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OM/CH
[K] [Y]
C/
Association OGEC [Adresse 5]
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 13 AVRIL 2023
MINUTE N°
N° RG 21/00523 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FXYN
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CHALON SUR SAONE, section Encadrement, décision attaquée en date du 28 Juin 2021, enregistrée sous le n° F 19/00297
APPELANTE :
[K] [I]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Félipe LLAMAS de la SELARL LLAMAS ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON
INTIMÉE :
Association OGEC [Adresse 5]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Georges BUISSON de la SELARL CABINET COTESSAT-BUISSON, avocat au barreau de MACON/CHAROLLES, et Me Jean-Philippe BELVILLE de la SELARL JEAN PHILIPPE BELVILLE, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Mars 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur MANSION, Président de chambre chargé d’instruire l’affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Olivier MANSION, Président de chambre,
Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,
Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Mme [Y] (la salariée) a été engagée le 21 août 2017 par contrat à durée indéterminée en qualité de responsable des ressources humaines par l’association OGEC [Adresse 5] (l’employeur).
Elle a été licenciée le 6 août 2018 pour cause réelle et sérieuse.
Estimant ce licenciement infondé, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes qui, par jugement du 28 juin 2021, a rejeté toutes ses demandes.
La salariée a interjeté appel le 9 juillet 2021.
Elle demande l’infirmation du jugement et le paiement des sommes de :
– 17 874,49 euros de rappel d’heures supplémentaires,
– 1 787,45 euros de congés payés afférents,
– 11 916,33 euros au titre des repos compensateurs,
– 34 352,64 euros d’indemnité pour travail dissimulé,
– 175,98 euros d’indemnité de congés payés,
– 17,60 euros de congés payés sur salaire,
– 5 847,57 euros de reliquat d’indemnité compensatrice de préavis,
– 11 450,88 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 5 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice distinct,
– 10 000 euros pour exécution déloyale et fautive du contrat de travail,
à titre subsidiaire :
– 175,98 euros d’indemnité “de congés payés”,
– 17,60 euros de congés payés sur salaire,
– 7 552,50 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 5 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice distinct,
– 10 000 euros pour exécution déloyale et fautive du contrat de travail,
et
– 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
L’employeur conclut à la confirmation du jugement et sollicite le paiement de 2 300 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux conclusions des parties échangées par RPVA les 17 décembre 2021 et 8 février 2023.
MOTIFS :
Il sera relevé que la cour n’a reçu aucune conclusion tendant à la révocation de l’ordonnance de clôture et que les conclusions reçues au greffe après celle-ci, sont irrecevables.
Sur les heures supplémentaires :
1°) Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, la salariée soutient que la modulation du temps de travail prévu par l’article 3 de l’accord de branche du 15 juin 1999 ne lui est pas applicable et produit un récapitulatif des horaires effectués du 21 août 2017 au 13 juillet 2018, des facturations de péage du 1er août 2017 au 31 juillet 2018, un calendrier des heures effectuées entre septembre 2017 et juillet 2018 ainsi que l’attestation de Mme [R], constatant les prises horaires de travail de la salariée.
Elle précise un décompte sur la base de 478,76 heures supplémentaires ramenée à un taux horaire de 24,89 euros avec majoration à 50 %.
L’employeur se borne à contester les éléments unilatéraux de la salariée, vise l’annualisation du temps de travail prévue par l’accord du 15 juin 1999 prévoyant un décompte des heures supplémentaires à l’issue de la période de référence annuelle et en incluant les congés payés.
Il rappelle que lors de l’établissement du solde de tout compte, il a réglé une somme de 4 587,80 euros au titre des heures supplémentaires et ajoute que ni la teneur des tâches ni la nature du poste ne justifient de l’accomplissement de telles heures.
L’accord précité prévoit, dans son article 3.3 une durée moyenne annuelle de travail ne devant pas dépasser 35 heures hebdomadaires et une possibilité de modulation pour l’ensemble du personnel ayant une durée effective de travail moyenne hebdomadaire comprise entre 28 et 35 heures.
Cette modulation s’applique, selon l’article 3, aux établissements concernés et pour ceux n’ayant pas conclu d’accord d’entreprise, après consultation du comité d’entreprise ou, à défaut, des représentants du personnel et, en cas d’absence de représentants élus du personnel, après information écrite et consultation des salariés, sous réserve du respect des dispositions légales, réglementaires et conventionnelles en vigueur.
L’employeur ne justifie pas de l’existence d’un accord d’entreprise ni avoir consulté le comité d’entreprise ou les élus représentant le personnel, ni encore une information écrite ou une consultation des salariés.
Il en résulte que cet accord de branche n’est pas applicable à la salariée.
L’employeur ne verse aucun élément contredisant ceux de la salariée, notamment quant à l’absence de réalisation des heures supplémentaires au regard de la nature de la fonction occupée.
La demande sera donc accueillie à hauteur de 17 874,49 euros ainsi que 1 787,44 euros de congés payés afférents.
2°) L’article L.3121-30 du code du travail prévoit une contrepartie obligatoire en repos uniquement pour les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel.
Elle s’ajoute à la rémunération des heures au taux majoré ou au repos compensateur de remplacement.
L’article D. 3121-23 du même code prévoit que le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu’il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit ou avant qu’il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis.
Le salarié qui n’a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur, a droit à l’indemnisation du préjudice subi.
Celle-ci comporte le montant d’une indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos, auquel s’ajoute le montant de l’indemnité de congés payés afférents et les juges du fond, formant leur conviction au vu des pièces produites et tenant compte des heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent, apprécient souverainement le préjudice subi par le salarié.
Ici, l’accord précité du 15 juin 1999 prévoit un contingent annuel d’heures supplémentaires limité à 90 heures.
La salariée est fondée à obtenir la somme de 11 916,33 euros à titre de compensation.
3°) La salariée demande le paiement de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail au regard des heures supplémentaires effectuées et non rémunérées.
Cependant, elle ne démontre pas un préjudice distinct indemnisable s’ajoutant à celui déjà indemnisé par le rappel de paiement de ces heures.
La demande sera donc rejetée et le jugement confirmé.
4°) En application de l’article L. 8221-5 du code du travail, il incombe au salarié qui demande l’application des dispositions de l’article L. 8223-1 du même code, de démontrer que l’employeur s’est intentionnellement soustrait aux obligations rappelées à l’article L. 8221-5.
La salariée soutient que la preuve de l’intention requise résulte de la mention, sur les bulletins de paie, d’un nombre d’heures de travail inférieur à celui effectué et du grand nombre d’heures retenues.
Cependant, l’employeur qui est présumé de bonne foi a crû qu’il pouvait appliquer l’accord de branche précité et a payé des heures supplémentaires à ce titre lors de l’établissement du solde de tout compte.
De plus, la seule mention des heures de travail sur les bulletins de paie ne suffit pas à caractériser l’intention de commettre un travail dissimulé.
La demande d’indemnité sera écartée et le jugement confirmé sur ce point.
Sur le licenciement :
1°) La lettre de licenciement reproche à la salariée une faute consistant en une insubordination envers le directeur d’établissement le 13 juillet 2018, ainsi qu’un non-respect de la hiérarchie récurrent tout le long de l’année la plaçant en position de conflit avec les cadres.
Le directeur d’établissement, M. [Z], a adressé un mail au président de l’association le 17 juillet, relatant le déroulement de cet entretien.
L’employeur produit des mails retraçant des échanges entre la salariée et Mme [X] (pièces n° 9 à 11) et un mail du chef d’établissement du 5 juillet 2018 lui demandant de faire preuve de retenues dans ses propos.
La salariée conteste ces griefs. Elle précise que M. [Z] avec qui elle devait s’entretenir avant son départ en vacances sur des sujets en cours, n’est arrivé qu’à 16 heures, plus tard que l’horaire convenu et que le ton acerbe reproché correspond à un grand état de fatigue et une pression considérable.
Elle se reporte au compte rendu de son entretien professionnel relevant sa motivation et son investissement.
Enfin, elle reprend les mails versés au débat pour souligner l’absence de ton péremptoire ou directif, d’insultes ou d’incorrections.
L’entretien professionnel du 12 juillet 2018 ne reprend pas de grief sur une attitude d’insubordination mais se borne à demander à la salariée de se structurer, se réguler et s’ajuster à la mesure des enjeux de son poste et de ceux de l’établissement ainsi que manque de clarté dans le positionnement hiérarchique, fonctionnel et dans les modalités de collaboration avec l’équipe de direction.
Par ailleurs, les mails échangés avec la direction ne traduisent pas d’insubordination au regard de la teneur des messages (pièces n° 9 à 12).
Il en va de même pour les mails des 7 février et 5 juillet 2018.
Les mails des 6 novembre et 4 décembre 2017 se bornent à rappeler des règles d’utilisation des bons d’heure et les risques d’une régularisation tardive d’embauche auprès de l’URSSAF.
Enfin, si l’entretien du 13 juillet a été tenu sur un ton vif ou acerbe, il s’agit d’une attitude isolée, à la veille du départ en vacances, en fin de journée.
Il en résulte que ce seul fait ne peut justifier une cause réelle et sérieuse au licenciement prononcé.
2°) Au regard du rappel d’heures supplémentaires ci-avant retenu, le salaire moyen de référence s’établit à 5 725,44 euros, ce qui implique un reliquat d’indemnité compensatrice de préavis de 5 847,57 euros.
Au regard d’une ancienneté d’une année entière et du barème prévu par l’article L. 1235-3 du code du travail dans une entreprise de plus de 11 salariés, le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sera fixé à 5 725,44 euros.
3°) La salariée demande une indemnisation pour préjudice moral distinct en raison de circonstances vexatoires et brutales et au regard de son âge au moment du licenciement, soit 55 ans.
Toutefois, aucune offre de preuve n’est apportée pour justifier de l’existence du préjudice allégué.
La demande sera rejetée et le jugement confirmé.
Sur les autres demandes :
1°) La salariée demande le paiement de la journée du 8 août 2018 qui a été décomptée comme une journée de congés alors qu’elle correspond, selon elle, à la première journée du préavis.
La lettre de licenciement datée du 6 août 2018 vise une période de préavis de deux mois, dont l’employeur en dispense l’exécution et qui débute à la date de réception de la lettre de licenciement.
Ici, la date de réception de cette lettre est fixée au 8 août au regard de l’avis de réception signé produit (pièce n° 5).
Le début du préavis sera fixé à cette date.
La somme de 175,98 euros est donc due ainsi que les congés payés afférents de 17,59 euros.
2°) Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l’employeur et le condamne à payer à la salariée la somme de 1 500 euros.
L’employeur supportera les dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, par décision contradictoire :
– Infirme le jugement du 28 juin 2021 sauf en ce qu’il rejette les demandes de Mme [Y] en paiement de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct, exécution déloyale et fautive du contrat de travail et d’une indemnité pour travail dissimulé ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
– Dit que le licenciement de Mme [Y] est sans cause réelle et sérieuse ;
– Condamne l’association OGEC [Adresse 5] à payer à Mme [Y] les sommes de :
* 17 874,49 euros de rappel d’heures supplémentaires,
* 1 787,44 euros de congés payés afférents,
* 11 916,33 euros au titre des repos compensateurs non pris,
* 175,98 euros de rappel de salaire pour la journée du 8 août 2018,
* 17,59 euros de congés payés afférents,
* 5 847,57 euros de reliquat d’indemnité compensatrice de préavis,
* 5 725,44 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– Rejette les autres demandes ;
Y ajoutant :
– Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l’association OGEC [Adresse 5] et la condamne à payer à Mme [Y] la somme de 1 500 euros ;
– Condamne l’association OGEC [Adresse 5] aux dépens de première instance et d’appel.
Le greffier Le président
Frédérique FLORENTIN Olivier MANSION