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31/03/2023
ARRÊT N°162/2023
N° RG 21/03231 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OJHK
CB/AR
Décision déférée du 08 Juillet 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( 19/00438)
MICHEL S.
[D] [S]
C/
S.A.R.L. LA MAISON DES SENIORS
Grosse délivrée
le 31 3 2023
à Me Camille LAYSSOL-AUGER Me Ophélie BENOIT-DAIEF
CONFIRMATION PARTIELLE
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
***
ARRÊT DU TRENTE ET UN MARS DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANT
Monsieur [D] [S]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Camille LAYSSOL-AUGER, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
S.A.R.L. LA MAISON DES SENIORS
prise en la personne de son representant légal domicilié ès qualité audit siege sis [Adresse 2]
Représentée par Me Ophélie BENOIT-DAIEF, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant F. CROISILLE-CABROL, conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BRISSET, présidente
A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère
F. CROISILLE-CABROL, conseillère
Greffier, lors des débats : A. RAVEANE
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [S] a été embauché par la SARL La Maison des Seniors selon contrat de travail à durée déterminée pour la période du 6 décembre 2016 au 5 juin 2017 en qualité d’employé administratif et de vente. Cette embauche faisait suite à une période de stage du 26 septembre 2016 au 6 décembre 2016 dans le cadre d’une action de formation préalable au recrutement mise en ‘uvre par l’intermédiaire de Pôle emploi. À compter du 6 juin 2017, la relation de travail s’est poursuivie à durée indéterminée.
La convention collective nationale du commerce de détail, de l’habillement, chaussures, maroquinerie est applicable. La société emploie moins de 11 salariés.
Par courriers des 3 et 8 août 2018, M. [S] était destinataire de deux avertissements. Le salarié contestait chacun d’eux par courriers des 4 et 10 août 2018.
Par courrier du 27 août 2018, l’employeur demandait au salarié de ne plus utiliser son véhicule personnel à des fins professionnelles.
Par lettre du 18 septembre 2018, le salarié a évoqué des difficultés relationnelles et contractuelles avec son employeur. Une copie de ce courrier était adressée à la DIRECCTE.
Des échanges de courriers ont eu lieu entre le conseil de M. [S] et l’employeur les 6 et 28 septembre 2018.
Par lettre du 25 octobre 2018, M. [S] a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique fixé au 6 novembre 2018.
M. [S] acceptait la proposition de contrat de sécurisation professionnelle dans le délai lui étant imparti, de sorte que son contrat était rompu le 27 novembre 2018.
Par lettre du 22 novembre 2018, M. [S] était licencié pour motif économique.
Par requête en date du 21 mars 2019, il a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins de contester son licenciement et obtenir diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Par jugement du 8 juillet 2021, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :
– jugé que le licenciement pour motif économique de M. [D] [S] est fondé,
– débouté M. [S] de l’intégralité de ses demandes,
– condamné M. [S] à verser à la société La Maison des Seniors, prise en la personne de son représentant légal, la somme suivante :
– 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [S] aux entiers dépens de l’instance.
M. [S] a relevé appel de ce jugement le 19 juillet 2021, dans des conditions de forme et de délai non discutées, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués.
Par conclusions du 21 septembre 2021, auxquelles il est expressément fait référence, M. [S] demande à la cour de :
– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulouse, section commerce chambre 2 (RG n 19/00438) le 8 juillet 2021, en ce qu’il a :
– débouté M. [S] de sa demande tendant à voir réintégrer les frais professionnels dans sa rémunération mensuelle brute et des demandes en découlant à savoir :
– fixer la rémunération mensuelle brute à la somme de 2 101,34 euros,
– ordonner à la société La Maison des Seniors de procéder à la modification et la délivrance de bulletins de salaire conformes,
– ordonner à la société La Maison des Seniors de procéder à la régularisation des cotisations sociales auprès des organismes collecteurs,
– condamner la société La Maison des Seniors à verser à M. [S] la somme de 604,02 euros bruts à titre de rappel de salaire (suppression du remboursement des frais professionnels à compter du 1er septembre 2018) outre 60,40 euros au titre des congés payés y afférents,
– condamner la société La Maison des Seniors à verser à M. [S] la somme de 12 608,04 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
– débouté M. [S] de ses demandes tentant à voir annuler les avertissements notifiés les 3 et 8 août 2018 et condamner la société La Maison des Seniors à lui verser à ce titre la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts,
– jugé que le licenciement pour motif économique de M. [S] était fondé,
– débouté M. [S] de sa demande tendant à voir juger que la rupture du contrat de travail résultant de l’adhésion au CSP s’analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et, des demandes indemnitaires y afférentes, à savoir :
– à titre principal condamner la société La Maison des Seniors à verser la somme de 12 608,04 (6 mois de salaire) au visa de la convention 158 de l’OIT et de l’article 24 de la charte sociale européenne,
– à titre subsidiaire : condamner la société La Maison des Seniors à verser la somme de 7 354,69 (3,5 mois de salaire) au visa des dispositions de l’article L1235-3 du code du travail,
– en toute hypothèse, condamner la société La Maison des Seniors à verser à M. [S] la somme de 4 202,68 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 420,27 euros au titre des congés payés afférents,
– débouté M. [S] de sa demande tendant à voir condamner la société La Maison des Seniors à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,
– condamné M. [S] à verser à la société La Maison des Seniors la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [S] aux dépens de l’instance.
Statuant à nouveau :
– réintégrer les frais professionnels versés à M. [S] dans la rémunération mensuelle brute.
En conséquence :
– fixer la rémunération mensuelle brute à la somme de 2 101,34 euros,
– ordonner à la société La Maison des Seniors de procéder à la modification et la délivrance de bulletins de salaire conformes,
– ordonner à la société La Maison des Seniors de procéder à la régularisation des cotisations sociales auprès des organismes collecteurs,
– condamner la société La Maison des Seniors à verser à M. [S] la somme de 604,02 euros bruts à titre de rappel de salaire (suppression du remboursement des frais professionnels à compter du 1er septembre 2018) outre 60,40 euros au titre des congés payés y afférents,
– condamner la société La Maison des Seniors à verser à M. [S] la somme de 12 608,04 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
– annuler les avertissements notifiés les 3 et 8 août 2018,
– condamner à ce titre la société La Maison des Seniors à verser à ce titre à M. [S] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts,
– juger que la rupture du contrat de travail résultant de l’adhésion au CSP s’analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et, en conséquence,
– à titre principal condamner la société La Maison des Seniors à verser à M. [S] la somme de 12 608,04 (6 mois de salaire) au visa de la convention 158 de l’OIT et de l’article 24 de la charte sociale européenne,
– à titre subsidiaire, condamner la société La Maison des Seniors à verser à M. [S] la somme de 7 354,69 (3,5 mois de salaire) au visa des dispositions de l’article L1235-3 du code du travail,
– en toute hypothèse, condamner la société La Maison des Seniors à verser à M. [S] la somme de 4 202,68 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 420,27 euros au titre des congés payés afférents,
– condamner la société La Maison des Seniors à verser à M. [S] la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Y ajoutant :
– condamner la société La Maison des Seniors à verser à M. [S] la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens.
Il soutient que le remboursement de frais constituait en réalité un salaire dissimulé. Il conteste les avertissements et soutient qu’il n’est pas établi de motif économique à son licenciement.
Par conclusions du 20 décembre 2021, auxquelles il est expressément fait référence, la société La Maison des Seniors demande à la cour de :
– recevoir la société La Maison des Seniors en toutes ses demandes, fins et conclusions et y faisant droit,
– juger M. [S] mal fondé en toutes ses demandes,
– juger que l’AFPR n’est pas une période de travail salariée, de sorte qu’elle n’entre pas dans le calcul de l’ancienneté,
– juger que M. [S] effectuait des déplacements professionnels justifiant l’allocation d’une indemnité forfaitaire de déplacements,
– juger en tout état de cause qu’aucune intention délictuelle ne peut être retenue à l’encontre de la société dans l’octroi de l’indemnité forfaitaire de déplacement versée à M. [S],
– juger fondés, justifiés et proportionnés les avertissements notifiés par la société La Maison des Seniors à M. [S] en date des 3 et 8 août 2018,
– juger que la société La Maison des Seniors faisait face à de graves difficultés économiques justifiant le licenciement pour motifs économiques de M. [S],
– juger que la société La Maison des Seniors n’était pas tenue de faire application des critères d’ordre des licenciements, M. [S] étant seul dans sa catégorie professionnelle,
– juger, qu’en tout état de cause, les critères d’ordre de licenciement, appliqués de manière plus favorable par la société La Maison des Seniors ont été parfaitement respectés, et aboutissent à désigner M. [S] au titre du licenciement économique individuel,
– juger, surabondamment, que les demandes d’indemnisation formulées par M. [S] sont totalement disproportionnées, celui-ci ne rapportant en outre pas la preuve du préjudice subi.
En conséquence :
– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et ainsi :
– débouter M. [S] de l’intégralité de ses demandes considérées comme injustes et mal fondées,
– condamner M. [S] à verser à la société La Maison des Seniors une indemnité de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile de première instance,
– condamner au surplus M. [S] à verser à la société La Maison des Seniors une indemnité de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.
Elle soutient que les frais constituaient un remboursement forfaitaire. Elle estime que les avertissements étaient justifiés et qu’elle justifie d’un motif économique à la rupture.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les frais professionnels,
Les bulletins de paie de M. [S] font apparaître jusqu’à juillet 2018 inclus une somme à titre de remboursement de frais. Cette somme est de 155 euros chaque mois à l’exception des mois de juillet et août 2017 où elle a été portée respectivement à 910 et 280 euros.
Il n’est justifié d’aucune stipulation contractuelle à ce titre étant observé que le contrat de travail avait été conclu sous la forme simplifiée d’un TESE. L’employeur rappelle que la rémunération forfaitaire des frais est possible à condition qu’ils soient réels et que l’entreprise n’ait pas pris de mesure de nature à éviter toute avance de frais au salarié.
Mais c’est bien la réalité des frais exposés par le salarié qui fait débat. M. [S] avait été embauché comme employé administratif et de vente. De telles fonctions sont a priori sédentaires et n’exposent pas le salarié à une avance de frais. L’employeur soutient que le salarié en exposait néanmoins pour déposer des colis chez les transporteurs, livrer des produits dans les EHPAD et rejoindre le gérant lors des expositions.
Pour en justifier, l’employeur ne produit que deux attestations au demeurant fort sommaires. Celles-ci émanent de salariés, ce qui doit conduire à les envisager avec circonspection. En outre les témoins déclarent une adresse à [Localité 5] ou à [Localité 4] de sorte qu’ils n’étaient pas présents au quotidien sur le même lieu de travail que M. [S]. S’ils font état de dépôt de colis chez le transporteur, M. [S] justifie lui par de très nombreux courriers électroniques que l’entreprise faisait procéder à l’enlèvement des colis. Les livraisons aux EHPAD ne sont pas établies. Aucun document ne permet d’en justifier. Il en est de même pour les trajets liés à des expositions. Suite au litige qui est né entre les parties l’employeur a interdit au salarié d’utiliser son véhicule personnel mais sans indiquer quelle modalité devrait être adoptée pour les tâches qui selon lui imposaient un déplacement. Enfin, le caractère forfaitaire de l’indemnité pour frais n’était pas total et ce sans explication cohérente puisqu’en 2017, il a été versé des sommes plus importantes, 910 et 280 euros, sans aucun élément sur des frais complémentaires ou une régularisation alors que le salarié était en congés payés au mois d’août 2017 où l’indemnité a cependant été portée à 280 euros.
Dans de telles conditions, la cour ne peut retenir que la somme versée au titre des frais professionnels correspondait à un remboursement de frais exposés par le salarié. Elle ne pouvait donc être qu’un complément de rémunération comme tel soumis à charges sociales. Il s’en déduit que l’employeur ne pouvait unilatéralement cesser de verser cette somme, sous couvert de l’interdiction d’utiliser son véhicule personnel par le salarié.
Il y a lieu de réintégrer la somme de 155 euros versée en net dans le salaire pour la somme non spécialement discutée de 201,34 euros brut. Il sera ordonné à l’employeur de délivrer des bulletins de paie conformes pour un salaire brut de 2 101,34 euros. Il y aura lieu à régularisation des cotisations sociales. L’employeur sera condamné au paiement d’un rappel de salaire de 604,02 euros outre 60,40 euros. Le jugement sera infirmé en ce sens.
Au regard de ces éléments, il existait bien une dissimulation intentionnelle d’emploi salarié par minoration du salaire constituant l’assiette des cotisations. En effet, il ne peut en l’espèce être retenu une simple carence probatoire ou une erreur quant au régime des frais professionnels. Au-delà d’une somme mensuelle de 155 euros représentant déjà plus de 10% du salaire net de M. [S], il s’y ajoute les sommes versées en juillet et août 2017 pour des montants très supérieurs et ce sans aucune explication. Dans de telles conditions, il s’agissait bien d’une minoration intentionnelle de l’assiette des cotisations, ce qui correspond à une dissimulation intentionnelle au sens de l’article L.8221-5 du code du travail et il y a lieu à paiement par l’employeur de l’indemnité de l’article L. 8223-1 pour la somme de 12 608,04 euros. Le jugement sera infirmé en ce sens.
Sur les avertissements,
Il convient d’apprécier leur bien fondé au regard des dispositions de l’article L. 1333-1 du code du travail.
Le premier avertissement a été notifié par lettre du 3 août 2018. L’employeur reprochait au salarié, malgré échanges précédents, un non-respect de ses horaires de travail le 2 août 2018 à 17 heures et une consultation par le salarié de vidéo sur son ordinateur personnel pendant le temps de travail.
Le salarié conteste avoir été absent de son poste à 17 heures le 2 août 2018. L’employeur se retranche derrière le litige préexistant entre les parties et une malveillance supposée du salarié. Toutefois force est de constater que rien ne permet d’étayer une absence du salarié à 17 heures. Le fait que le gérant de la société ait déposé un colis à la poste à 17h26 ne saurait démontrer sa présence dans les locaux de l’entreprise à 17 heures. Cette partie du grief ne peut être retenue. En revanche, il résulte des termes mêmes de la lettre de réponse du salarié qu’il consultait bien une vidéo le 3 août 2018 aux temps et heures de travail. M. [S] se place dans son courrier de réponse sur le terrain de la justification en faisant valoir qu’il s’agissait de la consultation d’un didacticiel de gestion de site web. Il ne donne toutefois pas d’élément supplémentaire sur ce point et admet même qu’il s’agissait pour lui d’une pause qu’il qualifie cependant d’éducative, ce qui relève de sa seule affirmation. Dès lors, la cour retient qu’il réalisait bien une activité personnelle aux temps et heures de travail. En conséquence, l’employeur pouvait se placer sur un terrain disciplinaire et la mesure d’avertissement, c’est-à-dire la sanction la plus basse, était proportionnée. Si M. [S] invoque des comportements plus graves d’autres salariés qui n’auraient pas été sanctionnés, il ne procède de ce chef que par affirmations. Il n’y a pas lieu à annulation.
Le second avertissement a été notifié selon lettre du 8 août 2018. L’employeur reprochait au salarié d’avoir supprimé des données mises en commun sur “google drive” et “one drive” sans information préalable de sorte que des données avaient été perdues.
La question de la plainte pénale déposée ultérieurement par l’employeur est sans portée dans le cadre du débat puisque non visée ou même envisagée dans la lettre d’avertissement. Celle-ci faisait suite à un courrier électronique du 3 août 2018 où M. [S] faisait état de ce que les accès à “google drive” et “one drive” étaient associés à des données personnelles et qu’elles n’étaient plus accessibles. Il en découle que manifestement le salarié avait lié ces accès à son adresse personnelle puis ensuite les avait supprimés. Il est manifeste que ceci s’inscrivait dans un conflit entre les parties alors que la création de ces accès à partir de données personnelles au salarié constituait une fragilité. Il apparaît en outre que les données n’étaient pas supprimées en tant que telles. Il n’en demeure pas moins que les accès à des données de l’entreprise étaient bien rendus indisponibles par le salarié. Les conséquences étaient certes moindres que celles envisagées par l’employeur mais la faute demeure établie et la sanction mesurée de l’avertissement proportionnée.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes d’annulation des avertissements et la demande indemnitaire en découlant.
Sur le licenciement,
M. [S] a été licencié pour motif économique dans les termes suivants :
Cette mesure s’inscrit dans le cadre d’un licenciement dont les causes économiques vous ont été exposées par courrier remis en main propre lors de votre entretien préalable du 6 novembre 2018 et qui sont les suivantes :
Depuis quelques années, l’environnement concurrentiel du marché des vêtements dans les maisons de retraite s’est fortement durci, marqué par un faible pouvoir d’achat des personnes retraitées qui voient leur pension de retraite diminuer, et une concurrence qui s’intensifie.
Ces évolutions se traduisent par de fortes pressions sur les marges des acteurs du secteur qui sont contraints de s’adapter pour notamment réduire leurs coûts et de procéder à des réductions de personnels (les entreprises Elicris et l’Ecrin d’Amélie notamment).
Dans ce contexte, LMDS rencontre des difficultés économiques et financières se matérialisant par une baisse significative de son chiffre d’affaires, des résultats en forte décroissance pour l’exercice 2016-2017 et déficitaires pour l’exercice 2017-2018 (exercice clos au 31 août 2018) et une dégradation importante de sa trésorerie.
Ainsi, le chiffre d’affaires de l’entreprise du 1er janvier au 30 septembre 2018 est en baisse de 22% par rapport à la même période au 30 septembre 2017. Les résultats de l’exercice 2017-2018 (du 1er septembre 2017 au 31 août 2018) confirment ces difficultés économiques avec une baisse de chiffre d’affaires de l’ordre de plus de 20% par rapport à l’exercice précédent.
Les résultats de l’exercice 2016-2017 (du 1er septembre 2016 au 31 août 2017) sont en baisse de plus de 70% par rapport à l’exercice précédent avec un résultat net qui passe de 27 006 euros au 31 août 2016 à 6 239 euros au 31 août 2017. La situation financière ne cesse de se dégrader puisqu’au 31 août 2018, le résultat net est de – 12 650 euros.
Enfin, la situation de la trésorerie de l’entreprise est catastrophique depuis le début de l’année 2018, ne lui permettant plus de couvrir ses charges.
LMDS, de par son activité, a des besoins de trésorerie importants dans la mesure où les clients procèdent au règlement des commandes passées avec des délais qui dépassent souvent trois mois. N’ayant pu obtenir un prêt de trésorerie auprès des banques, l’entreprise a été confrontée à des rejets de chèques par la Banque Populaire dans un premier temps, puis par la Banque Courtois aux mois d’avril et mai 2018. Ces incidents de paiement ont entraîné une dévaluation de la note attribuée à l’entreprise par la Banque de France qui a été notée X8 au mois d’avril 2018. Cette note signifie que la capacité de l’entreprise à honorer ses engagements financiers est jugée menacée.
Les démarches effectuées par l’entreprise pour tenter de régler ses difficultés avec la Banque Populaire d’une part auprès du médiateur du crédit et d’autre part auprès du député sont restées vaines.
Suite aux démarches réalisées par l’entreprise pour remédier à la situation financière difficile qu’elle rencontrait, elle s’est vue attribuer une note X7 à la fin du mois de juin 2018. Cette note reste cependant préoccupante puisqu’elle signifie que l’entreprise nécessite une attention particulière de la Banque de France en raison de la déclaration d’au moins un incident de paiement.
En juillet 2018, LMDS s’est de nouveau vue rejeter un chèque par la Société Générale et s’est vue une nouvelle fois interdire d’émettre tout chèque. Par la suite, la Société Générale a décidé de mettre fin, à compter du 21 octobre 2018, à la convention de trésorerie courante qu’elle avait accordée à LMDS. Cette décision place une nouvelle fois notre entreprise dans une situation extrêmement préoccupante.
Compte tenu de ses difficultés de trésorerie, LMDS n’a plus été en mesure d’assurer ses frais fixes et de personnel. Elle a été dans l’impossibilité de régler la TVA des mois de juin et juillet 2018, ce qui a entraîné à son encontre le versement de pénalités, ainsi que les cotisations patronales de sécurité sociale sur les salaires du second trimestre 2018.
L’entreprise a tenté de redresser la situation en recherchant notamment des solutions de financement auprès des banques pour faire face à ses problèmes de trésorerie. Elle a par ailleurs négocié et obtenu auprès de l’Urssaf un échéancier de paiement des cotisations patronales sur les salaires du second trimestre 2018.
Toutefois, ces actions sont restées insuffisantes pour enrayer la dégradation du chiffre d’affaire et des résultats et faire face aux difficultés économiques rencontrées par LMDS.
Si aucune mesure n’était prise, l’entreprise ne serait plus en mesure d’assurer la pérennité de ses activités.
Il apparaît en conséquence nécessaire, pour redresser la situation financière de l’entreprise et assurer sa survie, de procéder à une suppression du poste d’employé administratif et de vente.
Je vous ai informé que vous apparteniez à la catégorie professionnelle « employé » concernée par une suppression de poste et que vous étiez concerné par un éventuel licenciement à défaut de solution de reclassement interne après application des critères d’ordre des licenciements dans votre catégorie professionnelle.
J’ai déployé tous les efforts possibles pour vous reclasser au sein de l’entreprise et recenser les postes qui pouvaient vous être proposés en application de l’article L1233-4 du code du travail.
Aucun poste de même catégorie ou similaire au poste que vous occupez ou de catégorie inférieure n’est toutefois disponible au sein de l’entreprise.
C’est dans ce contexte que j’ai été contraint d’envisager votre licenciement économique et que je vous ai convoqué le 25 octobre 2018 à un entretien préalable de licenciement.
Au cours de cet entretien qui s’est tenu le 6 novembre 2018, je vous ai rappelé les motifs économiques m’ayant conduit à envisager votre licenciement et remis une proposition de contrat de sécurisation professionnelle (« CSP ») accompagnée d’une lettre en précisant les modalités. Vous disposiez depuis cette date d’un délai de réflexion expirant le 27 novembre pour accepter ou refuser le CSP. Vous m’avez fait part par email le 6 novembre et votre courrier du 7 novembre de votre volonté de bénéficier de ce dispositif.
Je vous rappelle en conséquence que votre contrat de travail sera rompu, sans préavis, le 27 novembre 2018 aux conditions qui figurent dans le document d’information qui vous a été remis lors de votre entretien préalable.
Je vous précise que vous bénéficierez d’une priorité de ré-embauchage durant un délai d’un an à compter de la date de rupture de votre contrat de travail, à condition que vous manifestiez par écrit, pendant ce délai, le souhait de bénéficier de cette priorité. Cette priorité concerne les emplois compatibles avec votre qualification actuelle ou avec celles que vous viendriez à acquérir sous réserve que vous nous en ayez informé.
Je tenais également à vous préciser, dans le prolongement de notre entretien et de votre question à cet égard, que depuis le 1er janvier 2015, vos droits acquis au titre du droit individuel à la formation ont été transférés dans un compte personnel de formation conformément aux dispositions de l’article 1-V de la loi 2014-288 du 5 mars 2014; ce compte est géré par la Caisse des dépôts et consignations et accessible sur le site www.moncompteactivite.gouv.fr.
Je vous rappelle qu’en cas d’acceptation du CSP, toute contestation portant sur la rupture du contrat de travail ou son motif résultant de votre adhésion au CSP se prescrit par 12 mois à compter de cette adhésion.
Enfin, et en application de l’article R1233-2-2 du Code du travail, vous disposerez d’un délai de quinze jours suivant la rupture de votre contrat, pour me demander des précisions sur les motifs de cette rupture, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Si tel était le cas, j’y répondrais alors dans les conditions prévues par ce texte.
Il résulte des dispositions de l’article L. 1233-3 du code du travail que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
2° A des mutations technologiques ;
3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
4° A la cessation d’activité de l’entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.
Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.
En l’espèce pour contester le licenciement, le salarié fait en premier lieu valoir qu’un certain nombre d’éléments comptables ne lui ont pas été communiqués malgré sommation. Il invoque ainsi des justificatifs comptables trimestre par trimestre ainsi que les bilans. Il n’en demeure pas moins que les indicateurs visés ci-dessus ne sont pas énumérés de façon limitative au regard de la mention du terme “notamment”. Or, le compte de résultat produit en pièce 15 par l’employeur fait bien apparaître une dégradation des comptes. Sur l’exercice clos au 31 août 2018, étant rappelé que la procédure de licenciement a été introduite le 25 octobre, soit immédiatement après l’établissement de ces comptes, il apparaît une diminution notable du chiffre d’affaires passé de 476 535 euros sur l’exercice précédent à 373 274 euros. Ceci constitue une baisse tout à fait significative puisque de près de 22%. Il en découlait un résultat d’exploitation négatif avec une perte de 10 668 euros alors que les charges de personnels sur l’exercice avaient déjà fait l’objet d’une réduction. Ces difficultés n’étaient en rien comparable avec l’exercice précédent, comprenant la période de l’embauche de M. [S], qui s’était clôturé sur un bénéfice d’exploitation de 11 440 euros.
L’employeur justifie par ailleurs qu’il avait fait l’objet par la Banque de France (eurosystème) d’une cotation X7 (et non X8) correspondant à une situation très compromise, sans que le salarié justifie que ceci était une conséquence d’une action intempestive d’un salarié. Le paiement de la TVA faisait l’objet d’un échelonnement sur le second semestre 2018 comme les cotisations sociales sur la même période.
Ceci caractérise bien des difficultés économiques au sens des dispositions susvisées. Le fait que l’URSSAF ou l’administration fiscale n’aient pas assigné en redressement judiciaire ne saurait conduire à écarter la notion de difficultés économiques. En effet, il n’est aucunement exigé que l’employeur soit en cessation des paiements pour pouvoir exciper d’un motif économique de licenciement.
Les observations du salarié sur l’ordre des licenciements et sur le fait que l’employeur aurait établi les critères pour aboutir à son licenciement sont sans portées puisqu’elles ne sont pas de nature à emporter un licenciement sans cause réelle et sérieuse et qu’il n’est pas formulé de prétention indemnitaire au titre d’une violation des critères d’ordre.
La cour retient ainsi que l’employeur justifie bien de difficultés économiques constituant un motif de licenciement. La demande de M. [S] tant en dommages et intérêts qu’au titre de l’indemnité de préavis sera donc rejetée. Le jugement sera confirmé sur ce point.
L’action étant partiellement bien fondée, le jugement sera infirmé sur le sort des frais et dépens et la société La maison des séniors déboutée de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée aux dépens de première instance et d’appel. Elle sera en outre condamnée, pour l’ensemble de la procédure, au paiement d’une somme de 2 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse du 8 juillet 2021 en ce qu’il a débouté M. [S] de ses demandes au titre du licenciement et au titre des avertissements,
L’infirme pour le surplus et statuant à nouveau,
Ordonne à la SARL La maison des Séniors de délivrer à M. [S] des bulletins de paie rectifiés pour un salaire brut de 2 101,34 euros,
Ordonne à la SARL La maison des Séniors de procéder à la régularisation des cotisations correspondantes,
Condamne la SARL La maison des Séniors à payer à M. [S] les sommes de :
– 604,02 euros à titre de rappel de salaire,
– 60,40 euros au titre des congés payés afférents,
– 12 608,04 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
– 2 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SARL La maison des Séniors de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SARL La maison des Séniors aux dépens de première instance et d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Catherine Brisset, présidente, et par Arielle Raveane, greffière.
La greffière La présidente
A. Raveane C. Brisset.