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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-4
ARRÊT AU FOND
DU 06 AVRIL 2023
N° 2023/
CM/FP-D
Rôle N° RG 22/11275 N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ3XN
S.A.R.L. MAX PPP
C/
[X] [K]
Copie exécutoire délivrée
le : 06/04/2023
à :
– Me Olivier ROMANI, avocat au barreau de NICE
– Me Pascal ZECCHINI, avocat au barreau de TOULON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRASSE – section I – en date du 16 Mars 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 09/674.
APPELANTE
S.A.R.L. MAX PPP, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Olivier ROMANI, avocat au barreau de NICE, vestiaire 487
INTIMEE
Madame [X] [K], demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Pascal ZECCHINI, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Laetitia MAGNE, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 06 Février 2023 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre
Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller
Madame Catherine MAILHES, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Avril 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Avril 2023.
Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*-*-*-*-*
EXPOSE DU LITIGE
Mme [K] (la salariée) a été embauchée le 1er janvier 2002 par la société Max PPP selon contrat à durée indéterminée selon le statut de journaliste pigiste, en qualité de rédactrice 1er échelon rattachée à la direction de [Localité 3], après avoir occupé un poste d’aide documentaliste au sein de la société A Priori, filiale de la société Max PPP.
Mme [K] a été élue en qualité de déléguée du personnel à compter du 5 mai 2006 puis désignée comme déléguée syndicale CGT à compter du 18 mai 2006.
Le 19 janvier 2007, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à éventuel licenciement.
Par décision du 2 avril 2007, l’inspecteur du travail a refusé d’autoriser le licenciement envisagé.
Le recours hiérarchique contre cette décision a été rejeté par décision du Ministre du Travail du 28 septembre 2009.
Le tribunal administratif de Nice a rejeté la requête en annulation de la décision administrative du Ministre du travail par jugement du 25 février 2010.
Le 4 juillet 2008, Mme [K] a porté plainte pour harcèlement moral.
Le 3 décembre 2008, Mme [K] a été élue en qualité de conseillère prud’homale section industrie au conseil de prud’hommes de Nice.
Le 26 décembre 2007, Mme [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Nice aux fins de voir:
– lui reconnaître la qualification de journaliste agence de presse photo par application de la convention collective nationale des journalistes,
– la condamnation de la société Max PPP à lui verser les salaires pour la période de 2003 à 2007 pur un total de 18 769,30 euros.
Par jugement du 7 avril 2009, le conseil de prud’hommes a dépaysé le litige et l’a renvoyé devant le conseil de prud’hommes de Grasse par application des dispositions de l’article 47 du code de procédure civile.
Devant le conseil de prud’hommes de Grasse, la salariée a demandé en outre la résiliation judiciaire du contrat de travail , le paiement des indemnités de rupture, des dommages et intérêts sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail outre un reliquat de 13ème mois et une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Max PPP a sollicité le rejet des demandes de Mme [K] et sa condamnation à lui verser une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 16 mars 2010, le conseil de prud’hommes de Grasse a :
prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société Max PPP à compter de ce jour ;
condamné la société Max PPP à verser à Mme [K] les sommes suivantes :
9.187,23 euros au titre du rappel de salaire pour les mois de novembre et décembre 2005 et pour les années 2006 et 2007, (reconnaissance du statut de journaliste à compter de novembre 2005)
765,30 euros au titre du 13ème mois au prorata,
13.043,40 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,,
4.347,80 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 434,78 euros bruts au titre de l’indemnité de congés payés afférente,
3.260,85 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
1.000 euros sur le fondement de l’article 00 du code de procédure civile,
ordonné l’exécution provisoire du jugement,
rejeté toutes conclusions plus amples ou contraires,
condamné la société Max PPP aux dépens.
Selon déclaration de son avocat du 6 avril 2010, la société Max PPP a interjeté appel général dans les formes et délais prescrits de ce jugement qui lui a été notifié le 18 mars 2010.
Selon déclaration de son avocat du 30avril 2010, Mme [K] a également interjeté appel du jugement qui lui avait été notifié le 18 mars 2010.
Les deux procédures ont été jointes sous le n°10/6888.
La société Max PPP demandait essentiellement l’annulation du jugement, à raison de l’envoi de mails pendant le cours des délibérés à deux conseillers prud’hommes qui faisaient partie de la composition chargée de juger l’affaire, le rejet des demandes de Mme [K] et la condamnation de cette dernière au paiement de dommages et intérêts (100 000 euros) en réparation du préjudice subi, d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Mme [K] contestait être l’auteur des mails litigieux et sollicitait la requalification de ses fonctions en journaliste professionnel ainsi que la condamnation de la société Max PPP à lui payer les sommes suivantes :
– 42 728,95 euros bruts au titre du rappel de salaires entre 2003 et 2010 outre 4 172,00 euros au titre des congés sur rappel de salaire ,
– 125,34 euros au titre des frais de déplacement,
– en conséquence de la résiliation judiciaire,
– 4 516,00 euros au titre de l’indemnité sur préavis,
– 451,00 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
– 40 660,02 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 20 322,00 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 1 129,00 euros au titre du 13ème mois au prorata,
– 189 563,00 euros au titre de l’indemnité pour violation du statut protecteur en l’état de sa qualité de conseiller prud’hommes à Nice,
– 5 000,00 euros au titre du droit individuel à la formation,
– 5 000,00 euros au titre du respect de la clause de non concurrence,
– le bénéfice du statut de cadre et les avantages rattachés et par conséquent la condamnation de son employeur à régulariser cette situation et à cotiser à la caisse cadre de janvier 2003 au 16/03/2010, à rectifier les bulletins de salaires ainsi que l’attestation Pôle emploi ,
– les intérêts légaux sur les sommes obtenues et non réglées suite au jugement du Conseil de Prud’hommes,
– le remboursement à Pôle emploi des indemnités chômage,
– à payer au Syndicat CGT la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts outre 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt du 15 mai 2012, la cour d’appel a ordonné la réouverture des débats à raison de la communication postérieure aux débats de la plainte avec constitution de partie civile déposée le 8 mars 2012 par la société Max PPP à l’encontre de Mme [K] pour escroquerie au jugement et d’une plainte pour dénonciation calomnieuse.
L’affaire a fait l’objet de radiations le 18 décembre 2012, le 29 septembre 2015.
Le 21 octobre 2013, la plainte de la société Max PPP a été classée sans suite pour « infraction insuffisamment caractérisée ».
Le 1er octobre 2014, la société Max PPP a déposé une nouvelle plainte avec constitution de partie civile pour les mêmes motifs.
Par arrêt du 24 mai 2018, la cour d’appel a sursi à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure pénale actuellement en cours suite à la plainte pour escroquerie déposée par la société Max PPP le 8 mars 2012 auprès du procureur de la République du tribunal de grande instance de Grasse et a ordonné la radiation de l’affaire.
Par ordonnance du 30 septembre 2020, Mme [K] a fait l’objet d’un renvoi devant le tribunal correctionnel.
En parallèle, elle a déposé plainte à l’encontre de Mme [S] [O] (sa supérieure hiérarchique directe) et de M. [M] [P], gérant de la société Max PPP, pour discrimination et délit d’entrave à l’exercice de ses fonctions de délégué syndical.
Par jugement du Tribunal Correctionnel de Nice du 24 mai 2022, Mme [K] a été intégralement relaxée des faits qui lui étaient reprochées.
Ce jugement est définitif quant à ses dispositions pénales.
Par un second jugement du 24 mai 2022, M. [M] [P], gérant de la société Max PPP a été déclaré coupable du délit d’entrave et relaxé des faits de discrimination. Ce jugement est frappé d’appel.
Par acte du 1er août 2022, l’avocat de Mme [K] a sollicité le ré-enrôlement de l’affaire.
Selon les dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 31 janvier 2023 et reprises oralement à l’audience, la société Max PPP demande à la cour de :
déclarer nul le jugement du 16 mars 2010 du Conseil de prud’hommes de Grasse en raison de la violation du droit à un procès équitable.
et condamner Mme [K] à verser à la société Max PPP somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.
en tout état de cause,
infirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [K] et en ce qu’il l’a condamnée la société Max PPP au paiement de : 9187,23 euros bruts au titre du rappel de salaire pour le mois de novembre et décembre 2005 et pour les années 2006 et 2007, 765,30 euros au titre du 13ème mois au prorata, 13 043,40 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 4347,80 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, 434,78 euros au titre de l’indemnité de congés payés sur préavis, 3260,85 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement, 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
ce faisant,
débouter Mme [K] de l’intégralité de ses demandes ;
à titre infiniment subsidiaire,
condamner la société Max PPP au titre de la violation du statut protecteur à la seule somme de 29 385 euros (soit 14 mois et 23 jours de salaire) ;
condamner Mme [K] à la restitution de l’ensemble des sommes perçues et au paiement des intérêts de retard au taux légal capitalisé à compter de la date du jugement de première instance ou de leur versement effectif ;
condamner Mme [K] au paiement de la somme de 7000,00 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Aux termes des dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 2 février 2023, Mme [K] appelante et le syndicat national des journaliste CGT, intervenant volontairement, demandent à la cour de confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes en date du 16 Mars 2010 en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [K] aux torts exclusifs de la société Max PPP à compter de la date du jugement mais de l’infirmer sur les indemnités allouées, et statuant à nouveau :
débouter la société Max PPP de sa demande de nullité et de toutes ses autres demandes,
dire et juger qu’elle est bien fondée à solliciter l’application de la convention collective nationale des journalistes et de la grille des salaires SAPHIR en sa qualité de journaliste professionnel.
condamner la société Max PPP à lui payer les sommes suivantes :
rappel de salaire pour la période de 2003 à Mars 2010 41 728,95 euros bruts
congés payés pour rappel de salaire 4 172,00 euros
frais de déplacement 125,34 euros
prime de langue 4 172,00 euros
prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [K] aux torts exclusifs de l’employeur, à titre principal du fait du non-paiement des salaires contractuellement dus et à titre subsidiaire au titre du harcèlement moral, sur la base d’un salaire moyen de 2 258 euros,
condamner la société Max PPP à lui payer les sommes suivantes :
indemnité compensatrice de préavis 4 516,00 euros
indemnité compensatrice de congés payés sur préavis 451,00 euros
dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 40 660,02 euros
indemnité conventionnelle de licenciement 20 322,00 euros
prorata du 13ème mois 1 129,00 euros
indemnité pour violation du statut protecteur 189 563,00 euros
absence de droit individuel à la formation 5 000,00 euros
dommages et intérêts pour respect de la clause de non concurrence non indemnisée 5 000,00 euros
condamner la société Max PPP à lui payer la somme de 30 000 euros au titre du préjudice moral résultant du harcèlement moral dont elle a été victime ;
condamner la société Max PPP à régulariser sa situation au regard de la Caisse des cadres depuis le mois de janvier 2003 au 16 Mars 2010,
condamner la société Max PPP à rectifier ses bulletins de salaire ainsi que son attestation Pole Emploi sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
dire et juger que les sommes seront assorties des intérêts légaux à compter de la date de saisine du Conseil de Prud’hommes jusqu’à la date effective du paiement,
condamner la société Max PPP à rembourser à Pole Emploi les indemnités chômage perçues par Mme [K],
condamner la société Max PPP à payer au syndicat CGT, intervenant volontairement la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts,
condamner la société Max PPP à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l’instance.
L’affaire a été évoquée à l’audience du 6 février 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées reprises oralement à l’audience.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande d’annulation du jugement
La société Max PPP sollicite la nullité du jugement à titre principal pour violation du droit fondamental au procès équitable prévu par l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme, violation des dispositions de l’article L.111-5 du code de l’organisation judiciaire qui repend la nécessité d’impartialité des juridictions judiciaires et violation de l’article L.1421-2 du code du travail, et à titre subsidiaire pour fraude.
Elle précise que la partialité des juges de première instance a été découverte à posteriori de la déclaration d’appel et que cette demande de nullité ne rentre pas dans le cadre de l’appel nullité mais celui de droit commun.
Elle estime ne pas avoir bénéficié d’un tribunal indépendant et impartial, en ce que postérieurement au jugement, le gérant de la société Max PPP a reçu un courrier sous enveloppe dont l’auteur n’était formellement identifié mentionnant :’ je réprouve totalement les agissements d’une partie de mes camarades, agissement préjudiciables à note mission. Ces docs doivent aider à une prise de conscience. Faites-en bon usage’ et qu’à cette lettre étaient jointes des copies de courriels adressés par Mme [K] établissant qu’elle est intervenue avant l’audience du bureau de jugement et en cours de délibéré auprès des conseillers prud’hommes dont deux faisaient partie de la formation de jugement pour obtenir gain de cause.
Elle précise que si la salariée a été relaxée devant le tribunal correctionnel des faits de tentative d’escroquerie au jugement et dénonciation calomnieuse, c’est uniquement en raison de l’erreur de qualification pénale fondant la plainte et que cette relaxe ne prive pas le juge prud’homal de son pouvoir d’appréciation des faits litigieux dont la matérialité a été reconnue par la juridiction.
Elle soutient également que par son comportement frauduleux, Mme [K] lui a causé un préjudice dont elle demande réparation à hauteur de 15 000 euros.
La salariée qui s’oppose à la demande de nullité fait valoir qu’ayant été relaxée au pénal, la société viole le principe de l’autorité au civil de la chose jugée au pénal et qu’elle ne justifie pas en quoi la formation de jugement de première instance aurait fait preuve de partialité dès lors que l’instruction a établi que les deux conseillers prud’hommes ne la connaissaient pas et qu’ils n’ont pas lu les mails envoyés, que même à considérer qu’il les aient lus, il n’est pas établi qu’ils aient été de nature à influencer leur position.
Les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l’action publique ont au civil autorité absolue en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l’existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l’innocence de ceux auxquels le fait est imputé. L’autorité de la chose jugée au pénal s’étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef de dispositif prononçant la décision.
Le jugement du tribunal correctionnel de Nice du 24 mai 2022 ayant relaxé Mme [K] des faits de tentative d’escroquerie au jugement commis du 7 avril 2009 au 5 mars 2012 à Nice et Grasse et des faits de dénonciation calomnieuse commis du 5 mars 2012 à Aix-en-Provence, en considérant que :
– si les éléments du dossier permettaient de considérer que l’auteur des mails envoyés à M. [C] ( le 7 août 2009) et à M. [A] (le 18 février 2010), conseillers prud’hommes de Grasse dans le but d’influencer une décision la concernant, était bien Mme [K], la qualification pénale d’escroquerie au jugement n’était pas constituée dès lors que les éléments contenus dans les mails n’étaient pas des faux, qu’ils ne constituaient pas des mensonges mais des énonciations de faits et de points de vue ;
– Mme [K] n’avait pas le 5 mars 2012, spontanément dénoncé de faux document et sous -entendu qu’ils étaient des constructions de toute pièce de la société Max PPP.
L’autorité de la chose jugée de cette décision de relaxe porte sur l’innocence de Mme [K] quant à la qualification pénale des faits reprochés au soutien de la poursuite d’escroquerie au jugement mais non sur les faits en eux-même, qui demeurent tels qu’ils résultent de l’enquête pénale.
Il n’est pas contesté que :
Entre le jugement du 16 mars 2010 du code de procédure civile de Grasse et l’audience du 5 mars 2012 devant la cour d’appel, la société Max PPP a été destinataire d’un courrier anonyme du 18 octobre 2011 indiquant : ‘Je réprouve totalement les agissements de mes camarades, agissements préjudiciables à notre mission. Ces docs doivent aider à une prise de conscience. Faites -en bon usage’ et auquel étaient joints des messages électroniques émanant d’une adresse électronique Yahoo au nom de [X] [K], signés [X] et adressés à deux conseillers prud’hommes à [Localité 2] et membres de la formation ayant rendu le jugement du 16 mars 2010 (M. [C] le 7 août 2009 et à M. [A] le 18 février 2010) ;
Le courriel du 7 août 2009 adressé à M. [B] [C] intitulé ‘ 15/09/09 : prud’hommes de [Localité 2] : [X] [K] c/maxppp. ‘Comme convenu l’autre fois à l’aéroport qq informations concernant mon affaire présentée aux prud’hommes de [Localité 2], section industrie. La date de l’audience est fixée au 15 septembre 2009, présidence employeur. Je crois savoir que [U] est assesseur (…)Si tu peux faire ton possible pour faire suivre ces informations à [U] afin qu’il argumente ensuite au mieux en ma faveur, je t’en serai sincèrement reconnaissante. (…)Bises, [X]’ ;
Ce mail a été transféré à un dénommé ‘[R]’ identifié comme étant [I] [E] avec la mention : ‘Je te joins le mail que je viens d’envoyer à [B] [C]. En fait j’ai pensé que tu pouvais le faire suivre de ton côté à [U](…) Bises [X]’ ;
Un autre courriel daté du 18 février 2010 a été adressé à M.[L] [A] en ces termes : ‘(…)je sais que je t’écris tardivement mais je n’arrivais pas à me décider. J’ai réfléchi, tergiversé, avec [J] et [R], et voici ce qu’il en ressort (…)Ce qui me semble important dans un premier temps c’est que vous tombiez d’accord sur le fait que je travaille bien selon des horaires et non à la pige (…)ensuite, le fait que vous reconnaissiez mes heures sups de 2006 à 2007 serait déjà un premier pas (…) Je préfèrerai donc que vous ne l’acceptiez pas (la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail) (…) Voilà, je crois que j’ai fait le tour de ce que je voulais te dire…j’espèce que ça va bien se passer. Encore merci [L] pour tes conseils et à très bientôt. [X]’ ;
Lors de l’enquête préliminaire, M. [L] [A] a déclaré ne pas connaître Mme [K] de façon personnelle mais qu’il l’avait sans doute croisée lors de réunions syndicales annuelles ; il ne se souvenait pas avoir reçu le mai du 18 février 2010 et n’en connaissait le contenu seulement parce qu’il avait reçu l’arrêt de la cour d’appel qui le mentionnait ;
M. [B] [C] a déclaré quant à lui se souvenir avoir parlé avec M. [E] des difficultés rencontrées par Mme [K] avec son employeur, qu’il savait qu’elle essayait de contacter les personnes qu’elle connaissait pour arriver à trouver une solution à son problème et se faire conseiller, qu’il se souvenait également qu’elle lui avait envoyé une fois un mail ; il a précisé également que lors d’une manifestation syndicale, elle lui avait parlé de son différend et il lui avait déconseillé, alors qu’elle le souhaitait, de lui envoyer un mail ; il a indiqué ne pas avoir lu le mail qu’elle lui aurait adressé ;
M. [I] [E], conseiller salarié au conseil de prud’hommes de Grasse depuis 2008 et membre de l’union départementale de la CGT a déclaré connaître Mme [K] tout comme M. [C], [U], [N] et [L] [A], se connaissaient par le biais de leur action syndicale à la CGT et par leurs mandats respectifs au conseil de prud’hommes et qu’il était en contact régulièrement avec Mme [K] par mail sans se souvenir du mail du 7 août 2009 ;
M. [T] [N], dit [U] et président de la section industrie au conseil de prud’hommes de Grasse, a dit ne pas connaître Mme [K] sauf au détour d’une manifestation syndicale, précisant que ni M. [E], ni M. [C] ne lui avait transféré de mail provenant de la boîte mail de Mme [K] ;
Mme [K] avait alors déclaré ne pas connaître [T] [N] et [B] [C] tout en indiquant qu’elle l’avait peut-être rencontré lors de la manifestation syndicale à l’aéroport sans connaître son nom et sans savoir qu’il était conseiller prud’homme, contestant être l’auteur des mails litigieux et avoir tenté d’influencer les conseillers prud’hommes ;
Lors de l’information judiciaire, M. [C] a confirmé qu’il avait reçu un mail envoyé par Mme [K] le 7 août 2009 en indiquant qu’il ne l’avait pas ouvert pour éviter des problèmes, qu’il connaissait Mme [K] ‘visuellement’ et que celle-ci lors d’une manifestation de [Localité 3] avait voulu lui parler de son dossier qui était en cours à [Localité 2], qu’il avait refusé de parler avec elle du fond du dossier, précisant qu’elle était dépressive à l’époque, qu’il l’avait mise en garde en lui disant qu’il n’ouvrirait pas son mail si elle lui en envoyait ;
M. [A], président du bureau de jugement et membre du syndicat CGT a indiqué ne pas connaître personnellement Mme [K] mais qu’il avait dû la rencontrer lors des réunions annuelles des conseillers prud’hommes par l’intermédiaire de [I] [E], qu’il avait pu recevoir le mail du 18 février 2018 mais ne l’avait pas lu, que ce mail n’aurait pas pu influencer sa décision car à cette date soit un mois avant le délibéré du 16 mars 2010, son jugement était parti à la frappe.
Au regard de la teneur précise des courriels portant sur des éléments factuels du dossier prud’homal, des éléments de plaidoirie et de contexte outre le témoignage de M. [C] qui a confirmé avoir reçu un mail de Mme [K] le 7 août 2009, il est établi que la salariée est l’auteur de ceux-ci.
M.[C] et M. [A] faisaient partie de la composition du bureau de jugement qui a rendu la décision dont appel.
Le droit à un procès équitable garanti par l’article 6 § 1 commande que l’affaire soit entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial. L’impartialité doit s’apprécier selon une démarche subjective, en tenant compte de la conviction personnelle et du comportement du juge en vérifiant si celui-ci a fait preuve de parti pris ou préjugé personnel dans l’affaire en cause mais également selon une démarche objective consistant à déterminer si le tribunal offrait, notamment à travers sa composition, des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime quant à son impartialité.
L’impartialité personnelle d’un magistrat se présume jusqu’à preuve contraire.
En considération de ce que la justiciable avait pris contact à deux reprises par l’envoi de courriels au cours de l’instance et pendant le délibéré (un mois avant la date de la décision) avec deux membres sur quatre de la composition en charge de juger son affaire dans le but avéré d’influencer la décision du conseil de prud’homme en son sens, de ce que ce que ces deux membres étaient en lien syndical avec elle, que l’un d’eux la connaissait personnellement pour l’avoir rencontrée lors d’une manifestation syndicale au cours de laquelle elle lui avait parlé de son affaire et que l’autre était le président de la formation, il existe un doute légitime quant à l’impartialité du conseil de prud’hommes, en sorte que le jugement du conseil de prud’hommes de Grasse sera annulé.
Faute pour la société de faire la preuve d’une faute imputable à la salariée et de justifier d’un préjudice, la demande de dommages et intérêts est rejetée.
Sur l’application de la convention collective nationale des journalistes professionnels permanent non pigiste et les demandes subséquentes
1- Sur la demande de reconnaissance du statut de journaliste professionnel permanent non pigiste
La société qui conclut à l’infirmation du jugement, fait valoir que par application des dispositions des articles L.711-3, L.7112-2 et L.7112-1 du code du travail le journaliste pigiste qui collabore de manière régulière et constante au sein de l’entreprise n’en est pas moins un journaliste professionnel bénéficiant comme tel du statut et des avantages fixés par la convention collective du journalisme qui lui est applicable, que le statut de journaliste professionnel dont peut bénéficier un salarié n’est nullement exclusif d’une rémunération à la pige, que la reconnaissance du statut de journaliste est sans incidence sur le mode de rémunération.
La rémunération à la pige est un système de rémunération forfaitaire indépendante du nombre d’heures de travail nécessaire pour la réaliser.
Elle conteste le jugement en ce qu’aucune disposition légale ou conventionnelle n’interdit à un employeur de retenir comme base forfaitaire de rémunération qu’une pige équivaudra à un certain nombre d’heures de travail et même que soient fixés des plannings de présence. Elle soutient que les barèmes de salaire minimum conventionnels déterminés par la convention collective nationale ne concernent que les journalistes mensualisés et non les journalistes pigistes.
Elle conteste le décompte horaire avancé par la salariée, en ce que ses jours d’absence ne sont pas même déduits.
La salariée revendique en réalité le statut de journaliste professionnel permanent lui donnant droit au minimum conventionnel issu de la grille des salaires des journalistes non pigistes, en faisant valoir qu’elle était engagée dans une relation de travail régulière, constante et exclusive à l’égard de la société Max PPP, dès lors que :
– le contrat de travail prévoyait un investissement exclusif au profit de la société Max PPP, la garantie d’un nombre minimal de piges fixé à 21 ;
– elle travaillait au moins 8 heures par jour comme il ressort des bulletins de salaire qui mentionnent une base de 8heures par pige,
– l’employeur lui imposait un emploi du temps avec des horaires de travail à respecter d’au moins 8 heures par jour, en contradiction avec l’autonomie du journaliste pigiste.
La convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976 refondée le 27 octobre 1987 étendue par arrêté du 2 février 1988 prévoit en son article Ier que :
La présente convention collective nationale règle les rapports entre les employeurs et les journalistes professionnels, salariés des entreprises tels qu’ils sont définis à l’article L. 761-2 du code du travail et à l’article 93 de la loi du 29 juillet 1982.
Le journaliste professionnel est celui qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques, ou dans une ou plusieurs agences de presse ou dans une ou plusieurs entreprises de communication audiovisuelle et qui en tire le principal de ses ressources.
Le correspondant, qu’il travaille sur le territoire français ou à l’étranger, est un journaliste professionnel s’il reçoit des appointements fixes et remplit les conditions prévues au paragraphe précédent.
Sont assimilés aux journalistes professionnels les collaborateurs directs de la rédaction : rédacteurs-traducteurs, sténographes-rédacteurs, rédacteurs-réviseurs, reporters-dessinateurs, reporters-photographes, à l’exclusion des agents de publicité et de tous ceux qui n’apportent, à un titre quelconque, qu’une collaboration occasionnelle.
La présente convention s’applique à l’ensemble du territoire national, et ce dès le premier jour de la collaboration. Les dispositions de la présente convention remplaceront les clauses des contrats ou accords existants, dès lors que ceux-ci seraient moins avantageux pour les journalistes professionnels.
La convention collective nationale instaure des minima garantis tant au titre du salaire minimum national que du tarif minimum de pige.
La salariée bénéficie d’un contrat de travail en qualité de journaliste pigiste, précisant qu’elle est rémunérée à la tâche et non au temps, dont la valeur a été fixée forfaitairement à 70 euros et prévoyant un minimum mensuel de 21 piges.
Ses tâches sont les suivantes : saisie et gestion des bases de donnée, recherches documentaires, édition de reportages, gestion de piges, contacts ave les fournisseurs de photos et les utilisateurs.
Une clause d’exclusivité y est insérée, aux termes de laquelle, la salariée s’est engagée à consacrer professionnellement toute son activité et tous ses soins à l’entreprise, l’exercice de toute autre activité professionnelle, soit pour son compte soit pour le compte de tiers lui étant interdite.
Le paiement à la pige constitue une rémunération à la tâche, indépendante du temps nécessaire pour la réaliser même si un délai de délivrance du travail demandé peut être fixé.
La demande d’application des grilles des journalistes permanents s’analyse en une demande de requalification du contrat de journaliste pigiste en contrat de journaliste permanent payé en fonction de la durée de travail.
Il lui appartient d’établir que sa rémunération était en réalité déterminée par l’horaire de travail qu’elle effectuait et non en fonction de la quantité des tâches accomplies.
Au regard de ce qu’il est admis qu’un pigiste bénéficie d’un contrat de travail et de ce que le contrat a force de loi entre les parties, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, ce n’est ni le caractère régulier de l’intervention du journaliste, ni la clause d’exclusivité, laquelle correspond à la contrepartie née de la garantie d’un nombre minimal mensuel de piges, ni l’absence d’autonomie dès lors qu’elle était sous lien de subordination intégrée à un service organisé, qui détermine le droit au paiement d’un salaire horaire mais le paiement en fonction d’un horaire de travail et par la même, l’adossement de la pige à un horaire de travail.
En l’occurrence, les documents contractuels et bulletins de salaire font mention du nombre de piges mensuelles sans référence à un quelconque horaire.
Néanmoins, d’une part le contrat de travail ne précise pas le prix de chaque tâche alors même que celles-ci sont diversifiées et multiples, allant de la saisie et de la gestion des bases de données à l’édition de reportages, ni le nombre des taches de même type à accomplir correspondant à une pige. D’ailleurs, les bulletins de salaire mentionnent des nombres de pige comportant des décimales (21,75 piges en septembre 2003, 22,5 piges en avril 2003), en contradiction avec le contrat de travail qui ne définit pas l’exécution partielle de tâches ni de piges spécifiques en fonction de tâches particulières.
D’autre part, il est notable que le nombre de piges mensuelles garanties de 21 correspond au nombre moyen de jours de travail par mois pour les salariés bénéficiant de deux jours de repos hebdomadaires comme la salariée.
Par ailleurs, la salariée travaillait selon le planning défini par Mme [H] et était astreinte à des horaires de présence impératifs, comme il ressort du mail de Mme [H] du 18 novembre 2005.
Elle remplissait en outre des relevés de présence mentionnant des horaires.
Ainsi, ses relevés de présence des mois de février-mars 2003, mars-avril 2003, mai et juin 2003 indiquent une organisation du travail à raison de cinq jours sur sept selon un horaire de 9h à 18h voir, 18h30, 19H, 19h30 ou 20h avec indication d’heures supplémentaires au delà de 39 heures par semaine.
Par courriel du 8 janvier 2004, en réponse à la salariée qui sollicitait la réévaluation du prix de la pige compte tenu de la grille des salaires conventionnels concernant les agences de presse photo, le gérant de la société lui a répondu qu’il suffira désormais de donner ses piges toutes les semaines, à savoir seulement le nombre de piges sans tableau compliqué avec des heures, précisant : ‘on veut jouer la simplicité et la confiance. On va essayer de faire en sorte que vos salaires soient le reflet concret du mois qui est payé. C’est à dire des piges effectuées du 1er au 31 et non du 15 au 15″. Ainsi, la demande de tableau avec des heures n’émanait pas de la salariée mais d’une demande initiale de l’employeur qui est revenu dessus, étant précisé que l’examen des bulletins de salaire pour la période d’emploi mentionnent des périodes du 1er de chaque mois au 30 ou 31, et en tous les cas au dernier jour du mois et non du 15 au 15.
Enfin, il ressort du courriel du 12 octobre 2006 de Mme [H], responsable du service des piges au sein de la société à M. [P], dirigeant,(pièce 32 de la société) qu’en réalité la pige correspondait à une journée de travail de huit heures et qu’il était demandé à la salariée de fournir la quantité de travail attendue dans un temps déterminé impliquant une cadence particulière : ‘…Constat: en une journée complète (8 h de travail, soit une pige), [X] estime qu’il est impossible de traiter deux journées PQR. Mieux, elle affirme que je devrais venir lui faire la démonstration moi-même au service pige! Elle effectue donc son travail à sa manière, sans tenir compte des consignes de sa hiérarchie. [S] me confirme devant [X], que c’est tout à fait faisable (une journée le matin et une journée l’après-midi). [X] ne veut pas en démordre. Elle demande donc à avoir des preuves et veut en débattre avec [S]. Je lui rappelle alors que c’est à moi qu’il faut rendre compte et que je constate des différences de rythme au sein de ce service (…)’.
En outre, dans son courrier du 2 mars 2007 à la direction, Mme [O], responsable du service des piges, se plaignant du comportement de la salariée, notamment de ses pauses de plus en plus fréquentes et de plus en plus longues ainsi que de l’augmentation de la fréquence et de la durée de ses communications téléphoniques (de 15 à 45 minutes), avait indiqué que la part de travail de celle-ci se réduisait de plus en plus au point qu’elle était obligée de le compenser en temps et en heures pour que le service continue de fonctionner, alors même que les bulletins de salaire mentionnaient un nombre de piges équivalent aux mois précédents: 23 piges en janvier 2007 et 16 piges en février 2007 prenant en compte la période de congés payés du 5 au 11 février ,22 piges en mars 2007 alors que fin 2006, elle percevait 16 piges en décembre en raison de la période de congés payés et 22 piges en novembre. Ainsi la quantité de travail accomplie n’avait pas d’incidence sur la fiche de paye
Ces éléments établissent que dans les faits, le prix de la pige était adossé à un horaire de travail qui correspondait en réalité à 8 heures de travail et que la salariée n’était pas rémunérée à la tâche mais en fonction d’un horaire de travail de 8 heures par jour dès le mois de janvier 2003.
Ce faisant, et nonobstant l’absence d’interdiction de ce système, la salariée a droit à l’application des grilles de salaire applicables aux journalistes permanents non pigistes de la convention collective nationale des journalistes et plus spécialement à celle dite ‘Saphir’, syndicat auquel il est constant que la société est affiliée.
2- Sur les rappels de salaire sur la base du minimum conventionnel
Concernant les salaires, la salariée invoque les barèmes applicables au syndicat Saphir auquel l’agence est affiliée, avec une valeur de point de 14,034919 et sollicite un rappel pour les années de 2003 à 2010.
La société conteste le calculs de la salariée qui ne déduit pas ses jours d’absence pour maladie ou congés payés.
La cour constate que lors de ses absences, la salariée ne percevait pas de piges, sauf application du maintien de salaire conventionnel en cas d’absence maladie, auquel il est constant qu’elle avait droit.
Compte tenu du nombre de piges mentionné sur les bulletins de salaire, rapporté à un horaire de 8 heures, en fonction des minima applicables selon la grille Saphir à la qualification de rédactrice 1er échelon coefficient 120 puis de 2ème échelon coefficient 130 à compter du 1er janvier 2007, des heures supplémentaires réalisées et déduction des piges réglées, le rappel de salaire dû à Mme [K] s’élève à la somme de 13.183,09 euros outre une indemnité compensatrice de congés payés afférente de 1.318,31 euros ainsi détaillée :
– 2003 : 2.980,37 euros
– 2004 : 424,78 euros
– 2005 : 0 euros
– 2006: 2.016,01 euros
– 2007: 1.395,17 euros
– 2008: 1.911,18 euros
– 2009: 4.101,48 euros
– 2010 : 354,1 euros
La société Max PPP sera donc condamnée au paiement de ces sommes.
3- Sur la prime de langue
La salariée demande le bénéfice de la prime de langue applicable aux journalistes payés à la durée de travail, en faisant valoir qu’elle utilisait régulièrement une langue étrangère dans l’exercice de ses missions.
La société qui conteste cette demande, soutient que les barèmes de prime de langue ne s’appliquent qu’aux salariés bénéficiant d’une rémunération calculée en fonction de leur temps de travail, ce qui n’est pas le cas de la salariée, dont le contrat de travail est exclusif de tout référence horaire.
Par ailleurs, elle soutient que la salariée ne justifie pas d’une nécessité de service imposée par l’employeur et mentionnée dans le contrat de travail telle que prévue par l’article 19 de la convention collective nationale, l’utilisation de la langue étrangère n’étant pas prévue au contrat et qu’elle ne justifie pas avoir dû faire un usage courant d’une langue étrangère pour l’exercice de son activité.
La convention collective nationale des journalistes prévoit une prime de langue de 10% dans le cadre des barèmes de salaire SAPIG et SAPHIR issus de l’accord du 29 novembre 2000 relatifs aux salaires au 1er décembre 2000, s’agissant des salaires pour 169 heures, applicables aux journalistes bénéficiant d’une rémunération calculée en fonction de leur temps de travail.
La convention collective nationale des journalistes ne définit pas des conditions d’attributions de cette prime de langue.
Dans le silence de la convention collective nationale et du contrat de travail concernant les conditions d’attribution de la prime de langue, la cour considère que celle-ci est due dès lors que le journaliste a utilisé au cours du mois considéré une langue étrangère dans son travail.
En l’occurrence, la salariée justifie avoir utilisé à six reprises une langue étrangère, au cours de cinq mois pendant la relation de travail. Elle est donc en droit de bénéficier d’une prime de langue pour ces cinq mois (janvier, février 2003, février 2004, avril 2004 et juillet 2004) telle que résultant de ses tableaux de calcul (pièce 43) non contestés concernant le montant de la prime, soit une somme de 809,57 euros que la société Max PPP sera condamnée à lui verser.
4- Sur la demande de régularisation de la situation et de cotisation auprès de la caisse des cadres à compter du mois de janvier 2003 jusqu’au 16 mars 2010.
La salariée soutient que du fait de l’absence d’application du statut de journaliste professionnel, elle n’a pas pu bénéficier du statut cadre auquel elle avait droit.
La société soutient que les journalistes de la société n’ont jamais bénéficié du statut cadre et n’ont jamais encadré et dirigé d’équipes.
Les journalistes professionnels rémunérés à la pige relèvent du régime spécifique de retraite des journalistes rémunérés à la pige, géré par l’ANEP et sont obligatoirement affiliés au régime général quelle que soit la nature du lien juridique qui les unit à l’entreprise de presse. Les piges qui leur sont versées supportent donc les cotisations de sécurité sociale aux taux des journalistes égaux à 80 % de ceux du régime général.
La convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres de la presse du 25 juillet 1949 prévoit en son article 2 qu’elle est applicable obligatoirement aux personnes bénéficiaires des articles 4 et 4 bis de la convention collective du 14 mars 1947 et définies aux annexes de la présente convention.
Ces annexes précisent que :
Pour l’application de l’article 2 de la convention collective les catégories professionnelles ci-après énumérées, seront bénéficiaires du régime complémentaire des cadres, au titre des article 4 ou 4 bis de la convention nationale du 14 mars 1947.
L’affiliation de ces catégories professionnelles ne peut, ni ne pourra modifier leur situation telle qu’elle résulte des conventions collectives en vigueur, tant en diminution des avantages acquis qu’en extension. Les intéressés ne pourront se prévaloir de leur affiliation au régime de prévoyance des cadres, obligatoire ou facultative, pour revendiquer les avantages des conventions collectives dites ‘des cadres de la presse’ en ce qui concerne les avantages généraux en découlant.
Liste des bénéficiaires :
Cadres de direction (…)
Journalistes ([Localité 4] et province) : tous les journalistes, titulaires de la carte professionnelle définitive seront considérés comme cadres pour l’application de la convention collective du régime complémentaire de prévoyance.
Cadres techniques
A. Presse de [Localité 4] (…)
B. presse de province(…)
D. Messagerie de presse (…)
E. Agences de presse ([Localité 4] et province) et divers. Le personnel dont l’emploi effectif correspond à la qualification de cadres et dont le salaire est supérieur au plafond de la sécurité sociale.
La salariée de la société Max PPP qui est une agence de presse, ne justifie pas d’un emploi effectif correspondant à la qualification de cadre de la presse ni avoir une carte professionnelle définitive, en sorte qu’elle ne saurait bénéficier du statut cadre.
Néanmoins, s’il appartient à l’employeur de cotiser auprès des organismes de retraite et de prévoyance inhérents aux journalistes de la catégorie de la salariée, le créancier de cet obligation est l’organisme social et non la salariée qui sera déboutée de sa demande au titre de la régularisation des cotisations.
Sur la demande de remboursement de frais professionnels : frais de parking et frais de déplacement
La salariée conteste le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de remboursement de frais de déplacement occasionnés par sa formation d’anglais.
La société qui conclut à la confirmation fait valoir que cette formation a été réalisée sur la seule initiative de la salariée qui n’a jamais sollicité la prise en charge de cette formation par la société, s’agissant de frais pour lesquels elle n’a pas obtenu d’autorisation préalable comme stipulé au contrat.
Il est de principe que les frais qu’un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur doivent être supportés par ce dernier.
Ces frais professionnels qu’un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle doivent lui être remboursés sans qu’il puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu’il n’ait été contractuellement prévu qu’il en conserverait la charge moyennant le versement d’une somme fixée à l’avance de manière forfaitaire et à la condition d’une part, que cette somme forfaitaire ne soit pas manifestement disproportionnée au regard du montant réel des frais engagés et, d’autre part que la rémunération proprement dite du travail reste chaque mois au mois égale au Smic.
Aux termes du contrat de travail, il est prévu que les frais professionnels du salarié seront remboursés chaque mois sur présentation de justificatifs et après avis de son supérieur hiérarchique outre que des frais professionnels ne peuvent être engagés qu’avec l’accord de la direction.
Il ressort des mails versés par la salariée émanant essentiellement de Mme [H] sa supérieure hiérarchique, que la formation en anglais était encouragée au sein de la société, qu’un planning avait été mis en place pour que les salariées puissent s’inscrire à cette formation et qu’avant le mois d’octobre 2004, ces cours se passaient à l’extérieur des locaux de la société, au Wall Street Institute puis à compter d’octobre 2004 au sein même des locaux professionnels. Ainsi, les frais engagés par la salariée pour se rendre à la formation d’anglais constituent des frais professionnels que l’employeur doit prendre en charge.
Néanmoins, la salariée ne justifie pas par la seule note de frais, (pièce 42) la réalité des frais de parking et frais kilométriques allégués. En effet, la note de frais ne mentionne pas l’année au cours desquels les frais de déplacement et de parking auraient été engagés et aucun ticket de parking n’est produit aux débats. La salariée sera donc déboutée de sa demande de remboursement de frais professionnels.
Sur la demande de harcèlement moral
La salariée soutient avoir fait l’objet d’un harcèlement moral qui s’est manifesté par :
– une mise à l’écart par ses supérieurs hiérarchiques et ses collègues, à partir du moment où elle a été élue déléguée du personnel le 5 mai 2006,
– les avertissements du 24 août 2005, 24 janvier 2006, 17 octobre 2006
– le courrier de l’employeur se plaignant de l’exercice de ses fonctions
– un manque de respect des règles de politesse
– la procédure de licenciement,
– les exigences de justification des obligations prud’homales,
– une demande de contrôle de ses activités pendant son arrêt de travail en lui reprochant de travailler dans une salle de sport,
et qui ont dégradé ses conditions de travail et sa santé, l’ayant contraint à multiplier les arrêts de travail pour syndrome anxio-dépressif entre 2005 et 2007 avec préconisation d’un mi-temps thérapeutique par le médecin du travail.
La société conteste tout harcèlement moral et les faits invoqués, soutenant que la salariée ne produit aucun élément de nature à étayer ses accusations de harcèlement moral, qu’elle n’a jamais informé la direction de la mise à l’écart, qu’elle n’a jamais dénoncé de difficultés concernant une réunion du 24 octobre 2006, que la salariée a adopté un comportement déloyal, a multiplié les incidents créant un climat délétère dans l’entreprise à compter du mois d’octobre 2006 que les salariés ont dénoncé, que les avertissements étaient justifiés et non contestés judiciairement par la salariée, correspondant à l’exercice de son pouvoir disciplinaire non révélateur de harcèlement moral, la mise en oeuvre de la procédure de licenciement se justifiait par rapport à son comportement irrespectueux à l’égard de ses supérieurs, que les certificats médicaux sont insuffisants pour imputer son état anxio-dépressif à une quelconque dégradation de ses conditions de travail.
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l’article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application de ce texte, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement ; il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il ressort de l’attestation de Mme [F] que Mme [H], supérieure hiérarchique de Mme [K] est venu s’entretenir avec elle lors d’un déjeuner quelques mois après son arrivée à l’été 2004, et l’a prévenue qu’elle risquait de s’isoler du reste de l’équipe si elle fréquentait [X] [K] et qu’il n’était pas dans son intérêt d’avoir des relations avec elle, que lorsque [X] traversait la grande pièce où trois d’entre eux travaillait, il arrivait qu’ils ne répondent pas à son bonjour ou du bout des lèvres.
Mme [G] a également attesté que, étant employée depuis 2003 quelque jours par mois au sein de l’agence, ‘ on (m)’avait averti à l’époque qu’il ne fallait pas m’approcher de trop près de Melle [K]. La connaissant depuis deux ans, j’ai été très étonnée par ses remarques mais j’ai pu constater que cet acharnement était véridique. Approcher de trop près Mademoiselle [K] a pour conséquence d’être aussi mis à l’écart. Mais depuis les élections du personnel, la tension est à son comble. La hiérarchie fait entendre aux salariés de choisir leur camp, rendant l’ambiance insupportable mettant le personnel dans une situation inconfortable. (…)’
Ces attestations établissent qu’il existait une volonté au sein de l’entreprise de voir mettre la salariée à l’écart et que cette demande a été véhiculée par Mme [H], sans que le fait que Mme [K] n’ait pas dénoncé à la direction être mise à l’écart soit opérant sur la réalité de ce fait.
Il ressort de cette même attestation de Mme [F] qu’en 2006, [X] [K] est venue dans la pièce principale de Max PPP où ils étaient plusieurs à travailler pour poser une question à [M] [P] ; alors qu’elle commençait à lui demander des informations sur le protocole pour les élections des délégués du personnels auxquelles elle se présentait, il a crié après elle, disant qu’elle ne devait pas le déranger mais retourner travailler, et qu’elle devait lui téléphoner avant de monter le voir. La témoin précise qu’elle était d’autant plus étonnée que le directeur a toujours du temps à (nous)apporter, de manière informelle au café dans son bureau, au pire le lendemain lorsqu’il est débordé ; en tout cas, il le dit toujours de manière naturelle, sans crier, sans que le salarié se centre pas de l’importuner .
Mme [F] ajoute que ‘la scène la plus désagréable que j’ai vécue dans l’entreprise s’est produite le mardi 24 octobre 2006 ; à la fin de la réunion quotidienne de la rédaction tous les salariés de l’entreprise ont été convoqués par [D] [W] afin qu’il donne son avis sur un échange de mail public qui avait eu lieu entre [X] [K] et [Y] [H] à propos des plannings. [X] [K] a demandé à obtenir des plannings qu’elle n’avait pas eus, afin de préparer une question dont j’étais à l’origine (11 heures de repos entre 2 journées de travail) pour la prochaine réunion des délégués du personnel. [X] [K] a été réprimandée et accusée injustement de mensonges par le directeur, qui dans un premier temps a refusé la parole à [X] [K] et qui a ensuite laissé la parole à d’autres salariés allant dans son sens. La conclusion de cette réunion, faite par des salariés ayant reçu par la suite des responsabilités, était qu’il n’y a pas besoin de passer par un délégué du personnel-en désignant [X] [K] pour poser des questions.’
Si la salariée n’a pas dénoncé de faits portant sur une réunion du 24 octobre, elle a dénoncé ces mêmes faits par courrier du 21 octobre 2006 concernant une réunion du 17 octobre 2006. Aussi, malgré l’erreur de date, la version des faits de Mme [F] est confirmée par le courrier du 21 octobre 2006 de la salariée à son employeur aux termes duquel elle indique : ‘ce courrier fait suite à la réunion du 17 octobre 2006 et a pour objet de vous confirmer par écrit mon sentiment, car une fois de plus, je constate ne pouvoir m’exprimer sans attirer votre courroux. En effet cette réunion faisait suite à mon mail du 13 octobre 2016 envoyé en réponse à ma supérieure hiérarchique et dans lequel je devais à nouveau lui rappeler les fonctions qui sont les miennes en tant que déléguée du personnel et déléguée syndicale. Vous avez alors choisi délibérément de convoquer le bureau de [Localité 3] afin de me dénigrer devant les salariés, allant même jusqu’à m’accuser de mensonges. Vous confirmez ainsi continuer de nier mon rôle de déléguée élue. Mon mail n’était nullement une menace et si j’ai fait preuve de maladresse dans sa rédaction, c’est bien suite à mon exaspération face aux blocages que l’on oppose systématiquement à chacune de mes demandes d’information liée à un statut de délégué. Comme je vous l’ai déjà dit, je maintiens donc que les salariés devaient être tenus informer des difficultés que rencontrait un de leur délégué à obtenir des éléments pour intervenir lors d’une réunion de délégués du personnel ; je maintiens ne pas avoir à quémander ces éléments, en l’occurrence les plannings, auprès de tout autre personne que la direction ; et je conteste de ce fait l’avertissement qui apparaît plus que injustifié (‘)’
Par courrier du 1er décembre 2006, la salariée a annoncé à son employeur lui remettre ainsi le courrier qu’il refusait de prendre en mains propres ce même jour et a contesté refuser de rendre service à sa hiérarchie lorsque les tâches auxquelles elle était assignées le lui permettait, lui assénant qu’il ne pouvait ignorer qu’un journaliste n’est pas tenu de porter le courrier ou les journaux et lui reprochant de l’avoir exclue de la réunion quotidienne de rédaction à laquelle elle assistait jusqu’alors ainsi que de l’avoir omise de la boîte mail commune à la rédaction du bureau de [Localité 3] à la demande de Mme [H] sans qu’elle l’en ait tenue directement informée.
Ces faits d’exclusion de la réunion quotidienne de rédaction et de la boîte mail structurelle de la rédaction ne sont pas contestés et sont d’ailleurs reconnus par la société au sein du courrier du gérant du 13 décembre 2006, adressé à la salariée, même si c’est pour les expliquer.
La salariée a fait l’objet d’avertissements les :
– 24 août 2005 pour avoir diffusé aux commerciaux avec copie à sa supérieure Mme [H] et au gérant M. [P], un mail leur demandant de s’adresser directement à Mme [H] pour leurs commandes afin qu’elle puisse se concentrer sur les piges et avoir ainsi réagi aux reproches que lui avait fait Mme [H] concernant le retard accumulé dans la gestion des piges, en prenant l’initiative de réorganiser le travail du service à sa convenance et d’en informer directement les personnes concernées sans l’aval de ses supérieurs ;
– 24 janvier 2006 pour violation de l’obligation de discrétion sur les tâches qui lui sont confiées par la transmission au syndicat SNJ CGT de courriers électroniques internes de l’entreprise concernant son fonctionnement interne et pour avoir invité des personnalités syndicales externes à l’entreprise à des réunions de gestion interne sans en avoir référé à l’employeur ;
– le 17 octobre 2006 pour avoir le 13 octobre 2006, menacé par email [Y] [H] sa supérieure hiérarchique, parce qu’elle n’avait pas satisfait à sa demande de planning, en ces termes : « je n’ai pas à quémander cette information auprès d’autres personnes que la responsable du personnel que tu es et j’imagine qu’en tant que telle, tu sais à quoi tu t’exposes à refuser ou à traîner à me fournir des éléments » et pour avoir adressé cet e-mail à l’ensemble de la rédaction, l’employeur lui précisant que Madame [H] lui avait dénoncé le harcèlement qu’elle lui faisait subir et qu’il n’accepterait jamais qu’elle se permette de harceler une salariée en se servant de son mandat.
Par courrier du 31 mai 2006, la société lui a reproché le dépassement du crédit de 10 heures de délégation syndicale pour le mois de mai et lui a reproché de ne pas faire correctement son travail notamment en ne pointant pas tous les jours l’ensemble des titres qu’elle doit vérifier et nuisant aux bonnes relations avec leurs clients.
Il est constant que la société a entamé une procédure de licenciement pour faute grave envers Mme [K] le 19 janvier 2007 et qu’elle a usé de ses voies de recours contre la décision de refus d’autorisation administrative de licenciement.
Il est établi par le courrier de la section industrie du conseil de prud’hommes de Nice du 12 janvier 2009, que l’employeur a demandé à la salariée de lui remettre des justificatifs officiels concernant ses obligations prud’homales.
La salariée a subi un contrôle de l’assurance maladie pendant son arrêt de travail à compter du 23 juin 2008 qui a donné lieu à une audition par le service des contrôles extérieurs de la caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-Maritimes, comme il ressort du procès-verbal d’audition du 15 janvier 2009.
Il ressort de son courrier du 19 mars 2009 à la caisse primaire d’assurance maladie que lors de cette audition, elle a appris qu’un courrier avait été envoyé par son employeur portant des accusations qu’elle estime mensongères et il n’est pas contesté que ce contrôle a été diligenté sur l’initiative de l’employeur.
Ces faits pris dans leur ensemble laissent présumer, au regard des éléments médicaux de la salariée régulièrement en arrêt de travail pour un syndrome anxio-dépressif à compter du mois d’août 2005 concomitamment à la première sanction (12 jours en août 2005, 1 mois et 6 jours du 6 février au 12 mars 2006, 24 jours de la fin octobre au 23 novembre 2006 outre du 10 avril au 20 avril 2007 et du 24 avril au 17 juin 2007, toujours pour un syndrome anxio-dépressif) de harcèlement moral.
Il ressort des courriers et courriels émanant de Mme [H] (11 décembre 2006), Mme [O] (15 décembre 2006), Mme [V], déléguée du personnel (27 novembre 2006, 19 janvier 2007), Mme [Z] ( 27 octobre 2006), du mail de Mme [K] du 13 octobre 2006 à Mme [H], que la salariée se comportait de façon agressive et adoptait une attitude provocante, en exposant à tous les différends personnels qu’elle pouvait avoir avec ses supérieures Mme [O] et Mme [H], en refusant d’accéder aux demandes de celles-ci d’apporter les journaux, en reprochant à Mme [H] le ton qu’elle avait employé dans son mail en excipant de sa qualité de délégué du personnel et des conséquences de son refus ou de son manque de diligence à lui délivrer les plannings alors même que ceux-ci avaient été envoyés en pièces jointes au message auquel elle répondait, et en extrapolant de la réflexion de Mme [O] ‘tu restes collée au plafond’ après qu’elle a refusé de les aider au service des piges, la formule : ‘quand on jette un juif au plafond, il reste collé’ et l’accusant d’antisémitisme, contribuant ainsi à la création d’un climat délétère et conflictuel au sein de l’entreprise et de l’agence de [Localité 3] qui ne comptait que 11 salariés au point de provoquer d’une part la plainte de Mme [O] pour harcèlement moral le 15 décembre 2006, un mouvement de grève des salariés de cette agence en janvier 2007 et enfin, la démission de Mme [H] le 31 octobre 2007 de ses fonctions de secrétaire générale de la rédaction.
Toutefois, cette attitude provocatrice envers ses deux supérieures hiérarchiques ne lui est pas exclusivement imputable, puisqu’elle résulte d’un conflit généré par l’imprécision du contrat de travail quant aux tâches dévolues à la salariée (qui ne précisait pas notamment l’obligation d’apporter les journaux à ses supérieures hiérarchiques) et quant aux délais attendus pour l’exécution de certaines d’entre elles (analyse PQR).
La salariée a certes usé de ses prérogatives de déléguée du personnel à des fins personnelles, mais le processus d’isolement véhiculé par Mme [H] initié précédemment et avant même son élection en qualité de délégué du personnel, n’est pas justifié par des faits objectifs exempts de harcèlement moral, de même que la réaction virulente de M. [P] à son égard en salle de travail début 2006 devant les autres salariés, alors qu’elle était venue lui demander des informations sur le protocole pour les élections des délégués du personnels auxquelles elle se présentait, et contraire à son comportement habituel envers les autres salariés.
L’engagement de la procédure de licenciement n’est pas expliqué objectivement par des éléments exempts de tout harcèlement moral, dès lors que les faits reprochés portaient pour deux d’entre eux sur le refus réitéré de la salariée d’apporter les journaux à Mme [H] ou en son absence à Mme [O] et sur son comportement ayant généré un climat social délétère. D’ailleurs, l’administration a refusé l’autorisation de licenciement en considérant, notamment concernant les faits d’insubordinations reprochés, que le fait d’apporter les journaux à ses supérieurs hiérarchiques ne constituait pas une tâche clairement définie comme relevant de la définition de son poste de travail, que la dégradation indéniable du climat social ne pouvait pas être exclusivement imputé à Mme [K] et que l’employeur faisait apparaître sur les bulletins de salaire de la salariée les absences pour délégation syndicale, constituant un délit d’entrave. Par la suite, cette décision a été confirmée par le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité le 28 septembre 2007 et le recours de la société devant le tribunal administratif a été rejeté par jugement du 25 février 2010.
Si l’employeur a la possibilité de solliciter un contrôle médical, il ne justifie pas par des éléments objectifs exempts de harcèlement moral les raisons pour lesquelles il a saisi la caisse primaire d’assurance maladie de ce contrôle.
En définitive, à défaut pour l’employeur de justifier objectivement par des éléments exempts de tout harcèlement moral ces quatre faits, la cour ne peut que considérer que la salariée a été victime de harcèlement moral.
Le harcèlement moral dont la salariée a fait l’objet de la part de son employeur lui a causé un préjudice moral qui sera entièrement réparé par la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts que la société sera condamnée à lui verser.
Sur la résiliation judiciaire
La société conteste la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts, en faisant valoir qu’elle n’a pas manqué à ses obligations et que la salariée n’a pas été victime de harcèlement moral.
Elle avance d’ailleurs que les propres écrits de Mme [K] démontrent la conscience qu’elle avait de la faiblesse de son argumentaire.
La salariée sollicite la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur, à titre principal du fait du non-paiement des salaires dus par application de la grille Saphir de la convention collective des journalistes et à titre subsidiaire au titre du harcèlement moral.
Sur le fondement de l’article 1184 devenu 1217 du code civil et de l’article L.1231-1 du code du travail, le salarié peut saisir le conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire du contrat à raison des manquements de l’employeur aux obligations découlant du contrat de travail.
Les manquements doivent être suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
Il appartient aux juges du fond d’apprécier les manquements imputés à l’employeur au jour de leur décision. Dans le cas où le salarié est licencié postérieurement à sa demande de résiliation, pour apprécier si les manquements de l’employeur sont de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, il peut tenir compte de la régularisation survenue jusqu’à la date du licenciement.
En cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d’effet de la résiliation ne peut être fixée qu’au jour de la décision qui la prononce, dès lors que le contrat n’a pas été rompu avant cette date et que le salarié est toujours au service de l’employeur.
Il appartient à l’employeur de démontrer qu’à la date de la décision prononçant la résiliation judiciaire, le salarié ne se tenait plus à sa disposition.
L’employeur qui a conclu un contrat de travail de journaliste pigiste alors même qu’il adossait le prix de la pige, non pas en fonction du type et nombre de tâches à exécuter, mais en fonction d’un temps de travail de 8 heures journalières, a détourné le paiement à la tâche, usant de celui-ci dans le but de ne pas rémunérer la salariée en fonction de la grille des salaires conventionnels horaires des journalistes permanents et a ainsi manqué à son obligation de loyauté.
Au regard de la déloyauté de l’employeur dans l’exécution du contrat de travail portant sur ses modalités de rémunération, caractérisant des manquements graves de l’employeur de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, la cour prononce la résiliation du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur.
Le jugement du 16 mars 2010 a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail à compter de ce jour avec exécution provisoire. Les parties ont exécuté le jugement et le contrat a été rompu effectivement par les parties le 22 mars 2010, comme il ressort de l’attestation Pôle emploi versée aux débats. Il n’est en outre pas contesté que la salariée ne se tenait plus à la disposition de l’employeur depuis cette date.
Ce faisant, compte tenu de l’annulation du jugement, la cour prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail à compter du 22 mars 2010.
Sur les conséquences de la résiliation judiciaire
1-Sur l’indemnité pour violation du statut protecteur
La société conteste le jugement en ce qu’il a accordé à la salariée une indemnité pour violation du statut protecteur en soutenant que seuls les mandats en cours au jour de la demande de résiliation judiciaire doivent être pris en considération, en sorte qu’elle ne saurait se prévaloir du mandat de conseiller prud’homme pour lequel elle a été élue le 3 décembre 2008, postérieurement à l’introduction de l’instance le 26 décembre 2007.
Elle ajoute que les sommes sollicitées excèdent celles auxquelles elle pouvait prétendre : à la date du prononcé de la résiliation judiciaire le 16 mars 2010, il restait 2 mois et 23 jours de mandat (délégué du personnel ) outre 12 mois de protection en raison de la protection post-mandat liée à sa désignation en qualité de déléguée syndicale, si bien qu’elle ne pourrait prétendre à plus de 29 385 euros calculés sur 14 mois et 23 jours au salaire moyen brut de 1990 euros.
La salariée soutient qu’elle était conseillère prud’homme au moment de la prise d’effet de la résiliation judiciaire le 22 mars 2010 et qu’elle a droit au paiement d’une indemnité égale à la rémunération qu’elle aurait dû percevoir jusqu’à l’expiration de la période de protection en cour au jour de la demande, soit jusqu’au mois de décembre 2015 compte tenu de la prolongation à 7 ans du mandat par la loi du 15 octobre 2010.
L’assiette de la rémunération doit intégrer la prime de 10% d’ancienneté correspondant à 10 ans d’ancienneté.
Le salarié protégé dont la demande de résiliation judiciaire est accueillie a droit, au titre de la violation de son statut protecteur, au paiement d’une indemnité égale à la rémunération qu’il aurait dû percevoir jusqu’à l’expiration de la période de protection en cours au jour de sa demande de résiliation.
Le salarié protégé cumulant plusieurs mandats a, dans ce cas droit au paiement d’une indemnité, au titre de la violation de son statut protecteur, égale à la rémunération qu’il aurait dû percevoir jusqu’à l’expiration de la période de protection du mandat le plus long en cours au jour de sa demande (c.soc. 9 juillet 2014 n°13-13860).
Dès lors que la période de protection en cours au moment de la demande est expirée lorsque que la juridiction a prononcé la résiliation du tiers du contrat de travail, le salarié ne peut pas prétendre à l’allocation d’une indemnité pour violation du statut protecteur (c.soc. 16 février 2022 numéro 20 ‘ 16. 184).
Lors de l’introduction de l’instance le 26 décembre 2007, la salariée ne bénéficiait alors que de la protection relevant de son mandat électif de délégué du personnel (élue le 5 mai 2006) et de son mandat de délégué syndical du 18 mai 2006. Elle ne saurait donc se prévaloir de son mandat de conseillère prud’homme acquis en cours d’instance, le 3 décembre 2008.
Il n’est pas contesté qu’à la date du 16 mars 2010, il restait 2 mois et 23 jours de mandat outre 12 mois de protection post-mandat liée à la désignation de déléguée syndicale, en sorte qu’au jour de la rupture effective le 22 mars 2012, la salariée bénéficiait encore d’un mandat en cours pendant 2 mois et 18 jours outre les douze mois de protection post mandat de déléguée syndicale.
Compte tenu du salaire conventionnel Saphir applicable (2.258,89 euros), la salariée a droit à une indemnité pour violation du statut protecteur d’un montant de 32.979,81 euros que la société sera condamnée à lui verser.
2- Sur l’indemnité de préavis et congés payés afférents de deux mois
La société s’oppose aux demandes au titre de l’indemnité de préavis et de l’indemnité compensatrice de congés payés afférente, en faisant valoir que la demande de résiliation judiciaire n’est pas fondée et subsidiairement, elle conteste la base de calcul dès lors que la salariée prend en considération le salaire minimum prévu par la grille Saphir et non ses revenus à la pige.
La salariée dont la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l’employeur est en droit de bénéficier d’une indemnité légale de préavis de deux mois par application des dispositions de l’article L.1234-1 du code du travail dans sa version applicable à ce jour.
Compte tenu de la requalification du contrat de travail de journaliste pigiste en contrat de journaliste permanent payé à l’heure, la salariée a droit au bénéfice du salaire minimum prévu par la grille Saphir correspondant à la somme de 2.28,89 euros et l’indemnité compensatrice de préavis devant lui revenir s’élève à 4.517,78 euros.
La salariée ayant limité sa demande à la somme de 4.516 euros, il y sera fait droit dans cette limite.
La société sera en conséquence condamnée à lui verser une indemnité compensatrice de préavis de 4.516 euros bruts outre l’indemnité compensatrice de congés payés afférente de 451,60 euros bruts.
3- Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
La société soutient que la salariée ne peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dès lors que la résiliation n’est pas fondée et subsidiairement qu’elle ne justifie pas de son préjudice et qu’elle ne communique d’ailleurs aucun élément concernant sa situation personnelle.
La résiliation judiciaire prononcée à un moment où la salariée bénéficiait de la protection liée à ses mandats de déléguée syndicale et de délégué du personnel produit les effets d’un licenciement nul.
La salariée qui sollicite des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne tire pas les conséquences juridiques de la violation du statut protecteur et sera en conséquence déboutée de cette demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
4- Sur l’indemnité conventionnelle de licenciement
En application des dispositions conventionnelles, l’indemnité de licenciement est calculée pour les journalistes professionnels employés à plein temps ou temps partiel ayant une ancienneté au moins égale à un an, sur le dernier salaire perçu ou, pour les journalistes salariés ne percevant pas un salaire mensuel régulier, sur la base de 1/12 des salaires perçus au cours des 12 mois précédant le licenciement ou de 1/24 des salaires perçus au cours des 24 derniers mois précédant le licenciement au choix du salarié. Cette somme sera augmentée de 1/12 pour tenir compte du treizième mois conventionnel défini à l’article 25.
En l’occurrence, le dernier salaire à prendre en considération est celui de 2.258,89 euros que la salariée a arrondi à 2.258 euros.
Il n’est pas contesté que la salariée avait une ancienneté de neuf années au sein de l’entreprise, en sorte que la salariée est en droit de percevoir l’indemnité sollicitée de 20.322 euros que la société sera condamnée à lui verser.
5- Sur la prime de 13ème mois au prorata
L’article 25 de la convention collective nationale des journalistes prévoit que :
En cas de licenciement ou de démission en cours d’année, il sera versé au titre de ce salaire, dit ” mois double ” ou ” treizième mois “, un nombre de 1/12 égal au nombre de mois passés dans l’entreprise depuis le 1er janvier et basé sur le dernier salaire reçu. Les journalistes professionnels engagés en cours d’année recevront fin décembre un nombre de douzièmes égal au nombre de mois passés dans l’entreprise. Dans tous les cas ces 1/12 ne seront dus qu’après 3 mois de présence.
La salariée sollicite un 13ème mois correspondant à 6 mois de présence sur la base du salaire mensuel de 2258 euros.
Le dernier salaire de la salariée s’élevait à la somme de 2258,89 euros et a été présente deux mois et 22 jours sur l’année 2010, compte tenu de la date de la rupture le 22 mars 2010, la salariée est en droit de percevoir une prime de 13ème mois correspondant au prorata des mois de présence, soit deux mois.
La société sera condamnée au versement de la somme de 514,58 euros bruts au titre du treizième mois.
6- Sur la demande de dommages et intérêts pour non respect du droit individuel à la formation
La salariée sollicite la somme de 5000 euros en réparation de la perte de chance de pouvoir utiliser ses droits acquis relatifs au droit individuel à la formation.
La société soutient que la salariée ne justifie pas de cette demande dès lors que les anciens droits individuels à la formation sont repris dans le compte personnel de formation par application de l’article 8 de l’ordonnance 2019-861 du 21 août 2019.
Compte tenu de la rupture du contrat de travail le 22 mars 2010, les dispositions de l’ordonnance 2019-861 du 21 août 2019 ne sont pas applicables.
Vu les articles L.6323 et L.6323-17 du code du travail dans leur rédaction applicable au jour de la rupture :
La rupture a été provoquée par les manquements de l’employeur à ses obligations contractuelles et la salariée n’ayant pas pu exécuter son préavis, a été placée dans l’impossibilité d’exercer son droit individuel à la formation, lui donnant droit à être indemnisée de la perte de chance d’utiliser les droits qu’elle avait acquis au titre du droit individuel à la formation.
La société sera en conséquence condamnée à lui verser la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de chance d’utiliser les droits qu’elle avait acquis au titre du droit individuel à la formation.
7- Sur la demande de dommages et intérêts pour non respect de clause de non-concurrence nulle
La salariée indique avoir respecté la clause de non-concurrence malgré la nullité de celle-ci qui ne comporte aucune limitation géographique et que l’indemnité ne lui a pas été réglée, en sorte que ce manquement au paiement de l’indemnité lui a porté un préjudice qui doit être réparé.
La société conclut au rejet de cette demande en faisant valoir que la salariée ne justifie d’aucun préjudice puisqu’elle ne produit aucune pièce démontrant qu’elle n’aurait pas retrouvé d’emploi à cause du respect de cette clause de non-concurrence et ne produit aucun justificatif de sa situation professionnelle après le jugement.
Le contrat de travail prévoyait une clause de non-concurrence d’une durée d’un an dans la région Paca, sans pour autant prévoir de contrepartie financière.
Toutefois, en l’absence de demande d’annulation de la clause de non-concurrence présentée au dispositif des conclusions, la cour, faisant application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, n’est saisie d’aucune demande de nullité de la clause et la demande de réparation du préjudice subi à raison du respect par la salariée de cette clause de non-concurrence arguée de nullité ne peut qu’être rejetée.
Sur la demande de rectification de bulletins de salaire
Il convient d’ordonner à l’employeur de délivrer un bulletin de salaire conforme au présent arrêt sans qu’il y ait lieu à astreinte.
Sur les intérêts au taux légal
Les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et les sommes de nature indemnitaire à compter de ce jour.
Sur la demande de remboursement à Pôle emploi des indemnités chômage
Les dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, ne sont pas applicables à la résiliation juridiciaire produisant les effets d’un licenciement nul.
Il n’y a pas lieu à remboursement des indemnités chômage à Pôle emploi.
Sur la demande de l’employeur en restitution des sommes versées et au paiement des intérêts
Au regard des sommes allouées par la cour et de la compensation légale avec celles versées dans le cadre de l’exécution provisoire du jugement annulé, il n’y a pas lieu à restitution de sommes par la salariée.
Sur l’intervention volontaire du syndicat CGT
Le syndicat demande des dommages et intérêts pour non-respect du droit dans l’intérêt collectif de la profession et pour son propre compte en alléguant que l’employeur a sciemment refusé d’appliquer la convention collective nationale et la grille Saphir et qu’il a empêché Mme [K] d’exercer ses fonctions de déléguée syndicale.
Le syndicat n’avance aucun fait au soutien de l’entrave aux fonctions de délégué du personnel de Mme [K], étant précisé que le jugement du tribunal correctionnel de Nice du 24 mai 2022 qui condamné M. [P] pour entrave à l’exercice des fonctions de délégué syndical de Mme [K] pendant la période du 5 mai 2006 au 16 mars 2010 a fait l’objet d’un appel. La cour ne peut en conséquence que débouter le syndicat de sa demande de dommages et intérêt au titre de l’entrave reprochée devant le juge civil.
En considération du droit du syndicat CGT à défendre l’intérêt collectif de la profession de journalistes face à la société qui a détourné le paiement à la tâche, en usant de celui-ci dans le but de ne pas rémunérer la salariée en fonction de la grille des salaires conventionnels horaires des journalistes permanents, la société sera condamnée à verser au syndicat la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
La société Max PPP succombant sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel et sera en conséquence déboutée de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité commande de faire bénéficier Mme [K] de ces mêmes dispositions et de condamner la société Max PPP à lui verser une indemnité de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile;
Déclare nul le jugement du conseil de prud’hommes de Grasse du 16 mars 2010 ;
Déclare que Mme [K] a droit à l’application de la grille de salaires Saphir applicable aux journalistes permanents non pigistes de la convention collective nationale des journalistes ;
Déclare que Mme [K] a été victime de harcèlement moral ;
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur à compter du 22 mars 2010 ;
Condamne la société Max PPP à verser à Mme [K] les sommes suivantes :
13.183,09 euros à titre de rappel de salaire en fonction de la grille Saphir pour la période de 2003 à mars 2010 outre une indemnité compensatrice de congés payés afférente de 1.318,31 euros,
809,57 euros au titre de la prime de langue,
5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral subi,
4.516 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 451,60 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférente,
20.322 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
514,58 euros de rappel de salaire au titre du prorata de 13ème mois,
32.979,81 euros d’indemnité pour violation du statut protecteur,
500 euros pour perte de chance d’utiliser le droit individuel à la formation ;
Ordonne à la société Max PPP de délivrer à Mme [K] un bulletin de salaire conforme au présent arrêt sans qu’il y ait lieu à astreinte ;
Rappelle que les sommes allouées par la cour sont exprimées en brut ;
Dit que les intérêts au taux légal sur les créances de nature salariale courent à compter de la demande, soit à compter de la notification à la société Max PPP de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes et que les intérêts au taux légal sur les créances de nature indemnitaires courent à compter de ce jour ;
Dit n’y avoir lieu à ordonner le remboursement par la société Max PPP à Pôle Emploi des indemnités de chômages versées à Mme [K] du jour de son licenciement ;
Condamne la société Max PPP à verser au syndicat CGT la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Déboute Mme [K] de ses demande de remboursement de frais de déplacement, de sa demande au titre de la régularisation des cotisations, de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la clause de non-concurrence ;
Déboute la société Max PPP de sa demande de dommages et intérêts ;
Dit n’y avoir lieu à restitution des sommes versées à Mme [K] ;
Condamne la société Max PPP à verser à Mme [K] une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Max PPP aux entiers dépens de l’instance.
LE GREFFIER LE PRESIDENT