Your cart is currently empty!
C 9
N° RG 21/01120
N° Portalis DBVM-V-B7F-KY3K
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC
Me Laurent JACQUEMOND-COLLET
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section B
ARRÊT DU JEUDI 19 JANVIER 2023
Appel d’une décision (N° RG F 20/00192)
rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOURGOIN JALLIEU
en date du 11 février 2021
suivant déclaration d’appel du 02 mars 2021
APPELANTE :
S.A.S. DEKRA PRELEVEMENTS & ANALYSES anciennement dénommée PROTEC SERVICES, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Josette DAUPHIN de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,
et par Me Florence DU GARDIER, avocat plaidant au barreau de PARIS substitué par Me REVEL Paul, avocat au barreau de Paris
INTIME :
Monsieur [E] [V]
né le 02 Novembre 1983 à [Localité 11] (35)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me JACQUEMOND-COLLET, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,
M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,
DÉBATS :
A l’audience publique du 09 novembre 2022,
M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président chargé du rapport et Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;
Puis l’affaire a été mise en délibéré au 19 janvier 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L’arrêt a été rendu le 19 janvier 2023.
EXPOSÉ DU LITIGE’:
M. [E] [V], né le 2 novembre 1983, a été embauché par la société Laboratoires Protec à compter du 3 février 2014 en qualité de technicien préleveur, statut employé, position 13.1n coefficient 220 suivant un contrat à durée déterminée ayant pour terme le 29 août 2014.
La relation de travail s’est poursuivie selon un contrat à durée indéterminée, conclu le 29 août 2019, soumis à la convention collective des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs conseils et sociétés de conseils.
À compter du 4 février 2019, le contrat de travail de M. [E] [V] a été transféré à la SAS Protec Services en application des dispositions de l’article L.’1224-1 du code du travail.
Du 3 au 5 janvier 2020, M. [E] [V] a bénéficié d’un arrêt de travail.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 31 janvier 2020 et remis en main propre le 7 février 2020, la SAS Protec Services a convoqué M. [E] [V] à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement, fixé au 27 février 2020.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 16 mars 2020, la SAS Protec Services a notifié à M. [E] [V] son licenciement pour faute grave en recensant trois griefs’:
– Avoir utilisé son véhicule à des fins personnelles,
– Avoir établi de faux rapports de prélèvement,
– Pour le non-respect des normes et procédures de sécurité.
Par courrier en date du 26 mars 2020, M. [E] [V] a sollicité de son employeur des précisions concernant les motifs de son licenciement ainsi que la transmission de ses documents de fin de contrat.
Par courrier en date du 27 avril 2020, la SAS Protec Services a rappelé les trois motifs invoqués au soutien du licenciement et a estimé que la lettre de licenciement explicite l’ensemble de ces motifs.
Le 27 mai 2020, M. [E] [V] a saisi le conseil de prud’hommes de Bourgoin-Jallieu d’une contestation de la rupture de son contrat de travail.
Par jugement en date du 11 février 2021, le conseil de prud’hommes de Bourgoin-Jallieu a’:
DIT ET JUGÉ que les faits reprochés à Monsieur [V] [E] ne sont pas constitutifs d’une faute grave et que le licenciement de Monsieur [V] [E] est dénué de cause réelle et sérieuse’;
CONDAMNÉ la SAS Protec Services à verser à Monsieur [V] [E] les sommes suivantes’:
– 2’661,46’€ au titre de l’indemnité de licenciement,
– 3’500’€ au titre de l’indemnité de préavis et 350’€ de congés payées y afférents,
– 12’250’€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 1’000’€ à titre de dommages et intérêts pour manquement à la tenue d’entretiens professionnels,
– 3’000’€ à titre d’abondement du compte personnel de formation de Monsieur [V] [E]’;
CONDAMNÉ la SAS Protec Services à verser à Monsieur [V] [E] la somme de 2’000’€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
ORDONNÉ l’exécution provisoire pour l’ensemble des sommes auxquelles la SAS Protec Services a été condamnée’;
CONDAMNÉ la société SAS Protect Services aux entiers dépens.
La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés les 13 et 15 février 2021.
Par déclaration en date du 2 mars 2021, la SAS Dekra Prélèvements & Analyses (anciennement dénommée Protec Services) a interjeté appel à l’encontre de cette décision.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 28 mai 2021, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS Dekra Prélèvements & Analyses demande à la cour d’appel de :
RECEVOIR Dekra Prélèvements & Analyses (anciennement dénommée Protec Services) en ses conclusions’;
LES DIRE bien fondées’;
INFIRMER le jugement du conseil de prud’hommes de Bourgoin-Jallieu en toutes ses dispositions’;
En conséquence,
DÉBOUTER Monsieur [V] de l’intégralité de ses demandes’;
CONDAMNER Monsieur [V] à verser à Dekra Prélèvements & Analyses (anciennement dénommée Protec Services) la somme de 2’000’euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;
CONDAMNER Monsieur [V] aux entiers dépens.
Par conclusions en réponse notifiées par voie électronique le 23 juillet 2021, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [E] [V] demande à la cour d’appel de :
CONFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Bourgoin Jallieu le 11 février 2021′;
En conséquence,
À titre principal,
DIRE ET JUGER que le licenciement de Monsieur [E] [V] ne repose ni sur une faute ni sur aucune cause réelle et sérieuse’;
En conséquence,
CONDAMNER la société Dekra Prélèvements & Analyses à payer à Monsieur [E] [V] les sommes suivantes’:
– Indemnité de licenciement’: 2’661,46’€,
– Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (7’mois)’:’12’250’€,
– Indemnité de préavis (2 mois)’: 3’500’€,
– Congés payés afférents’: 350’€
À titre subsidiaire, si par extraordinaire, la Cour considérait que le licenciement de Monsieur [E] [V] était justifié, il conviendrait de’:
DIRE ET JUGER que la faute grave ne peut être retenue et que seule la cause réelle et sérieuse puisse l’être’;
En conséquence,
CONDAMNER la Société Dekra Prélèvements & Analyses à payer à Monsieur [E] [V] les sommes suivantes’:
– Indemnité de licenciement’: 2’661,46’€,
– Indemnité de préavis (2 mois)’: 3’500’€,
– Congés payés afférents’: 350’€
Sur les autres demandes,
CONDAMNER la société Dekra Prélèvements & Analyses à payer à Monsieur [E] [V] les sommes suivantes’:
Dommage et intérêts pour manquement à la tenue d’entretien professionnel’: 1’000’€,
Abondement du compte personnel de formation’: 3’000’€’;
CONDAMNER la société Dekra Prélèvements & Analyses à payer à Monsieur [E] [V] la somme de 2’000’€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
CONDAMNER la même aux entiers dépens de l’instance.
Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l’article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures susvisées.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 septembre 2022 et l’affaire a été fixée pour être plaidée à l’audience du 9 novembre 2022.
EXPOSÉ DES MOTIFS’:
Sur la demande au titre du non-respect des obligations en matière de formation’:
L’article L.’6315-1 du code du travail, dans ses différentes versions en vigueur au cours de la relation de travail dispose, selon la version applicable au 1er janvier 2020 que’:
I. – A l’occasion de son embauche, le salarié est informé qu’il bénéficie tous les deux ans d’un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi. Cet entretien ne porte pas sur l’évaluation du travail du salarié. Cet entretien comporte également des informations relatives à la validation des acquis de l’expérience, à l’activation par le salarié de son compte personnel de formation, aux abondements de ce compte que l’employeur est susceptible de financer et au conseil en évolution professionnelle.
Cet entretien professionnel, qui donne lieu à la rédaction d’un document dont une copie est remise au salarié, est proposé systématiquement au salarié qui reprend son activité à l’issue d’un congé de maternité, d’un congé parental d’éducation, d’un congé de proche aidant, d’un congé d’adoption, d’un congé sabbatique, d’une période de mobilité volontaire sécurisée mentionnée à l’article’L. 1222-12, d’une période d’activité à temps partiel au sens de l’article’L. 1225-47’du présent code, d’un arrêt longue maladie prévu à l’article’L. 324-1’du code de la sécurité sociale ou à l’issue d’un mandat syndical. Cet entretien peut avoir lieu, à l’initiative du salarié, à une date antérieure à la reprise de poste.
II. – Tous les six ans, l’entretien professionnel mentionné au I du présent article fait un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié. Cette durée s’apprécie par référence à l’ancienneté du salarié dans l’entreprise.
Cet état des lieux, qui donne lieu à la rédaction d’un document dont une copie est remise au salarié, permet de vérifier que le salarié a bénéficié au cours des six dernières années des entretiens professionnels prévus au I et d’apprécier s’il a :
1° Suivi au moins une action de formation ;
2° Acquis des éléments de certification par la formation ou par une validation des acquis de son expérience ;
3° Bénéficié d’une progression salariale ou professionnelle.
Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, lorsque, au cours de ces six années, le salarié n’a pas bénéficié des entretiens prévus et d’au moins une formation autre que celle mentionnée à l’article’L. 6321-2, son compte personnel est abondé dans les conditions définies à l’article L.’6323-13.
Pour l’application du présent article, l’effectif salarié et le franchissement du seuil de cinquante salariés sont déterminés selon les modalités prévues à l’article’L. 130-1’du code de la sécurité sociale.
III. – Un accord collectif d’entreprise ou, à défaut, de branche peut définir un cadre, des objectifs et des critères collectifs d’abondement par l’employeur du compte personnel de formation des salariés. Il peut également prévoir d’autres modalités d’appréciation du parcours professionnel du salarié que celles mentionnés aux 1° à 3° du II du présent article ainsi qu’une périodicité des entretiens professionnels différente de celle définie au I.
L’article L.’6323-13 prévoit que dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, lorsque le salarié n’a pas bénéficié, durant les six ans précédant l’entretien mentionné au II de l’article L. 6315-1, des entretiens prévus au même article L. 6315-1 et d’au moins une formation autre que celle mentionnée à l’article L. 6321-2, un abondement est inscrit à son compte dans des conditions définies par décret en Conseil d’Etat et l’entreprise verse, dans le cadre de ses contributions au titre de la formation professionnelle, une somme dont le montant, fixé par décret en Conseil d’Etat, ne peut excéder six fois le montant annuel mentionné à l’article L. 6323-11. Le salarié est informé de ce versement.
Au cas d’espèce, bien que l’entretien professionnel prévu à l’article L.’6315-1 n’a pas pour objet de traiter des conditions de travail et donc du fait que le salarié occupait un poste dangereux en raison de l’amiante, l’employeur n’apporte aucun élément justifiant l’absence de cet entretien professionnelle pendant six ans.
La SAS Dekra Prélèvements & Analyses établit que le salarié a bénéficié de plusieurs actions de formation par la production d’une attestation de formation aux prélèvements d’air, en février 2014, d’une attestation de formation concernant la prévention des risques liés à l’amiante en février 2015, d’un mail indiquant qu’il était présent en formation recyclage opérateur en avril 2018, ainsi que deux historiques des formations reçues entre 2015 et 2019.
Cependant, l’ensemble de ses formations porte sur les fonctions exercées par le salarié, de sorte que l’employeur ne démontre pas qu’il ait proposé à M. [E] [V] des formations autres que celles mentionnées à l’article L.’6321-2 du code du travail, à savoir les formations qui conditionnent l’exercice d’une activité ou d’une fonction.
Or, il résulte des circonstances de l’espèce qu’entre son embauche en 2014 et son licenciement en 2020, le salarié n’a obtenu aucune évolution professionnelle, de sorte que l’absence d’entretien professionnel pendant six ans a engendré un préjudice au salarié.
En conséquence, par confirmation du jugement entrepris, il convient de condamner la SAS Dekra Prélèvements & Analyses, venant aux droits de la société Protect Services, à verser à M. [E] [V] les sommes suivantes’:
– 1’000’€ à titre de dommages et intérêts pour manquement à la tenue d’entretiens professionnels,
– 3’000’€ à titre d’abondement du compte personnel de formation de Monsieur [V] [E].
Sur la demande au titre de la rupture du contrat de travail’:
Conformément aux articles L.’1232-1, L.’1232-6, L.’1234-1 et L.’1235-2 du code du travail, l’employeur qui a licencié un salarié pour faute grave doit établir l’exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre de licenciement. Il doit également démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis.
Les motifs invoqués par l’employeur doivent être précis, objectifs et vérifiables. Il ressort de l’article L.’1235-1 du code du travail qu’il appartient au juge d’apprécier non seulement le caractère réel du motif du licenciement disciplinaire mais également son caractère sérieux.
La procédure pour licenciement pour faute grave doit être engagée dans un délai restreint après la découverte des faits.
L’employeur, bien qu’informé de l’ensemble des faits reprochés à un salarié, qui choisit de lui notifier une sanction disciplinaire pour certains d’entre eux, a épuisé son pouvoir disciplinaire et ne peut prononcer ultérieurement un licenciement pour les autres faits que postérieurement à leur date.
En l’espèce, la lettre de licenciement en date du 16 mars 2020, qui fixe les limites du litige en application de l’article L.’1232-6 du code du travail, est ainsi rédigée’:
«’Monsieur,
Nous faisons suite à l’entretien préalable en date du 27 février 2020 que vous avez eu avec Madame [N] [H], Directrice Générale Opérationnelle.
Au cours de cet entretien, nous vous avons exposé les faits que nous vous reprochons et avons recueilli vos explications. A l’issue de cet entretien, et après un temps supplémentaire que nous vous avons accordé pour justifier des faits qui vous sont reprochés, nous avons le regret de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave en raison des faits décrits ci-après.
Pour rappel, vous avez été embauché du 3 février 2014 au 29 août 2014 en contrat à durée déterminée. A compter du 1°’ septembre 2014, vous avez été engagé en qualité de Technicien préleveur au sein de PROTEC SERVICES dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée.
A ce titre, vous êtes alors amené à intervenir chez les clients pour effectuer des prélèvements d’air. Eu égard à l’activité de l’entreprise et à la nature de votre poste, la qualité de la prestation et le sens du service relèvent des exigences attendues de votre poste.
Dans le cadre de vos fonctions, vous avez notamment pour mission’:
D’assurer les prélèvements d’air pour nos clients et la saisie associée à ces prélèvements’;
D’effectuer des contrôles internes dans votre véhicule suivant la procédure établie ;
D’entretenir votre matériel de prélèvement ;
De vous déplacer sur chantier pour réaliser des prélèvements d’air ;
Et d’éditer tout rapport lié à votre poste.
Dans ce contexte factuel, nous déplorons la persistance d’importantes anomalies et manquements qui entachent l’exécution normale de vos missions. et qui pénalisent l’entreprise, au point que son image et sa crédibilité à regard de ses partenaires extérieurs ont été durement atteintes.
Nous avons été amenés à faire le constat’:
– De votre attitude faite de négligence, de manque de professionnalisme et de manque de conscience et d’une conduite mettant en cause la bonne marche de |’entreprise ;
– De problèmes d’adaptation aux règles de fonctionnement de l’entreprise et du non-respect des prescriptions et normes qui permettent de répondre à ses besoins et ses exigences réglementaires.
Nous avons été informés de ces faits par votre manager, le 3 janvier 2020. La remontée de ces éléments nous ont conduit à observer des incohérences depuis fin novembre 2019.
1. Utilisation du véhicule de service à des fins personnelles
Nous avons constaté, à plusieurs reprises, l’usage de votre véhicule de service à des fins personnelles. Nous nous permettons de rappeler que votre véhicule de service vous est attribué uniquement pour vos besoins professionnels.
Lors de l’entretien préalable, vous avez indiqué que les préleveurs de la Région Auvergne Rhône Alpes avaient l’autorisation d’utiliser les véhicules pour des petits déplacements personnels excepté le dimanche.
Or, il est expressément stipulé, dans votre contrat de travail (Cf. article 12 « Déplacements ”) que «[votre véhicule de service] vous sera confié pour vos seuls déplacements ».
Aussi, lors de différentes réunions avec Monsieur [G] [R] (début 2019) et [N] [H] (août 2019 et Novembre 2019), Directeurs opérationnels, nous vous avons précisé de nouveau que l’utilisation des véhicules de service est strictement interdite à l’utilisation personnelle. Il ne peut donc être utilisé à d’autres fins que celles professionnelles, notamment au regard du risque de contamination de l’amiante.
Par ailleurs, les déplacements personnels qui vous sont reprochés, ne peuvent être considérés comme des petits déplacements.
Les accès LIM fournis par la société LGFA nous permettent de connaître les péages utilisés durant vos déplacements et de tracer indirectement l’itinéraire emprunté. A cela, s’ajoute la carte GR TOTAL, qui elle nous permet également de prendre connaissance du nombre de kilométrages de votre voiture. Nous relevons, ainsi de nombreuses contradictions entre vos déclarations et la réalité des déplacements effectués.
Par exemple, vous vous êtes rendu à [Localité 13] au mois de décembre avec votre véhicule de service alors que vous n’aviez pas de chantier à cet endroit-là. Vous avez préféré prendre le péage de [Localité 13] pour vaquer à vos occupations personnelles au lieu d’exécuter votre prestation de travail. Ce même jour, vous auriez dû effectuer des prélèvements sur un chantier à [Localité 6] mais vous ne vous y êtes pas présenté.
2. Etablissement de faux rapports de prélèvement et atteinte à l’image de l’entreprise auprès de ses clients
Nous avons eu le regret de constater que certains rapports de prélèvements sont falsifiés et indiquent des informations erronées (date, heure. …).
Vous avez par exemple indiqué, dans le rapport N°905508, avoir parfaitement suivi la procédure en vigueur. Or, lors de l’entretien du 27 février 2019, vous avez reconnu ne pas avoir posé et déposé les prélèvements de restitutions d'[Localité 5] comme cela aurait dû normalement être exécuté.
Nous soulignons que l’impact de cette falsification de rapports peut être particulièrement dangereux, considérant le risque que cela peut engendrer en cas de problème sanitaire. En effet, le rapport de prélèvement est garant de la conformité technique et réglementaire de la prestation. S’il s’avérait que des ouvriers avaient été exposés à des fibres d’amiante alors que le rapport stipule l’absence de ces fibres, la responsabilité de l’entreprise serait engagée.
Aussi, cela peut avoir comme conséquence la suspension de l’accréditation COFRAC, la clé de voûte et le gage de la confiance de nos clients.
Il résulte de ce qui précède, que la Direction risque d’être contrainte de dédommager ses clients pour conserver les chantiers attribués. L’établissement de faux rapports de prélèvement a des répercussions tant sur le plan financier que sur l’image de l’entreprise. Le préjudice subi pourrait atteindre un montant très élevé.
Par ailleurs, si d’autres clients expriment leur doute sur l’ensemble des chantiers réalisés notamment sur la pose réelle des mesures initiales et fin de chantier, les conséquences financières seront encore plus grandes et l’entreprise subira des retombées négatives encore plus importantes.
3. Non-respect des normes et procédures de sécurité
Par courriel du 3 janvier 2020, nous avons été alerté également du non-respect des normes et des procédures de sécurité (règles de prélèvement statique ou sur opérateurs).
De ce fait, vous n’avez ni posé ni déposé les prélèvements de restitutions d'[Localité 5], ce que vous avez expressément reconnu lors de l’entretien préalable.
En vertu du décret n°2012-639 du 4 mai 2012 relatif aux risques d’exposition à l’amiante et de l’arrêté du 14 août 2012 relatif aux conditions de mesurage des niveaux d’empoussièrement, vous êtes tenu de respecter scrupuleusement les dispositions réglementaires en la matière, particulièrement les normes NF X43-050, NFX 46-269 et GA X 46-033.
Nous vous rappelons qu’en raison de la nature de l’activité, de votre fonction et des risques qui en découlent, les règles et procédures de sécurité revêtent une importance primordiale, particulièrement dans le cadre des mesures d’empoussièrement amiante destinées à évaluer la qualité de l’air.
Vous vous êtes donc soustrait aux procédures et aux règles de sécurité en vigueur, et ce en dépit des multiples formations qui vous ont été dispensées sur ce sujet.
En effet, vous ne pouviez ignorer ces règles car plusieurs formations vous ont été dispensées et ce, depuis votre embauche. Vous avez notamment assisté, le 18 avril 2018, à une formation sur les bonnes pratiques abordant le nettoyage des matériels de prélèvement, et donnant lieu à une remise à niveau sur les normes et réglementations applicables, à un approfondissement sur les phases opérationnelles lors des Meta Op ainsi qu’à un exercice de programmation de leurs pompes de prélèvement.
Les éléments exposés ci-dessus confirment votre conduite non professionnelle qui met en cause le bon fonctionnement de l’activité.
4. La perte de confiance résultant des faits fautifs
Nous déplorons que vos agissements fautifs aient entaché la confiance que nous vous portions.
Ainsi, nous vous reprochons’:
D’avoir manqué à votre obligation de loyauté en mentent délibérément et en établissant des rapports falsifiés ;
De ne pas avoir respecté les obligations qui vous incombaient ;
D’utiliser votre véhicule de service à des fins personnelles ;
De ne pas exécuter systématiquement votre prestation de travail,
Et d’avoir créé une méfiance légitime, emportant une totale perte de confiance à votre égard.
L’ensemble de ces faits caractérisent d’importants manquements. De fait, vous êtes, à nos yeux, en dessous des exigences des missions qui vous sont confiées. Nous ne pouvons durablement accepter les manquements ainsi détectés.
Les faits ci-dessus énoncés, pris tant isolément que globalement, votre absence de prise de conscience des éléments évoqués ci-avant, et les préjudices financiers et organisationnels qu’ils nous créent, ne nous permettent plus d’envisager la poursuite du contrat de travail qui nous lie dans de telles conditions d’exécution dudit contrat.
Par ailleurs, les explications recueillies auprès de vous au cours de l’entretien du 27 février 2020 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ‘ sujet. Nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien, même temporaire, dans l’entreprise s’avère impossible ; le licenciement prend donc effet immédiatement à la date du 16 mars 2020 sans indemnité de préavis ni de licenciement.’».
Il en ressort que la SAS Dekra Prélèvements & Analyses reproche à M. [E] [V] trois griefs ayant entraîné une perte de confiance à propos du salarié’:
– L’utilisation du véhicule de service à des fins personnelles,
– L’établissement de faux rapports de prélèvements,
– Le non-respect des normes et procédures de sécurité.
S’agissant du premier grief, la société Dekra Prélèvements & Analyses établit, par la production des plannings de M. [V] et du relevé de la carte de péages qu’à plusieurs reprises au mois de décembre 2019, le salarié a utilisé la voiture de la société pour des trajets non professionnels, le salarié n’ayant pas de chantiers dans les communes visitées.
En réponse, le salarié fait valoir l’existence d’un usage selon lequel «’les salariés pouvaient se servir des véhicules de service pour effectuer des petits déplacements’» (page 6 des conclusions).
À ce titre, il verse aux débats’:
– Un mail en date du 16 janvier 2020 de M. [C] [S], commercial, qui annonce’: «’C’est officiel, les véhicules de services sont interdits d’utilisation le week-end. En cas de problèmes, Derka se retournera contre l’utilisateur. Je n’ai pas d’information concernant le basculement des véhicules de service en véhicules de fonction moyennant participation’»,
– Un mail en date du 30 janvier 2020 de Mme [N] [H], directrice opérationnelle, qui précise «’Au final et du fait que les véhicules utilisés par Protec soient des véhicules utilitaires (2/3 places) nous ne pourrons pas valider l’usage à titre personnel de ces derniers. En effet, les règles en vigueur au sein de Dekra interdisent l’usage des véhicules utilitaires à titre personnel. Seuls les véhicules de service 5 places peuvent faire l’objet d’un usage personnel soumis à participation du salarié’»,
– Des échanges de SMS, datés du 30 janvier 2020, et dont les destinataires ne sont pas tous identifiés, qui mentionnent «’la note de service au sujet des véhicules de service’», et en particulier’: «’sur la partie frais d’entretien et gasoil nous sommes perdant (les utilisateurs du week-end qui avaient un accord tacite avec l’ancienne direction’», «’Ok un accord à la Pavel’».
Il résulte de ces éléments que l’ancienne direction tolérait l’utilisation, par les salariés, de leur véhicule de service à des fins personnelles, y compris le week-end.
Cependant, un usage exigeant l’octroi d’un avantage général, constant et fixe, il ressort d’un courriel en date du 22 juin 2020, de [Y] [I], Responsable Planification Air, que «’lors de sa visite en juin 2019, [G] [R] nous a signalé que nous ne pouvions pas utiliser les véhicules à titre personnel et [E] était présent’» et que «’En août 2019, tu nous a également signalé que l’on ne pouvaient pas utiliser le véhicule à titre personnel’».
En outre, l’article 12 du contrat de travail stipule expressément que «’le salarié devra veiller au bon entretien courant du véhicule qui lui sera confié pour ses seuls déplacements professionnels.’».
Ainsi, il ne peut être déduit des éléments énoncés précédemment qu’il existait un usage au sein de la société permettant aux salariés, de manière générale, constante et fixe, d’user de leur véhicule à des fins personnelles, y compris le week-end.
Pour autant, il ressort des pièces précédemment énoncées qu’une tolérance de l’ancienne direction existait quant à l’utilisation des véhicules de service à des fins personnelles et qu’une décision claire d’interdiction n’a été adoptée et portée à la connaissance des salariés qu’en janvier 2020, écartant alors toute tolérance préexistante.
Dès lors, étant donné que les griefs datent de décembre 2019 et que l’employeur n’apporte aucun élément datant d’après janvier 2020, l’employeur n’établit pas la faute reprochée au salarié.
S’agissant du deuxième grief, l’employeur ne produit aucun élément concernant l’exemple cité dans la lettre de licenciement quant à la falsification des prélèvements à [Localité 5].
En revanche, il ressort d’un document concernant les normes en ligne, intitulé GA X46-033, que la durée des prélèvements doit être «’d’au moins 24’h’» pour la norme ISO 16000-76.1.
L’employeur produit également un document intitulé «’Mission de technicien préleveur d’air amiante par les organismes accrédités’» sur lequel la directrice opérationnelle a indiqué comme commentaire’: «’Si le technicien préleveur qui intervient sur un chantier ne respecte pas les procédures réglementaires relatives aux prélèvements Amiante qu’il doit réaliser (ex’: temps de prélèvements, vérifications des paramètres, entretien du matériel et suivi du process…), il met alors la santé des intervenants sur le terrain en danger car le prélèvement ne sera pas conforme et donc non représentatif de la réalité.’».
Or, il ressort d’un mail en date du 3 janvier 2020 que le salarié était à [Localité 10] vers 10’h le 26 décembre 2012, de sorte que le salarié n’a pas respecté le délai de prélèvement de 24’heures en indiquant qu’il a commencé les prélèvements à 10’h le même jour sur le chantier de Pitance à [Localité 7].
En outre, concernant le même chantier Pitance à [Localité 7], le chef de chantier de l’entreprise TPM a indiqué par mail en date du 3 mars 2020 à la SAS Dekra Prélèvements & Analyses que personne ne se trouvait sur le chantier le 30 décembre 2019, de sorte que les rapports de prélèvement, édictés par le salarié et datant du 30 décembre 2019, apparaissent inexacts.
Par ailleurs, il ressort d’un mail, en date du 6 mars 2020, de l’encadrant technique de la société Etera, client de la SAS Dekra Prélèvements & Analyses, que «’après enquête interne, mon équipe présente sur notre chantier de [Localité 9] le 18 décembre 2019 m’a indiqué que [E] ne serait pas resté sur la totalité du prélèvement. Il serait parti en prétextant une urgence à mon opérateur en poste en sortie de SAS. Mon équipe se serait donc arrangée avec lui pour qu’il puisse récupérer les pompes portables lors de la dépose des mesures statique sans se rendre compte des conséquences d’un tel arrangement. Sachant cela, il est évident qu’il faut «’décoffraquer’» cette mesure’!’».
Ainsi, l’employeur démontre, par la production du relevé de la carte péages entre le 5 novembre 2019 et le 14 janvier 2020 ainsi que plusieurs rapports de prélèvement relatifs à des chantiers à la gare de [8], à [Localité 6], à [Localité 9], à SLC Pitance à [Localité 7] et à [Localité 12] entre le 20 novembre 2019 et le 8 janvier 2020, que le salarié a indiqué des heures de prélèvements ou de poses de pompes alors que, compte tenu des horaires de péage et des temps de trajet, il n’était pas présent sur les lieux.
Finalement, l’employeur verse un mail en date du 16 mars 2020 par lequel il a informé la responsable d’accréditation de la Cofrac des incidents de prélèvements et des risques en résultant dans les termes suivants’:
«’À la suite de cette enquête, nous avons constaté des écarts importants aux procédures et normes au cours de la réalisation des prélèvements réalisé par celui-ci (temps de prestation non respecté, Prestation méta opérateur posées sur échafaudage, incohérence entre les heures de péage et heure d’intervention notées sur les rapports, témoignages clients et non retrait du logo Cofrac). Tous ces éléments nous ont permis de mettre en évidence de grave manquement de la part de notre technicien qui nous ont obligé à procéder à son licenciement.
Afin de limiter au maximum les risques sanitaires liés à ces manquements pour le personnel intervenant sur ces chantiers, nous avons informé les clients concernés par ces écarts constatés afin qu’ils prennent les mesures nécessaires sur les chantiers pour les intervenants et refaire les mesures à titre gracieux. Dans le cas où les chantiers seraient terminés, nous procéderons au remboursement des prestations sous forme d’avoirs. Nous avons également repris tous les rapports concernés afin de retirer le logo COFRAC.’».
En réponse, le salarié ne développe aucun moyen pertinent, de sorte qu’il convient de considérer que M. [E] [V] a établi des rapports erronés de prélèvements en indiquant des heures inexactes alors qu’il n’était pas présent sur place.
Dès lors, il ressort des énonciations précédentes que l’employeur établit suffisamment le deuxième grief, d’autant que le non-respect des horaires de prélèvement peut engendrer des risques pour les intervenants sur site postérieurement aux prélèvements.
S’agissant du troisième grief, l’employeur affirme que le salarié a «’déclaré pendant l’entretien préalable qu’il n’avait pas posé lui-même les pompes de prélèvement sur le chantier situé à [Localité 5]’», mais n’apporte aucun élément probant permettant d’établir que quelqu’un d’autre que M. [V] aurait posé les pompes de prélèvement.
En effet, il se contente de verser aux débats l’accréditation Cofrac, la fiche de mission du salarié et les justificatifs des formations suivies par ce dernier.
Dès lors, le troisième grief n’est pas établi.
Il résulte des énonciations précédentes que la société SAS Dekra Prélèvements & Analyses établit la matérialité d’un seul des griefs énoncés dans la lettre de licenciement, à savoir l’établissement de rapports erronés de prélèvement.
Compte tenu des fonctions du salarié et de la dangerosité résultant du non-respect de la durée des prélèvements pour les intervenants sur site, établie par l’employeur par la production de la fiche mission de technicien préleveur d’air amiante, d’un mail adressé à la responsable accréditation de la COFRAC et d’un mail d’un client, il convient de considérer que l’employeur démontre suffisamment la gravité de la faute ayant empêché la poursuite du contrat de travail, de sorte qu’il convient de considérer que le licenciement pour faute grave notifié le 16 mars 2020 à M. [E] [V] est fondé.
En conséquence, par infirmation du jugement entrepris, M. [E] [V] est débouté de l’intégralité de ses demandes afférentes à la rupture de son contrat de travail.
Sur les demandes accessoires’:
Confirmant le jugement entrepris et y ajoutant, la SAS Dekra Prélèvements & Analyses, partie perdante partiellement à l’instance au sens des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, doit être tenue d’en supporter les entiers dépens.
Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l’espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de M. [E] [V] l’intégralité des sommes qu’il a été contraint d’exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu’il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la SAS Dekra Prélèvements & Analyses à lui payer la somme de 2’000’€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de ne pas faire application complémentaire de ces dispositions en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS’:
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l’appel et après en avoir délibéré conformément à la loi’;
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a :
-condamné la société Protect Services à payer à M. [E] [V] les sommes suivantes’:
– 1’000’€ à titre de dommages et intérêts pour manquement à la tenue d’entretiens professionnels,
– 3’000’€ à titre d’abondement du compte personnel de formation de Monsieur [V] [E].
– 2’000’€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
-condamné la société Protect Services aux dépens
sauf à ajouter que la société Dekra Prélèvements & Analyses vient aux droits de la société Protect Services
L’INFIRME pour le surplus’;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DÉBOUTE M. [E] [V] de ses demandes au titre de la rupture de son contrat de travail’;
REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
CONDAMNE la SAS Dekra Prélèvements & Analyses aux entiers dépens d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière Le Président