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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-4
ARRÊT AU FOND
DU 12 JANVIER 2023
N° 2023/
FB/FP-D
Rôle N° RG 18/20385 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BDRFI
[L] [S]
C/
SAS SMARTWARESSAFETY & LIGHTING FRANCE
SA SMARTWARES SAFETY & LIGHTING B.V SOCIETE E DROIT E TRANGER
Copie exécutoire délivrée
le :
12 JANVIER 2023
à :
Me Olivier ROMANI, avocat au barreau de NICE
Me Marianne DESBIENS, avocat au barreau de TARASCON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRASSE en date du 05 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/00308.
APPELANT
Monsieur [L] [S], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Olivier ROMANI, avocat au barreau de NICE
INTIMEES
SAS SMARTWARESSAFETY & LIGHTING FRANCE, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Marianne DESBIENS, avocat au barreau de TARASCON
Société de droit étranger SMARTWARES SAFETY & LIGHTING B.V, demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Marianne DESBIENS, avocat au barreau de TARASCON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 07 Novembre 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile,Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller , a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre
Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller
Madame Catherine MAILHES, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Janvier 2023.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Janvier 2023,
Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
La SAS Smartwares Safety & Lighting France (la société employeuse) exerce une activité de commerce de gros de matériel électrique et fait partie du groupe Smartwares composé d’une société mère, la holding Smartwares Safety & Lighting B.V. (la société mère) dont le siège est au Pays Bas, et de filiales implantées en France, en Allemagne, en Angleterre et en Espagne.
M. [S] (le salarié) a été engagé le 16 septembre 2013 par la SAS Smartwares Safety & Lighting France suivant contrat à durée indéterminée, en qualité de Key Account Manager Senior, Grands comptes GSA, statut cadre, coefficient C16, moyennant une rémunération brute mensuelle de 7083 euros outre une commission sur les ventes.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des entreprises de commission, de courtage et de commerce intra-communautaire et d’importation-exportation de France métropolitaine (import-export).
La société employait habituellement au moins 11 salariés au moment du licenciement.
Le 28 septembre 2015 le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique, fixé le 6 octobre 2015, reporté par convocation du 14 octobre 2016 au 28 octobre 2016.
Le salarié a accepté le contrat de sécurisation professionnelle le 5 novembre 2015.
Par lettre du 17 novembre 2015 la société lui a notifié la rupture de son contrat de travail pour motif économique du fait de son adhésion au CSP en ces termes:
‘Depuis Janvier 2014, l’entreprise S&L France SAS peine à produire des résultats positifs. Peu d’actions réelles n’ont été possibles pour changer cette situation. La seule action positive résulte d’une loi du gouvernement Français qui a imposé à compter du 1er janvier 2015 l’obligation d’installer à l’intérieure des habitations des détecteurs de fumée.
Grâce à cette loi, et dopé par cette réforme législative, nous avons pu enregistrer une légère
amélioration de nos résultat, amélioration toutefois circonscrite dans le temps (trois mois avant et quatre mois après).
Cependant l’impact de cette loi a dissimulé de véritables problèmes structurels de l’entreprise, qui génère un ratio Charge/Marge dégagé très négatif.
La situation actuelle de la société n’est pas viable et une action en terme de limitation de charge est indispensable afin d’éviter que celle-ci se retrouve en état de cessation de paiement.
Malgré l’ensemble des efforts que nous avons pu mettre en ‘uvre aucune autre solution n’est
aujourd’hui envisageable.
En conséquence la seule issue concevable afin que cette société soit pérenne est une restructuration complète des effectifs et leur nécessaire diminution.
Un deuxième phénomène à impacter fortement nos marges sur l’année 2015 et réduit notre résultat net, le taux de change Euro / Dollar.
Nos transactions internationales s’effectuaient sur un ratio 1,44 $ pour 1 € en avril 2014, ratio fortement impacté par l’augmentation du dollar à savoir un taux de change actuel de 1,10 $ (en moyenne) pour 1 €.
Il est indispensable de prendre des mesures drastiques pour assurer la viabilité et la pérennité de l’ entreprise, pour ce faire une action rapide est indispensable.
Pour cela une réduction des frais et coûts de fonctionnement permettront de revenir sous la barre des 125 K € (global charge).
En effet, les comptes résultat de septembre et octobre prouvent que l’entreprise cumule des pertes mensuelles d’environ 150K€/mois.
La restructuration de la société passe malheureusement par la suppression de votre poste, ce qui engendre que la présente mesure de licenciement est indispensable et parfaitement fondée
Par ailleurs, nous vous précisons que malgré tous nos efforts en ce sens, nous n’avons pu trouver vous concernant, aucune solution de reclassement.
Votre contrat prend fin le 19 novembre 2015″.
Le salarié a saisi 18 janvier 2016 le conseil de Prud’hommes de Grasse d’une demande en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en condamnation solidaire de la société employeuse et de la société mère à une indemnité compensatrice de préavis, à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à un rappel de rémunération variable.
Par jugement du 5 décembre 2018 le conseil de prud’hommes de Grasse a :
– dit et jugé qu’il n’y a pas lieu de condamner solidairement la société SAS Smartwares Safety & Lighting France et SAS Smartwares Safety & Lighting B.V.
– dit et jugé que le licenciement pour motif économique de Monsieur [L] [S] est requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse
– dit et jugé que le salaire moyen de Monsieur [L] [S] s’élève à 7.161,27 €
– condamné la SAS Smartwares Safety & Lighting France à payer à Monsieur [L] [S] la somme de 50.000 € au titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– condamné la SAS Smartwares Safety & Lighting France à payer à Monsieur [L] [S] la somme de 21.483,80 € au titre de l’indemnité de préavis et de 2.148,38 € au titre des congés Payés y afférents
– ordonné la remise par la société Smartwares Safety & Lighting France de l’attestation pôle emploi, des bulletins de salaire conforme sous astreinte 15€ par jour de retard, pour une durée d’un mois maximum, et à compter de 2 mois après le présent jugement
– dit et jugé que les créances salariales porteront intérêt au taux légal à compter de la demande en justice
– prononcé l’exécution provisoire relativement aux éléments de rémunérations prévus par les articles R.1454-14 et R.1454-28 du code du travail dans la limite de 9 mois de salaire
– condamné la société Smartwares Safety & Lighting France à payer à Monsieur [L] [S] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– débouté Monsieur [L] [S] du surplus de ses demandes
– débouté la SAS Smartwares Safety & Lighting France du surplus de ses demandes
– condamné la SAS Smartwares Safety & Lighting France aux dépens.
Le salarié a interjeté appel du jugement par déclaration du 24 décembre 2018 énonçant :
‘Objet/Portée de l’appel : Appel partiel selon note de motivation jointe au présente acte et faisant corps avec celui-ci’
à laquelle est jointe une annexe intitulée ‘Note de motivation de l’appel formé par Monsieur [S] à l’encontre de la décision rendue par le CPH de Grasse du 05/12/2018 et faisant corps avec l’acte auquel elle est annexée ‘ rédigée comme suit :
‘Appel partiel tendant à la réformation du jugement entrepris:
En ce qu’il a dit qu’il n’y avait pas lieu de Condamner conjointement et solidairement les sociétés Smartwares Safety & Lighting France et Smartwares Safety & Lighting B.V.
En ce qu’il a limité l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 50 000€;
En ce qu’il n’a pas fait droit aux demandes de préavis et de congés payés afférents en allouant les sommes de 21 483,80 € bruts et de 2148,38 € à ce titre;
En ce qu’il a débouté Monsieur [S] des demandes de :
– Rappels de salaire sur commissions : 49 931,86 € bruts
– Congés payés afférents : 49993,18 € bruts;
En ce qu’il a limité le montant de l’astreinte à la somme de 15 € par jour de retard pour une période d’un mois maximum et à compter de 2 mois après le jugement pour la délivrance des documents sociaux ordonnée;
En ce qu’il a limité à 800€ la condamnation au titre de l’article 700 du cpc.
Et rejugeant à nouveau:
Condamner conjointement et solidairement les sociétés Smartwares Safety & Lighting France et Smartwares Safety & Lighting B.V. et en toutes hypothèses la société Smartwares Safety & Lighting France , au paiement des sommes suivantes:
– A titre principal, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 197 703 €
– A titre subsidiaire, dommages et intérêts pour inobservation des règles relatives aux critères d’ordre du licenciement: 197 703 €
– En toutes hypothèses:
– Indemnité compensatrice de préavis: 24 712,93 € bruts
– Congés payés sur préavis: 2471,29 € bruts
– Rappels de salaire sur commissions: 49 931,86 € bruts
– Congés payés y afférents: 4993,18 € bruts
Ordonner sous astreinte de 150 € par jour de retard la délivrance d’une attestation Pôle Emploi rectifiée et des bulletins de paye rectifiés.
Condamner au paiement des intérêts de retard capitalisés.
Condamner conjointement et solidairement la S.A.S Smartwares Safety & Lighting France et
la Société de Droit Etranger Smartwares Safety & Lighting B.V. et en toutes hypothèses la société Smartwares Safety & Lighting France, au paiement de la somme de 3.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du C.P.C. et aux entiers dépens’.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 6 janvier 2022 M. [S], appelant, demande de :
JUGER Monsieur [L] [S] recevable et bien fondé en son appel.
REFORMER le Jugement entrepris:
– en ce qu’il a dit qu’il n’y avait pas lieu de condamner conjointement et solidairement les sociétés Smartwares Safety & Lighting France et Smartwares Safety & Lighting B.V.
– en ce qu’il a limité l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 50 000 €
– en ce qu’il n’ a pas fait intégralement droit aux demandes de préavis et de congés payés afférents en allouant les sommes de 21 483.80 € bruts et de 2148.38 € bruts à ce titre
– en ce qu’il a débouté Monsieur [S] des demandes de rappels de salaire sur commissions et congés payés y afférents: 49 931,86 € bruts
– en ce qu’il a limité le montant de l’astreinte à la somme de 15€ par jour de retard pour une période d’un mois maximum et à compter de 2 mois après le jugement pour la délivrance des documents sociaux ordonnée
– en ce qu’il a limité à 800 € la condamnation au titre de l’article 700 du C.P.C.
Ce faisant:
A titre principal CONDAMNER solidairement les sociétés Smartwares Safety & Lighting France et Smartwares Safety & Lighting B.V. au paiement des sommes suivantes:
– indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 197 703 € nets
– indemnité compensatrice de préavis: 24 712,93 € bruts
– congés payés sur préavis: 2471,29 € bruts
– rappels de salaire sur commissions: 49 931,86 € bruts
– congés payés y afférents: 4993,18 € bruts
A titre subsidiaire CONDAMNER la société Smartwares Safety & Lighting France et Smartwares Safety & Lighting B.V. au paiement des sommes suivantes:
– Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 197 703 nets
-Indemnité compensatrice de préavis: 24 712,93 € bruts
– Congés payés sur préavis: 2471,29 € bruts
– Rappels de salaire sur commissions: 49 931,86 € bruts
– Congés payés y afférents: 4993,18 € bruts
ORDONNER sous astreinte de 150 € par jour de retard avec faculté de liquidation par la Cour la délivrance des documents suivants:
– Attestation pour le Pôle Emploi rectifié
– Bulletins de paye rectifiés
DIRE que les créances salariales porteront intérêts au taux légal capitalisé à compter de la demande en justice.
CONDAMNER solidairement la S.A.S Smartwares Safety & Lighting France et la Société de Droit Etranger Smartwares Safety & Lighting BV et subsidiairement la seule S.A.S Smartwares Safety & Lighting France au paiement de la somme de 3.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du C.P.C. et aux entiers dépens.
DEBOUTER les sociétés Smartwares Safety & Lighting France et Smartwares Safety & Lighting BV de leur demande au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 2 mai 2019 la SAS Smartwares Safety & Lighting France et la société de droit étranger Smartwares Safety & Lighting B.V., intimées, demandent de :
CONFIRMER la décision du CPH en ce qu’il a rejeté la demande de condamnation solidaire des sociétés Smartwares Safety & Lighting B.V. et Smartwares Safety & Lighting France
En conséquence mettre hors de cause la société Smartwares Safety & Lighting B.V. CONFIRMER la décision du CPH en ce qu’il a été alloué à Monsieur [S] la somme de 50 000 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
DIRE et JUGER que Smartwares Safety & Lighting France s’en rapporte à la justice sur l’erreur matérielle concernant le montant du préavis
REJETER toute demande au titre du rappel de salaires,
REJETER toutes les autres demandes de Monsieur [S]
CONDAMNER Monsieur [S] à verser à la société Smartwares Safety & Lighting France la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du CPC
Condamner Monsieur [S] à verser à la société Smartwares Safety & Lighting B.V. la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du CPC.
Vu l’article 455 du code de procédure civile,
L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 janvier 2022.
Par arrêt avant-dire droit du 28 avril 2022 la cour a ordonné la réouverture des débats sans révocation de l’ordonnance de clôture et renvoyé l’affaire à l’audience de plaidoiries du 25 mai 2022 pour recueillir les observations des parties sur le moyen tiré de l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel soulevé d’office.
Dans ses observations ayant pris la forme de conclusions notifiées par RPVA le 16 mai 2022 le salarié demande à titre liminaire de juger que sa déclaration d’appel a produit effet dévolutif de sorte que la cour est saisie de ses demandes au fond et à titre subsidiaire de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. A l’appui il fait valoir que sa déclaration d’appel du 24 décembre 2018 renvoie directement à une annexe qui fait corps avec celle-ci et contient les chefs expressément critiqués du jugement, de sorte qu’elle opère dévolution en application les dispositions combinées des articles 901, 542, 561, 562 et 930-1 du code de procédure civile et de l’arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication électronique en matière civile devant la cour d’appel, ce qui est conforme à l’exigence raisonnable de formalisme sauf à enfreindre les principes du droit effectif de l’accès au juge et à un procès équitable tels que garantis par l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.
Les sociétés ont remis au greffe des observations le 20 mai 2022 aux termes desquelles elles demandent à la cour de déclarer la déclaration d’appel dépourvue d’effet dévolutif et de leur allouer une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile. A l’appui elles font valoir qu’en application des articles 901 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 et 562 du même code, la déclaration d’appel, qui est un acte de procédure se suffisant à lui seul, doit contenir les chefs du jugement expressément critiqués, sauf à justifier d’un empêchement technique, seule dérogation aux règles précitées et ajoutent que le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 et l’arrêté du même jour, intervenus postérieurement à la clôture des débats et l’évocation de l’affaire à l’audience, n’ont pas pour effet de modifier les règles énoncées.
L’affaire a été mise en délibéré au 22 septembre 2022.
Par message électronique du 12 juillet 2022 l’avocat du salarié a communiqué à la cour l’avis de la cour de cassation du 8 juillet 2022 dont il tire qu’il permettra de considérer que sa déclaration d’appel avec son annexe a produit effet dévolutif.
Par arrêt avant-dire droit du 22 septembre 2022 la cour a ordonné une nouvelle réouverture sans révocation de l’ordonnance de clôture pour recueillir les observations des parties sur le moyen tiré de l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel au vu de l’avis de la cour de cassation du 8 juillet 2022.
Les sociétés ont remis au greffe des observations le 31 octobre 2022 aux termes desquelles elles reprennent leurs précédentes observations et font valoir que l’avis de la cour de cassation ne lie pas la cour et n’a pas pour effet de remettre en cause une jurisprudence établie.
SUR CE
En préliminaire la cour relève d’abord que dans ses conclusions consécutives à la réouverture des débats, remises au greffe le 16 mai 2022, le salarié a non seulement fait valoir des observations sur l’effet dévolutif de la déclaration d’appel mais a également conclu au fond et procédé à des modifications dans la formulation de ses demandes au dispositif de celles-ci.
Or l’ordonnance de clôture a été rendue le 24 janvier 2022 et les arrêts avant-dire droit du 28 avril 2022 et du 22 septembre 2022 se sont limités à inviter les parties à faire valoir des observations sur l’effet dévolutif de l’appel, sans révocation de l’ordonnance de clôture.
Le salarié ne pouvant soumettre de nouvelles conclusions au fond après l’ordonnance de clôture, dont au demeurant il ne sollicite pas la révocation, la cour dit qu’il n’en sera pas tenu compte.
La cour relève ensuite que le salarié a limité son appel au conséquences financières de la rupture et que les sociétés intimées n’ont pas fait appel incident du jugement ayant dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, celles-ci indiquant dans leurs écritures reconnaître l’absence d’énonciation par écrit des motifs économiques du licenciement avant l’acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle.
La cour n’est donc pas saisie du bien-fondé du licenciement et le jugement déféré est définitif sur ce point.
Sur la dévolution
L’article 901 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022 dispose:
‘La déclaration d’appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité :
1° La constitution de l’avocat de l’appelant ;
2° L’indication de la décision attaquée ;
3° L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
Elle est signée par l’avocat constitué. Elle est accompagnée d’une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d’inscription au rôle.’
En application des articles 748-1 et 930-1 du même code, cet acte est accompli et transmis par voie électronique.
L’article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017- 891 du 6 mai 2017, l’acte d’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s’opère pour le tout que l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
Par ailleurs dans son avis n° 15008 du 8 juillet 2022 la deuxième chambre civile de la cour de cassation a indiqué que :
– le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 et l’arrêté du 25 février 2022 modifiant l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication électronique en matière civile devant la cour d’appel sont immédiatement applicables aux instances en cours pour les déclarations d’appel qui ont été formées antérieurement à l’entrée en vigueur de ces deux textes réglementaires, pour autant qu’elles n’ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent qui n’a pas fait l’objet d’un déféré dans le délai requis ou par l’arrêt d’une cour d’appel statuant sur déféré.
– une déclaration d’appel à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués, constitue l’acte d’appel conforme aux exigences de l’article 901 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction et ce, même en l’absence d’empêchement technique
Il résulte désormais de l’article 901 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022 qu’une déclaration d’appel à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués, constitue l’acte d’appel conforme aux exigences de l’article 901 du code de procédure civile même en l’absence d’empêchement technique et que celle-ci opère dévolution au sens de l’article 562 du même code.
En conséquence la cour dit que la déclaration d’appel du 24 décembre 2018 à laquelle est jointe une annexe contenant les chefs de jugement critiqué opère dévolution et que la cour est donc saisie de ces chefs.
Sur l’existence d’un co-emploi
Hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être qualifiée de co-employeur du personnel employé par une autre que s’il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière.
Il appartient au salarié d’apporter la preuve de la situation de co-emploi qu’il revendique.
En l’espèce le salarié invoque une situation de co-emploi en ce que la société mère hollandaise exerçait une immixtion permanente dans la gestion économique et sociale de la société employeuse conduisant à une perte d’autonomie totale.
Il fait ainsi valoir que:
– la société employeuse est présidée par la holding;
– les licenciements pour motif économique ont été décidés et conduits par la holding mère qui voulait centraliser l’ensemble des services supports et de direction en son sein, volonté annoncée dès 2013;
– l’immixtion totale de la holding dans la gestion de la société employeuse ressort de la lettre de licenciement dont elle est l’auteur intellectuel (motivation) et matériel (lettre à entête de la holding hollandaise) et du fait que lors de la réunion du comité d’entreprise du 14 octobre 2015 relatif au projet de licenciement collectif, c’est M. [O], directeur commercial de Tristar France, autre filiale française du groupe, agissant sous mandat de la holding mère, qui représentait l’employeur;
A l’appui le salarié produit:
– un extrait du site sociétés.com présentant les deux filiales françaises, soit la société employeuse et la société Tristan France ainsi que le Kbis de la société employeuse dont il ressort que la présidence de la société employeuse est assurée par la société mère depuis le 20 octobre 2015, son directeur général est [G] [A] [J] et que le gérant de la SARL Tristan France, exerçant une activité de commerce de détail d’appareils électroménagers en magasins spécialisés, est également [G] [A] [J] ;
– les lettres de convocation à entretien préalable du 28 septembre 2014 puis du 14 octobre 2014 signée par [G] [A] [J], en qualité de CEO (Chief Executive Officer soit le directeur général) de la société mère avec au pied du papier à entête Smartwares les mentions relatives à la société mère ainsi que la lettre de licenciement ci-dessus retranscrite, sur papier à entête Smartwares avec les mêmes mentions afférentes à la société mère, signée par [G] [A] [J] en sa double qualité de CEO de la société mère et de PDG de la société employeuse ;
– le procès-verbal de la réunion du comité d’entreprise de la société employeuse du 14 octobre 2015 relatif au projet de licenciement collectif pour motif économique de cinq personnes, mentionnant que M. [O], directeur commercial de Tristar France est sous mandat de la société mère;
– un mail de [T] [C] [V], directeur financier, du 27 décembre 2013 en langue néerlandaise assortie d’une traduction libre qui n’est pas contestée, indiquant ‘Du point de vue de Smartwares (siège) nous avons commencé à transformer nos filiales commerciales en distributeur à faible risque.
En 2014 nous commencerons avec les filiales Allemande et Française.
Ces filiales commerciales – en tant que distributeur à faible risque – généreront un profit dans une fourchette déterminée (EBIT minimum de 2.8% et maximum de 5,9 %) parce que Smartwares S&L B.V(maison mère) assurera les fonctions les plus importantes et supportera les risques les plus importants.
Les risques de stock et de change sont pour Smartwares S&L B.V. Les pourcentages sont basés sur une étude de KMPG.
Etant considéré comme un distributeur à faible risque, les filiales commerciales auront un ratio d’EBIT fixé, qui est la base pour la nouvelle marge inter-compagnie.
Dans la situation actuelle la France a besoin d’un EBIT de 2.8% et l’Allemagne de 5.9%.
Calculé sur le budget 2014 cela signifie que nous allons calculer les prix avec un surplus de 17% pour l’Allemagne et 21% pour la France.
La différence entre le prix de transfert actuel et celui de 2014 est également le résultat d’un
changement dans le calcul du dollar.
Nous avons modifié le taux de change de 1.25 à 1.3495. (Tableau)
En nous basant sur le nouveau taux de surcharge inter-compagnie nous allons recalculer votre budget (objectif), particulièrement les marges (doivent être supérieures basées sur un taux de change du dollar à 1.35!).
Le déploiement par catégories de produits suivra dès que possible. Cela n’a pas d’impact sur le taux d’inter-compagnie global’,
lequel est suivi d’un mail du 31 décembre 2013 de [Z] [C] [K], dont la fonction n’est pas déterminée à M. [S], également salarié de la société employeuse commentant en ces termes le mail précédent :
‘le raisonnement de base paraît assez simple. Les entités Française et Allemande n’ont désormais plus qu’une activité purement commerciale, qui selon les Bataves génère peu de risques, le risque de change, le poids financier du stock, obsolescence, etc, et la plus grande partie des fonctions du groupe étant (ou étant sur le point) d’être centralisée en Batavie.
Et donc, à risque faible, marges faibles et profitabilité faible.
On ne te demande donc plus qu’une profitabilité de 2,8% (EBIT).
Et selon [T], bien que le mark up passe en 2014 de 17 à 21%, comme ils recalent leurs calculs sur la parité REELLE du US$, l’un va compenser l’autre et tout va bien. Et même, la baisse de 8% des prix du fait de l’ajustement du US$ est supérieure à la hausse de 3% du mark up, il en résulte donc des prix plus bas qu’en 2013.
Elle est pas belle la vie’
[N] semble faire un peu de contestation en arguant du fait que le cours du Dollar permet à ses concurrents de baisser leurs prix, mais pas lui, ce qui est essentiel pour des produits Lambda n’ayant aucun caractère d’originalité et encore moins d’exclusivité. Mauvais esprit…’.
Les sociétés intimées contestent la situation de co-emploi dont elles affirment que la démonstration n’est pas rapportée par le salarié. Elles font valoir que :
– le seul fait que les dirigeants de la filiale française proviennent du groupe, que la société mère ait pris dans le cadre de la politique de groupe des décisions affectant la filiale, que certains services administratifs soient situés au sein de la société mère pour répondre à des besoins d’organisation de gestion, ou encore que M. [O] venant d’une autre filiale ait été spécialement mandaté pour conduire la procédure de licenciement, ne caractérise pas une situation de co-emploi ;
– la société employeuse bénéficiait d’une totale autonomie dans l’exécution du contrat de travail du salarié auquel elle seule donnait des directives et en contrôlait l’exécution ;
– les licenciements ne résultent pas de sa volonté de centraliser les services de direction, administratifs et commerciaux mais des pertes financières de la société employeuse impactant le groupe et auxquelles la holding ne pouvait apporter un soutien financier;
Il est en outre produit aux débats une délégation de pouvoir du 28 septembre 2015 par laquelle:
‘[G] Jan [A] Boers, CEO de la Ste Smartwares Safety & Lighting B.V, dont le siège social est [Adresse 2] (NL), donne par la présente, pouvoir et mandat à [M] [O] né le 10 Août 1969 à [Localité 4] (74), actuel Directeur Commercial de la Ste Tristar France Sarl, pour reprendre la Gestion et la Direction de la Ste Smartwares Safety & Lighting SAS France dont le N° de siret est 382 435 402 000 39.
A cet effet, cette personne pourra engager au nom de la Ste Smartwares Safety & Lighting SAS, tout acte permettant la poursuite des activités de l’entreprise.
Elle pourra également requérir pour moi, tout document nécessaire à la rédaction des courriers adressés aux salariés de l’entreprise, exemple: embauche, licenciement, restructuration’.
La cour relève après analyse des pièces du dossier que le salarié établit que la société mère opérait les choix stratégiques du groupe et que par ses décisions, elle définissait le périmètre d’activité de la société employeuse, ses paramètres économiques et ses objectifs de performance ainsi que les prix pratiqués sur le marché.
Les pièces qu’il produit font également ressortir que la société employeuse était présidée à compter du 20 octobre 2015 par la société mère, ce changement de direction étant intervenu au temps du licenciement, engagé le 28 septembre 2015 et notifié le 17 novembre 2015.
Auparavant la présidence était exercée et ce, depuis le 11 novembre 2014 par une autre société Ruos Electronic B.V., sur laquelle la cour ne dispose pas d’élément, pas plus que sur ses liens fonctionnels et capitalistiques avec le groupe.
En tout cas la collaboration de la société mère aux organes de direction de la société employeuse ressort de la délégation de pouvoir donnée dès le 28 septembre 2015 par le directeur général de la société mère au directeur commercial de l’autre filiale française pour exercer la gestion de la société employeuse, en particulier la conduite de la procédure de licenciement collectif comme en atteste le procès-verbal de réunion des délégués du personnel.
Par ailleurs les actes de la procédure de licenciement ont été établis par le dirigeant de la société mère, en cette seule qualité lors de la lettre de convocation puis en sa double qualité après la prise de la présidence de la société employeuse.
La cour observe cependant que l’ensemble de ces éléments est circonscrit à la seule période contemporaine du licenciement et ne suffit pas à établir une ingérence permanente dans la gestion économique et sociale de la société employeuse de sorte que celle-ci aurait perdu toute autonomie d’action.
Le salarié n’explicite d’ailleurs pas en quoi le contenu de la lettre de licenciement traduirait l’entière prise en main de la société employeuse par la société mère ne permettant plus à sa filiale de se comporter comme le véritable employeur à l’égard de ses salariés et qu’elle était la seule décisionnaire des licenciements et ce, pour des motifs propres tenant à la centralisation des services supports.
En effet d’une part si l’annonce de cette centralisation ressort des mails de 2013, aucun élément ne permet d’en apprécier la réalité concrète, l’étendue et la portée, d’autre part les difficultés économiques énoncées dans la lettre de licenciement, sur lesquelles les sociétés produisent au demeurant des pièces justificatives, ne sont pas l’objet de la contestation de la rupture.
Dans ces conditions, au delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe, de l’état de domination que cette appartenance peut engendrer et de l’intervention de la société mère dans la conduite de la procédure de licenciement, la cour dit que le salarié ne démontre pas d’immixtion permanente de la société mère dans la gestion économique et sociale de la société employeuse, au point d’agir en lieu et place de sa filiale de sorte que celle-ci avait totalement perdu toute autonomie d’action et n’exerçait plus ses prérogatives.
En conséquence, il y a lieu de dire que la société employeuse est le seul employeur du salarié et de mettre hors de cause la société mère de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il a rejeté la demande du salarié tendant à la condamnation solidaire des sociétés.
Sur le rappel de commissions
L’employeur doit assurer une égalité de rémunération aux salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale, c’est à dire aux salariés qui se trouvent dans une situation comparable au regard de la nature de leur travail et de leurs conditions de formation et de travail.
Pour l’application du principe d’égalité de traitement, lorsque l’attribution de l’élément de rémunération ou de l’avantage en cause procède d’un engagement unilatéral de l’employeur, la preuve est partagée :
– il appartient d’abord au salarié qui invoque une atteinte au principe d’égalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de la caractériser;
– lorsque le salarié produit des éléments de fait considérés, par les juges du fond, comme susceptibles de caractériser une inégalité de traitement, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs justifiant cette différence.
En l’espèce le salarié sollicite la somme de 49 931,86 euros et de 4 993,18 euros de congés payés afférents, à titre de rappel de commissions .
A l’appui il invoque une inégalité de traitement en ce que ses commissions étaient calculées sur le seul pourcentage du chiffre d’affaires réalisé auprès des grandes Enseignes Alimentaires tel que prévu à son contrat de travail alors que son secteur d’intervention était en réalité beaucoup plus large, tandis que d’autres salariés percevaient des commissions sur la base de l’ensemble du chiffre d’affaires qu’ils réalisaient. Il se compare ainsi à M. [Y] dont il affirme qu’il a perçu à ce titre une régularisation lors de la rupture de son contrat de travail.
Au soutien de sa prétention il produit :
– en pièce 15 son mail du 6 novembre 2014 rédigé en langue anglaise dont il ne produit pas de traduction;
– en pièces 16 un ‘décompte des commissions dues’ et 21 un ‘décompte des commissions dues actualisé’ constitués de tableaux réalisés par ses soins présentant des chiffres d’affaires ventilées par enseignes (Leclerc, Auchan, Carrefour, Atac, Pratiker, Norma, Castorama, LM rece, Promo7, Bricoman), leur total en 2014 et 2015 ainsi que ses calculs par application des règles figurant dans son contrat de travail dont il tire un tableau des commissions ‘réelles’ sur ces deux années, représentant un arriéré de 24 502,44 en 2014, de 25 429,42 euros en 2015 pour un total de 49 931,86 euros;
– en pièce 21 un document intitulé ‘statistiques des ventes’ du 1er janvier 2014 au 15 septembre 2015 constitués de fichiers excel présentant les données chiffrées mensuelles de ventes par clients, assortis de fichiers présentant le détail du CA par enseignes pour 2014 et 2015 sur lesquelles il demande un rappel de commissions ;
– en pièce 22 une liasse de mails dont bon nombre en langue anglaise doublés d’une traduction libre que le salarié vise dans ses écritures au soutien de l’étendue de ses attributions à des enseignes de bricolage notamment Leroy-Merlin ;
– ses bulletins de salaire de janvier à octobre 2015.
La société affirme avoir au contraire versé au salarié une rémunération dans le strict respect des stipulations de son contrat de travail, à savoir une partie variable basée sur le chiffre d’affaires des seules Grandes Enseignes Alimentaires, une partie fixe correspondant au travail effectué dans l’ensemble des autres enseignes et dément tout autre mode de calcul au profit d’autre salariés. Il souligne que le salarié n’apporte aucun élément étayant l’inégalité de traitement alléguée et ajoute que la régularisation intervenue au profit M. [Y] découlait de l’application de son contrat de travail.
La cour constate qu’aux termes du contrat de travail les parties avaient convenu d’une rémunération déterminée de la manière suivante:
‘ Rémunération :
Elle sera composée d’une partie fixe :
– un salaire mensuel fixe de 7083 euros brut
Auquel s’ajoutent une part variable :
1/ Pour la 1er année: une commission sur les ventes calculée sur le chiffre d’affairé dégagé sur les facturations mensuelles sur les clients GSA de 1.5 % brut versée mensuellement.
Base de l’objectif de chiffre d’affaires de 1000000 HT prévu pour 12 mois à compter de votre date d’entrée, cette commission représenterait un montant annuel brut de l’ordre de 15000 €. Cette commission sera de 2% sur la fraction de C.A dépassant l’objectif fixé (Au-delà de 1000000 €) .
Modalités de versement des primes
Les commissions sur ventes seront versées mensuellement et sont ici exprimées dans leurs montants bruts.
Source d’information :
Afin de. déterminer le montant du C.A enregistré chaque mois, celui-ci sera extrait du système d’information de la société – actuellement AXAPTA Microsoft Gestion Commerciale ou tout autre outil adopté par la société venant en remplacement de ce dernier.
Modalités de re-calcul annuel :
Afin d’établir les bases mensuelles de référence de N+1 il sera pris en compte les chiffres d’affaire et marges des éléments ci-dessus enregistrés chaque mois de N.
Les objectifs de croissance et les primes liées seront redéfinis en début de chaque année par votre Responsable en accord avec la Direction de la société’.
A l’analyse de ses écritures, la cour relève que le salarié ne prétend pas que la société a méconnu des modalités de calcul contractualisées ou son obligation de transparence sur les éléments servant de base au calcul de sa rémunération mais qu’il fonde sa prétention sur la seule atteinte à l’égalité de traitement en ce que le calcul de ses commissions ne prenait pas en compte l’ensemble du chiffre d’affaires réalisé par la société, contrairement à d’autres salariés et ce, indépendamment des stipulations de leur contrat de travail.
Or à l’analyse des pièces du dossier, la cour relève que le salarié ne verse aux débats aucun élément de fait de nature à étayer une différence dans les modalités et l’assiette de calcul de la rémunération variable de salariés se trouvant dans une situation identique ou similaire. Il ne produit ainsi aucun élément sur la situation et la rémunération de M. [Y] ou d’aucun autre salarié permettant d’opérer une comparaison.
Si le salarié se prévaut de la règle selon laquelle il incombe à l’employeur de produire les éléments qu’il détient lorsque le calcul de la rémunération en dépend, il ne peut utilement s’en prévaloir pour palier sa carence dans la production d’éléments de fait susceptibles de la caractériser l’inégalité de traitement alléguée.
Ainsi quand bien même il verse des données sur le chiffre d’affaires réalisé, ces éléments ne sont pas en eux-même susceptibles de caractériser une telle inégalité de traitement.
En conséquence, la cour dit que la demande n’est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il l’a rejetée.
Sur les conséquences financières de la rupture
1° l’indemnité compensatrice de préavis
L’article L.1233-67 du code du travail dispose que:
‘L’adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle emporte rupture du contrat de travail. Toute contestation portant sur la rupture du contrat de travail ou son motif se prescrit par douze mois à compter de l’adhésion au contrat de sécurisation professionnelle. Ce délai n’est opposable au salarié que s’il en a été fait mention dans la proposition de contrat de sécurisation professionnelle.
Cette rupture du contrat de travail, qui ne comporte ni préavis ni indemnité compensatrice de préavis ouvre droit à l’indemnité prévue à l’article L. 1234-9 et à toute indemnité conventionnelle qui aurait été due en cas de licenciement pour motif économique au terme du préavis ainsi que, le cas échéant, au solde de ce qu’aurait été l’indemnité compensatrice de préavis en cas de licenciement et après défalcation du versement de l’employeur représentatif de cette indemnité mentionné au 10° de l’article L. 1233-68. Les régimes social et fiscal applicables à ce solde sont ceux applicables aux indemnités compensatrices de préavis.
Après l’adhésion au contrat de sécurisation professionnelle, le bénéficiaire peut mobiliser le compte personnel de formation mentionné à l’article L. 6323-1.
Pendant l’exécution du contrat de sécurisation professionnelle, le salarié est placé sous le statut de stagiaire de la formation professionnelle.
Le contrat de sécurisation professionnelle peut comprendre des périodes de travail réalisées dans les conditions prévues au 3° de l’article L. 1233-68.’
Il résulte de l’article L. 1233-69 du code du travail dans sa rédaction applicable que l’employeur contribue au financement du contrat de sécurisation professionnelle notamment par un versement représentatif de l’indemnité compensatrice de préavis dans la limite de trois mois de salaire majoré de l’ensemble des cotisations et contributions obligatoires afférentes.
En l’absence de motif économique de licenciement, le contrat de sécurisation professionnelle devient sans cause de sorte que l’employeur est alors tenu à l’obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées à ce titre en vertu de ladite convention.
L’indemnité compensatrice de préavis est équivalente au salaire que le salarié aurait perçu s’il avait travaillé pendant la durée du préavis, lequel comprend tous les éléments de rémunération.
En l’espèce le salarié a interjeté appel du jugement en ce qu’il a fixé dans ses motifs l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 24 712,93 euros, les congés payés afférents à celle de 2471,29 euros et qu’il a dans son dispositif condamné l’employeur à lui verser la somme de 21 483,80 euros, celle de 2148,38 euros pour les congés payés afférents.
La société indique dans ses écritures s’en rapporter sur la demande.
Eu égard à la durée du préavis dont il n’est pas discuté qu’il soit fixé par la convention collective applicable à la cause, à trois mois pour les ingénieurs et cadres et au montant du salaire à retenir en tenant compte de la moyenne des commissions perçues de janvier à octobre 2015 (8237,64 euros), la cour fixe à la somme de 24 712,93 euros le montant de l’indemnité compensatrice de préavis et à celle de 2 471,29 euros les congés payés afférents.
En conséquence et en infirmant le jugement déféré, la cour condamne la société employeuse à verser au salarié la somme de 24 712,93 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et celle de 2 471,29 euros pour les congés payés afférents.
2° les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Le salarié peut prétendre en application de l’article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable, à une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de la perte de l’emploi qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire.
En l’espèce le salarié a interjeté appel du jugement en ce qu’il a fixé à 50 000 euros le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et sollicite la somme de 197 703 euros en faisant valoir qu’il a subi un préjudice professionnel et financier important en ce qu’après avoir créé une entreprise en bénéficiant de l’ARCE il a dû dissoudre la société en octobre 2016 et percevoir les indemnités de Pôle Emploi.
Il justifie de l’immatriculation de sa société en conseil en organisation et en gestion des affaires le 26 janvier 2016 puis de sa dissolution le 20 octobre 2016, du bénéfice de l’ARCE (43 133,50 euros), de la perception de l’ARE jusqu’au terme de ses droits le 31 octobre 2017 et produit une reconnaissance de dette sous seing privé (39 441,55 euros) établie le 1er septembre 2018.
Eu égard à la rémunération mensuelle brute perçue par le salarié les six derniers mois ayant précédé la rupture (7 882,31 euros), de son ancienneté au sein de l’entreprise, de sa capacité à retrouver un emploi, des explications et pièces fournies sur son préjudice, il apparaît que l’indemnisation du préjudice résultant pour le salarié de la rupture de son contrat de travail a été exactement fixée à la somme de 50 000 euros.
En conséquence la cour confirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société employeuse à verser au salarié la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les intérêts
En infirmant le jugement déféré la cour dit que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et en ajoutant au jugement déféré, que la créance indemnitaire produira intérêts au taux légal à compter du jugement déféré qui est confirmé.
Les conditions de l’article 1154 ancien du code civil qui, en application de l’article 9 de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, sont applicables à la présente instance en ce qu’elle a été engagée avant le 1er octobre 2016, date d’entrée en vigueur de ladite ordonnance, étant remplies, il convient en infirmant le jugement déféré, de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts formée par le salariée dans les conditions de ce texte.
Sur la délivrance des documents de fin de contrat
La cour confirme le jugement déféré en ce qu’il a ordonné à la société employeuse de remettre au salarié l’attestation Pole Emploi rectifiée et les bulletins de salaire rectifiés dans un délai de deux mois mais l’infirme en ce qu’il a fait droit à la demande d’astreinte dès lors qu’il n’est produit aucun élément justifiant son prononcé.
Sur les dispositions accessoires
La cour confirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société aux dépens de première instance et a alloué au salarié une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour condamne la société employeuse qui succombe au principal aux dépens d’appel.
L’équité justifie de condamner la société employeuse à verser au salarié la somme de 2 000 euros pour les frais exposés en cause d’appel. Les sociétés intimées sont déboutées de leurs demandes à ce titre .
PAR CES MOTIFS
Statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la loi,
Dit que la déclaration d’appel du 24 décembre 2018 opère dévolution,
Infirme le jugement déféré en ce qu’il a :
– fixé à la somme de de 21 483,80 euros l’indemnité compensatrice de préavis et à celle de 2 148,38 euros les congés payés afférents,
– dit que les créances salariales portent intérêts à compter de la demande en justice et rejeté la demande de capitalisation des intérêts de M. [S],
– assorti la demande de délivrance des documents de fin de contrat d’une astreinte,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Condamne la SAS Smartwares Safety & Lighting France à verser à M. [S] la somme de 24 712,93 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et celle de 2 471,29 euros pour les congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées à ce titre en vertu du contrat de sécurisation professionnelle,
Dit que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation,
Dit que les sommes allouées sont exprimées en brut,
Ordonne la capitalisation des intérêts,
Rejette la demande d’astreinte portant sur la délivrance des documents de fin de contrat,
Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,
Y ajoutant,
Dit que la créance indemnitaire porte intérêt à compter du jugement déféré qui est confirmé,
Condamne la SAS Smartwares Safety & Lighting France à verser à M. [S] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS Smartwares Safety & Lighting France aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT