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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE – SECTION B
————————–
ARRÊT DU : 05 JANVIER 2023
PRUD’HOMMES
N° RG 21/00841 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-L55K
Monsieur [M] [X]
c/
EURL ECS SERVICES en liquidation judiciaire
S.C.P. [V] [W] es qualités de liquidateur judiciaire de l’EURL ECS SERVICES
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 3]
Nature de la décision : AU FOND
,
Grosse délivrée aux avocats le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 janvier 2021 (R.G. n°19/00937) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d’appel du 10 février 2021,
APPELANT :
[M] [X]
né le 22 Avril 1970 à [Localité 5] (ALGERIE)
de nationalité Algérienne, demeurant [Adresse 1]
Représenté et assisté par Me Iwann LE BOEDEC, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉES :
EURL ECS SERVICES en liquidation judiciaire
S.C.P. [V] [W] La SCP [V]-[W] immatriculée sous le numéro 345 154 595 du registre du commerce et des sociétés de BORDEAUX ayant son siège [Adresse 2] agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège ès qualité de liquidateur judiciaire de l’EURL ECS SERVICES dont le siège social est [Adresse 7], immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le numéro 430 276 808
Représentée et assistée par Me Benjamin BLANC, avocat au barreau de BORDEAUX
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 3] Association déclarée, représentée par sa Directrice Nationale, Madame [L] [B], domiciliée en cette qualité audit siège [Adresse 6]
Représentée par Me Philippe HONTAS de la SELARL HONTAS ET MOREAU, avocat au barreau de BORDEAUX
Assistée de Me Juliette CAILLON de la SELARL HONTAS ET MOREAU
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 09 novembre 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Eric Veyssière, président,
Madame Sophie Masson, conseillère,
Madame Sophie Lésineau, conseillère,
qui en ont délibéré.
greffière lors des débats : Mme Sylvaine Déchamps,
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
Exposé du litige
Selon un contrat de travail à durée indéterminée du 20 juillet 2016, la société Ecs Services a engagé M. [X] en qualité d’agent de prévention et de sécurité SSIAP 1.
Par jugement du 4 avril 2018, le tribunal de commerce de Bordeaux a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société Ecs Services laquelle a été placée sous le régime de la liquidation judicaire par jugement du 8 janvier 2020.
Par courrier du 14 janvier 2019, la société Ecs Services a convoqué M. [X] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 23 janvier 2019.
Le 28 janvier 2019, la société Ecs Services a notifié à M. [X] une mutation disciplinaire sur le site de Metro [Localité 4].
A compter du 30 janvier 2019, M. [X] a été placé en arrêt maladie.
Le 31 janvier 2019, M. [X] a contesté cette sanction disciplinaire.
Le 14 février 2019, M. [X] a sollicité de son employeur le paiement d’heures supplémentaires impayées.
Le 4 mars 2019, la société Ecs Services a demandé au salarié de lui transmettre un relevé des heures contresignées par le chef de service.
Le 13 mai 2019, le médecin du travail a déclaré M. [X] inapte à son poste sans possibilité de reclassement.
Le 17 juin 2019, M. [X] a été licencié pour inaptitude.
Le 27 juin 2019, M. [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Bordeaux aux fins de
voir fixer au passif de la société Ecs Services des créances :
à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, outre les congés payés y afférents,
à titre de contrepartie obligatoire en repos,
à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés de la mutation illégitime,
à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés de l’absence de déclaration des heures de travail sur le CPF,
à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférents,
à titre d’indemnité de licenciement,
à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,
à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices consécutifs au manquement de l’obligation de loyauté,
Par demande reconventionnelle, la société [V] [W], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Ecs Services a sollicité du conseil de prud’hommes qu’il condamne M. [X] au paiement d’une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 15 janvier 2021, le conseil de prud’hommes de Bordeaux a :
fixé la créance de M. [X] au passif de la liquidation judiciaire de la société Ecs Services aux sommes suivantes :
1 978,34 euros à titre de solde d’heures supplémentaires,
rappelé que l’exécution provisoire est de droit, dans la limite de 9 mois de salaire, calculés sur la moyenne des 3 derniers mois, soit 1 884,52 euros,
11 308,92 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
750 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,
débouté M. [X] du surplus de ses demandes,
débouté la société [V] [W], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Ecs Services, de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
rendu le présent jugement opposable à la société [V] [W], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Ecs Services ainsi qu’à l’Ags Cgea, dans la limite légale de sa garantie.
Par déclaration du 10 février 2021, M. [X] a relevé appel du jugement.
Par ses dernières conclusions du 7 octobre 2021, M. [X] sollicite de la Cour qu’elle :
juge inconventionnels et en tout état de cause inapplicables les barèmes instaurés par l’article L 1235-3,
déboute les intimés de l’ensemble de leurs demandes,
confirme le jugement déféré en ce qu’il a considéré le salarié comme victime de travail dissimulé,
infirme le jugement déféré pour le surplus,
juge fondée sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
annule la sanction disciplinaire du 28 janvier 2019,
titre d’indemnité compensatrice de congés payés,
353,22 euros au titre de contrepartie obligatoire en repos. En tout état de cause : la somme nette de 8 847,17 euros assortie, d’une part, de la remise d’un bulletin de salaire mentionnant ‘rappel de salaire au titre des heures supplémentaires’ et, d’autre part, de la régularisation des cotisations afférentes (charges salariales et patronales),
11.308,92 euros à titre principal et 9 393,30 euros à titre subsidiaire à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés de la mutation illégitime,
15.000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation des préjudices nés de l’absence de déclaration des heures de travail sur le CPF,
13.193,74 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
3 131,11 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 313,11 euros de congés payés y afférents,
1 195,56 euros à titre d’indemnité de licenciement, figurant au solde de tout compte,
1 746,19 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés figurant au solde de tout compte
5 000 euros en réparation des préjudices consécutifs au manquement à l’obligation de loyauté,
2 500 euros sur le fondement de l’article 700 code de procédure civile,
ordonne la remise d’un solde de tout compte et de documents de rupture rectifiés,
garantisse le paiement des sommes par le Cgea,
condamne l’intimée aux dépens et aux éventuels frais d’exécution forcée.
Aux termes de ses dernières conclusions du 29 juillet 2021, la société [V] [W], es qualités de liquidateur judiciaire de la société Ecs Services, sollicite de la Cour qu’elle
confirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [X] de ses demandes et l’infirme en ce qu’il a fixé au passif de la société Ecs Services les créances au titre des heures supplémentaires (1978,34 euros) et du travail dissimulé (11.308,92 euros).
Le liquidateur demande, en conséquence, le rejet de l’intégralité des demandes du salarié ainsi que la restitution des sommes versées en exécution du jugement (7035,66 euros) et la condamnation de M. [X] à lui payer la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions du 9 juillet 2021, l’Ags Cgea de [Localité 3] demande à la Cour de :
A titre principal,
juger que faute de mentionner dans la déclaration d’appel les chefs de jugement critiqués M. [X] est irrecevable en son appel et qu’en tout état de cause, la cour d’appel n’est pas valablement saisie de ses prétentions et qu’il n’y a pas lieu à statuer en l’absence d’effet dévolutif de l’appel,
prononcer le dessaisissement de la Cour et mettre fin à l’instance d’appel sans qu’il soit statué au fond,
A titre subsidiaire,
déclarer M. [X] irrecevable et mal fondé en son appel,
confirmer le jugement déféré sauf à le réformer en ce qu’il a accordé à M. [X]
1 978,34 euros à titre de solde d’heures supplémentaires,
11 308,92 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
débouter M. [X] de l’intégralité de ses demandes.
juger que M. [X] se doit à titre principal d’être condamné à restituer la somme de 7035, 66 euros et à titre subsidiaire et dans le cas où des condamnations viendraient à être prononcées ayant pour effet de fixer différentes sommes au passif de la liquidation judiciaire, conformément aux articles 1348 et suivants du code civil, dire et juger que la compensation sera prononcée en justice entre les différentes sommes qui viendraient à être allouées et celle de 7 035,66 euros.
à titre subsidiaire, dans le cas où des condamnations viendraient à être prononcées ayant pour effet de fixer différentes sommes au passif de la liquidation judiciaire au titre des heures supplémentaires, conformément aux articles 1348 et suivants du code civil, la compensation sera prononcée en justice entre les différentes sommes qui viendraient à être allouées et celle de 8 847, 17 euros car il ne peut pas être demandé à l’Ags de garantir deux fois les mêmes sommes,
juger que la garantie de l’Ags Cgea de [Localité 3] ne peut pas être recherchée de ces chefs,
En tout état de cause,
juger que la mise en cause de l’Ags Cgea de [Localité 3] dans la présente instance ne peut avoir pour objet que de lui rendre opposable le jugement à intervenir et non d’obtenir une condamnation au paiement qui serait dirigée à son encontre et ce à défaut de droit direct de M. [X] à agir contre lui,
juger que la garantie de l’Ags de [Localité 3] est limitée, toutes sommes et créances avancées confondues, à un ou des montants déterminés par décret, en référence au plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions du régime d’assurance chômage, et inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d’origine légale, ou d’origine conventionnelle imposée par la loi et ce dans les limites des articles L 3253-8 et L. 3253-17 du code du travail et des textes réglementaires édictés pour son application,
juger que la demandes de M. [X] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens ne sont pas garanties par l’Ags Cgea de [Localité 3].
L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 octobre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.
Motifs de la décision
Sur l’effet dévolutif de l’appel
Le CGEA soulève le moyen tiré de l’absence d’effet dévolutif de l’appel car, soutient-il, la déclaration d’appel ne précise pas expressément les chefs de jugement critiqués comme l’exige l’article 562 du code de procédure civile mais se borne à énoncer les demandes formulées par l’appelant.
En l’espèce, la déclaration d’appel énonce expressément que l’appel est limité aux chefs du jugement critiqués et liste les différents chefs correspondant aux demandes rejetées par le conseil de prud’hommes.
Il en résulte que la déclaration d’appel répond aux exigences des articles 562 et 901 du code de procédure civile et a saisi valablement la Cour.
D’où il suit que le moyen soulevé par le CGEA n’est pas fondé.
Sur la demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires
Il résulte des articles L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.
Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Au soutien de sa demande en paiement de la somme de 13.367,10 euros correspondant à 867 heures supplémentaires majorées à 25% et 59,58 heures majorées à 50%, M. [X] produit:
– ses bulletins de paie,
– le courrier qu’il a adressé le 14 février 2019 à l’employeur pour lui signaler le non paiement de la majoration des heures supplémentaires,
– la réponse de l’employeur du 4 mars 2019 lui demandant de lui faire parvenir ses relevés d’heures de travail effectif contresignés par ses chefs de poste,
– les courriels échangés avec le service des ressources humaines dont celui du 2 avril 2019 rédigé en ces termes : ‘ j’ai reçu le calcul des heures par notre expert comptable hier. Il a comptabilisé 867 heures à 25% et 59,58 heures à 50%. Le montant brut est de 9357,36 euros; seront déduites les charges salariales et les indemnités versées à tort ; nous pouvons faire deux bulletins par mois, cela sera donc régularisé sur la paie de mars 2019…)
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre.
Le liquidateur et le CGEA expliquent que les heures ont été réglées sous la rubrique ‘remboursement de frais professionnels ou indemnités de déplacement’ et que cette irrégularité serait due à des négligences des assistantes administratives.
L’examen des bulletins de paie sur la période considérée (1er août 2016 – 31 décembre 2018) confirme la présence d’indemnités de repos compensateur mentionnées en haut du bulletin de paie en négatif dont le montant est repris en positif en bas du bulletin sous la qualification de frais professionnels et d’indemnités de déplacement.
Il en résulte que le salarié a perçu le règlement des heures supplémentaires qu’il a accomplies sans que ces sommes soient, toutefois, assujetties à des cotisations sociales et déclarées en tant que salaires aux organismes sociaux.
Ainsi que l’a reconnu l’employeur dans le courriel du 2 avril 2019 précité, le volume des heures supplémentaires s’élève à 867 heures supplémentaires majorées à 25% et 59,58 heures majorées à 50 %.
Il est donc du au salarié la somme de 12.995,27 euros décomposée comme suit :
– 11.813,89 euros (867 heures x 10,20 euros x 125%) + (59,58 heures x 10,20 euros x 150%)
– 1181,38 euros pour les congés payés afférents.
Il y a lieu, cependant, de déduire de cette somme celle de 8847 euros versée au titre des heures supplémentaires déclarés à tort en tant que frais professionnels de sorte qu’il reste du la somme de 4148,27 euros.
Sur la demande de la contrepartie obligatoire en repos
Selon la convention collective applicable, le contingent annuel des heures supplémentaires est fixé à 329 heures.
En 2017, le salarié a réalisé 363,63 heures supplémentaires dépassant ainsi le contingent conventionnel de 34,63 heures.
Aux termes de l’article L 3121-33 I,3° du code du travail et compte tenu de l’effectif de la société qui comptait plus de 20 salariés, la contrepartie obligatoire en repos est égale à 100% des heures supplémentaires accomplies au delà du contingent annuel.
Il sera, en conséquence, alloué au titre de la contrepartie obligatoire en repos la somme de 353,22 euros.
Le jugement sera réformé en ce sens.
Sur la demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé
Selon l’article L8221-5 du code du travail est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
En l’espèce, il est établi que l’employeur a réglé des heures supplémentaires en les qualifiant de frais professionnels sur les bulletins de paie. Cette opération qui avait pour but d’éluder les cotisations sociales sur les rémunérations versées caractérise l’intention de dissimulation visée au deuxième alinéa de l’article L8221-5 du code du travail.
C’est donc à bon droit que les premiers juges ont alloué au salarié l’indemnité forfaitaire prévue à l’article L 8221-5 du code du travail. Son montant sera, toutefois, révisé afin de tenir compte des heures supplémentaires accordées qui portent le salaire mensuel de référence à 1884,82 euros.
Il sera, en conséquence, alloué au salarié la somme de 11.308,92 euros en paiement de cette indemnité. Le jugement sera réformé en ce sens.
Sur la demande d’annulation de la mutation disciplinaire notifiée le 28 janvier 2019
Aux termes de l’article L1333-1 du code du travail, en cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.
L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.
En application de l’article L1333-2, au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, la juridiction forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La lettre de notification de la sanction énonce les motifs suivants :
– des altercations récurrentes avec les chefs de poste SSIAP 2 concernant le planification
– le refus d’effectuer les essais RIA (robinet incendie armé) pourtant obligatoire compte tenu des missions de l’agent de prévention SSIAP2
– le refus de participer à la venue de la commission de sécurité incendie et des propos déplacés
– des propos dénigrant les représentants de la société ECS Service ou le client responsable sécurité
Le salarié considère que la sanction ne repose pas sur des éléments probants suffisants. Il en demande l’annulation et sollicite la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts.
L’attestation du chef de poste indiquant que M. [X] et ses collègues ne respectaient pas les consignes et le courriel du responsable de la sécurité du site de Métro à [Localité 3] lac précisant qu’il ne pouvait plus travailler avec M. [X] qui n’a ni l’état d’esprit, ni le comportement professionnel attendu et compatible avec le fonctionnement de l’entreprise, seuls documents produits par l’employeur pour justifier la sanction, ne permettent pas d’établir la réalité des griefs énoncés.
La sanction doit, en conséquence, être annulée.
Compte tenu de l’arrêt de travail intervenu, la mutation disciplinaire n’a pas été exécutée de sorte que le salarié n’a subi aucun préjudice.
La demande de dommages et intérêts sera, en conséquence, rejetée. Le jugement sera confirmé sur ce point
Sur la demande de dommages et intérêts pour absence de déclaration des heures travaillées sur le compte personnel de formation (CPF)
Les faits ne sont pas contestés. Cette absence a privé le salarié de ses droits à formation lui causant ainsi un préjudice qui sera réparé par une somme de 100 euros à titre de dommages et intérêts.
Le jugement sera réformé en ce sens.
Sur le licenciement
Le salarié soutient que l’inaptitude à l’origine du licenciement est la conséquence de manquements de l’employeur à son obligation de sécurité soit : une sanction disciplinaire non justifiée, des faits de travail dissimulé, une absence de déclaration des droits acquis à la formation, des pressions de l’employeur pour qu’il rembourse les frais professionnels versés sans quoi aucune régularisation des heures supplémentaires ne serait effectuée, un prélèvement injustifié des frais professionnels sur le solde de tout compte.
Il demande pour ces mêmes motifs une somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Sur ce dernier point, s’il résulte des échanges par sms qu’une discussion a eu lieu entre l’employeur et le salarié sur le remboursement des frais professionnels, le contenu de ces échanges ne révèle pas l’existence de pressions exercées par l’employeur. En revanche, ainsi que la cour l’a retenu, l’employeur a opéré une déduction injustifiée sur le montant du solde de tout compte ce qui constitue un manquement à son obligation de loyauté.
Le préjudice en résultant sera indemnisé par une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts.
S’agissant de l’origine de l’inaptitude, le salarié ne démontre pas que l’altération de son état de santé est la conséquence des manquements allégués. Le seul certificat médical de son médecin traitant en date du 2 mai 2019 faisant état d’un tableau anxieux et dépressif paraissant justifier une inaptitude médicale de M. [X] n’est pas suffisamment probant à cet égard.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes indemnitaires du salarié pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les autres demandes
L’employeur a déduit les indemnités kilométriques versées à tort du montant du solde de tout compte. Il ne justifie pas pour autant des motifs de cette déduction qui est donc dénuée de fondement juridique de sorte que le salarié demeure créancier du montant de l’indemnité de licenciement, soit 1195,56 euros et de l’indemnité de congés payés, soit 1746,49 euros. Ces sommes seront, en conséquence, fixées au passif de la liquidation ; le jugement sera réformé en ce sens.
L’équité commande d’allouer à M. [X] la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Les dépens seront supportés par la liquidation judiciaire.
Le liquidateur remettra à M. [X] un bulletin de paie rectifié conformément aux dispositions de la présente décision.
Le présent arrêt sera déclaré opposable au CGEA de [Localité 3] dans la limite légale de sa garantie.
Par ces motifs
La cour,
Déboute le CGEA de [Localité 3] de son moyen tiré de l’absence d’effet dévolutif de l’appel
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté les demandes indemnitaires pour mutation disciplinaire injustifiée et licenciement sans cause réelle et sérieuse
L’infirme pour le surplus
Statuant à nouveau dans cette limite
Annule la sanction de mutation disciplinaire notifiée le 28 janvier 2019
Fixe les créances de M. [X] au passif de la liquidation judiciaire de la société ECS Services comme suit :
– 4148,27 euros à titre de solde des heures supplémentaires et des congés payés afférents
– 11.308,92 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé
– 353,22 euros à titre d’indemnité pour la contrepartie obligatoire en repos
– 100 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect des droits à formation
– 500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
– 1195,56 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
– 1746,49 euros au titre de l’indemnité de congés payés,
– 2000 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
y ajoutant
Ordonne à la SCP [V]-[W] es qualité de liquidateur judiciaire de la société ECS Service de remettre à M. [X] un bulletin de paie rectifié conformément aux dispositions de la présente décision
Déclare le présent arrêt opposable au CGEA de [Localité 3] dans la limite légale de sa garantie
Dit que les dépens seront supportés par la liquidation judiciaire de la société ECS Services
Signé par Eric Veyssière, président et par Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
S. Déchamps E. Veyssière