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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 8
ARRET DU 09 FEVRIER 2023
(n° , 1 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/07637 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGJAF
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Mars 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 16/01334, confirmé partiellement par un arrêt de la Cour d’appel de Paris en date du 2 Décembre 2020, cassé et annulé partiellement par un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 11 mai 2022.
DEMANDEUR A LA SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION
Monsieur [S], [O] [P]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Isabelle GRELIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0178
DÉFENDEUR A LA SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION
S.A.S. AUREL BGC
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Eric MANCA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0438
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente
Madame Nicolette GUILLAUME, présidente
Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée, rédactrice
Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [S] [P] a été engagé par la société Aurel BGC en qualité de desk head dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée du 19 mai 2010.
La convention collective applicable à la relation de travail est celle de la bourse devenue convention collective des activités de marchés financiers.
Invoquant l’existence de manquement de la part de son employeur notamment quant au paiement de sa rémunération variable, M. [P] a, par acte du 5 février 2016, saisi le conseil de prud’hommes de Paris d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Le 8 mars 2017, la société Aurel BGC a convoqué M. [P] à un entretien préalable fixé au 16 mars suivant.
Le 22 mars 2017, la société Aurel BGC a notifié à M. [P] son licenciement.
Par jugement du 19 mars 2018, notifié aux parties par lettre du 27 mars 2018, le conseil de prud’hommes de Paris a :
-débouté M. [P] de l’ensemble de ses demandes
– l’a condamné aux dépens,
-débouté la SAS Aurel BGC de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 12 avril 2018, M. [P] a interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt du 2 décembre 2020, le pôle 6, chambre 10 de la cour d’appel de Paris a :
-confirmé le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [P] de ses demandes de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct de la perte d’emploi et d’abondement du compte personnel de formation,
-infirmé le jugement pour le surplus,
statuant à nouveau et y ajoutant,
-prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date du 22 mars 2017,
-condamné la société Aurel BGC à payer à M. [P] les sommes suivantes :
-5 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice tiré de l’accomplissement d’heures supplémentaires sans contrôle de la charge de travail,
-12 104 euros de rappel de rémunération variable pour l’année 2013,
-49 661 euros de rappel de rémunération variable pour l’année 2014,
-88 455 euros de rappel de rémunération variable pour l’année 2015,
42 909 euros de rappel de rémunération variable pour l’année 2016,
-9 713 euros au titre de l’attribution d’actions,
-8 000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral et manquement à l’obligation de sécurité,
-17 486,64 euros de complément d’indemnité compensatrice de préavis,
-1 748,66 euros au titre des congés payés afférents,
-92,65 euros de complément d’indemnité conventionnelle de licenciement,
-120 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul,
-3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
-5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-débouté M. [P] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé et de sa demande de publication du présent arrêt dans le journal des Echos,
-dit que M. [P] a droit au maintien des garanties visées par l’article L 911-8 du code de la sécurité sociale, à compter de la date de cessation de son contrat de travail, et pendant une durée égale à la période d’indemnité du chômage, dans la limite de douze mois,
-ordonné le remboursement par la société Aurel BGC à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à M. [P] à la suite de la rupture du contrat de travail, dans la limite de trois mois,
-ordonné la remise par la société Aurel BGC à M. [P] d’un certificat de travail, d’une attestation Pôle Emploi et d’un reçu pour solde de tout compte conformes à la présente décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt,
-rejeté la demande d’astreinte,
-rappelé que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé de l’arrêt et que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation,
-dit que les intérêts échus, dus pour au moins une année entière, produiront intérêts au taux légal,
-condamné la société Aurel BGC aux entiers dépens.
La société Aurel BGC a formé un pourvoi contre l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris.
La Cour de cassation, par arrêt du 11 mai 2022 (n°565 F-D, pourvoi n° P21-11.182) a cassé et annulé l’arrêt rendu le 2 décembre 2020 mais seulement en ce qu’il a condamné la société Aurel BGC à payer à M. [P] les sommes de 5000 euros de dommages-intérêts pour le préjudice tiré de l’accomplissement d’heures supplémentaires sans contrôle de la charge de travail, 8 000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral et manquement à l’obligation de sécurité, et 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et a renvoyé les parties devant la cour d’appel de Paris autrement composée.
Par déclaration du 5 août 2022, M. [P] a saisi la cour d’appel de Paris.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 2 janvier 2023, M. [P] demande à la cour :
-d’infirmer la décision rendue par le conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’elle a débouté M. [P] de ses demandes,
-de juger irrecevable la demande de remboursement des RTT formulée par la société,
-de condamner la société Aurel BGC à verser à M [P] :
-100 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral et manquement à l’obligation de sécurité,
-50 000 euros de dommages et intérêts pour déloyauté dans l’exercice du contrat,
-50 000 euros de dommages et intérêts pour heures supplémentaires,
-de débouter la société de toutes ses demandes,
-d’assortir ces condamnations de l’intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,
-de condamner la société à 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-de condamner la société aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 2 janvier 2023, la société Aurel BGC demande à la cour :
à titre principal :
-de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 19 mars 2018 en ce qu’il a :
-débouté Monsieur [P] de l’ensemble de ses demandes,
-condamné Monsieur [P] aux dépens,
-d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 19 mars 2018 en ce qu’il a débouté la Société de sa demande reconventionnelle formée à hauteur de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
y ajoutant :
-de juger que sa demande au titre du remboursement des jours de RTT du fait de la non-opposabilité de la convention de forfait jours est recevable et n’est pas prescrite,
-de condamner Monsieur [P] au paiement de la somme de 8 464,15 euros à titre de remboursement des jours de RTT du fait de la non-opposabilité de la convention de forfait jours,
-de condamner Monsieur [P] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
à titre subsidiaire :
-de juger que Monsieur [P] n’établit pas le préjudice allégué au titre du prétendu harcèlement moral et du manquement de la Société à l’obligation de sécurité inhérente au contrat de travail et, en conséquence, le débouter de sa demande de dommages et intérêts à ce titre,
à titre infiniment subsidiaire, si la Cour venait à juger que Monsieur [P] établissait l’existence d’un préjudice distinct (en application du principe de réparation intégrale) au titre d’actes de harcèlement moral et d’un manquement de la Société à l’obligation de sécurité, il lui est demandé:
-de limiter plus avant le montant de l’indemnisation allouée à ce titre,
-de juger que Monsieur [P] n’établit pas le préjudice allégué au titre de la prétendue exécution déloyale de son contrat de travail par la Société et, en conséquence,
-de le débouter de sa demande de dommages et intérêts à ce titre,
à titre infiniment subsidiaire, si la Cour venait à juger que Monsieur [P] établissait l’existence d’un préjudice distinct (en application du principe de réparation intégrale) au titre de l’exécution de son contrat de travail, il lui est demandé :
-de limiter plus avant le montant de l’indemnisation allouée à ce titre,
-de juger que Monsieur [P] n’établit pas le préjudice allégué au titre des heures qu’il aurait accomplies et, en conséquence, le débouter de sa demande d’indemnisation formée à ce titre,
à titre infiniment subsidiaire, si la Cour venait à juger que Monsieur [P] établissait l’existence d’un préjudice distinct (en application du principe de réparation intégrale) au titre d’heures supplémentaires accomplies, il lui est demandé :
-de limiter plus avant le montant de l’indemnisation allouée à ce titre.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 3 janvier 2023 et l’audience de plaidoiries a été fixée au 9 janvier 2023.
Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure et aux conclusions susvisées pour l’exposé des moyens des parties devant la cour.
MOTIFS
I- Sur l’indemnisation des préjudices subis par le salarié dans le cadre de l’exécution de son contrat de travil
M. [P] sollicite cumulativement :
-des dommages et intérêts pour préjudice moral et manquement à l’obligation de sécurité à hauteur de la somme de 100 000 euros
-de dommages et intérêts pour déloyauté dans l’exercice du contrat à hauteur de 50 000 euros,
-de dommages et intérêts pour heures supplémentaires à hauteur de 50 000 euros,
Par arrêt du 2 décembre 2020, la chambre 6-10 de la cour d’appel de Paris a définitivement jugé que :
– la convention de forfait était privée d’effet et que la charge de travail du salarié n’était pas contrôlé, celui-ci étant sollicité même lors de ses congés ;
– le harcèlement moral résultait des agissements suivants de l’employeur : refus de payer au salarié la rémunération variable à laquelle il pouvait prétendre, absence de contrôle de sa charge de travail, absence de formation pendant la durée d’exécution de son contrat de travail, absence d’entretien professionnel avant de décider de procéder à son évaluation au mois de janvier 2017 et décision de le changer de bureau ;
– l’exécution déloyale du contrat de travail résultait des manquements de l’employeur s’agissant des faits de harcèlement moral, du rappel de salaire pour les heures supplémentaires et des primes variables
Or, si le salarié sollicite des dommages et intérêts de ces différents chefs, il convient d’observer que les faits justifiant la lourde charge de travail du salarié et l’absence de contrôle de celle-ci comme ceux établissant l’exécution déloyale du contrat de travail sont également à l’origine du harcèlement moral qu’il a subi.
Aussi, si les éléments produits au débat par M. [P] établissent qu’il devait faire face à une très lourde charge de travail qu’il a continué à assumer même lorsqu’il était en arrêt de travail ou en congés (cf notamment plannings et échanges de courriels électroniques produits au débat : pièces 79,80, 81, 98, 99 et 104 du salarié, tableau des jours et heures travaillés : pièce 246 du salarié), que celle-ci n’était pas contrôlée et que ses conditions de travail étaient dégradées dés lors qu’il était privé de la rémunération variable à laquelle il pouvait prétendre, qu’il n’ a pas bénéficié de formation ni d’entretien professionnel avant que son employeur ne décide de l’évaluer en janvier 2017, qu’un changement de bureau lui a été imposé et qu’il a concomitamment souffert d’un syndrome anxio dépressif (pièce 170 notamment : certificat médical du Docteur [Z], psychiatre, du 3 février 2017 et 249 : attestation de sa compagne, Mme R., arrêts de travail) et qu’il ainsi subi un préjudice moral, ces mêmes éléments ne peuvent permettre à M. [P], qui ne justifie pas de préjudices distincts, de bénéficier d’un cumul d’indemnisation au motif que ses demandes reposent sur des fondements distincts.
En conséquence, et s’il y a lieu d’accueillir la demande du salarié à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et manquement à l’obligation de sécurité, il convient en revanche de le débouter de ses autres demandes.
Compte tenu de l’importance du préjudice dont il justifie à ce titre, il lui sera alloué une somme de 20 000 euros.
II- Sur la demande de remboursement des JRTT
Conformément au principe de l’unicité de l’instance résultant des dispositions de l’article R. 1452-6 du Code du travail dans sa version applicable à la date de saisine du conseil de prud’hommes (le 5 février 2016), toutes les demandes dérivant du contrat de travail entre les mêmes parties doivent, qu’elles émanent du demandeur ou du défendeur, faire l’objet d’une seule instance.
En outre, conformément aux dispositions de l’article 2241 du code civil, la demande en justice interrompt le délai de prescription.
Aussi, compte tenu de la date de saisine du conseil de prud’hommes (le 5 février 2016), la société Aurel BGC est recevable à solliciter la restitution des jours de réduction du temps de travail de M. [P] pour la période du 1er juin 2014 au 31 mai 2017.
Toutefois et si l’employeur demande le remboursement de 25 jours de réduction du temps de travail, il ressort des pièces versées au débat par le salarié (tableau relatif aux jours travaillés en 2015 et 2016 -pièce 246, échanges de courriels et plannings : pièces 79 à 81, 96 à 102, 104) qu’il a travaillé pendant les jours de réduction du temps de travail qu’il a pris entre le 18 mai 2015 et le 24 décembre 2015 et entre le 12 mai 2016 et le 18 juillet 2016.
Aussi, compte tenu de ces éléments , il convient de faire droit à la demande de l’employeur en son principe mais d’en limiter le quantum à la somme de 2500, 77 euros.
III- Sur les autres demandes
En raison des circonstances de l’espèce, il apparaît équitable d’allouer à M.[P] une indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles dont le montant sera fixé au dispositif.
DÉCISION
La cour,
Statuant dans les limites du renvoi résultant de l’arrêt du 11 mai 2022 de la Cour de cassation,
INFIRME le jugement enrtrepris en ce qu’il a débouté M. [P] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et manquement à l’obligation de sécurité ,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE la société BGC à verser à M. [P] les sommes de :
– 20 000 euros pour préjudice moral et manquement à l’obligation de sécurité,
– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE M. [P] à payer à la société BGC la somme de 2500, 77 euros à titre de remboursement des jours de RTT;
DIT que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,
CONDAMNE la société BGC aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE