroi d’augmentations individuelles, auxquelles l’appelant ne pouvait prétendre au vu de ses résultats.

Plus généralement, au vu des pièces produites par les parties, et notamment des comptes rendus d’entretien d’évaluation du salarié, ce dernier ne saurait faire grief à l’employeur de ne pas lui avoir permis de progresser au sein de la société.

S’agissant de la prime de satisfaction client, les tableaux produits par l’employeur laissent apparaître que le salarié n’a pas atteint les objectifs lui permettant de bénéficier du versement desdites primes. Bien que le salarié reproche à l’employeur de ne pas avoir tenu compte de ses absences liées à ses heures de délégation, il reste excessivement général quant aux conséquences de l’exercice de ses activités syndicales sur l’atteinte de ses résultats, au regard des objectifs qui lui incombaient.

De même, en ce qui concerne la prime semestrielle sur la qualité de l’équipe mécanique pour les contrôleurs qualité, il n’est pas établi que celle-ci s’appliquait antérieurement à l’année 2020, celle-ci n’étant prévue que par les pay plans des années 2020 et 2021. S’agissant de la période couverte par ladite prime, les tableaux produits par les parties démontrent que le salarié avait été informé du barème applicable, lequel a justifié le versement d’une somme à son bénéfice à hauteur de 575 euros au titre du premier semestre 2021.

En tout état de cause, à supposer que ses changements de postes successifs aient pu avoir une incidence sur le montant de ces primes dont il a bénéficié, la cour relève que la salarié a accepté ces modifications contractuelles, dans un contexte où son inadaptation à ses fonctions antérieures a été soulignée lors de son entretien d’évaluation de l’année 2013. En tout état de cause, il ne résulte d’aucun élément du dossier qu’il a pu faire l’objet de contraintes en ce sens.

Au surplus, il a été montré que l’avertissement notifié au salarié était justifié par son attitude lorsque sa hiérarchie lui a demandé d’apporter de l’aide à l’une de ses collègues de travail.

Cela étant, en ce qui concerne la prime sur les heures facturées dues aux contrôleurs qualité, les modes de calcul des résultats atteints exposés par les parties diffèrent. Si l’employeur indique notamment, pour le calcul de la prime due au titre du mois de juin 2017, qu’ ‘il faut regarder la performance de VA8 mécanique du mois de mai 2017 additionnée à celle du service rapide de VA8 du même mois’, il ne fournit aucun élément permettant de prouver que cette règle complexe avait été portée à la connaissance du salarié préalablement aux périodes concernées par le paiement de ces primes.

Ainsi, l’employeur ne démontre nullement que l’absence de paiement de cette prime était objectivement justifiée.

Par ailleurs, la société ne fournit aucun élément permettant de justifier objectivement l’absence de fourniture de travail au salarié entre les mois de juillet 2016 et février 2017.

En outre, bien qu’il justifie son refus opposé à la demande de formation formulée par le salarié en 2017 (par des raisons d’organisation de service et en raison du caractère tardif de la demande), l’employeur n’apporte pas d’élément suffisant à démontrer qu’il a formé le salarié à ses fonctions successives.

La discrimination syndicale alléguée est dès lors caractérisée.

Le salarié sera justement indemnisé du préjudice subi du fait de cette discrimination par le versement de la somme de 1.000 euros en réparation de son préjudice matériel et par la somme de de 3.000 euros en réparation de son préjudice moral.

Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

Sur le harcèlement moral :

Selon l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L. 1154-1 du code du travail prévoit que lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, au soutien de ses allégations selon lesquelles elle aurait fait l’objet d’un harcèlement moral au travail, le salarié fait valoir que :

– il a été rétrogradé à différentes reprises, jusqu’à occuper des fonctions ne lui permettant plus d’exercer son travail de manière effective ;

– il n’a bénéficié d’aucune augmentation de salaire ;

– il a été mis à l’écart de la clientèle et de ses collègues ;

– il a été maintenu à l’échelon conventionnel 20 avant d’être rétrogradé à l’échelon 12 de manière discriminatoire ;

– il a été empêché de participer à des formations professionnelles ;

– il a été privé de travail entre le 24 juillet 2016 et le mois de février 2017 ;

– depuis qu’il occupe des fonctions de contrôleur qualité et convoyeur, il est de nouveau tenu à l’écart.

Ainsi qu’il a été montré précédemment, la matérialité des agissements dont le salarié fait état est partiellement établie, en particulier en ce qu’aucun travail ne lui a été fourni par l’employeur entre les mois de juillet 2016 et février 2017, en ce qu’il n’a que partiellement bénéficié du versement de la prime mensuelle sur le nombre d’heures de l’équipe mécanique et en ce que l’employeur a manqué à son obligation de formation.

Dès lors qu’ils ont notamment conduit à une mise à l’écart du salarié, ces agissements ont été susceptibles d’entraîner une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Pris dans leur ensemble, ces éléments laissent donc supposer l’existence d’un harcèlement moral.

Alors que l’employeur ne justifie que partiellement l’absence de formation du salarié (comme il a été montré précédemment), il ne fournit aucune justification quant à l’absence de fourniture de travail entre les mois de juillet 2016 et février 2017. De même, il ne produit pas d’éléments suffisants à justifier l’absence partielle de versement de la prime mensuelle sur le nombre d’heures de l’équipe mécanique.

Il est donc établi que le salarié a été victime de harcèlement moral.

Ce harcèlement moral lui a causé un préjudice distinct de celui résultant de la discrimination. Il convient de lui allouer en réparation une somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral.

Sur les autres demandes :

La remise des bulletins de paie rectifiés, faisant mention de l’emploi du salarié au poste de contrôleur qualité et convoyeur depuis le mois de février 2017 (comme le reconnaît l’employeur) s’impose, sans qu’il n’y ait lieu de prévoir une astreinte.

La société, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et sera déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu d’allouer une somme de 2.000 euros au salarié en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Vu l’arrêt de la Cour de cassation en date du 8 janvier 2020 ;

Dit recevables les demandes formées par Monsieur [F] [P] au titre de la prime mensuelle sur le nombre d’heures de l’équipe mécanique, de la prime semestrielle sur la qualité de l’équipe mécanique et à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

Confirme le jugement rendu le 28 octobre 2015 par le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise, sauf en ce qu’il déboute le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination syndicale et de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

Statuant à nouveau sur ce point et y ajoutant :

Condamne la société par actions simplifié Vauban Automobile à payer à Monsieur [F] [P] les sommes suivantes :

– 1.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel causé par la discrimination syndicale subie ;

– 3.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral causé par la discrimination syndicale subie ;

– 2.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral causé par le harcèlement moral subi ;

– 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne à la société par actions simplifié Vauban Automobile de remettre à Monsieur [F] [P] des bulletins de paie rectifiés, faisant mention de l’emploi au poste de contrôleur qualité et convoyeur depuis le mois de février 2017 ;

Dit n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la société par actions simplifié Vauban Automobile aux dépens de première instance et d’appel.

– Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Juliette DUPONT, Greffier en pré-affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

 


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