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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 7
ARRET DU 16 MARS 2023
(n° ,11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/09571 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAUWW
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Juin 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY – RG n° 17/02491
APPELANT
Monsieur [D] [E]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Vincent LECOURT, avocat au barreau de VAL D’OISE, toque : 218
INTIMEE
URSSAF ILE DE FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Juin 2022, en audience publique et double rapporteur, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant la Cour composée de Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre et Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre, chargées du rapport
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre
Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre
Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Lucile MOEGLIN
ARRET :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au 13 octobre 2022, prorogé au 26 janvier 2023, puis au 16 mars 2023, au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre et Camille BESSON, greffière en pré-affectation sur poste à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
A compter du 1er octobre 1980, M. [E] a travaillé en qualité de technicien, classé au coefficient 144 au sein de la CPAM du Val d’Oise avant d’intégrer l’Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales d’Ile de France (ci-après l’URSSAF).
Ayant réussi l’examen final du cours des cadres option agent de contrôle, M. [E] a été nommé en cette qualité, poste classé niveau 3, coefficient 193 à compter du 4 juillet 1991.
Il a été titularisé le 1er février 1992 aux fonctions d’agent de contrôle et classé au coefficient 229.
Dans le cadre de la transposition du protocole d’accord du 14 mai 1992, il a été nommé aux fonctions d’inspecteur du recouvrement et classé au niveau 6, coefficient 284.
A compter du 1er décembre 2001, il a été promu au niveau 7, coefficient 329 et a bénéficié de l’ajout de 18% d’avancement conventionnel.
Dans le cadre de la transposition du protocole d’accord du 30 novembre 2004, il a été classé au niveau 7, coefficient 350 et s’est vu octroyer 48 points d’expérience et 48 points de compétence.
Depuis l’entrée en vigueur de ce protocole, il a bénéficié de 4 mesures individuelles d’avancement conventionnel, soit un pas de compétence correspondant à 12 points de compétence en juillet 2007, juillet 2010, janvier 2011 et juillet 2015.
M. [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny le 2 septembre 2013 afin d’obtenir le rétablissement de ses droits et le versement de primes eu égard à sa qualité d’inspecteur du recouvrement.
L’affaire a été radiée le 21 mai 2015 et réinscrite le 19 mai 2017.
Par jugement en date du 27 juin 2019, le conseil de prud’hommes a débouté le salarié de l’ensemble de ses prétentions.
Le 1er octobre 2019, M. [E] a interjeté appel de ce jugement.
Le 1er janvier 2019, il a bénéficié d’une mesure d’avancement individuel, soit un pas de compétence représentant 12 points de compétence.
M. [E] a quitté son poste et l’URSSAF Ile-de-France le 1er octobre 2021.
Selon ses écritures notifiées le 30 mars 2022, M. [E] conclut à l’infirmation de la décision déférée et demande à la cour de :
– condamner l’URSSAF à lui verser du chef de l’article 23 alinéa 1 de la convention collective et de l’atteinte à l’égalité de traitement relative à la prime versée au titre de la sujétion liée à l’accueil :
à titre principal : les sommes de 10.720,26 euros bruts à titre de rappel de salaire, de 1.072,02 euros à titre de congés payés y afférents outre la somme de 5.500 euros nets à titre de dommages et intérêts en indemnisation des préjudices moral, financier et d’agrément ;
à titre subsidiaire : la somme globale de 17.000 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis ;
– condamner l’URSSAF à lui verser du chef de l’atteinte à l’égalité de traitement face à la sujétion liée à l’itinérance et au titre de l’application de l’article 23 al.3 de la convention collective :
à titre principal : les sommes 40.200,97 euros bruts à titre de rappel de salaire, de 4.020,09 euros à titre de congés payés y afférents outre la somme de 15.000 euros nets à titre de dommages et intérêts en indemnisation des préjudices moral, financier et d’agrément ;
à titre subsidiaire : la somme globale de 59.000 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis ;
– juger que l’URSSAF a mal appliqué le protocole d’accord du 30 novembre 2004 et constater l’existence d’une atteinte à l’égalité de traitement dans l’application du protocole d’accord du 30 novembre 2004 ;
A titre principal ;
– surseoir à statuer sur la reconstitution de sa carrière,
Avant dire droit, vu l’article 11 alinéa 2 du code de procédure civile,
– ordonner à l’URSSAF de produire aux débats dans un délai déterminé l’ensemble des bulletins de salaire des inspecteurs du recouvrement à compter de 2005 ou des décisions d’attribution des points de compétences à l’effet de permettre à la Cour d’établir les points de compétences attribués à chacun des salariés concernés à fin de permettre l’application du principe d’égalité ou tout autre document permettant d’établir le nombre de points de compétence distribués aux inspecteurs pour chaque exercice ;
– condamner l’URSSAF à lui verser la somme de 30.000 euros nets à titre de provision à valoir sur le montant des salaires non prescrits et des dommages et intérêts résultant de la violation de l’égalité de traitement et du protocole d’accord,
– renvoyer l’affaire à une audience ultérieure à fin de pouvoir en disposer,
A titre subsidiaire ou à défaut de production des éléments demandés,
– juger que l’URSSAF doit lui attribuer un pas de compétence chaque année non pourvue depuis 2005 ;
– ordonner la reconstitution de sa carrière et condamner l’URSSAF Ile de France à lui payer les rappels de salaire induits.
– condamner l’URSSAF à lui verser au titre de l’inégalité de traitement avec les anciens militaires devenus inspecteurs LCTI :
à titre principal : la somme de 58.454,38 euros bruts au titre du rappel de salaire, celle de 5.845,43 euros au titre des congés payés outre la somme de 5.000 euros nets à titre de dommages et intérêts réparation des autres préjudice subis du fait de l’atteinte à l’égalité de traitement avec les inspecteurs LCTI anciens militaires.
à titre subsidiaire : la somme de 70.000 euros nets à titre de dommages et intérêts au titre de la réparation du préjudice subi ;
en tout état de cause, ordonner à l’URSSAF de lui allouer 90 points de compétence à compter du 1er janvier 2019 en réparation de l’atteinte à l’égalité de traitement et la condamner à lui verser les rappels de salaires induits ;
– condamner l’URSSAF à lui verser la somme de 2.642,53 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte à l’égalité de traitement dans l’application des indemnités forfaitaires de déplacement ;
– condamner l’URSSAF à lui verser la somme de 2.500 euros nets à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
– ordonner à l’URSSAF de produire un bulletin de salaire tenant compte de l’ensemble des condamnations de nature salariale prononcées, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé un délai d’un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;
– dire que les rappels de salaire produiront intérêts à compter de la saisine du conseil de prud’hommes pour ceux échus à cette date et à compter de chaque échéance pour ceux échus postérieurement, et dire que les intérêts échus depuis plus d’une année produiront eux-mêmes intérêts ;
– condamner l’URSSAF à lui verser la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et les entiers dépens ;
– condamner l’URSSAF à lui verser la somme de 20 000 euros au titre du préjudice résultant de la perte de chance de bénéficier d’un parcours professionnel.
‘
Selon ses écritures notifiées le 28 mars 2022, l’URSSAF Ile-de-France demande à la cour la confirmation du jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
– déclarer irrecevable l’action de M. [E] en application du principe d’unicité d’instance;
– déclarer irrecevables, comme prescrites, les demandes de nature salariale pour la période précédant le 2 septembre 2008 ;
– débouter M. [E] de toutes ses prétentions et le condamner à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
A titre subsidiaire :
– en tout état de cause, limiter tous éventuels rappels de salaire au coefficient maximal applicable à l’emploi occupé soit 587 points pour le niveau 7 selon la classification conventionnelle.
Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions notifiées par RPVA.
L’instruction a été déclarée close le 6 avril 2022.
MOTIFS
Sur l’irrecevabilité des demandes tirée du principe de l’unicité de l’instance
L’URSSAF fait valoir que le salarié a saisi une première fois le conseil de prud’hommes de Bobigny le 12 septembre 1997 de demandes relatives à une différence de classification avec certains collègues et au paiement de diverses primes et d’une indemnité pour utilisation de son domicile à des fins professionnelles et qu’il a été débouté de toutes ses demandes par jugement du 5 octobre 1998, confirmé en appel le 14 mars 2001. Elle considère que les causes des demandes de la présente instance étant connues à la date des débats devant la cour d’appel de Paris le 24 janvier 2001, l’irrecevabilité doit être prononcée.
M. [E] n’a pas conclu sur ce moyen.
***
Selon l’article R. 1452-6 du code du travail, dans sa version alors applicable, toutes les demandes dérivant du même contrat de travail doivent faire l’objet d’une seule instance, à peine d’irrecevabilité, à moins que le fondement des prétentions ne soit né postérieurement à la saisine du Conseil de Prud’hommes.
En l’espèce, il n’est pas contesté qu’une précédente procédure a opposé les parties et a donné lieu à un arrêt de la cour d’appel de Paris du 14 mars 2001.
S’agissant des demandes au titre de l’article 23 de la convention collective (primes de guichet et d’itinérance) et des frais de déplacement, le fondement de ses demandes était connu lors de la précédente procédure puisque les deux primes de l’article 23 figuraient alors déjà dans la convention collective et que les frais de déplacement étaient régis par les dispositions des protocoles d’accord des 11 mars 1991 et 26 juin 1990.
Les demandes à ce titre qui auraient dû être présentées dès la première saisine du conseil sont donc irrecevables, à l’inverse des autres demandes dont le fondement n’est apparu qu’après la clôture des débats devant la cour d’appel le 24 janvier 2001.
Sur la prescription des demandes de nature salariale
L’URSSAF fait valoir que toutes les demandes antérieures au 2 septembre 2008 sont prescrites au regard de la date de saisine du conseil de prud’hommes.
Le salarié fait valoir que la prescription ne saurait affecter ses demandes de rappel de salaire que pour leur partie antérieure au mois de juillet 2008.
***
L’article L. 3245-1 du code du travail, dans sa version applicable du 19 juin 2008 au 17 juin 2013, dispose que l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par cinq ans conformément à l’article 2224 du code civil.
En application de ce même article dans sa version applicable depuis le 17 juin 2013, cette action se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, et la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois dernières années précédant la rupture.
L’article 21-V de la loi du 14 juin 2013 précise que les dispositions du code du travail prévues aux III et IV du présent article s’appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
L’action en question a été introduite par le salarié le 2 septembre 2013, soit postérieurement à la promulgation de la loi du 14 juin 2013. Les dispositions de l’article 21-V de la loi du 14 juin 2013 sont applicables dans la mesure où si l’action n’a pas été engagée antérieurement à la loi du 14 juin 2013, la prescription de cette action était en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi.
La durée totale ne pouvant pas excéder la durée prévue par la loi antérieure, seules les demandes pour la période antérieure au 2 septembre 2008 sont prescrites.
Sur l’égalité de traitement avec les anciens militaires devenus inspecteurs du recouvrement affectés à des fonctions de Lutte Contre le Travail Illégal (ci-après LCTI)
Le salarié soutient que l’attribution par l’URSSAF de 90 points de compétence aux seuls inspecteurs du recouvrement affectés à la LCTI ayant eu au préalable une expérience au sein de l’armée caractérise une inégalité de traitement sans qu’aucun élément objectif ne puisse justifier cette mesure. Il fait valoir notamment que les deux emplois n’étaient pas différents puisqu’en 2012, il n’existait pas encore d’inspecteur LCTI, cet emploi n’ayant été créé qu’en 2015 et que si l’employeur favorise un salarié à l’embauche, le juge doit contrôler la réalité et la pertinence de l’expérience ou du diplôme ainsi valorisé au regard de l’exercice de la fonction occupée et de l’avantage en cause. Or, il considère qu’il n’y a aucun critère objectif d’octroi de points de compétence aux anciens militaires par rapport à des contrôleurs du travail de la même promotion et affectés comme eux à la LCTI ou aux inspecteurs du recouvrement déjà en fonctions qui ont bénéficié d’une formation plus complète comprenant en sus le contrôle des comptes d’assiette et participant également à des opérations de LCTI.
L’URSSAF conteste l’existence d’une inégalité de traitement entre le salarié et les inspecteurs ayant eu antérieurement une carrière militaire. Elle expose qu’à compter de 2011, elle a été chargée d’un projet pilote de mise en place d’un dispositif renforcé de contrôle en vue de lutter contre le travail illégal (LCTI) et a recherché des profils précis de personnes ayant notamment démontré au cours de leur précédente expérience professionnelle une capacité d’adaptation rapide et des aptitudes comportementales spécifiques, ce qui l’a amenée à intégrer d’anciens militaires.
Elle considère que les inspecteurs LCTI et les inspecteurs du recouvrement effectuant du contrôle comptable d’assiette (CCA) exercent des fonctions différentes mettant en ‘uvre des compétences différentes, de sorte qu’ils ne sont pas placés dans une situation identique, ce qui a été retenu par plusieurs juridictions et qu’en application de l’article 4 du protocole d’accord du 30 novembre 2004, elle a pu attribuer aux anciens militaires des points de compétence lors de leur embauche pour valoriser leur expérience antérieure et leurs compétences spécifiques. Elle ajoute qu’en toute hypothèse, l’analyse de l’évolution des carrières révèle que globalement les inspecteurs du recouvrement ont bénéficié d’une rémunération plus élevée que celle des inspecteurs LCTI et que la différence de situation n’a pas causé de préjudice au salarié, ce qui doit conduire au rejet de ses demandes.
***
En application du principe d’égalité de traitement, l’employeur doit assurer une même rémunération aux salariés qui effectuent un même travail ou un travail de valeur égale. Selon l’article L.3221-4 du code du travail sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.
Toutefois, l’employeur peut individualiser les salaires, dès lors qu’il est en mesure de justifier toute différence de traitement par des critères objectifs et matériellement vérifiables au regard de l’avantage en cause.
Aux termes de l’article 1353 du code civil, il appartient au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération et il incombe à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs et matériellement vérifiables justifiant cette différence.
Il n’est pas contesté que plusieurs anciens militaires ont été recrutés en 2012 pour occuper des postes d’inspecteurs du recouvrement exclusivement dédiés à la LCTI et ont, à cette occasion, bénéficié de 90 points de compétence, contrairement aux autres inspecteurs du recouvrement également affectés à ces missions.
Toutefois, en premier lieu, il ne ressort ni des pièces produites, ni des conclusions que le salarié était affecté uniquement à des fonctions de LCTI, contrairement aux anciens militaires engagés en juillet 2012 auxquels il se compare.
En effet, si en 2012 n’avait pas été encore créé l’emploi spécifique d’inspecteur du recouvrement LCTI, il est établi que les six militaires ont été intégrés à la première promotion d’inspecteurs du recouvrement formée uniquement à la mission de lutte contre le travail illégal, la mention ‘LCTI’ apparaissant d’ailleurs sur leurs fiches de paie dès l’origine accolée à l’emploi d’inspecteur du recouvrement.
La note relative à ‘La LCTI’ rappelle que l’URSSAF de [Localité 5]-Région Parisienne a été chargée d’un projet pilote de mise en place d’une ‘task force’ de lutte contre le travail illégal, nécessitant de faire évoluer la formation initiale et le profil habituel de recrutement des inspecteurs de recouvrement (actuellement des jeunes diplômés droit/comptabilité Bac + 3). Elle indique également que la LCTI est un métier de terrain qui nécessite d’intervenir dans des situations complexes et sensibles, sur des créneaux horaires parfois inhabituels (nuit, week end notamment) en partenariat avec d’autres services de l’Etat. Elle mentionne au titre des compétences requises : la capacité de s’engager en mesurant les risques de son action et la capacité de gérer son stress et précise que cette lutte contre les fraudes met les inspecteurs face à des individus, des groupes ou des organisations nécessitant l’intervention conjointe d’équipes de lutte contre la fraude et la capacité à s’y intégrer.
Le référenciel de l’emploi d’inspecteur du recouvrement LCTI, même rédigé postérieurement à 2012, précise que celui-ci est affecté à la préparation et à la mise en ‘uvre d’actions de lutte contre le travail dissimulé sur le terrain en relation avec les partenaires habilités et mentionne au titre des compétences nécessaires notamment : savoir mettre en ‘uvre les procédures civiles et pénales (technicité), savoir gérer et entretenir des relations avec les partenaires, savoir mener une audition (dimension relationnelle), savoir organiser les interventions en corrélation avec les autres corps de contrôle habilités (autonomie), enfin savoir faire preuve de discernement et de sang froid, savoir faire face aux situations résultant d’un contrôle inopiné et se rendre disponible en fonction des besoins rencontrés (savoir-faire relationnel).
Il en découle que les missions des inspecteurs du recouvrement exclusivement affectés à la LCTI différent de celles des inspecteurs du recouvrement affectés au contrôle comptable d’assiette (CCA) et que la lutte contre le travail dissimulé constituant le c’ur de l’activité des premiers, avec des sujétions spécifiques, ils ne sont pas dans la même situation que le salarié, lequel lorsqu’il exerce les fonctions d’inspecteur du recouvrement ne participe que ponctuellement à des opérations de ce type.
Il n’est donc pas établi que les salariés auxquels il se compare occupaient des fonctions identiques ou similaires aux siennes.
Par ailleurs, l’expérience professionnelle antérieure au sein de l’armée pendant des années, même à des postes peu exposés, confère aux militaires engagés par l’URSSAF en juillet 2012, par la formation reçue et l’organisation spécifique de l’institution militaire, des capacités particulières, notamment de gestion de situations difficiles dans le cadre d’une intervention au sein d’une équipe, lesquelles sont particulièrement utiles pour exercer les missions des inspecteurs dédiés LCTI et précédemment rappelées.
Or, l’article 4 du protocole d’accord du 30 novembre 2004 applicable en 2012 prévoyait qu’au moment d’opérer un recrutement l’employeur avait la possibilité de tenir compte de l’expérience et des compétences acquises antérieurement par le candidat.
Ainsi, la décision de l’URSSAF Île-de-France d’attribuer aux anciens militaires engagés comme inspecteurs du recouvrement affectés à la LCTI un avantage particulier, à savoir des points de compétence lors de leur recrutement, est justifiée par un élément objectif tenant à leur expérience professionnelle antérieure.
Il découle de ces observations qu’aucune inégalité de traitement ne peut être retenue et le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes à ce titre.
Sur l’application du protocole d’accord du 30 novembre 2004 concernant les points de compétence
Le salarié soutient, d’une part, que l’URSSAF n’a pas respecté les dispositions du protocole d’accord sur l’attribution des pas de compétence et, d’autre part, que l’employeur a violé le principe d’égalité de traitement. Il expose en substance que l’octroi de points de compétence par l’URSSAF est erratique et inexpliqué et alors qu’il établit un accroissement de ses compétences, il ne s’est pas vu attribuer de points de compétences chaque année ; qu’en outre, il établit que certains collègues inspecteurs du recouvrement ont obtenu les années où il n’en a pas reçu des points de compétence et que l’URSSAF ne présente aucun élément objectif mesurable et vérifiable au sens du protocole d’accord qui permet de justifier cette atteinte à l’égalité de traitement pour ces années.
L’URSSAF considère qu’elle respecte les termes de ce protocole qui encadre la possibilité pour l’employeur d’octroyer des points de compétence et ne crée pas un droit systématique pour le salarié. Elle précise qu’elle doit identifier l’accroissement des compétences au regard d’un référenciel spécifique mis en place prévoyant six critères (technicité, autonomie notamment) et que l’atteinte des objectifs ou la manière de tenir ses fonctions ne sont pas pris en compte ; que la procédure d’attribution des points de compétence est rappelée chaque année dans une note de service qui organise son calendrier en trois étapes ; qu’elle doit également tenir compte de plusieurs contraintes, la première budgétaire puisque l’Etat lui alloue chaque année une enveloppe financière, et la seconde conventionnelle, puisque le nombre de points doit être réparti au moins sur 20% de l’effectif et sur deux catégories d’agents. Elle ajoute que le bilan de sa politique salariale est présenté annuellement en séance plénière aux représentants du personnel. Enfin, elle soutient que le salarié n’a subi aucune inégalité de traitement puisque sa carrière a régulièrement évolué.
***
Le protocole d’accord du 30 novembre 2004 entré en vigueur le 1er février 2005 relatif au dispositif de rémunération et à la classification des emplois a défini les principes selon lesquels il est attribué aux salariés de l’URSSAF des points de compétence. Ces derniers permettent de faire évoluer la carrière des salariés et de leur attribuer des augmentations de salaire individuelles.
L’article 4.2 du protocole dispose que :
‘Les salariés peuvent se voir attribuer par la direction des points de compétence destinés à rétribuer l’accroissement des compétences professionnelles mises en oeuvre dans l’emploi.
Les compétences recouvrent des savoirs, c’est-à-dire des connaissances théoriques et professionnelles mises en oeuvre dans l’exercice du travail et des savoir-faire techniques et relationnels, observables dans la tenue de l’emploi.
L’identification de l’accroissement de compétences passe obligatoirement par l’élaboration de référentiels de compétences, dans les conditions définies à l’article 8 du présent texte.
Dans ce cadre, les compétences doivent être appréciées sur la base de faits précis, objectifs, observables et mesurables.
L’évaluation de la compétence est formalisée à l’occasion de l’entretien annuel, tel que prévu à l’article 7.
Le montant de chaque attribution est exprimé en points entiers.
Dans la limite de la plage d’évolution salariale (‘), ce montant correspond au minimum à 12 points pour les salariés occupant un emploi de niveau 5 A à 7 des employés et cadres (…).
Le nombre total de points de compétences attribué dans chaque organisme au cours de chaque année doit être réparti au moins sur 20% de l’effectif pour chacune des deux catégories définies ci-après :
-salariés occupant un emploi de niveau 1 à 4 des employés et cadres (…)
-salariés occupant un emploi de niveau 5A à 9 des employés et cadres (…)’.
L’article 7 de l’accord prévoit notamment que ‘chaque salarié bénéficie, chaque année, d’un entretien avec son supérieur hiérarchique direct. Cet entretien a pour finalité, à partir du référentiel de compétences de l’emploi occupé, d’échanger et de faire le point sur les attentes en termes professionnels du salarié et de son responsable hiérarchique. L’entretien porte notamment sur les aspects suivants :
a) au titre de l’évaluation :
– la façon dont l’emploi a été tenu au cours de l’année écoulée et la fixation d’objectifs de progrès pour l’année à venir ;
– l’évaluation des compétences mises en ‘uvre par le salarié par rapport à l’emploi occupé et à ses évolutions ;
b) au titre de l’accompagnement :
– l’identification éventuelle des compétences professionnelles à développer, et leur formalisation écrite, notamment en précisant les modalités concrètes en termes de moyens à mettre en ‘uvre ;
– l’établissement éventuel d’un plan personnel de formation ou d’un projet de mobilité, en fonction des besoins de l’organisme et de ceux du salarié (…).
Tout salarié, éligible au développement professionnel et n’ayant pas bénéficié de points de compétence pendant trois ans consécutifs, peut demander à bénéficier d’un examen personnalisé de sa situation par la direction de l’organisme’.
Enfin, l’article 8 précise que l’élaboration des référentiels de compétences a pour finalité de distinguer les compétences nécessairement requises pour exercer l’ensemble des activités de l’emploi considéré dans des conditions normales d’activité, de l’accroissement de celles-ci, rémunéré par des points de compétence.
Sur le respect du protocole par l’URSSAF, force est de constater en premier lieu que celui-ci a consacré la ‘possibilité’ et non l’obligation pour l’employeur d’attribuer des points de compétence à un salarié donné, l’article 4.2 du protocole stipulant seulement que «les salariés peuvent» et non doivent «se voir attribuer par la direction des points de compétence destinés à rétribuer l’accroissement des compétences professionnelles mises en ‘uvre dans l’emploi».
En outre, l’URSSAF a évoqué, sans être contredite, deux types de contraintes dans l’attribution de ces points, à savoir, d’une part, le respect de l’enveloppe budgétaire dont elle est dotée chaque année par l’Etat et, d’autre part, le respect des règles conventionnelles de répartition, à savoir pour les inspecteurs du recouvrement un minimum de 12 points et une répartition des points ‘sur au moins 20% de l’effectif pour deux catégories précisément définies, à savoir : salariés occupant un emploi de niveau 1 à 4 des employés et cadres (…) et salariés occupant un emploi de niveau 5A à 9 des employés et cadres (…)’.
Il en découle que la constatation d’un accroissement des compétences d’un inspecteur du recouvrement ne peut entraîner de façon systématique l’attribution de points de compétence chaque année.
En second lieu, il ne ressort pas des termes de l’accord que l’employeur doit formaliser l’accroissement des compétences et décider de l’octroi des points de compétence lors de l’entretien annuel d’évaluation. L’URSSAF justifie par ailleurs de la mise en place d’un référentiel des compétences de l’emploi occupé par les inspecteurs du recouvrement, mentionnant plusieurs items, tels que la technicité, l’autonomie ou l’implication et plusieurs degrés d’appréciation, telles que initiation, application, maîtrise et expertise. Elle justifie également de l’organisation d’une procédure afin d’encadrer l’attribution des points de compétence, précisément décrite dans les notes de service annuelles versées aux débats et qui font état notamment d’un calendrier, d’une dotation allouée à chaque direction se traduisant par le pourcentage d’agents pouvant bénéficier de points de compétence et un rappel des règles conventionnelles d’attribution minimale et de répartition sur deux catégories de personnels susvisées. Enfin, il est établi par les bilans de politique salariale présentés chaque année aux représentants du personnel que l’URSSAF a bien attribué chaque année des points de compétence à ses agents avec la précision des pourcentages et répartitions.
S’agissant du salarié, il ressort des pièces produites qu’il a bénéficié à plusieurs reprises de l’allocation de points de compétences.
Or, l’attribution de points de compétences n’étant qu’une possibilité et non une obligation aux termes mêmes du protocole et l’employeur étant, par ailleurs, soumis à des contraintes budgétaires et conventionnelles qui limitent le volume de points pouvant être attribués chaque année, aucune conséquence ne peut être tirée de l’absence, pour une année donnée, d’attribution de points de compétences au salarié, quand bien même un accroissement de ses compétences serait avéré, lequel ne se confond pas avec l’atteinte des objectifs fixés ou la réalisation de contrôles importants.
Ainsi aucune violation du protocole à l’égard du salarié n’est établie.
Sur l’égalité de traitement, comme précédemment rappelé, aux termes de l’article 1353 du code civil, il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe d’égalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement et il incombe alors à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs et matériellement vérifiables justifiant cette différence.
Ainsi, il appartient au salarié qui allègue une inégalité de traitement d’établir qu’il se trouvait dans une situation identique aux autres inspecteurs du recouvrement auxquels il se compare et le seul fait que certains d’entre eux aient bénéficié de points de compétence certaines années au cours desquelles il n’en a pas reçu est insuffisant à laisser supposer une inégalité de traitement.
En outre, si le salarié produit des tableaux mentionnant de nombreux agents avec l’indication de leur notation (M pour maîtrise ou E pour expertise par exemple) sur les différents items du référentiel des compétences, avec l’octroi de points de compétence certaines années, ceux-ci ne sont pas opérants puisque les lettres attribuées portent sur ‘l’évaluation de la tenue de l’emploi’ réalisée lors des entretiens annuels et non sur ‘l’évaluation de l’accroissement des compétences’.
Enfin, il ressort de ces tableaux qu’aucun des inspecteurs du recouvrement cité n’a perçu chaque année des points de compétence, comme le revendique le salarié pour son compte.
Ainsi, les éléments produits ne sont pas susceptibles de caractériser une inégalité de traitement entre le salarié et ses collègues inspecteurs du recouvrement dans l’attribution des points de compétence.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes à ce titre.
Sur la perte de chance de bénéficier d’un parcours professionnel
Le salarié reproche à l’employeur de ne pas avoir pu bénéficier de chances d’évolution au-delà du niveau 7 de la classification en raison de l’absence de mise en oeuvre par l’URSSAF Île-de-France du dispositif d’accompagnement prévu par les stipulations de l’article 33 du protocole du 27 février 2009 conclu entre l’Union des Caisses Nationales de Sécurité Sociale (ci-après désignée l’UCANSS) et les organisations syndicales.
En défense, l’URSSAF Île-de-France soutient notamment qu’elle ne peut être tenue responsable de l’absence de mise en oeuvre du parcours d’accompagnement qui, aux termes des stipulations de l’article 33 précité, était à la charge de l’ACOSS (Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale) ; en outre que chaque URSSAF constituant une entité juridique distincte, elle ne peut être tenue par les pratiques internes organisées au sein d’autres entités régionales ; enfin que l’absence de mise en place d’un accompagnement par l’ACOSS n’a pas compromis les chances du salarié de bénéficier d’une évolution professionnelle à un poste de manager puisqu’elle propose plusieurs formations mobilisables notamment par le compte personnel de formation.
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L’article 33 du protocole d’accord relatif aux personnels chargés d’une activité de contrôle au sein de la branche recouvrement du 27 février 2009 stipule qu’ ‘un dispositif d’accompagnement destiné aux inspecteurs du recouvrement souhaitant accéder à des fonctions de manager sera mis en place à l’initiative de l’ACOSS en 2010′.
Il est constant que le dispositif d’accompagnement prévu par ce texte n’a pas été mis en place au sein de l’URSSAF Île-de-France.
Toutefois, il n’est pas justifié par le salarié dans ses écritures que ce protocole est d’effet direct à l’égard de l’URSSAF d’Île-de-France.
En effet, il résulte des mentions du protocole que l’URSSAF Île-de-France n’était ni partie à celui-ci, ni désignée par ledit protocole comme devant prendre l’initiative de la mise en oeuvre du dispositif litigieux, cette initiative étant exclusivement, aux termes du protocole, de la compétence de l’ACOSS.
De même, il ressort du code de la sécurité sociale et notamment de ses articles L. 213-1 et suivants et L.225-1 que l’UCANSS, l’URSSAF Île-de-France et l’ACOSS ont des personnalités juridiques distinctes, l’URSSAF étant par ailleurs administrée par un conseil d’administration dont la composition est fixée par l’article L. 213-2 du même code et non par l’ACOSS ou l’UCANSS.
De plus, si l’ACOSS est légalement chargée d’exercer un pouvoir de direction et de contrôle sur les URSSAF en matière de gestion de trésorerie, il ne résulte pas des normes précitées que l’agence centrale peut imposer à l’URSSAF Île-de-France la mise en oeuvre de mesures en matière de gestion de son personnel et, par voie de conséquence, celle du dispositif d’accompagnement prévu à l’article 33 du protocole.
Enfin, il n’est ni allégué, ni justifié que l’ACOSS ait mis à la charge de l’URSSAF Île-de-France la mise en oeuvre de ce dispositif d’accompagnement en son sein, peu important à cet égard que d’autres URSSAF régionales aient organisé un parcours professionnel en interne.
Il résulte de ce qui précède que les stipulations de l’article 33 du protocole n’étaient pas directement applicables à l’URSSAF Île-de-France.
Par suite, il ne peut lui être utilement reproché de ne pas avoir mis en oeuvre le dispositif litigieux, le manquement à l’origine de la perte de chance alléguée n’est pas établi et le salarié sera donc débouté de sa demande indemnitaire.
Sur les demandes accessoires
Compte tenu du rejet des prétentions de l’appelant, celui-ci sera également débouté de ses demandes d’indemnisation pour résistance abusive et de sa demande de remise d’un bulletin de salaire de régularisation.
Le salarié qui succombe supportera les dépens de première instance et d’appel. Il n’est pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort,
Confirme le jugement ;
Y ajoutant’:
Déclare irrecevables les demandes fondées sur l’article 23 de la convention collective et les frais de déplacement’;
Déclare prescrites les demandes formées par M. [E] sur la période antérieure au 2 septembre 2008 ;
Rejette la demande au titre de la perte de chance de bénéficier du parcours professionnel;
DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [E] au paiement des dépens de première instance et d’appel.
La Greffière La Présidente