Compte personnel de formation : 19 janvier 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/03784

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Compte personnel de formation : 19 janvier 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/03784
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT AU FOND

DU 19 JANVIER 2023

N° 2023/

MS

Rôle N° RG 20/03784 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BFXTU

[X] [G]

C/

S.A.R.L. NETPARTNERING LIMITED

Copie exécutoire délivrée

le : 19/01/23

à :

– Me Frédéri CANDAU, avocat au barreau de NICE

– Me Paule ABOUDARAM, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NICE en date du 11 Février 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/01006.

APPELANT

Monsieur [X] [G], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Frédéri CANDAU, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

NETPARTNERING LIMITED Société de droit anglais, prise en son établissement français sis [Adresse 3] et prise en la personne de son représentant français M. [U] [O], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Maël MONFORT de la SELEURL SELARLU Maël MONFORT, avocat au barreau de PARIS,

et Me Paule ABOUDARAM, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Monsieur Antoine LEPERCHEY, Conseiller

Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Karen VANNUCCI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Janvier 2023.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Janvier 2023.

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Karen VANNUCCI, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

M. [X] [G] a été engagé par la SARL Netpartnering.com limited en qualité de comptable à compter du 8 décembre 2014 par contrat à durée indéterminée moyennant un salaire brut moyen mensuel qui était en dernier lieu de 2 266, 30 euros.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs conseils et des sociétés de conseils (SYNTEC)

La SARL Netpartnering. com limited employait habituellement moins de onze salariés au moment du licenciement.

Du 16 janvier 2017 au 17 février 2017, M. [G] s’est trouvé placé en arrêt de travail pour maladie non professionnelle. Cet arrêt a fait l’objet de prolongations du 20 février jusqu’au 17 mars 2017, du 20 au 22 mars 2017, du 22 mars au 18 avril 2017, du 19 avril au 16 mai 2017, du 17 mai au 16 juin 2017, du 16 juin au 9 juillet 2017, du 7 juillet au 4 août 2017, du 4 août au 6 septembre 2017, du 6 septembre au 3 octobre 2017 et enfin du 4 au 30 octobre 2017.

Au terme de la visite de reprise du 6 novembre 2017, M. [G] a été déclaré apte à son poste de travail sans réserve.

Du 4 décembre 2017 au 3 janvier 2018, M. [G] s’est à nouveau trouvé placé en arrêt de travail pour maladie non professionnelle. L’arrêt a été prolongé jusqu’au 31 janvier 2018, puis du 31 janvier au 22 février 2018 et du 28 février au 28 mars 2018.

Le 24 janvier 2018, M. [G] a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement, fixé initialement le 6 février 2018, avec mise à pied conservatoire.

Le 31 janvier 2018, par courriel, M. [G] a informé M. [O], dirigeant de la société, de son absence à l’entretien préalable en raison de son état de santé et a dénoncé des agissements de harcèlement moral exercés à son égard par deux autres salariés, M. [A] et M. [W].

A la suite de l’entretien préalable, finalement reporté au 26 février 2018, auquel il ne s’est pas présenté, M. [G], par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 5 mars 2018 a été licencié pour faute grave.

Le 20 novembre 2018, M. [G], contestant le bien-fondé de son licenciement et faisant grief à son employeur d’avoir exercé un harcèlement moral à encontre, a saisi la juridiction prud’homale, afin d’obtenir diverses sommes tant en exécution qu’au titre de la rupture du contrat de travail.

Par jugement rendu le 11 février 2020, le conseil de prud’hommes de Nice a :

– dit que la requête prud’homale de M. [X] [G] est recevable,

– dit que son licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse qualifié de faute grave,

– débouté M. [G] de toutes ses prétentions tant principales que reconventionnelles,

– l’a condamné à payer à la SARL Netpartnering. com limited une somme de 100 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

M. [G] a interjeté appel de cette décision dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 27 octobre 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 juin 2020 , l’appelant demande à la cour de réformer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter l’intimée de ses demandes et de condamner la SARL Netpartnering. com limited au paiement d’une somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Statuant à nouveau, M. [G] demande à la cour de ‘dire et juger’ que :

– son licenciement n’est pas fondé sur une faute grave, les faits reprochés dans la lettre de licenciement du 5 mars 2018 n’étant pas établis et n’étant pas constitutifs d’une faute grave ;

– son licenciement est abusif ;

-la SARL Netpartnering. com limited a eu un comportement fautif constitutif d’un harcèlement moral à son égard,

En conséquence, l’appelant demande à la cour de condamner la SARL Netpartnering. com limited à lui payer les sommes suivantes :

– 1.841,36 € à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 45.000 € à titre de dommages et intérêt pour licenciement abusif,

– 4.532,60 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 453,26 € au titre des congés payés y afférents,

– 30.000 € à titre de dommages et intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail constitutive d’un harcèlement moral, à parfaire en fonction de l’évolution de son état de santé.

– 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la réglementation relative aux visites médicales,

– 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination salariale et refus d’effectuer un entretien annuel d’évaluation.

L’appelant fait valoir que :

– son licenciement est abusif, en ce que les faits reprochés dans la lettre de licenciement ne sont pas matériellement établis ni ne caractérisent une faute grave. Il soutient que le simple transfert de courriels professionnels sur sa boîte personnelle ne suffit pas à caractériser un manquement à ses obligations contractuelles et en particulier à son obligation de discrétion, l’employeur ne rapportant pas la preuve de leur divulgation à des tiers, que l’employeur ne rapporte pas la preuve d’un manquement du salarié, ni d’une atteinte aux intérêts de la société, puisqu’il ne fait état d’aucun préjudice. S’agissant du grief de la double suppression des courriels, il fait valoir qu’il a simplement vidé la corbeille de sa boîte mail, laquelle contient déjà des courriels supprimés ;

– il est ainsi bien-fondé à solliciter une indemnité compensatrice de préavis et des dommages et intérêts pour licenciement abusif. Le montant de ces derniers doit être évalué en dehors du barème d’indemnisation de l’article L.1235-3 du code du travail, eu égard au harcèlement moral dont il a été victime, qui justifie une réparation de son préjudice sur le fondement de l’article L.1235-3-1 du code du travail ;

– la SARL Netpartnering. com limited a fait preuve d’une inexécution fautive du contrat de travail du fait du harcèlement moral exercé à son encontre par deux autres salariés, matériellement établi par les diverses pièces produites lui ayant causé une altération de son état de santé, attestée notamment par les multiples arrêts de travail dont il a fait l’objet.

– il n’a pas bénéficié de visite médicale d’embauche, ce qui lui cause nécessairement un préjudice,

– il a également subi un préjudice résultant d’une discrimination salariale, en ce qu’il n’a jamais bénéficié d’augmentation de salaire depuis son embauche en 2014, alors qu’il donnait entière satisfaction à son employeur en ayant notamment détecté de nombreuses anomalies comptables qu’il a corrigées,

– enfin, il justifie d’un préjudice résultant de l’absence d’organisation d’un entretien d’évaluation malgré ses demandes répétées auprès de son employeur.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 6 septembre 2020, l’intimée demande à la cour de confirmer le jugement, sauf en ce qu’il n’a pas déclaré irrecevable la demande de dommages et intérêts formulée par l’appelant au titre de l’absence de visite médicale d’embauche.

Statuant à nouveau sur ce point, la SARL Netpartnering. com limited demande à la cour de :

– déclarer irrecevable comme prescrite la demande de dommages et intérêts pour prétendu manquement à la réglementation sur les visites médicales,

– à défaut, confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts de M. [G].

L’intimée demande à la cour de débouter l’appelant de ses demandes, de lui donner acte de ce qu’elle se réserve d’engager toutes poursuites s’il s’avérait que M. [G] opère un usage interdit, indu et/ou de mauvaise foi des informations confidentielles qu’il a détourné de l’entreprise, et de le condamner au paiement d’une somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

L’intimée réplique que :

– à titre liminaire, les demandes de communications de pièces formées par M. [G] en première instance, ne sont plus reprises dans ses écritures d’appel, elles sont irrecevables,

– le licenciement est justifié par une faute grave constituée par la combinaison de deux griefs: – le transfert de 16 courriels par M. [G] de sa messagerie électronique professionnelle vers sa messagerie personnelle. Onze d’entre-eux contiennent des données sensibles relevant du secret des affaires, en violation avec l’obligation de confidentialité imposée expressément par son contrat de travail. D’autres courriels, démontrent en outre que le salarié vaquait à des occupations personnelles durant son temps de travail ;

– la double supression de nombreux courriels professionnels. D’une part, M. [G] a tenté de dissimulé le transfert de ces courriels vers sa messagerie personnelle et d’autre part, cette suppression d’information a eu pour conséquence de mettre en difficulté le travail des autres salariés et nuit de ce fait au bon fonctionnement de l’entreprise;

-ces griefs sont matériellement établis par la production de courriels transférés et supprimés par M. [G] dont le contenu sensible a eu des répercussions sur le bon fonctionnement de l’entreprise étant précisé que M. [G] ne conteste pas la matérialité de ces faits et fait même l’aveu d’avoir transféré ces courriels :

– si le licenciement n’est pas reconnu comme reposant sur une cause réelle et sérieuse, le montant des dommages et intérêts réclamés au titre du licenciement abusif dépasse le barème d’indemnisation de l’article L.1235-3 du code du travail.En outre, le salarié ne justifie pas de la réalité ni du quantum de son préjudice ;

– aucune situation de harcèlement n’est caractérisée par le salarié, ce dernier n’établissant pas des faits précis et concordants pour faire naître une présomption de harcèlement. Il se contente de procéder par voie d’autodéclarations qui ne sont étayées d’aucune pièce objective et les seuls courriels produits ne démontrent pas de faits de harcèlement ;

– en outre, il n’est pas établi que les arrêts de travail du salarié sont en lien avec ses conditions de travail,

– de son côté, l’employeur justifie avoir pris acte des accusations de harcèlement formulées par le salarié, avoir mené une enquête interne en interrogeant les salariés visés par ses griefs et avoir sollicité M. [G] afin qu’il précise ses allégations,

– il est démontré que l’absence d’entretien professionnel résulte des multiples périodes d’arrêt de travail de M. [G] qui ont eu pour effet d’empêcher sa conduite,

– aucune discrimination salariale n’est établie. M. [G] a abandonné en cause d’appel sa prétention visant sa reconnaissance en qualité de cadre, pour se fonder uniquement sur l’absence d’augmentation de son salaire.

– la demande au titre de l’absence de visite médicale d’embauche est irrecevable en raison de la prescription biennale de l’article L.1471-1 du code du travail. En effet, M. [G] a été embauché le 8 septembre 2014 avec une période d’essai de deux mois et l’article R.4624-10 du code du travail dispose que la visite médicale doit être réalisée au plus tard avant l’expiration de la période d’essai. Il en résulte que le délai de contestation est expiré depuis le 7 février 2017, alors que le salarié a formulé pour la première fois cette demande le 18 février 2019 par voie de conclusions ;

– au demeurant, la demande du salarié au titre de la visite médicale est mal fondée étant considéré qu’il ne justifie d’aucun préjudice.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail

*Sur le harcèlement moral

Selon l’article L. 1152-1 du code du travail « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » .

En application du même texte et de l’article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, dans ses écritures M. [G] expose que : « il ressort incontestablement des pièces versées aux débats que l’employeur a eu un comportement fautif pouvant être qualifié de harcèlement, ayant causé un préjudice considérable à Monsieur [G] justifiant l’allocation de dommages et intérêts à son profit. Ce comportement de l’employeur est justifié par les pièces versées aux débats, et notamment par les pièces médicales.

En effet, cette attitude de l’employeur a eu des conséquences néfastes sur l’état de santé de Monsieur [G].

Monsieur [G] a fait l’objet de plusieurs arrêts de travail et a été reconnu par la CPAM en affection de longue durée. Après 10 mois d’absence, Monsieur [G] a repris son poste mais le harcèlement subi avant et après sa reprise a altéré de nouveau sa santé.»

Au soutien de son allégation d’un harcèlement moral M. [G] produit les pièces suivantes:

-E-mail de M. [G] du 23.06.2015 dans lequel le salarié, interrogé par ses supérieurs [N] [S] et [I] [A] sur des discordances de chiffres dans l’un de ses rapports, leur répond: « beaucoup de bruit et de gros mots pour rien! Si l’ambiance est comme ça à chaque fois je saisirai bêtement les factures SA.»

-Echanges d’e-mails du 13.01.2017 entre [I] [A] et M. [G] : [I] [A] lui fait part d’une absence de transparence et de clarté des informations comptables proposées par M. [G] en indiquant: «je suis au regret de constater une continuité dans l’absence de rigueur et de technicité de ta part», M. [G] répond: « de mon côté, je constate également une continuité dans la méchanceté et le harcèlement répété par des petites réflexions blessantes. Depuis la lecture de votre mail j’ai ressenti une oppression et une boule d’angoisse qui ’empêche d’effectuer mon travail correctement.(…) Je vais aller consulter mon médecin(…)»

-Prescriptions médicales de Prozac, Alprazolam, Valpromide par Dr [T] [P] psychiatre à [Localité 7], les 22 mars 2017, 7 juillet 2017,27 octobre 2017,

-Echanges d’e-mails du 5 février 2018 entre M. [G] et M.[O]: ce dernier s’étonne de l’invocation, pour la première fois, de faits de harcèlement non documentés, datant de plus d’un an, tout en indiquant mettre immédiatement en place une enquête en souhaitant entendre le salarié sur ce sujet précis, ce dernier répond aux accusations de harcèlement moral du salarié suite à sa convocation à un entretien préalable au licenciement,

-Courrier de la CPAM du 08.02.2019 indiquant à M. [G] que son arrêt de travail du 16 janvier 2017 a été reconnu en rapport avec une affection de longue durée nécessitant des soins continus ou une interruption de travail supérieure à six mois par le médecin conseil,

-Courrier CNP du 14.06.2018 indiquant à M. [G] que le motif de la rupture de son contrat de travail pour faute grave ou lourde entre dans le cadre des exclusions prévues par le contrat d’assurance pour son prêt,

-Article [Localité 7]-Matin 02.11.2018 « Un comptable détourne près de 2 M€ en quatre ans sans éveiller les soupçons de son employeur»;

Analysés dans leur ensemble ces éléments de fait ne laissent pas supposer l’existence d’un harcèlement moral en ce que:

– les rares échanges électroniques versés, ne permettent nullement de confirmer la méchanceté ou les petites réflexions blessantes employées par les collaborateurs ou la direction du salarié portant atteinte à sa dignité;ils montrent au contraire que les supérieurs de M. [G] employaient à son égard un ton mesuré et adapté et faisaient preuve de patience et de compréhension malgré diverses erreurs avérées du salarié,

– les pièces produites ne mettent pas évidence d’agissements répétés mais se rapportent à des situations isolées survenues en 2017, et non réitérées,

– les agissements de harcèlement moral invoqués l’ont été plus d’un an après leur survenue et le 5 février 2018, par courriel, l’employeur a répondu à M. [G] qu’il prenait en considération ses accusations de harcèlement moral et qu’il ordonnait aussitôt une enquête en souhaitant entendre le salarié sur ce sujet précis ; aucun élément n’est produit de part et d’autre à ce sujet,

– les pièces médicales produites par le salarié ne permettent pas de faire un lien antre les arrêts de travail successifs de M. [G], la prise d’antidépresseurs et ses conditions de travail ; lors de la visite médicale de reprise le salarié a été déclaré apte à reprendre son poste sans réserve, au terme de sa période d’arrêt de travail d’une durée de 10 mois,

En conséquence, le harcèlement moral n’est pas caractérisé . M. [G] doit être débouté de sa demande en paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral occasionné. Le jugement entrepris doit être confirmé.

* Sur le défaut de visite médicale d’embauche,

Il appartient désormais au salarié de démontrer le préjudice qu’il invoque, dont les juges du fond apprécient souverainement l’existence et l’étendue.

M. [G] ne justifie pas subir un préjudice découlant du défaut d’organisation de la visite médicale d’embauche.

Le jugement entrepris doit être confirmé.

* Sur la discrimination salariale,

M. [G] fait valoir qu’il n’a jamais bénéficié d’augmentation de salaire depuis son embauche en 2014, alors qu’il donnait entière satisfaction à son employeur en ayant notamment détecté de nombreuses anomalies comptables qu’il a corrigées.

M. [G] ne produit aucune pièce au soutien de sa prétention. Il procède par voie d’affirmation et non de démonstration. La SARL Netpartnering.com limited démontre quant à elle que la classification du salarié était conforme aux dispositions de la convention collective SYNTEC, aux termes de laquelle le poste de comptable n’entre pas dans le statut de cadre et que le salarié était rémunéré conformément à sa classification.

Le jugement entrepris doit être confirmé.

* Sur le défaut d’organisation d’un entretien d’évaluation

Outre le fait que le salarié ne justifie pas de demandes répétées auprès de son employeur, il apparaît que l’absence d’entretien professionnel invoqué par M. [G] coïncide avec son absence pour cause de maladie ayant eu pour effet d’empêcher sa tenue,

Le jugement entrepris doit être confirmé.

Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement en date du 5 mars 2018 est ainsi motivée :

(…)

« Mis à pied à titre conservatoire le 24 janvier 2018 et, dans le souci de vous pouvoir vous entendre sur les faits graves qui nous ont été révélés, nous vous avons convoqué le 24 janvier 2018 pour un entretien préalable à un éventuel licenciement qui a été initialement fixé au 6 février 2018 en nos locaux.

Par mail du 31 janvier 2018 vous nous avez indiqué ne pas pouvoir vous y rendre pour incompatibilité médicale en assortissant votre envoi de multiples accusations auxquelles nous avons pris soin de vous répondre.

Dans l’espoir de pouvoir vous rencontrer et vous permettre de vous expliquer dans le cadre d’un débat contradictoire, nous vous avons convoqué de nouveau pour un nouvel entretien préalable à la même mesure de licenciement, cette fois fixé au 26 février 2018.

Vous avez là encore décidé de vous abstenir de vous présenter à 14 h, en nous adressant à cette occasion le jour-même, un mail à 10h28, par lequel vous refusez de vous déplacer en assénant encore de fausses affirmations.

En conséquence, je rappelle ici que vous avez été embauché par contrat à durée indéterminée en date du 8 décembre 2014 à effet au même jour, en qualité de comptable, catégorie ETAM, position 2.2, coefficient 310 relevant de la convention collective SYNTEC.

Le 4 décembre 2017, vous avez été placé en arrêt de travail jusqu’au 3 janvier 2018, arrêt qui s’est poursuivi d’abord jusqu’au 31 janvier 2018, puis jusqu’au 28 février 2018 et en dernier lieu au 28 Mars 2018.

Le 27 novembre 2017, nous avons été alertés, soit quelques jours seulement avant votre départ, par l’un de vos collègues, M. [W], qu’il avait besoin d’un mail (intitulé « RE DEMANDE DUPLICATAT 201600343 ») qu’il avait adressé depuis la messagerie « [Courriel 5] » et de ce qu’il n’était pas parvenu à le retrouver.

De plus amples investigations ont permis de constater qu’avant votre départ en maladie :

(i) vous vous étiez transféré des mails, depuis votre messagerie professionnelle ([Courriel 5]), vers votre messagerie personnelle ([Courriel 6]), avant d’opérer une double-suppression de ces mails,

(ii) et que vous aviez, par ailleurs, opéré une double-suppression de nombreux mails reçus ou envoyés, concernant a priori tous les mails que vous aviez reçus ou envoyés depuis votre reprise de fonctions du 4 novembre 2017.

C’est dans ces conditions que nous avons souhaité vous entendre.

Entretiens auxquels vous vous êtes dérobé.

Pour nous en tenir à vos explications écrites comme nous contraints vos refus successifs de vous rendre à l’entretien préalable, nous relevons que vous nous indiquez au sujet de ces faits, suivant votre mail du 31 janvier 2018, que vous aviez pris l’initiative le 1er décembre 2017, « de classer tous les mails non archivés datés d’après [votre] reprise du 31/10/2017 »

Vous n’expliquez ainsi pas, de première part, en quoi ce classement prétendu devait passer par une double suppression systématique de tous les mails envoyés et reçus, processus qui nuit gravement au fonctionnement normal de l’entreprise.

De deuxième part, vous minorez le nombre de mails que vous avez détournés et adressés sur votre boite personnelle alors qu’ils ne vous concernent pas, avant de les détruire.

Il apparait ainsi que, si avant vos destructions opérées a priori le 1er décembre 2017, veille de votre départ, vous aviez sélectionné des mails, destructions et détournements que vous reconnaissez avoir effectivement organisés, vous soutenez faussement que :

– le 1er décembre 2017, vous ne vous étiez envoyé que 2 mails sur votre adresse mail personnelle, dont l’un était un article de presse du jour,

– et que vous vous étiez envoyé par ailleurs 2 autres mails sur votre messagerie personnelle le 31 octobre 2017.

Il apparaît, en réalité, que ce ne sont pas moins de 17 mails que vous avez dirigés vers votre adresse mail personnelle.

3 d’entre eux apparaissent comme étant des envois d’articles de presse ou d’un formulaire de carte vitale rempli par vos soins.

S’ils ne concernent donc a priori pas l’entreprise, je relève néanmoins que vous admettez occuper une partie de votre temps de travail à des occupations personnelles.

L’un de ceux-ci contient des notes que vous vous étiez adressées à l’occasion de votre entretien personnel d’évaluation.

Nous ne vous en tiendrons pas rigueur.

En revanche, s’agissant des 14 autres mails dont vous vous êtes emparé, en les détournant avant de les détruire, il est incontestable qu’ils ne vous concernent pas.

Ils n’ont donc pas à être détournés pour se trouver en votre possession illégitime ou encore moins en celle de tiers non identifiés.

Enfin, de troisième part, vous affirmez non sans cynisme et légèreté blâmables que nous pouvions obtenir la restauration des mails que vous avez soigneusement détruits en nous adressant à notre Directeur informatique car, selon vous, le « service informatique est suffisamment performant pour retrouver les mails que [vous vous] êtes envoyés qui sont banals qui ne dénigrent pas la société ni ne compromettent son expansion ou ses relations commerciales ».

Cette réponse déplacée à vos destructions et détournements montre votre désintérêt complet de notre entreprise et de la désorganisation que vous avez créée.

Elle méconnait la faisabilité technique et la réalisation complète de cette opération, ainsi que les coûts engendrés pour ce travail que vous nous imposez par vos man’uvres intervenues, au surplus, juste avant votre départ en congé maladie.

Votre réponse fait en toute hypothèse montre de votre insouciance fautive quant aux risques que fait courir une disparition complète, fut-elle même partielle, des mails que vous avez décidé de détruire.

Ces faits, en eux seuls, constituent déjà des fautes graves et avérées qui vous sont imputables et que nous sommes contraints de retenir à votre encontre pour procéder à votre licenciement pour fautes graves.

Par ailleurs, loin de bien vouloir collaborer à la compréhension de vos destructions et détournements de correspondances, voire d’aider à leur restauration aussi complète que possible, vous avez, en revanche, choisi de formuler diverses accusations à l’encontre de vos deux collègues, MM. [W] et [A].

A leur vue, nous vous avons invité à préciser ces accusations et, le cas échéant, à les documenter.

Vous vous y êtes là encore refusé en nous empêchant ainsi de cerner précisément les griefs que vous seriez susceptible de formuler à leur encontre autrement que de façon purement artificielle et dans l’espoir de masquer, ou de minorer, vos fautes établies alors que la concordance de vos griefs avec les faits sur lesquels nous souhaitions vous entendre ne peut qu’interroger sur leur véracité et le but réel que vous poursuivez.

En l’état des précisions qui nous été apportées par vos collègues interrogés pour s’exprimer sur vos accusations, lesquelles réponses sont précises et concrètes, force est de constater que vos attaques à leur encontre relèvent d’un procès d’intention destiné uniquement à tenter de vos évincer de votre responsabilité encourue au titre des faits de destructions et de détournements sur lesquels vous avez été interpellé avant que de proférer vos accusations à leur encontre.

Votre comportement, à la fois par la commission de ces destructions et appropriations indues de mails en opérant ainsi un détournement de correspondance, vol et destructions, contraires en tous points à votre obligation de loyauté -alors qu’en qualité de Comptable vous êtes appelé à connaître des données sensibles de notre entreprise – ainsi que votre tactique ultérieure et symétrique d’accuser en retour vos collègues mais tout en refusant de vous livrer à une enquête contradictoire interne de crainte d’être inévitablement démasqué, constitue des fautes graves commises par vous au préjudice de notre société.

Vous avez, ainsi, par ces fautes, d’ores et déjà désorganisé sciemment l’entreprise sans aucune considération des conséquences de vos actes et de vos obligations que vous ne pouvez méconnaitre et qui vous sont rappelées.

Vous ne pouvez ignorer en effet que votre contrat de travail vous impose, sous son article 8 de : « (Monsieur [X] [G] s’engage à observer la plus entière discrétion et réserve afin de ne pas divulguer à qui que ce soit les processus, procédés, stratégies et plans, études, conceptions, projets ou réalisations et plus généralement tout document, sur tout supporte, étudiés et/ou développés pour le compte de l’employeur ou celui de ses clients et partenaires, Monsieur [X] [G] se déclarant à cet égard lié par le secret professionnel le plus absolu.

(‘) Tout manquement sur ce point constituerait de sa part une faute grave engageant sa responsabilité. »

Tandis que l’article 9 du même contrat dispose que : « Du fait de la loyauté professionnelle envers l’employeur lors de son départ, pour quelle raison qu’il s’agisse et quelle qu’en soit la cause, le salarié s’interdit de conserver des fichiers, documents, photocopies ou copies, sur tous supports, dont il a eu connaissance du chef de ses fonctions, ceux-ci qu’ils appartiennent à l’employeur ou à l’un de ses clients ou prospects ».

Dans ces circonstances votre maintien dans les effectifs de l’entreprise que vous gravement perturbée par vos comportements fautifs s’avère impossible.

Votre licenciement pour fautes graves prend effet immédiatement, sans indemnité de préavis ni de licenciement.

En tant que de besoin nous vous précisons que la suspension de votre contrat à raison de votre arrêt de travail n’empêche pas le licenciement, celui-ci étant prononcé pour faute grave conformément à l’article L.1226-9 du Code du travail.

Vous avez par ailleurs fait l’objet d’une mise à pied à titre conservatoire qui vous a été notifiée le 24 janvier 2018.

En conséquence du licenciement pour fautes graves, la période non travaillée courant du 24 janvier 2018 à la date de la présente ne sera pas rémunérée.

Nous vous adresserons prochainement par courrier votre certificat de travail, votre reçu pour solde de tout compte et votre attestation Pôle Emploi.

Vous pouvez faire une demande de précision des motifs du licenciement énoncés dans la présente lettre, dans les quinze jours suivant sa notification par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé.

Nous avons la faculté d’y donner suite dans un délai de quinze jours après réception de votre demande, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé.

Nous pouvons également, le cas échéant et dans les mêmes formes, prendre l’initiative d’apporter des précisions à ces motifs dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement.

Par ailleurs nous estimons que c’est en pleine connaissance de la portée et de la gravité de vos actes que vous avez violé les dispositions susvisées de votre contrat de travail.

Nous vous invitons fermement par la présente et sans aucun délai à nous restituer l’ensemble des documents, fichiers, photocopies, correspondances sur tous supports que vous détenez et qui appartiennent à la société.

Nous réservons autrement les suites qui seront engagées en cas d’usage.

Vous comprendrez, en effet, que dans l’hypothèse où vos actes gravement fautifs auraient des suites et nous préjudicieraient plus gravement encore, cette circonstance nous obligerait à ouvrir à votre encontre les actions légales appropriées.

Nous vous informons que votre solde de droits acquis au titre du DIF au 31 décembre 2014 s’élève à 52,7 heures admissibles au titre du Compte Personnel de Formation (dont 1,70 Heures « ex-DIF » à utiliser avant le 31/12/2020).

Les droits acquis au titre du DIF, et non consommés, peuvent être utilisés dans le cadre du Compte Personnel de Formation.

Nous vous invitons à vous rendre sur le site http://www.moncompteformation.gouv.fr/ pour connaître les modalités d’accès.

Vous bénéficiez, en outre, du maintien à titre gratuit des garanties frais de santé et des garanties prévoyance, en application de la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013.

La durée maximale de ce maintien est, compte tenu de votre durée d’emploi auprès de notre entreprise, de 12 mois à compter de la rupture de votre contrat.

Le maintien de ces couvertures suppose que vous soyez bénéficiaire du régime d’assurance chômage.

Vous devrez donc justifier au plus tôt de votre prise en charge par le régime d’assurance chômage auprès de notre organisme assureur, Cipres Assurances [Adresse 4] et l’informer sans délai de la date de cessation du versement des allocations chômage, notamment en cas de reprise d’un nouvel emploi au cours de cette période.

Nous vous prions de croire, Monsieur, en l’assurance de notre parfaite considération’.

(…)

*Sur la matérialité des faits fautifs

Pour conclure à l’infirmation du jugement, M. [G] fait valoir que l’employeur ne rapporte pas la preuve qu’il aurait divulgué les mails litigieux à des tiers et que le simple fait d’ avoir transféré sur sa boîte personnelle des mails professionnels ne constitue pas une violation du secret professionnel, ni un manquement à la loyauté, ce d’autant plus que ces mails ont été transférés durant la relation contractuelle et non à l’occasion de son départ.

Sur le grief tiré de la « double suppression » des mails, M. [G] soutient qu’il n’a pas supprimé de mails mais à simplement «vidé la corbeille», laquelle contient des mails déjà supprimés.

Or, il est établi ce que ne nie pas le salarié, que M. [G] a effectué une suppression systématique de très nombreux mails professionnels, en prenant le soin d’opérer une double-suppression de leur boîte originaire, puis de la boîte des messages supprimés . Cette opération a eu pour effet d’entraîner la suppression de toute justification des travaux comptables en cours.

Les faits visés dans la lettre de licenciement sont précis et objectifs. Leur matérialité n’est pas sérieusement discutable. Ils constituent une faute sans qu’il importe que la manoeuvre ait été accomplie durant la relation contractuelle et non à l’occasion du départ du salarié de l’entreprise.

* Sur la faute grave

La faute grave se définit comme un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis.

M. [G] fait valoir qu’à le supposer établi, le manquement reproché ne saurait en aucun cas être qualifié de faute grave justifiant le licenciement.

Or, en procédant à la suppression des mails puis en vidant la corbeille dans laquelle ils se trouvaient le salarié a agi volontairement en sachant que les messages étaient définitivement supprimés et irrécupérables.

Cette opération a eu pour effet de priver l’employeur de ses propres données confidentielles captées par le salarié et ainsi de porter gravement atteinte au bon fonctionnement de l’entreprise.

Eu égard à ces éléments, au poste et au niveau de responsabilité du salarié elle constitue une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise y compris durant le préavis. Le conseil de prud’hommes par une décision motivée en droit et en fait a fait une exacte appréciation des éléments de la cause.

* Sur l’indemnisation

Le licenciement étant motivé par une faute grave, M. [G] ne peut prétendre à l’indemnité compensatrice de préavis, à une indemnité de licenciement, et sera débouté du surplus de ses prétentions d’indemnisation mal fondées compte tenu de l’issue de l’appel.

Sur les frais du procès

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, M. [G] sera condamné aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 1.500 euros.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Condamne M. [G] aux dépens de la procédure d’appel,

Condamne M. [G] à payer à la SARL Netpartnering.com limited une somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [G] de sa demande d’indemnité de procédure en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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