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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-5
ARRÊT AU FOND
DU 26 JANVIER 2023
N° 2023/50
MS
Rôle N° RG 20/03739 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BFXQI
[G] [A]
C/
SARL MALVANA
Copie exécutoire délivrée
le : 26/01/23
à :
– Me Stéphanie JOURQUIN, avocat au barreau de NICE
– Me Cédrick DUVAL, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRASSE en date du 12 Février 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/00262.
APPELANTE
Madame [G] [A], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Stéphanie JOURQUIN, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
SARL MALVANA, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Cédrick DUVAL, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre
Monsieur Antoine LEPERCHEY, Conseiller
Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Karen VANNUCCI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Janvier 2023, prorogé au 26 janvier 2023.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Janvier 2023.
Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Karen VANNUCCI, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [G] [A] a été engagée par la SARL Rioule, exploitant un restaurant Mc Donald’s, en qualité d’équipière polyvalente à compter du 20 août 1996.
Devenue première assistante, le 1er septembre 2015, elle a rejoint la SARL Malvana (ci-après la société), ayant le même gérant, au sein du restaurant Mc Donald’s situé dans le centre commercial Polygone à Cagnes-Sur -Mer.
Le 1er septembre 2016, elle a été promue Directrice du restaurant, statut cadre, sous convention de forfait en jours, moyennant un salaire brut moyen mensuel qui était en dernier lieu de 3 233, 38 euros.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la restauration rapide.
La société employait habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement.
Lors de son entretien annuel, le 23 novembre 2017, l’employeur a exprimé son insatisfaction quant au travail de la salariée.
Le 28 novembre 2017, Mme [A] s’est trouvée placée en arrêt de travail pour maladie non professionnelle, jusqu’au 2 janvier 2018.
Par courriers recommandés en date du 8 janvier 2018 et du 9 mars 2018, la SARL Malvana a reproché à Mme [A] des manquements dans l’exécution de ses missions.
Après l’avoir convoquée, le 5 avril 2018, à un entretien préalable fixé le 17 avril 2018, auquel elle s’est présentée assistée, la SARL Malvana, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 20 avril 2018 a licencié Mme [A] pour faute grave.
Le 21 mars 2019, la salariée a contesté dans les mêmes formes son licenciement ainsi que les griefs invoqués dans les courriers du 8 janvier et du 9 mars 2018, considérés comme étant des sanctions. L’employeur, le 30 avril 2019, a maintenu son appréciation.
Le 16 avril 2019, Mme [A], contestant le bien-fondé de son licenciement pour faute grave et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, a saisi la juridiction prud’homale, afin d’obtenir diverses sommes tant en exécution qu’au titre de la rupture du contrat de travail.
Par jugement rendu le 12 février 2020, le conseil de prud’hommes de Grasse, a jugé le licenciement non fondé sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse et a condamné la SARL Malvana à payer à Mme [A] les sommes suivantes :
– 9.700, 14 euros bruts au titre de l’indemnité de préavis,
– 970, 01 euros au titre des congés payés sur préavis,
– 17.244, 66 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 1.500 euros à titre de dommages et intérêts en raison de propos injurieux «constituant un fait unique de harcèlement»,
– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le conseil de prud’hommes a dit que les condamnations à caractère salarial seront assorties de l’intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,
– dit que les condamnations à caractère indemnitaire seront assorties de l’intérêt au taux légal à compter de la décision à intervenir avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,
– ordonné à la SARL Malvana de délivrer à Mme [A] ses documents sociaux rectifiés (solde de tout compte, attestation pôle emploi, certificat de travail conforme et un bulletin de paie récapitulatif des sommes versées).
– le tout sous astreinte de 15 euros par jour de retard après un mois à compter de la décision et limité à un mois. Le conseil se réservant le droit de liquider l’astreinte.
– débouté Mme [A] de ses autres demandes et prétentions,
– débouté la SARL Malvana de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– a mis les dépens à la charge de la SARL Malvana.
Mme [A] a interjeté appel de cette décision dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués, demandant à la cour d’infirmer le jugement excepté en ce qu’il a constaté l’absence de faute grave à l’origine de son licenciement ainsi que l’existence de propos injurieux tenus par l’employeur à son égard, et a condamné la SARL Malvana à lui payer la somme de 1.500 € à titre de dommages-intérêts outre la même somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et les dépens.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 27 octobre 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 novembre 2020, Mme [A] appelante demande à la cour d’infirmer le jugement, de débouter la SARL Malvana de ses demandes et de condamner l’intimée au paiement d’une somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Statuant à nouveau, Mme [A] demande à la cour de :
– juger qu’elle a subi un harcèlement moral,
– annuler les avertissements disciplinaires des 8 janvier et 9 mars 2018,
– dire et juger le licenciement nul, et à titre subsidiaire, dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– condamner la SARL Malvana à lui payer les sommes de :
– 28.692,51 € au titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires non payées de septembre 2016 à avril 2018,
– 2.869,25 € au titre des congés payés y afférents,
– 23.730,27 €, indemnité de congés payés comprise, à titre de dommages et intérêts au titre de la contrepartie obligatoire en repos,
– 24.182,28 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
– 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et non-respect de l’obligation de sécurité de résultat,
– 20.000 € à titre de dommages intérêts pour harcèlement moral,
– 51.734,08 € à titre de dommages et intérêts pour nullité du licenciement, et subsidiairement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 28.951,57 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 12.091,14 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 1.209,11 € au titre des congés payés y afférents,
– le tout, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil pour les demandes à caractère salarial et à compter de la décision à intervenir pour les demandes à caractère indemnitaire, et capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2
du code civil,
– condamner la SARL Malvana à lui remettre les documents sociaux rectifiés (solde de tout compte, attestation Pôle Emploi,certificat de travail conformes et un bulletin de paie récapitulatif des sommes versées) sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir.
L’appelante fait valoir que :
* Sur la nullité de la convention de forfait en jours et ses conséquences :
– l’employeur n’a pas satisfait à ses obligations conventionnelles et légales de contrôle des jours travaillés et au suivi de la charge de travail : il n’a pas assuré le contrôle des temps de repos et des amplitudes horaires de la salariée, aucun document de suivi n’a été établi, aucun entretien annuel relatif à la charge de travail n’a été organisé et aucun dispositif d’alerte n’a été instauré dans la société. L’employeur n’a pris aucune mesure alors qu’il était informé que Mme [A] se trouvait en situation de surcharge de travail et dépassait le nombre de jours fixés contractuellement, ainsi que le plafond stipulé par la convention collective applicable, depuis sont entrée en fonction au poste de directrice de restaurant ;
– l’employeur ne peut se prévaloir du fait que la salariée n’a pas sollicité d’entretien sur sa charge de travail;
– elle est bien fondée à réclamer un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et au titre de la contrepartie obligatoire en repos non respectée;
– elle apporte des éléments précis sur la réalisation d’heures supplémentaires par diverses pièces, pendant que l’employeur ne verse aucun document de nature à justifier les horaires effectivement réalisés ;
– la convention de forfait en jour étant privée d’effet, elle est également bien-fondée à solliciter une indemnisation au titre du travail dissimulé, dont l’intentionnalité est démontrée.
*Sur l’annulation de deux sanctions disciplinaires :
– les courriers du 8 janvier et du 9 mars 2018 constituent des avertissements au regard des griefs et des mises en gardes formulés dans ces derniers. En outre, ils sont mentionnés dans la lettre de licenciement du 20 avril 2018 pour étayer le motif de faute grave ;
– ces deux sanctions doivent être annulées, en ce qu’elles se fondent sur des griefs injustifiés et des faits qui ne sont pas matériellement établis ni imputables à la salariée.
* Sur le harcèlement moral :
– Mme [A] a subi dès le début de l’année 2017 des agissements répétés de harcèlement moral de la part du gérant de la SARL Malvana, M. [Z], qui lui a adressé des reproches virulents, publics et présentant un caractère humiliant notamment sur son hygiène corporelle, lui a imposé une charge de travail trop importante au regard des moyens en effectif insuffisants dont elle disposait, l’a sanctionné disciplinairement et l’a menacé de licenciement dans le dessein de la contraindre à quitter son emploi ;
– ces agissements et notamment les méthodes de gestion mises en oeuvre par sa hiérarchie, qui l’a soumis à une surcharge de travail et à une pression constante ont eu pour effet de dégrader ses conditions de travail, provoquant une altération de son état de santé qui est attestée par diverses pièces médicales.
-la situation de harcèlement moral étant caractérisée, elle est bien-fondée à percevoir des dommages et intérêts eu égard au préjudice consécutif à l’altération de son état de santé.
* Sur la nullité du licenciement et à titre subsidiaire son absence de cause réelle et sérieuse :
– les griefs invoqués dans la lettre de licenciement sont imprécis et ne sont pas matériellement établis, ni vérifiables, ce qui est démontré par les pièces qu’elle produit ;
– le véritable motif de licenciement est de nature économique, ce qui est prouvé par les éléments versés, ainsi que par l’absence de remplacement de son poste de directrice ;
– elle est bien-fondée à réclamer des dommages et intérêts au titre de la nullité du licenciement et à titre subsidiaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que le paiement de l’indemnité conventionnelle de licenciement et de l’indemnité compensatrice de préavis.
* Sur l’exécution déloyale du contrat de travail
– les manquements de l’employeur dans l’exécution du contrat de travail, relatifs au non-paiement des heures supplémentaires, au dépassement de sa durée hebdomadaire de travail, à l’absence de préservation de sa santé et de sa sécurité caractérisent une exécution déloyale du contrat, d’où il résulte un préjudice moral et matériel qui doit être réparé par l’allocation de dommages et intérêts.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 31 août 2020, la SARL Malvana, intimée, demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a :
– condamnée à payer à Mme [A] :
– 9.700,14 euros bruts au titre de l’indemnité de préavis ;
– 970,01 euros au titre des congés payés sur préavis ;
– 17.244,66 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;
– 1.500 euros au titre de dommage et intérêts en raison de propos injurieux constituant un fait unique de harcèlement moral ;
– 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– mis les dépens à sa charge.
Statuant à nouveau, et formant appel incident, la SARL Malvana demande à la cour de ‘dire et juger’ que :
– le licenciement pour faute grave de Mme [A] est bien fondé ;
– la convention de forfait jours de Mme [A] est valable, que de ce fait, aucune heure supplémentaire n’a été réalisée par la salariée et que le travail dissimulé n’est pas caractérisé,
– les lettres adressées à la salariée les 8 janvier et 9 mars 2019 étaient de simples lettres d’observations,
– aucun harcèlement moral ne peut être caractérisé.
En conséquence, débouter Mme [A] :
– de ses demandes relatives à la nullité, et subsidiairement à la requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– de sa demande de nullité de sa convention de forfait,
– de sa demande d’annulation des prétendues sanctions prononcées à son égard,
– de sa demande de reconnaissance d’un harcèlement moral
Elle demande à la cour de confirmer le jugement pour le surplus, de débouter l’appelante de l’ensemble de ses demandes et de condamner Mme [A] au paiement d’une somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
La SARL Malvana réplique que :
* Sur la validité et l’exécution régulière de la convention de forfait en jours :
– la demande de Mme [A] est mal fondée. Elle ne peut demander des dommages et intérêts sur le fondement de l’absence de validité de la convention, alors qu’en droit le non-respect par l’employeur des dispositions de l’accord collectif relatives à l’exécution de la convention de forfait en jours n’entraîne pas sa nullité mais la prive d’effet ;
– de même, la Cour de cassation considère que le dépassement du nombre de jours fixés n’entraîne ni la nullité de la convention, ni son absence d’effet ;
– au demeurant, la convention de forfait en jours est régulière et l’employeur a respecté les dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail en forfait en jours,
– durant l’exécution de la relation de travail, la salariée n’a jamais porté de réclamation au sujet de l’absence de document de suivi et d’entretien annuel sur sa charge de travail ;
– sur le grief relatif à l’absence d’entretiens de suivi de la charge de travail, la convention de forfait en jours stipule que le salarié s’engage à solliciter une réunion semestrielle dans la mesure où sa hiérarchie n’en aurait pas pris l’initiative. Mme [A] qui n’a jamais formulé de telles sollicitations, ne peut reprocher un manquement à son employeur à ce titre, alors qu’elle n’a pas respecté les obligations contractuelles qui lui incombaient ;
– sur le grief du dépassement du forfait en jours, d’une part la salariée ne démontre pas que ce dépassement a été imposé par son employeur, d’autre part, les pièces qu’elle verse pour établir le dépassement du forfait sont dépourvues de valeur probante et sont contredites par les éléments produits par l’employeur ;
– de plus, aux termes de la convention de forfait, il appartenait au cadre autonome d’organiser son temps de travail de sorte à respecter les règles en vigueur, s’agissant notamment de sa durée de travail et des ses temps de repos. Mme [A] ne peut ainsi reprocher à l’employeur son propre manquement dans le suivi de son temps de travail. D’autant, que la salariée ne transmettait pas ses plannings à l’employeur dans les délais impartis, et rendait donc difficile le suivi par la SARL Malvana ;
– néanmoins, l’employeur verse tout de même des éléments relatifs au suivi de sa charge de travail : des plannings, des entretiens fréquents, des demandes de communication de rapports et au travers de la disponibilité du gérant lors des réunions hebdomadaires, ainsi que des supervisieurs ;
– il était demandé à la salariée la flexibilité et l’adaptabilité inhérente à un cadre en forfait en jours mais elle conservait toute latitude pour organiser son temps de travail. Il ressort des pièces produites par les deux parties que la surcharge de travail et les diverses difficultés de personnel alléguées, qui l’auraient empêché de respecter son forfait ne sont pas caractérisées. Elle ne justifie donc pas de raisons valables pour avoir méconnu les termes de sa convention de forfait ;
* Sur le rejet des demandes relatives aux heures supplémentaires :
– la convention de forfait en jours étant régulière, aucune heure supplémentaire n’est due ;
– au demeurant, les éléments apportés par la salariée au soutien de sa demande d’heures supplémentaires ne permettent pas de démontrer leur réalisation, certaines pièces n’étant pas précises et leur valeur probante étant, en tout état de cause, contestable ;
– notamment, le décompte des heures supplémentaires est fixé de manière arbitraire et son chiffrage a d’ailleurs évolué entre la première instance et l’appel, ce qui tend à démontrer l’absence de sérieux de sa demande ;
– la demande de la salariée au titre du travail dissimulé est également mal-fondée en ce que la convention de forfait en jours est régulière et au demeurant, en ce que sa seule exécution irrégulière ne peut caractériser l’intention de l’employeur de dissimuler les heures supplémentaires réalisées.
* Sur le harcèlement moral :
– le conseil de prud’hommes a admis un fait unique de harcèlement alors qu’aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, le harcèlement nécessite des agissements répétés, ce qui n’est pas caractérisé en l’espèce ;
– les faits invoqués par Mme [A] ne sont pas établis et ne permettent donc pas de laisser présumer une situation de harcèlement moral ;
– s’agissant des prétendus reproches virulents, publics et humiliants formulés par M. [Z], la salariée procède par voie d’affirmation sans produire d’éléments au soutien de ses allégations ;
– la situation de surcharge de travail qui serait imposée par l’employeur n’est pas caractérisée, Mme [A], cadre autonome organisait elle-même son temps de travail et disposait des ressources nécessaires pour gérer le restaurant. Les difficultés liées au personnel qu’elle fait valoir sont principalement issues de ses propres défaillances dans sa gestion et la formation du personnel et ne sont donc pas imputables à la SARL Malvana ;
– elle ne peut soutenir qu’elle a été injustement sanctionnée, alors que les courriers du 8 janvier et du 9 mars 2018 n’ont pas la nature de sanctions disciplinaires, avaient exclusivement pour objet d’inviter la salariée à modifier sa gestion du restaurant qui se trouvait dans une situation financière fragile, étaient des mises au point non exclusivement destinées à Mme [A], d’autres directeurs de restaurants ayant fait l’objet de communications similaires ;
– les allégations de Mme [A] quant à une menace de licenciement formulée par le gérant de la société, M. [Z], est également infondée, la salariée dénaturant un courriel envoyé par ce dernier, qui ne la visait pas personnellement n’en étant pas la seule destinataire;
– Mme [A] ne produit pas d’élément permettant d’imputer son état de santé de manière directe et certaine à une situation de harcèlement moral ;
– elle ne verse aucun élément pour justifier son préjudice et le montant des dommages et intérêts sollicités.
* Sur l’exécution déloyale du contrat de travail
– l’ensemble des demandes de Mme [A] étant mal-fondée, l’employeur n’a commis aucun manquement dans l’exécution du contrat de travail,
– en tout état de cause, la déloyauté contractuelle déloyale n’est pas caractérisée,
-la salariée ne justifie pas de son préjudice.
* Sur le bien fondé du licenciement :
– le licenciement est bien fondé pour faute grave en raison de manquements avérés de la salariée à ses obligations d’une particulière gravité au regard de ses responsabilités de directrice et de sa grande ancienneté,
– Mme [A] a méconnu son obligation de sécurité en mettant en danger le personnel par son défaut de formation d’une manager sur la procédure de prélèvement des espèces, elle a violé les exigences de sécurité alimentaire et a fait preuve d’insubordination par l’absence de mise en oeuvre des directives de la société ;
– subsidiairement, le salaire de référence retenu pour le calcul du quantum de l’indemnité de licenciement est erroné.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail
1- Sur les demandes relatives à la conclusion et à l’exécution de la convention de forfait en jours :
Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
S’agissant du forfait annuel en jours, il est régi par les dispositions de l’article 33.5 de l’avenant n°44 du 25 mai 2012 à la convention collective de la restauration rapide :
«Afin de préserver la santé et le droit au repos des cadres autonomes régis par un forfait jours
et d’organiser raisonnablement leur charge de travail, le nombre de jours de repos auxquels chaque intéressé peut renoncer ne peut le conduire à travailler effectivement au-delà de 235 jours sur une année.
(…)
Le cadre au forfait jours dispose au minimum d’un repos quotidien consécutif de 11 heures porté à 12 heures consécutives s’il quitte son poste de travail après minuit à [Localité 4] et en région parisienne et après 22 heures en province.
Il bénéficie également d’un repos hebdomadaire de 2 jours consécutifs ou non, avec un
minimum de 35 heures consécutives, conformément aux dispositions de l’article 34 de la convention collective.
L’amplitude quotidienne de travail ne peut pas être supérieure à 13 heures. Néanmoins, pour
répondre aux nécessités de fonctionnement de l’entreprise liées à un surcroît d’activité, le cadre autonome peut organiser de manière exceptionnelle son travail avec une amplitude supérieure. L’amplitude moyenne de la journée de travail ne peut excéder 13 heures sur la semaine considérée.
La durée de travail du cadre au forfait jours ne peut dépasser 12 heures par jour et 48 heures par semaine.
Le cadre autonome établit pour chaque mois un document précisant à titre prévisionnel les jours de travail à réaliser et les jours de repos en les qualifiant de repos hebdomadaire, congés payés, jours fériés chômés ou jours de repos liés au forfait.
Cette organisation prévisionnelle est soumise pour avis au responsable hiérarchique qui fait
part au cadre autonome de ses éventuelles observations.
Cette organisation prévisionnelle est susceptible d’évoluer au regard des nécessités inhérentes à l’exploitation de l’activité de l’entreprise.
Outre la répartition de la charge de travail, l’organisation prévisionnelle doit permettre au salarié de concilier au mieux son activité professionnelle avec sa vie personnelle. Afin de permettre un suivi régulier de l’organisation de son temps de travail, le cadre autonome doit communiquer à la fin de chaque mois à sa hiérarchie le planning de travail qu’il a suivi au titre du mois considéré en distinguant les jours de repos hebdomadaire, les congés payés, les jours fériés chômés et les jours de repos liés au forfait.
Afin que le cadre autonome puisse répartir dans les meilleures conditions, et au plus tôt, sa charge de travail sur l’année et dans le but d’éviter les risques de dépassement du nombre de jours travaillés ou la prise des jours de repos dans les toutes dernières semaines de l’année, il est organisé avec sa hiérarchie un point semestriel.
La hiérarchie veillera, lors de ce suivi, aux éventuelles surcharges de travail et au respect des durées maximales de travail, des amplitudes journalières et hebdomadaires et des durées minimales de repos.
Un document annuel de contrôle faisant apparaître le nombre de jours travaillés et le nombre de jours de repos est établi.
Un entretien annuel est organisé entre le cadre autonome et son supérieur hiérarchique.
(….)
En l’espèce, un avenant au contrat de travail prévoit que « Madame [G] [A] s’engage à solliciter une réunion semestrielle dans la mesure où sa hiérarchie n’en aurait pas pris l’initiative [‘] », alors que la convention collective prévoit, comme indiqué plus haut, qu’ « il est organisé avec sa hiérarchie un point semestriel ».
Or, la SARL Malvana était informée quotidiennement par [G] [A] par SMS, mails, réunions et appels téléphoniques de l’importance de sa charge de travail. A tout le moins en sa qualité d’employeur elle ne pouvait l’ignorer. Ainsi dans un rapport du mois d’avril 2017, Mme [A] écrivait à son employeur (pièce n°113) :
« j’ai encore une fois moi-même pris des shifts pour remplacer les managers et ne pas faire trop appel aux managers de RIOULE en soutien (éviter de payer des heures supplémentaires). Malgré tout, les autres managers présents sont amenés à faire des heures supplémentaires pour compenser ces absences soudaines ».
Elle ne rapporte pas la preuve qu’elle a satisfait à son obligation de contrôle de la charge de travail de la salariée soumise à une convention de forfait.
Elle renverse la charge de la preuve en se prévalant des termes de la convention de forfait qui sont contraires à ceux de la convention collective en mettant à la charge de la salariée la responsabilité du suivi de sa charge de travail ainsi que la sollicitation de l’entretien annuel. En se prévalant de cet avenant elle fait peser sur la seule salariée la charge d’une obligation qui lui incombe.
En conséquence, le non-respect par l’employeur des dispositions de l’accord collectif relatives à l’exécution de la convention de forfait en jours est caractérisé.
Il est justement relevé par la SARL Malvana que le défaut de respect par l’employeur des dispositions de l’accord d’entreprise relatives à l’exécution des conventions de forfait en jours n’entraîne pas la nullité de la convention individuelle de forfait en jours, mais la prive d’effet.
La convention de forfait de Mme [A] est en conséquence privée d’effet.
Lorsque la convention de forfait est nulle ou privée d’effet, la durée du travail du salarié est décomptée en heures et peut donner lieu à paiement d’heures supplémentaires.
2- Sur les heures supplémentaires :
En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Le juge ne peut se fonder sur l’insuffisance des preuves apportées par le salarié pour rejeter sa demande, mais doit examiner les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés et que l’employeur est tenu de lui fournir.
La salariée peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord au moins implicite de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.
Tel est le cas en l’espèce, l’employeur étant parfaitement informé des difficultés en termes d’effectifs au sein du restaurant dirigé par Mme [A] la conduisant effectuer elle même des remplacements en sus de sa propre charge de travail.
Mme [A] fait valoir que, face à l’ampleur de la tâche, elle a été contrainte d’effectuer de nombreuses heures en dépassant le quota journalier de 10 heures maximum, pour ne pas compromettre l’ouverture du restaurant.
Elle expose qu’en octobre, novembre et décembre 2016 elle a travaillé 71 jours au lieu de 54 pour l’année 2017 elle a travaillé 244,5 jours au lieu des 218, et en 2018, au mois de janvier, février et mars 2018 elle a travaillé 64 jours au lieu de 54.
A l’appui de sa demande Mme [A] produit des éléments précis sur la réalisation de ces heures : des plannings, des échanges de courriels avec la direction, des attestations de témoins ([X] [B] (celle-ci en pièce n°47 déclare que Mme [A] faisait parfois de l’ouverture jusqu’à la fermeture), [H] [N] (celui-ci en pièce n°28 confirme l’accomplissement d’heures supplémentaires durant 6 jours consécutifs) qui confirme l’amplitude horaire et les remplacements effectués par la salariée.
En cause d’appel, elle verse un tableau récapitulatif non versé en première instance, du chiffrage de ses heures supplémentaires sur la période de septembre 2016 à avril 2018 (pièce n°48).
L’employeur critique le décompte produit par la salariée et produit le sien propre qui n’est pas signé par Mme [A] et ne comporte aucun horaire. Il produit en pièce n°13 à 17 les attestations de salariés toujours en poste qui ne renseignent pas sur l’horaire de travail de Mme [A].
Ce faisant, la SARL Malvana n’apporte aucun justificatif des horaires de travail effectivement réalisés.
Le fait que Mme [A] n’ait pas formé de réclamation durant l’exécution du contrat de travail n’est pas de nature à la priver de son droit au paiement des heures de travail accomplies ni à exonérer l’employeur de son obligation de prouver les horaires de travail du salarié.
La circonstance que Mme [A] disposait d’une large autonomie n’est pas de nature à empêcher la SARL Malvana de répondre à la demande de la salariée qui produit un tableau récapitulatif suffisamment précis.
Dans ces conditions la cour retient l’existence d’heures supplémentaires.
S’agissant du nombre et du montant des heures supplémentaires accomplies, la salariée en page 15, 16 et 17 de ses écritures en produit une estimation.
En conséquence, la décision du conseil de prud’hommes sera infirmée en ce qu’elle déboute Mme [A] de sa demande en paiement d’heures supplémentaires ainsi que de ses demandes subséquentes en paiement des congés payés y afférents, indemnité pour repos compensateur.
L’infirmant et statuant à nouveau, la cour fait droit aux réclamations de la salariée comme précisé dans le dispositif ci-après.
3- Sur l’indemnité pour travail dissimulé :
Selon l’article L. 8221-5 du code du travail :
Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur: 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du
temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Pour que le travail dissimulé soit caractérisé, il est nécessaire qu’il présente un caractère intentionnel.
Dès lors que l’employeur a fait sciemment travailler le salarié au-delà de la durée légale du travail sans le rémunérer de l’intégralité de ses heures, l’élément intentionnel du travail dissimulé est, par là-même, caractérisé.
En l’espèce, la SARL Malvana avait connaissance du fait que Mme [A] était empêchée de respecter sa convention de forfait en jours eu égard à sa charge de travail et au rendement qu’il lui était imposé.
La SARL Malvana ne saurait s’exonérer de ses obligations déclaratives en invoquant l’autonomie de la salariée et sa carence à solliciter un point semestriel de contrôle de son temps de travail.
L’élément moral de l’infraction est particulièrement caractérisé.
Infirmant sur ce point le jugement déféré, la cour condamne l’employeur au paiement à la salariée d’une somme équivalente à 6 mois de salaire à titre d’indemnité pour travail dissimulé comme précisé dans le dispositif ci-après.
4- Sur l’annulation de deux sanctions disciplinaires :
Le 8 janvier 2018, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, la SARL Malvana a reproché à Mme [A] : un déficit croissant, la non réalisation du chiffre d’affaires fixé pour 2017, un manque d’organisation, une mauvaise gestion du restaurant, un manque de communication, un manque d’analyse comptable, un déficit dans la formation du personnel, et une absence sur le terrain le week-end.
Le 9 mars 2018, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception la SARL Malvana a reproché à Mme [A] : une très mauvaise performance avec un mauvais chiffre d’affaires pour janvier et février 2018 pour des raisons liées à l’absence de pilotage réel des paramètres économiques essentiels du restaurant tels que la gestion opérationnelle, une non atteinte des objectifs, ce courrier étant considéré comme « une dernière mise en garde ».
Mme [A] a contesté oralement les manquements reprochés.
L’article L1331-1 dispose que « constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ».
Les courriers du 8 janvier 2018 et du 9 mars 2018 répondent à cette définition. Il y est clairement rappelé à la salariée qu’elle doit non seulement redresser la situation déficitaire mais également assurer l’hygiène et la sécurité alimentaire, respecter la qualité le service et la propreté du restaurant, dispenser la formation nécessaire au personnel.
Il n’est pas indifférent de relever que ces courriers sont mentionnés dans la lettre de licenciement du 20 avril 2018 pour caractériser la faute grave.
En conséquence, ils constituent des avertissements au regard des griefs et des mises en gardes formulés.
Ces avertissements sont proportionnés aux faits fautifs non contestées en leur temps.
Il n’y a pas lieu de les annuler dès lors qu’ils reposent sur des faits objectifs, matériellement vérifiables et vérifiés et imputables à la salariée, qui constituent des défauts d’exécution ou des inexécutions des obligations du contrat de travail.
5- Sur le harcèlement moral :
Selon l’article L. 1152-1 du code du travail « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
En application du même texte et de l’article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
En l’espèce, Mme [A] présente les éléments de fait suivants :
Comme en atteste son évolution au sein de la franchise, elle a toujours donné entière satisfaction à son employeur, et aux clients depuis son embauche le 20 août 1996. Elle a bénéficié de formations et de promotions. Elle a dû se former en un temps réduit à la direction d’un nouveau restaurant. Elle a dû faire face à de nombreuses difficultés inattendues et ses conditions de travail se sont détériorées. Néanmoins elle a été félicitée pour la réussite obtenue la première année alors même que la direction admettait que les charges demandées par le centre commercial, Polygone Riviera, avaient été sous estimées. Il existait aussi un manque très important d’espace pour le personnel, un manque de personnel qualifié au niveau de l’équipe de gestion, un fort absentéisme.
Elle a subi dès le début de l’année 2017 des agissements répétés de harcèlement moral de la part du gérant de la société M. [Z], qui lui a adressé des reproches virulents, publics et présentant un caractère humiliant notamment sur son hygiène corporelle, lui a imposé une charge de travail trop importante au regard des moyens en effectif insuffisants dont elle disposait, l’a sanctionné disciplinairement et l’a menacée de licenciement dans le dessein de la contraindre à quitter son emploi. A titre d’exemple [O] [Z] lui a reproché le coût trop élevé de la main d”uvre, elle a dû remplacer elle-même les managers absents afin de ne pas engendrer de coûts supplémentaires, ou encore en proposant de fermer le restaurant plus tôt, vers 21h au lieu de 23h afin de ne pas engendrer de coûts inutiles. Il lui reprochait sa mauvaise gestion, un défaut d’anticipation et l’a traitée de « procrastinatrice ». Elle a continué à assurer l’intérim en cas d’absence dans l’équipe de gestion, suite à l’agrandissement du restaurant au mois d’août 2017 ne prenant que 6 jours de congés l’été en accord avec son employeur. Elle sera félicitée pour sa gestion en septembre puis en octobre 2017.
Toutefois le 23 novembre 2017, elle a obtenu des notes très basses à tous les items ce qui l’a beaucoup choquée. Mais surtout, en présence des deux superviseurs, M. [Z] lui a reproché un manque d’hygiène corporelle en lui disant « …il va falloir faire quelque chose pour ton hygiène corporelle ! [‘] dès que tu fais un pas dans une pièce c’est une infection. On est obligé d’ouvrir les fenêtres. D’ailleurs tout le monde s’en plaint ! …. Tu connais les déodorants ‘ Tu sais que ça existe, oui ‘ Et bien il faudrait penser à les utiliser parce que là ce n’est plus possible ! ».
Elle a donc aussitôt été placée en arrêt de travail pour « souffrance au travail » du 28 novembre 2017 au 2 janvier 2018 par son médecin.
C’est à son retour qu’elle a été sanctionnée par deux avertissements injustifiés.
Mme [A] fait valoir que ces agissements et notamment les méthodes de gestion mises en oeuvre par sa hiérarchie, la soumettant à une surcharge de travail et à une pression constante ont eu pour effet de dégrader ses conditions de travail, provoquant une altération de son état de santé attestée par diverses pièces médicales.
La salariée produit :
– de très nombreux messages échangés avec sa hiérarchie :
>dans lesquels, à titre d’exemple Mme [A] explique qu’elle doit prendre un repos après neuf jours de travail consécutifs, que les managers font des heures supplémentaires, qu’elle sera « encore de shift demain»: pièce n° 26. Mails du 12/09/2017 entre M. [Z] et [G] [A] , pièce n°27. Mail du 27/11/2017 de [G] [A] à M. [Z], pièce n° 29. Mail du 09/10/2017 de [G] [A] à M. [Z]
>dans lesquels M. [Z] lui demande des performances, la félicite pour ses efforts personnels: pièce n° 30. Mail du 07/08/2017 de M. [Z] aux superviseurs et directeurs de restaurant , pièce n° 31. Mail du 09/09/2017 de M. [Z] aux superviseurs et directeurs de restaurant , pièce n° 32. Mail du 24/09/2017 de M. [Z] à [G] [A] ,pièce n° 33. Mail du 01/10/2017 de M. [Z] à [G] [A]
– le compte rendu de l’entretien annuel du 23 novembre 2017 établi par M. [Z] :
Elle n’est toujours pas devenue un leader avec une autorité naturelle. Elle est encore trop mama et gentille.
Je n’ai pas encore confiance en ses capacités de succès.
Je la crois motivée mais elle se plaint encore trop facilement
L’outil dont elle dispose n’est pas facile à utiliser et elle ne le maîtrise toujours pas.
– des attestations de salariés ([X] [B], [H] [N]) témoignant du fait que l’équipe du restaurant était réduite et qu’il fallait souvent remplacer les salariés absents
– l’attestation de Mme [U] du 18 novembre 2018 (pièce n°34) indiquant que [O] [Z] a demandé à deux employés qui ont refusé d’attester de l’odeur de [G] [A],
– des pièces médicales : arrêt de maladie du 28 novembre 2017 au 2 janvier 2018, pour « souffrance au travail » ordonnance du 27 novembre 2017 et feuille de soins.
L’ensemble des éléments ainsi produits, appréhendés dans leur ensemble, s’ils témoignent d’une charge de travail excessive corrélée à un manque d’adaptation des moyens humains à l’activité de l’entreprise ne laissent pas supposer l’existence d’un harcèlement moral, auquel il appartiendrait à l’employeur de répondre.
La cour a jugé que les avertissements étaient justifiée ainsi que le licenciement. Ces mesures ont une cause objective étrangère à tout harcèlement moral.
Les actes ci-dessus établis, ne constituent pas des agissements répétés de harcèlement moral commis par l’employeur ayant eu pour effet d’altérer la santé physique et mentale de Mme [A] de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, et de compromettre son avenir professionnel.
Le conseil de prud’hommes a exactement admis un fait unique d’atteinte à l’intégrité physique (en réalité atteinte à la dignité) de la salariée commis par M. [Z] en faisant fait état de manière désobligeante d’un manque d’hygiène de la salariée en présence d’autres salariés.
Toutefois, le conseil de prud’hommes a justement relevé qu’aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, le harcèlement, pour être caractérisé, nécessitait des agissements répétés, qui n’étaient pas réunis en l’espèce.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il déboute la salariée de sa demande au titre d’un harcèlement moral.
6- Sur la demande de dommages-intérêts découlant du manquement de l’employeur à ses obligations de loyauté et de sécurité
Aux termes de l’article L1222-1 du code du travail le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Aux termes de l’article L4121-1 du code du travail :
L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes;
Selon l’article L4121-2 du code du travail :
L’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.
L’employeur ne peut s’exonérer de sa responsabilité au titre de l’obligation de sécurité qu’en justifiant avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
Les manquements retenus par la cour de la SARL Malvana à ses obligations en matière de durée du travail et de contrepartie obligatoire en repos, la mise en place d’une organisation et de moyens en personnel inadaptés caractérisent ainsi que la tenue de propos portant atteinte à la dignité de la salariée, un manquement de l’employeur à son obligation en matière de santé et de sécurité des travailleurs et à son obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail.
La décision entreprise sera infirmée et, statuant à nouveau, il sera alloué à la salariée la somme de 3.000 € à titre d’indemnité réparant le préjudice découlant pour mme [A] du manquement de la SARL Malvana à ses obligations de loyauté et de sécurité.
Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail
La lettre de licenciement du 20 avril 2018, est ainsi motivée :
‘Madame,
Par courrier recommandé en date du 5 avril 2018, nous vous avons convoquée à un entretien
préalable à licenciement fixé au 17 avril 2018 à 10 h 00 auquel vous vous êtes présentée, assistée par un conseiller extérieur.
Comme suite à l’entretien que nous avons eu le Mardi 17 avril 2018 à 10h00, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave sans préavis ni indemnité pour les motifs exposés lors de cet entretien à savoir :
Vous occupez le poste de Directrice, Niveau 5, Echelon A en contrat de travail à temps complet au sein de notre entreprise.
Vous bénéficiez à ce titre du statut cadre et du plus haut niveau de responsabilité.
Tout au long de votre évolution professionnelle, nous vous avons sensibilisée sur l’ensemble des règles applicables au sein de notre entreprise et sur les responsabilités attachées à vos missions.
Votre contrat de travail décrit d’ailleurs précisément vos fonctions.
Vous avez bénéficié de très nombreuses formations et de notre soutien sans faille dans votre développement professionnel.
Le 8 janvier 2018, nous vous avons adressé un courrier par lequel nous vous avons indiqué que vous n’exécutiez pas de manière satisfaisante vos missions au sein du restaurant et que cela impliquait une grave perte financière pour notre entreprise.
Nous vous avons demandé d’être attentive à l’évolution de la masse salariale, d’analyser les ventes, d’assurer la formation du personnel, d’améliorer votre communication et de vous montrer plus présente les jours d’affluence (exemple le samedi).
Le 9 mars 2018 nous étions contraints de vous adresser un nouveau courrier dans la mesure où la situation économique du restaurant poursuivait son inquiétante dégradation du fait de votre mauvaise organisation et de votre mauvaise gestion. Nous vous avons indiqué que notre entreprise se trouvait en péril imminent et qu’elle encourait un redressement judiciaire.
Au-delà des chiffres et de vos réalisations économiques particulièrement décevantes, nous avons à nouveau insisté sur l’absence de pilotage réel des paramètres économiques essentiels du restaurant tels que la gestion :
– des dépenses,
– des plannings,
– de la formation,
– de la communication etc.’
Le 22 février 2018, un représentant de l’enseigne McDonald’s France, qui contrôle le cahier des charges que nous devons respecter, a mis en évidence un laxisme incroyable concernant l’organisation de notre restaurant.
Cette situation a provoqué le départ de plusieurs personnes aussi bien dans l’encadrement que parmi le personnel équipier.
Nous vous avons alors demandé de contrôler des « basics » tels que la réalisation des heures supplémentaires.
En effet, pour preuve que vous n’opériez aucun contrôle, l’un de vos managers, Monsieur [H] [N], avait réalisé 357 heures supplémentaires en 2017.
À ce stade de nos échanges, nous pensions naïvement que ces faits relevés plus de l’insuffisance
professionnelle que de la faute disciplinaire.
Si nous utilisons l’adverbe « naïvement » c’est parce que nous avions placé notre relation de travail sous l’égide de la confiance et que nous étions donc persuadés que vous deviez appliquer nos directives les plus élémentaires de manière professionnelle et responsable.
Malheureusement, vous nous avez démontré, quelques jours après seulement ce courrier par lequel nous vous faisions part de notre inquiétude, le fait que vos agissements ne relevaient pas de l’insuffisance professionnelle mais véritablement de la volonté de ne pas mettre en ‘uvre nos directives.
En effet, l’absence d’application de certaines règles correspondant à nos directives les plus
essentielles, nous démontre que vous avez eu purement et simplement l’intention de vous affranchir de ces dernières.
À ce titre, nous avons relevé les fautes disciplinaires suivantes :
1- Absence de contrôle des flux financiers et refus de mettre en ‘uvre nos directives concernant la nécessité d’opérer des prélèvements de caisse et des dépôts réguliers
Le 10 mars 2018, l’assistante administrative en formation de votre restaurant, Madame [I]
[J] a invité Madame [S] [D], manager, à réaliser un prélèvement dans la caisse car beaucoup d’argent s’y trouvait.
Madame [S] [D] a répondu qu’elle ne savait pas ce qu’était un prélèvement et que nul ne l’avait formée sur cette procédure.
Ces faits nous ont été rapportés quelques jours après et nous avons donc réalisé un contrôle de cette situation.
Madame [S] [D], Manager, a témoigné par écrit en date du 15 mars 2018 que vous ne l’aviez jamais formée sur la réalisation de prélèvements financiers.
Ce contrôle a d’ailleurs démontré que d’autres managers ne réalisaient pas non plus ces opérations.
Cela est particulièrement grave à plus d’un titre.
Tout d’abord, vous avez volontairement ignoré les multiples e-mails et réunions au cours desquelles nous vous avions demandé de respecter une politique de prélèvements très stricte dans la mesure où de multiples vols et braquages avaient lieu au détriment des restaurants McDonald’s sur le territoire national.
Il s’agissait donc d’un principe de sécurité des biens et des personnes.
Pour mémoire, voici les e-mails que nous vous avons adressés en ce sens :
– 14 mars 2016 : nous avons adressé un e-mail particulièrement clair sur la nécessité de réaliser des prélèvements :
o une phrase de notre courriel était emblématique : « redire sans relâche à votre encadrement que les contrôles permanents sont nécessaires dans les caisses et que les envois dans les coffres doivent être très fréquents ».
o à cet e-mail était joint un autre e-mail que la direction de McDonald’s France nous avait adressé et dans lequel plusieurs recommandations étaient réalisées et notamment :
« la multiplication du nombre de dépôts et de prélèvements, pour diminuer le montant du butin dans le but de dissuader les futurs agresseurs »
– Le 20 janvier 2017 : nous vous avons fait suivre un autre message de l’enseigne McDonald’s
France, invitant à nouveau l’ensemble des opérateurs McDonald’s à entreprendre différentes mesures de prévention et notamment une multiplication des dépôts des prélèvements, reprenant la phrase ci-dessus.
– Le 20 janvier 2017 : vous nous avez répondu immédiatement en affirmant que vous feriez « passer le message à toute votre équipe ».
– Le 27 février 2018, Madame [W] [Y] vous adressait un nouvel e-mail en vous intimant de « faire des prélèvements aussi souvent que possible »
– Le 5 mars 2018, je vous ai à nouveau communiqué un e-mail de l’enseigne McDonald’s France en vous invitant à respecter la procédure qui était décrite et notamment à réaliser le plus de dépôts et de prélèvements possibles.
Dans ces circonstances, découvrir qu’une manager, qui vous seconde, n’a pas été formée depuis
qu’elle est responsable de « quart » de travail, à la réalisation de prélèvements alors que cela ressort de ses tâches fondamentales nous parait extrêmement choquant.
Il est manifeste que vous avez méconnu nos directives les plus élémentaires en matière de sécurité des personnes et des biens.
Lorsque notre assistante administrative vous a demandé s’il était vrai que [S] [D] n’avait pas été formée au prélèvement et n’était pas en mesure de les réaliser, vous avez répondu de manière évasive que certains managers n’étaient effectivement pas formés’
Vous avez même reconnu, lors de notre entretien du 17 avril que « vous pensiez qu’elle était au
courant » !
Cela est d’autant plus navrant que [S] [D] occupe régulièrement la responsabilité d’un « quart » de travail et qu’à ce titre elle est la manager référente sur le terrain lors de la période au cours de laquelle elle exerce ses responsabilités.
Donc, concrètement, lorsque cette manager est responsable de quart, les dépôts et les prélèvements ne peuvent tout simplement pas être réalisés’
Cela ne semble pas vous inquiéter malgré nos directives et les multiples emails de mise en garde reçus de l’enseigne McDonald’s France.
2- Manquements aux règles de prévention des risques en matière d’hygiène et de sécurité alimentaire
Par ailleurs, des faits d’une particulière gravité ont été portés à notre connaissance et démontrent l’absence totale de conscience des risques que vous faites encourir à la santé des personnes.
Vous n’ignorez pas les nombreux processus de prévention des risques en matière d’hygiène et de sécurité alimentaire en vigueur au sein de l’entreprise.
Notre restaurant fait l’objet de nombreux contrôles et notamment des contrôles bactériologiques par un laboratoire indépendant.
Le moindre de nos employés reçoit une formation complète concernant les règles d’aseptisation et d’hygiène dès son embauche.
Tout responsable suit également un cursus de formation très pointu concernant la sécurité alimentaire.
En votre qualité de directrice, vous devez connaître toutes les règles de prévention des risques et appliquer strictement la méthode HACCP ainsi que le cahier des charges de l’enseigne McDonald’s France.
Vous devez notamment veiller au bon état de fonctionnement et à l’hygiène de tous les matériels
utilisés au sein de l’entreprise pour préparer des denrées alimentaires.
Il en est notamment ainsi de notre machine « SHAKE SUNDAE » permettant de préparer des glaces.
Or, nous avons découvert avec stupeur que vous aviez retiré un torchon sale et un gobelet qui flottaient à l’intérieur de la machine dans du lait permettant de fabriquer des glaces, après qu’un employé ait attiré votre attention sur cette situation.
Vous vous êtes contentée de retirer ces deux objets de la machine sans entreprendre de la vider et de la nettoyer, décidant de continuer à vendre ce type de glace à nos consommateurs et notamment à des enfants.
Ceci est totalement inconscient.
En effet, vous avez répondu à l’équipière qui vous interpellait, Madame [T] [E], que cela n’était pas grave puisque la machine allait procéder à la pasteurisation du lait qui avait été souillé.
Ce fait justifie à lui seul votre licenciement pour faute grave.
Comment expliquer qu’en votre qualité de directrice de notre restaurant :
– Vous n’ayez pas fait procéder immédiatement au nettoyage de la machine
– Vous n’ayez pas demandé au manager responsable de quart s’il avait opéré des contrôles
préalables de la machine
– Vous n’ayez pas provoqué une réunion avec le personnel pour mettre en garde nos employés
contre tout fait de cette nature à l’avenir.
Pire, lors de votre entretien préalable vous avez déclaré devant la Courler extérieur qui vous assistait, lequel nous a déclaré travailler dans le secteur de la restauration, que cela ne vous avait pas semblé choquant puisque la pasteurisation devait éviter toute contamination’
Ce raisonnement démontre votre manque total de responsabilité ne serait-ce qu’en termes d’image véhiculée auprès de nos salariés ou de tiers.
D’ailleurs, le bon sens aurait dû vous conduire à nettoyer la machine puisque Madame [T] [E] nous écrit elle-même qu’il aurait été mieux de « stopper la machine pour plus de sécurité alimentaire ».
Ainsi une équipière, qui ne bénéficie pas de toutes les formations que vous avez reçues, s’est rendue compte d’elle-même que votre attitude avait été contraire à toute règle de prévention des risques de contamination des aliments.
Nous vous précisons que ces faits ont été évoqués lors de la réunion avec le personnel du 14 février 2018 et que cette salariée en a parlé ouvertement à l’ensemble de l’équipe, ceci vous discréditant un peu plus.
Nous avons ensuite enquêté sur ces faits et recueillis des témoignages écrits à partir du 27 mars 2018, date à laquelle nous avons eu la certitude de leur réalité.
3- Refus d’appliquer la politique de points repas attribués à nos employés et refus de contrôler les avantages nourriture octroyés à ces derniers
Mais encore, pour preuve de votre comportement totalement irresponsable et fautif, nous avons
également découvert que vous ne contrôliez presque jamais la composition des repas pris par nos employés.
Or, vous êtes la garante de la politique d’avantages repas que nous octroyons à nos employés.
En application de cette politique, chaque salarié bénéficie d’un nombre de points repas lui permettant de composer son repas.
Toutefois, chaque employé doit strictement respecter le nombre de points qui lui est attribué.
Compte tenu du nombre important de nos employés cette mesure relève d’une bonne gestion
économique.
Or, le samedi 10 mars 2018, Madame [I] [J], assistante administrative en cours de formation au sein de notre entreprise par le biais d’un contrat en alternance, s’est rendue compte que plusieurs employés composaient seuls leurs repas.
Cette dernière a donc décidé d’interroger l’un d’entre eux qui lui répondit qu’il avait effectivement 8 points pour composer son repas mais qu’il s’en « fichait » puisque personne ne contrôlait jamais.
Madame [I] [J] est donc venue vous en parler. Vous avez prétendu que vous procédiez systématiquement à un contrôle.
Nous avons donc réalisé des investigations et interrogé plusieurs équipiers qui nous ont confirmé l’absence de contrôle récurrent et même, la possibilité de rajouter librement des produits sur les plateaux qu’il se composait.
Cette situation constitue à nouveau un manquement élémentaire à nos directives en matière d’avantages nourriture pour les salariés et provoque :
– un risque de redressement par l’URSSAF
– une absence de suivi comptable de produits qui sont donnés à nos employés sans être notés
– un coût élevé pour notre entreprise puisque de nombreux produits sont achetés par cette
dernière mais ne sont pas destinés à la vente auprès de nos clients
De surcroît, vous laissez des employés composer eux-mêmes leurs repas alors que ces derniers doivent être préparés par d’autres collègues de travail en poste.
Cette situation, démontre votre peu d’intérêt pour nos directives et pour les difficultés économiques de la société.
En effet, alors que nous attirions votre attention sur des ratios de gestion particulièrement dégradés depuis plusieurs mois, et que nous vous demandions de procéder à toute analyse et à toute gestion performante, vous laissiez volontairement nos employés se servir abondamment de denrées alimentaires en dehors de tout contrôle.
Cette situation ne peut relever de l’insuffisance professionnelle et constitue bien un manquement volontaire à nos directives.
Le fait que notre société puisse subir un redressement voire une liquidation judiciaire ne semble pas vous préoccuper outre mesure. La perte d’emploi éventuelle par la totalité de nos salariés ne vous émeut pas non plus’
Au regard de tout ce qui précède, nous avons décidé de vous licencier pour faute grave.
Compte tenu de la gravité de celle-ci et de ses conséquences, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible.
Le licenciement prend donc effet immédiatement (à la date d’envoi de la présente), sans indemnité de préavis ni de licenciement.
Nous vous informons que vous pouvez faire valoir les droits que vous avez acquis au titre du « Compte Personnel de Formation ».
Par ailleurs et en application des dispositions de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, vous bénéficierez de la portabilité des garanties prévoyance et frais de santé dont vous jouissiez au sein de la société.
Plus précisément, en votre qualité d’ancien salarié de notre société, vous conserverez le bénéfice des garanties des régimes de prévoyance et frais de santé appliqués dans l’entreprise, à compter de la date de cessation du contrat de travail, et pendant la période de prise en charge par l’assurance chômage, sans que celle-ci puisse excéder la durée du dernier contrat de travail, appréciée en mois entiers et dans la limite de 12 mois de couverture.
Les garanties de prévoyance et frais de santé conservées sont celles en vigueur au sein de l’entreprise de telle sorte que toute évolution de l’un ou l’autre de ces régimes vous sera immédiatement applicable, dans les mêmes conditions que pour les salariés de l’entreprise.
En outre, il est précisé que le maintien des garanties au titre de l’incapacité temporaire ne pourra pas vous conduire à percevoir des indemnités d’un montant supérieur à celui des allocations chômage perçues sur la même période.
Nous vous informons que nous tiendrons à votre disposition votre solde de tout compte, votre certificat de travail et votre attestation destinée à Pôle Emploi. Vous pourrez prendre possession de ces documents aux jours et heures habituels d’ouverture de notre entreprise et nous vous invitons à prendre rendez-vous à cet effet au numéro de téléphone suivant : [XXXXXXXX01] ».
(…)
I- Sur le bien-fondé du licenciement
1- Sur l’ absence de contrôle des flux financiers et le refus de mettre en ‘uvre les directives de l’employeur en matière de prélèvements de caisse et des dépôts réguliers,
Il est reproché à Mme [A] de n’avoir jamais formé sa subordonnée à la procédure de prélèvements financiers en caisse, ce qui a été constaté le 10 mars 2018, quand il a été demandé à Mme [D] de faire un prélèvement dans la caisse qui contenait beaucoup d’espèces.
La SARL Malvana produit (pièce n°13), une attestation de [S] [D] déclarant qu’elle «ne savait pas ce qu’étaient des prélèvements» ce qui démontre l’absence de formation.
Mme [A] conteste l’imputabilité du grief au motif que l’employeur ne justifie pas que le manque de formation de [D] en matière de prélèvements lui serait personnellement imputable. Elle soutient qu’une grande partie des commandes était payée en carte bancaire et que le recours aux prélèvements était quasi-inexistant.
Elle ajoute que la SARL Malvana ne justifie pas que ce manquement aurait causé à la SARL Malvana un préjudice.
Or, il n’est pas nécessaire que les faits reprochés aient causé un préjudice à l’employeur pour constituer une cause de licenciement.
Mme [A] ne conteste pas avoir été destinataire des instructions précises émises par l’employeur et détaillées dans la lettre de licenciement lui demandant de respecter une politique de prélèvements très stricte dans la mesure où de multiples vols et braquages avaient lieu au détriment des restaurants McDonald’s sur le territoire national.
Or, il lui incombait à Mme [A], en sa qualité de directrice du restaurant, d’appliquer ces directives, qui sont des instructions précises en matière de sécurité.
Le grief est établi en sa matérialité. Il est imputable à Mme [A]. Ce grief sera retenu par la cour.
2- Sur les manquements aux règles de prévention des risques en matière d’hygiène et de sécurité alimentaire.
Il est reproché à Mme [A] de s’être contentée de retirer un torchon sale et un gobelet qui flottaient dans du lait à l’intérieur de la machine à glaces, après qu’un employé ait attiré son attention sur cette situation, sans entreprendre de vider la machine ni de la nettoyer avant utilisation. L’employeur a eu connaissance des faits le 14 février 2018.
Mme [A] qui ne conteste pas la matérialité des faits, soutient qu’elle ignorait la marche à suivre en pareil cas et qu’il en était de même de son employeur, des autres responsables, superviseurs ou directrice des opérations.
Elle explique que l’incident s’est révélé le soir, peu de temps avant la fermeture du restaurant au moment où la machine à glace allait subir un cycle de pasteurisation, de telle sorte que toutes traces de bactéries allaient être automatiquement détruites; que ce n’est que le jour de son entretien préalable, le 17 avril 2018, qu’elle a été informée de la procédure qu’elle aurait dû mettre en ‘uvre.
S’agissant de ce grief, c’est à bon droit que la salariée oppose à l’employeur l’impossibilité de la licencier pour ce motif.
En effet, l’employeur qui a connaissance de divers faits commis par le salarié considérés par lui comme fautifs et qui choisit de n’en sanctionner que certains, épuise son pouvoir disciplinaire et ne peut plus ultérieurement prononcer une nouvelle mesure disciplinaire pour sanctionner les autres faits antérieurs à la première sanction.
Il découle de ce principe que la SARL Malvana, qui a notifié un avertissement à Mme [A] le 9 mars 2018 alors qu’il avait connaissance des faits fautifs le 14 février 2018, a épuisé son pouvoir disciplinaire et ne pouvait dès lors prononcer ultérieurement le licenciement pour ce motif.
Le grief ne sera pas retenu.
3- Sur le refus d’appliquer la politique de points repas attribués aux employés et le refus de contrôler les avantages nourriture octroyés à ces derniers.
Mme [A] conteste le grief en sa matérialité.
Elle soutient que l’employeur ne justifie pas de ce grief et notamment de l’enquête évoquée dans la lettre de licenciement, qui aurait révélé l’absence de contrôle récurrent de la directrice. Elle se prévaut encore de l’absence de préjudice subi par l’employeur.
Or, il n’est pas nécessaire que les faits reprochés aient causé un préjudice à l’employeur pour constituer une cause de licenciement.
La matérialité du grief est établi à la lecture de l’attestation de Mme [J] témoin le 10 mars 2018 du fait que les équipiers validaient leur repas seuls, alors que l’employeur avait adressé à Mme [A] deux avertissements, notamment celui du 9 mars 2018, la mettant en garde contre le déficit du restaurant en particulier contre l’absence de gestion des dépenses, d’organisation et de gestion du personnel.
Le grief sera retenu.
Deux des griefs visés dans la lettre de licenciement sont caractérisés.
La cour n’a pas retenu le harcèlement moral, d’où il suit que la demande de l’appelante tendant à voir prononcer la nullité du licenciement pour harcèlement moral ne peut qu’être rejetée.
La faute grave se définit comme un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis.
La cour n’a pas retenu le principal grief reproché à la salariée tenant au non-respect des règles d’hygiène alimentaire.
Compte tenu de cet élément, de la grande ancienneté de la salariée dans l’entreprise (21 ans et 8 mois) corrélée à une faible ancienneté dans les fonctions de direction (3 ans), le conseil de prud’hommes a fait une exacte appréciation des éléments de la cause en estimant que le licenciement de Mme [A] n’était pas fondé sur une faute grave mais reposait sur une cause réelle et sérieuse.
Lorsque les juges relèvent que la véritable cause du licenciement n’est pas celle énoncée dans la lettre de licenciement (les faits invoqués fussent-ils exacts),le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
En l’espèce, Mme [A] soutient que le fait que ce sont [R] [M], récemment recruté et [S] [D] récemment promue, qui assurent désormais les fonctions qui étaient les siennes de direction du magasin montrent que le véritable motif du licenciement est économique.
Toutefois, en présence de faits objectifs matériellement vérifiables et vérifiés par la cour, ceux-ci constituent la seule et véritable cause du licenciement.
II- Sur les conséquences du licenciement
Le licenciement étant motivé non par une faute grave, Mme [A] peut prétendre à l’indemnité compensatrice de préavis, à une indemnité de licenciement, mais doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il est exactement soutenu par la salariée que le calcul des indemnités de rupture revenant à Mme [A] doit s’opérer par référence à un salaire de 4.030,38 € et non par référence à un salaire de 3.233,38 € tel qu’il découle de la convention de forfait.
La décision des premiers juges sera infirmée, mais dans cette seule mesure, sur le seul quantum des indemnités de rupture.
III- Sur les autres demandes
Les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d’indemnité de licenciement sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation.
Les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.
La cour ordonne à la SARL Malvana de remettre à Mme [A] les documents de fin de contrat rectifiés : l’attestation destinée au Pôle emploi, le certificat de travail et un bulletin de salaire conformes à la présente décision.
Il n’est pas nécessaire d’assortir cette obligation d’une astreinte.
Sur les frais du procès
En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la SARL Malvana sera condamnée aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 2.500 euros.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale,
Confirme le jugement en ce qu’il juge le licenciement non fondé sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse,
Infirme le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la SARL Malvana à payer à Mme [A] :
– 28.692,51€ à titre de rappel d’heures supplémentaires
– 2.869,25 € au titre des congés payés y afférents,
– 20.000 € au titre de la contrepartie obligatoire en repos,
– 3.000 € à titre de dommages et intérêts non-respect de l’obligation de sécurité,
Condamne la SARL Malvana à payer à Mme [A] :
– 28.951,57 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 12.091,14 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 1.209,11 € au titre des congés payés y afférents,
– 24.182,28 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
Déboute Mme [A] de ses plus amples demandes indemnitaires,
Ordonne à la SARL Malvana de remettre à Mme [A] un bulletin de salaire, le certificat de travail et l’attestation Pôle emploi rectifiés conformes au présent arrêt,
Dit n’y avoir lieu de prononcer une astreinte,
Dit que les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Dit que les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d’indemnité de licenciement sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation,
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,
Condamne la SARL Malvana aux dépens de première instance et d’appel,
Condamne la SARL Malvana à payer à Mme [A] une somme de 2.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SARL Malvana de sa demande d’indemnité de procédure en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande.
LE GREFFIER LE PRESIDENT