Compte personnel de formation : 17 janvier 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/00890

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Compte personnel de formation : 17 janvier 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/00890
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C4

N° RG 21/00890

N° Portalis DBVM-V-B7F-KYGR

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Khayra BELHADI-DIALLO

Me Olivia LONGUET

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 17 JANVIER 2023

Appel d’une décision (N° RG F 20/00192)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VIENNE

en date du 14 décembre 2020

suivant déclaration d’appel du 16 février 2021

APPELANT :

Monsieur [F] [L]

né le 27 Août 1983 à LE TAMPON (97430)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Khayra BELHADI-DIALLO, avocat au barreau de VIENNE,

INTIMEE :

S.A.S. BERTO RHONE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Olivia LONGUET, avocat au barreau de LYON,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère,

Madame Isabelle DEFARGE, Conseillère,

DÉBATS :

A l’audience publique du 07 novembre 2022,

Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente chargée du rapport, assistée de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, et en présence de Mme Capucine QUIBLIER, Greffière stagiaire, a entendu les parties en leurs conclusions et observations, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 17 janvier 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 17 janvier 2023.

Exposé du litige :

M. [L] a été engagé en qualité de chauffeur routier dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 26 mars 2018 par la SAS BERTO RHÔNE.

Par avenant du 03 avril 2018, il était convenu que M. [L] suive une formation de Grutier.

Une clause de dédit formation du 16 avril au 1er juin 2018 était convenue entre les parties pour un coût de 4 509 euros pris en charge dans son intégralité par la SAS BERTO RHÔNE.

M. [L], par lettre remise en mains propres, a démissionné en date du 19 septembre 2018.

Le 26 septembre 2018, la SAS BERTO RHÔNE a accusé réception de cette démission et a lui a demandé le remboursement de la totalité du coût de cette formation.

La SAS BERTO RHÔNE a saisi le conseil de prud’hommes de Vienne, en date du 17 septembre 2020 aux fins d’obtenir le remboursement de la formation octroyée à M. [L].

Par jugement du 14 décembre 2020, le conseil de prud’hommes de Vienne a :

Jugé les demandes de la SAS BERTO RHÔNE recevables et justifiées.

Condamné M. [L] à payer à la SAS BERTO RHÔNE les sommes de :

4 509,00 euros au titre de l’indemnité de clause de dédit formation,

500,00 euros au titre des dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

1 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Ordonné l’exécution provisoire de l’entier jugement au sens des dispositions de l’article 515 du code de procédure civile,

Condamné M. [L] aux entiers dépens.

La décision a été notifiée aux parties et M. [L] en a interjeté appel.

Par conclusions du 18 mai 2021, M. [L] demande à la cour d’appel de :

Dire et juger recevable l’appel de M. [L]

Réformer le jugement du 14 décembre 2020 en ce qu’il :

Dit et jugé les demandes de la SAS BERTO Rhône recevables et justifiées

Condamne M. [L] à payer à la SAS BERTO Rhône les sommes de:

4 509,00 € au titre de l’indemnité de clause de dédit formation

500,00 € au titre des dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

1 500,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Ordonné l’exécution provisoire de l’entier jugement au sens des dispositions de l’article 515 du code procédure civile

Condamne M. [L] aux entiers dépens

Constater que la clause de dédit formation est nulle,

Rejeter toutes les demandes de la SAS BERTO Rhone

A titre reconventionnel, condamner la SAS BERTO Rhone à verser à M. [L] la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Condamner l’employeur à verser M. [L] la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamner la SAS BERTO Rhône aux entiers dépens.

Par conclusions en réponse du 30 juillet 2021, la SAS BERTO RHÔNE demande à la cour d’appel de :

Juger valable la clause de dédit formation du 3 avril 2018.

Condamner M. [L] à verser à la Société BERTO RHONE les sommes suivantes :

4.509 € au titre du remboursement des frais pédagogiques,

500 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Débouter M. [L] de l’intégralité de ses demandes.

Condamner M. [L] à verser à la Société BERTO RHONE la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés en cause d’appel.

Condamner M. [L] aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 04 octobre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

SUR QUOI :

Sur la validité de la clause de dédit formation :

Moyens des parties :

M. [L] soutient que la clause de dédit formation insérée dans l’avenant du 3 avril 2018 est nulle et expose que cette clause de dédit formation était inutile car elle visait à lui octroyer une formation dont il avait déjà bénéficiée. Il fait valoir qu’il a été victime d’un vice du consentement de la part de son employeur puisqu’il pensait se perfectionner dans sa pratique professionnelle de grutier, dans l’attente de se voir attribuer un camion. De plus, la formation prévue par la clause de dédit formation n’entrainait pas des frais réels au-delà des dépenses imposées par la loi ou la convention ; or, pour que la clause de dédit formation soit licite et donc puisse s’appliquer, la formation doit avoir été exclusivement financée par l’employeur, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

La SAS BERTO RHÔNE soutient pour sa part que la clause de dédit formation est licite et conteste avoir vicié le consentement de M. [L] car elle n’était pas informée que ce dernier bénéficiait déjà d’un diplôme de grutier valable. M. [L] ne rapporte pas la preuve que son consentement a été vicié et il a signé en parfaite connaissance de cause l’avenant du 3 avril 2018 stipulant la clause de dédit formation. Ce n’est que si les frais de formation sont réglés intégralement par des subventions de financement ou des organismes de formation, que l’indemnité de dédit formation ne peut être réclamée au salarié. En finançant à M. [L] une formation professionnelle de grutier d’une durée de 5 semaines dont elle a supporté 87 % du coût, la Société BERTO RHONE est allée au-delà de ses obligations légales.

Sur ce,

La clause de dédit-formation est la clause par laquelle un salarié s’engage, en contrepartie d’une formation financée par son employeur, à rester à son service pendant un certain temps, sauf à lui rembourser, totalement ou partiellement, le coût de la formation par le versement d’une indemnité forfaitaire de dédit.

Pour que cette clause soit licite, elle doit constituer la contrepartie d’un engagement pris par l’employeur d’assurer une formation entraînant des frais réels au-delà des dépenses de formation imposées par la loi ou la convention collective. Il est ainsi de principe que lorsque la formation en cause correspond en réalité à la mise en ‘uvre, par l’employeur, de l’obligation générale d’adaptation des salariés à leur poste de travail, la clause est inopposable au salarié. Le montant de l’indemnité de dédit-formation doit être proportionné aux frais de formation engagés par l’employeur (coût pédagogique éventuellement majoré de frais de déplacement et d’hébergement). Il est également de principe qu’elle ne doit pas avoir pour conséquence de priver le salarié de la faculté de démissionner et la durée de l’engagement du salarié à rester dans l’entreprise ne doit donc pas être excessive au regard de celle de la formation et des sommes engagées par l’employeur.

En l’espèce, il ressort de l’avenant au contrat de travail à durée indéterminée du 26 mars 2018, en date du 3 avril 2018, que M. [L] suivra un stage de formation professionnelle de grutier d’une durée de 5 semaines du 16 avril au 1er juin 2018, formation destinée à élargir ses compétences, actuellement conducteur PL.

S’agissant du coût de la formation, il est convenu entre les parties que le salarié utilisera 28 heures, soit 4 jours de son compte personnel de formation, que l’OPCA prendra en charge 1 102,50 € (147 heures à 7,5 €) et que le coût de la formation sera donc majoritairement pris en charge par la SAS BERTO RHÔNE à hauteur de 7 366,50 €.

L’avenant précise dans le cadre de la « clause de dédit formation » que « cette formation professionnelle de grutier n’est pas incluse dans le plan de formation de la SAS BERTO RHÔNE et les dépenses afférentes dépassent celles à la charge de la SAS BERTO RHÔNE au titre de son obligation légale de participation au financement de la formation professionnelle. Les parties à la présente sont dès lors conscientes une rupture prématurée de leurs relations à l’initiative de M. [L] serait inopportune et préjudiciable pour la SAS BERTO RHÔNE. Ainsi M. [L] exprime son intention d’exercer de manière durable pour le compte de la SAS BERTO RHÔNE. Si toutefois, le contrat venait à être rompu, à son initiative dans les 3 années suivant le commencement de la formation. M. [L] devrait alors dédommager la SAS BERTO RHÔNE du coût pédagogique de la formation qu’elle a financée dans les conditions suivantes :

Départ dans l’année qui suit le commencement de la formation : totalité du coût pédagogique du stage financé par la SAS BERTO RHÔNE

Départ durant la 2e année : remboursement des 2/3 du coût pédagogique financé par la SAS BERTO RHÔNE

Départ durant la 3e année : remboursement du tiers du coût pédagogique financé par la SAS BERTO RHÔNE

Les parties conviennent que la somme, objet dudit remboursement, sera prélevé sur le solde de tout compte de M. [L], ce que celui-ci accepte expressément, l’éventuel reliquat restant dû devant être réglé dans le mois de son départ. »

Il n’est pas contesté que M. [L] a assisté à la formation ainsi prévue.

Si M. [L] verse aux débats un CACES R 390 intitulé « utilisation des grues auxiliaires de chargement des véhicules » en date du 7 septembre 2017 et justifie l’avoir obtenu au centre de formation au permis de conduire à La Réunion, il ne justifie pas en avoir informé son employeur ni n’explique pourquoi il a accepté de suivre la formation prévue à l’avenant susvisé, étant précisé qu’il n’est pas mentionné dans l’avenant qu’elle était destinée à se perfectionner dans sa pratique professionnelle de grutier dans l’attente de se voir attribuer un camion comme conclu, mais bien qu’elle avait pour but de le former à la profession de grutier afin d’élargir ses compétences, alors qu’il était actuellement conducteur poids-lourd.

Au vu des éléments susvisés, le coût de la formation à hauteur de 8 469 € a été pris en charge par l’employeur à hauteur de 4 509 € au titre des frais pédagogiques. Contrairement à ce que le salarié conclut, la clause de dédit formation n’est pas licite uniquement quand la formation a été exclusivement financée par l’employeur mais lorsque la clause constitue la contrepartie d’un engagement pris par l’employeur d’assurer une formation entraînant des frais réels au-delà des dépenses de formation imposée par la loi comme en l’espèce. Il convient par conséquent de débouter le salarié de sa demande de nullité de la clause de dédit formation.

Il convient ainsi de condamner le salarié par voie de confirmation du jugement déféré à rembourser la somme de 4 509 € au titre de l’indemnité de dédit formation .

Sur la demande reconventionnelle du salarié relative à l’exécution déloyale du contrat de travail :

Moyens des parties :

M. [L] soutient que l’employeur a manqué à son obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail en lui imposant une formation dont il avait déjà bénéficiée et à laquelle était rattachée une clause de dédit pour laquelle il n’avait pas compris tous les tenants et aboutissants.

L’employeur fait valoir que M. [L] n’a jamais informé la société qu’il détenait déjà un diplôme de grutier et a signé en parfaite connaissance de cause l’avenant du 3 avril 2018 stipulant la clause de dédit formation. En finançant à M. [L] ladite formation professionnelle, la Société BERTO RHONE est allée au-delà de ses obligations légales.

Sur ce,

Aux termes des dispositions de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. L’employeur doit en respecter les dispositions et fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution en le payant le salaire convenu. Le salarié doit s’abstenir de tout acte contraire à l’intérêt de l’entreprise et de commettre un acte moralement ou pénalement répréhensible à l’égard de l’entreprise. Il lui est notamment interdit d’abuser de ses fonctions pour s’octroyer un avantage particulier.

En l’espèce, si M. [L] n’a effectivement pas respecté la clause de dédit-formation, la SAS BERTO RHÔNE ne justifie pas de l’existence d’un préjudice distinct pour l’entreprise, du préjudice réparé par le remboursement des frais de formation. Il convient par conséquent, par voie d’infirmation du jugement déféré, de débouter la SAS BERTO RHÔNE de sa demande à ce titre.

M. [L] ne justifie pas quant à lui que la SAS BERTO RHÔNE lui ait « imposé » comme conclu la signature de cette clause et « qu’il en ignorait tous les tenants et aboutissants ». Il doit être également débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Sur les demandes accessoires :

Il convient de confirmer la décision de première instance s’agissant des dépens et des frais irrépétibles.

Chaque partie a été partiellement déboutée de ses demandes dans le cadre de l’instance d’appel. Dans ces circonstances, l’équité commande de les débouter de leurs demandes au titre de leurs frais irrépétibles et de dire qu’elles supporteront chacune la charge des frais et dépens qu’elles ont engagées en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE M. [L] recevable en son appel,

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu’il a condamné M. [L] à payer à la SAS BERTO RHÔNE la somme de 500 € de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Y ajoutant,

DEBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail,

DIT que chaque partie supportera la charge des frais et dépens qu’elles ont engagées en cause d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Valéry Charbonnier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,

 


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