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ARRÊT DU
14 Avril 2023
N° 567/23
N° RG 21/00547 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TSHS
VC/CH
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VALENCIENNES
en date du
15 Mars 2021
(RG F19/00202 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 14 Avril 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANT :
M. [L] [R]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Manuel DE ABREU, avocat au barreau de VALENCIENNES substitué par Me Geoffrey BAJARD, avocat au barreau de VALENCIENNES
INTIMÉE :
E.U.R.L. FERME HUBAUT
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Camille DESBOUIS, avocat au barreau de DOUAI
DÉBATS : à l’audience publique du 16 Février 2023
Tenue par Virginie CLAVERT
magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Nadine BERLY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Pierre NOUBEL
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Virginie CLAVERT
: CONSEILLER
Laure BERNARD
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 14 Avril 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 02 février 2023
EXPOSE DU LITIGE ET PRETENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES :
L’EURL FERME HUBAUT, constituée d’une boucherie et d’un restaurant, a engagé M. [L] [R] par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 24 octobre 2017 en qualité de cuisinier.
Ce contrat de travail était soumis à la convention collective nationale de la boucherie, boucherie-charcuterie, boucherie hippophagique, triperie, commerces de volailles et gibiers du 12 décembre 1978.
Par courrier recommandé en date du 15 janvier 2019, M. [R] a reçu une convocation à un entretien en vue d’une rupture conventionnelle, proposition à laquelle le salarié s’est opposé par lettre recommandée du 25 janvier 2019.
Par courrier recommandé en date du 19 février 2019, M. [L] [R] a été convoqué à un entretien disciplinaire et mis à pied à titre conservatoire.
Par lettre datée du 8 mars 2019, M. [L] [R] s’est vu notifier son licenciement pour faute grave.
Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant divers rappels de salaire et indemnités consécutivement à la rupture de son contrat de travail, M. [L] [R] a saisi le 7 juin 2019 le conseil de prud’hommes de Valenciennes qui, par jugement du 15 mars 2021, a rendu la décision suivante :
– DIT que le licenciement de M. [R] [L] a été prononcé pour cause réelle et sérieuse.
– CONDAMNE I’ EURL FERME HUBAUT, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [R] [L] les sommes suivantes :
– MILLE VINGT NEUF EUROS ET TREIZE CENTS (1 029,13 €) à titre d’indemnité légale de licenciement
– DEUX MILLE CENT VINGT TROIS EUROS ET TRENTE-HUIT CENTS (2 123,38€) au titre de l’indemnité compensatrice de préavis
– DEUX CENT DOUZE EUROS ET TRENTE TROIS CENTS (212,33 €) au titre des congés payés y afférents
– CINQ CENT QUATRE VINGT HUIT EUROS (588,00 €) à titre de rappel de salaire pour mise à pied conservatoire
– CINQUANTE HUIT EUROS ET QUATRE VINGT CENTS (58,80 €) au titre des congés payés y afférents
– CONDAMNE 1’EURL FERME HUBAUT, prise en la personne de son représentant légal, à délivrer à M. [R] [L] ses documents de fins de contrat rectifiés (certificat de travail, attestation Pôle Emploi, reçu pour solde de tout compte) sous astreinte de CINQUANTE EUROS (50,00 euros) par jour et par document à compter du dixième jour suivant la notification de la présente décision.
– DEBOUTE M. [R] [L] du surplus de ses demandes.
– ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision au titre de l’article 515 du Code de procédure civile.
– CONDAMNE M. [R] [L] à payer à I’EURL FERME HUBAUT prise en la personne de son représentant légal la somme de MILLE EUROS (1 000 €) au titre de l’article 700 du Code du Travail.
– MET les dépens à la charge de M. [R] [L].
M. [L] [R] a relevé appel de ce jugement, par déclaration électronique du 22 avril 2021.
Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 8 novembre 2022 au terme desquelles M. [L] [R] demande à la cour de :
SUR LES DEMANDES RELATIVES A L’EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL
– INFIRMER le jugement du Conseil de Prud’hommes de VALENCIENNES en date du 15 mars 2021 en ce qu’il a débouté M. [R] de ses demandes relatives
– Aux heures supplémentaires ;
– A la violation de la réglementation relative aux durées hebdomadaires et journalières de travail maximales
– A la violation de la réglementation relative au temps de repos journaliers ;
– Au non-respect du temps de pause journalier ;
– Au non-respect de la réglementation à la prise de congés payés ;
– Au travail dissimulé
Et, statuant à nouveau
– CONDAMNER la société FERME HUBAUT à verser à M. [L] [R] les sommes suivantes :
– 6 535.67 € à titre de rappel d’heures supplémentaires outre 653.57 € au titre des congés payés y afférents
– 5 000.00 € à titre de dommages intérêts pour violation de la réglementation relative aux durées hebdomadaires et journalières de travail maximales ;
– 5 000.00 € à titre de dommages intérêts pour violation de la réglementation relative aux temps de repos journaliers
– 4 000.00 € à titre de dommages intérêts pour non-respect des temps de pauses journaliers
– 2 000.00 € à titre de dommages intérêts pour non-respect de la réglementation relative à la prise de congés payés
– 16466.10 € à titre de dommages intérêts pour travail dissimulé par dissimulation d’emploi
– CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud’hommes de VALENCIENNES en date du 15 mars 2021 en ce qu’il a condamné La société FERME HUBAUT à verser à M. [L] [R] la somme de 588.00 €à titre de rappel de salaire pour mise à pied conservatoire non nécessaire outre les 58.80 € au titre des congés payés y afférents
– ORDONNER la remise des fiches de paie rectifiées sous astreinte de 50 € par jours de retard et par document à compter de la notification de la décision à intervenir ;
SUR LES DEMANDES RELATIVES A LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL
A TITRE PRINCIPAL
– INFIRMER le jugement du Conseil de Prud’hommes de VALENCIENNES du 15 mars 2021 en ce qu’il a estimé le licenciement intervenu pour cause réelle et sérieuse
Et statuant à nouveau,
– DIRE ET JUGER le licenciement intervenu sans cause réelle et sérieuse ;
En conséquence, Dans l’hypothèse où la Cour accède à la demande de rappel de salaires de M. [R].
– CONDAMNER la société FERME HUBAUT au versement des sommes suivantes :
– 1 029.13 € au titre d’indemnité légale de licenciement ;
– 2 744.35 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre les 274 .43 € au titre des congés payés y afférents ;
– 588.00 € à titre de rappel de salaires eu égard à l’annulation de la mise à pied conservatoire, outre les 58.80 € au titre des congés payés y afférents dans l’hypothèse où la Cour n’aurait pas confirmé la demande du salarié formulée aux fins de voir reconnaître le caractère non nécessaire de ladite mise à pied conservatoire ;
– 3 000.00 € au titre des dommages intérêts pour préjudice moral distinct
– DIRE ET JUGER le barème mis en place par l’article L.1235-3 du Code du Travail non conventionnel ;
En conséquence,
– CONDAMNER la société FERME HUBAUT au versement de la somme de 8 000.00 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans causes réelle et sérieuse
Subsidiairement, si le Conseil estimait le barème applicable,
– CONDAMNER la société FERME HUBAUT au versement de la somme de 5 488.70 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Dans l’hypothèse où la Cour n’accède pas à la demande de rappel de salaires de M. [R] :
– CONDAMNER la société FERME HUBAUT au versement des sommes suivantes :
– 824.90 € au titre d’indemnité légale de licenciement ;
– 2 199.92 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre les 219.99 € au titre des congés payés y afférents ;
– 588.00 € titre de rappel de salaires eu égard à l’annulation de la mise à pied conservatoire, outre les 58.80 € au titre des congés payés y afférents dans l’hypothèse où le Conseil n’aurait pas accéder à la demande du salarié formulée aux fins de voir reconnaître le caractère non nécessaire de ladite mise à pied conservatoire ;
– 3 000.00 € au titre des dommages intérêts pour préjudice moral distinct
– DIRE ET JUGER le barème mis en place par l’article L.1235-3 du Code du Travail non conventionnel ;
En conséquence,
– CONDAMNER la société FERME HUBAUT au versement de la somme de 8 000.00 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans causes réelle et sérieuse
Subsidiairement, si la Cour estimait le barème applicable,
– CONDAMNER la société FERME HUBAUT au versement de la somme de 4 399.44 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
A TITRE SUBSIDIAIRE, si par impossible la Cour estimait la faute caractérisée par l’employeur
– CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a considéré le licenciement est intervenu pour une cause réelle et sérieuse ;
– L’INFIRMER toutefois en ce qu’elle a limité la demande formulée au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et l’a débouté de sa demande relative au préjudice moral distinct ;
En conséquence,
Dans l’hypothèse où la Cour accède à la demande de rappel de salaires de M. [R] :
-CONDAMNER la société FERME HUBAUT au versement des sommes
suivantes :
– 1 029.13 € au titre d’indemnité légale de licenciement ;
– 2 744.35 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre les 274 .43 € au titre des congés payés y afférents ;
– 3 000.00 € au titre des dommages intérêts pour préjudice moral distinct
Dans l’hypothèse où la Cour n’accède pas à la demande de rappel de salaires de M. [R] :
– CONDAMNER la société FERME HUBAUT au versement des sommes
suivantes :
– 824.90 € au titre d’indemnité légale de licenciement ;
– 2 199.92 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre les 219.99 € au titre des congés payés y afférents ;
– 3 000.00 € au titre des dommages intérêts pour préjudice moral distinct
EN TOUT ETAT DE CAUSE
– DEBOUTER la société FERME HUBAUT de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– ORDONNER la remise des documents légaux de sortie rectifiés sous astreinte de 50.00 € par jour de retard et par document à compter de la décision à intervenir ;
– INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a condamné M. [R] à verser à la société FERME HUBAUT la somme de 1 000.00 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile
– CONDAMNER la société FERME HUBAUT à verser à M. [R] la somme de 3 000.00 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance outre 3 000.00 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;
– La CONDAMNER aux entiers dépens de l’instance en ce compris ceux exposés en première instance.
Au soutien de ses prétentions, M. [L] [R] expose que :
– Concernant les heures supplémentaires, il produit aux débats des éléments suffisamment précis de nature à permettre à l’employeur de fournir ses propres éléments concernant les heures de travail effectivement réalisées, ce qu’il ne fait pas.
– Il n’a jamais été soumis à une obligation de remplir ses feuilles de pointage et aucune obligation ne lui a jamais été notifiée en ce sens, ce d’autant que les heures supplémentaires accomplies régulièrement n’ont jamais été payées compte tenu des difficultés économiques rencontrées par la société FERME HUBAUT jusqu’au 21 mars 2019, peu important, en outre, que les horaires théoriques de travail se trouvaient affichés dans les vestiaires.
– Les attestations produites par l’employeur doivent être écartées des débats en ce qu’elles émanent de salariés du restaurant et sont dépourvues d’objectivité.
– La société FERME HUBAUT est, par conséquent, redevable envers son salarié d’un rappel d’heures supplémentaires, des congés payés y afférents ainsi que de dommages et intérêts pour violation des durées hebdomadaires et journalières maximales de travail, pour violation des temps de repos journaliers, pour non-respect des pauses journalières, et pour lui avoir imposé des congés payés en février et mars 2019 afin de l’éloigner de son poste de travail dans l’attente de l’initiation de la procédure disciplinaire.
– Il a également droit à un rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, la société FERME HUBAUT ayant suspendu ladite mise à pied en le plaçant en congés payés à compter du 1er mars et jusqu’au 8 mars 2019, date de son licenciement.
– Le travail dissimulé est également établi, en lien avec le fait de faire figurer sur les bulletins de salaire un nombre d’heures de travail inférieur à celui effectivement réalisé.
– Les fautes alléguées ne sont pas établies et constituent davantage une insuffisance professionnelle, ce d’autant qu’il n’était pas le seul à travailler en cuisine, que la preuve n’est pas rapportée de ce qu’il est à l’origine des problèmes de cuisson, qu’il ne peut être tenu responsable d’une erreur d’affichage en salle relevant de la responsabilité du personnel de salle, que ses missions n’incluaient ni l’entretien de la chambre froide ni la gestion des stocks. Les griefs liés à l’étiquetage ou à l’oxydation de certains aliments, par ailleurs non servis à la clientèle, ne sont pas établis.
– Concernant le respect des normes HACCP, cette obligation incombe à l’employeur qui en délègue la plupart du temps la gestion à l’un de ses salariés, ce qui n’a pas été réalisé en l’espèce, faute de délégation.
– Il a, en réalité, été licencié afin de permettre à la société de réengager un de ses anciens cuisiniers, expliquant, par ailleurs, le refus de l’intimée de produire son registre du personnel.
– Le licenciement est sans cause réelle et sérieuse avec toutes conséquences financières de droit, étant précisé que le barème de l’article L1235-3 du code du travail est inconventionnel et doit être écarté.
– Il a également subi un préjudice moral distinct qui doit être indemnisé, eu égard aux circonstances vexatoires de son licenciement.
Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 9 décembre 2022, dans lesquelles l’EURL FERME HUBAUT, intimée et appelante incidente demande à la cour de :
– Juger recevables et bien fondées les demandes, fins et conclusions de l’EURL FERME HUBAUT, y faire droit.
– Confirmer le jugement rendu le 15 mars 2021 par le Conseil de prud’hommes de VALENCIENNES en ce qu’il a :
– débouté M. [R] de sa demande au titre du paiement des heures supplémentaires et des congés payés y afférents,
– débouté M. [R] de sa demande au titre des dommages et intérêts pour violation de la réglementation relative aux durées hebdomadaires et journalières de travail maximales,
– débouté M. [R] de sa demande au titre des dommages et intérêts pour non-respect du temps de pause journalier,
– débouté M. [R] de sa demande au titre des dommages et intérêts pour violation de la réglementation relative au temps de repos journalier,
– débouté M. [R] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la réglementation relative à la prise de congés payés,
– débouté M. [R] de sa demande de dommages et intérêts pour travail par dissimulation d’emploi,
– débouté M. [R] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct,
– débouté M. [R] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– mis les dépens à la charge de M. [L] [R].
– L’infirmer pour le surplus.
Et, statuant à nouveau,
– Constater que l’employeur démontre que le licenciement pour faute grave de M. [R] est établi par des éléments précis et matériellement vérifiables.
– Constater que M. [R] a commis une faute grave en ne respectant pas les normes HACCP.
– Constater que M. [R] a commis une faute grave en ne respectant pas les temps de cuisson des viandes à plusieurs reprises.
– Constater que M. [R] a commis une faute grave en ne respectant pas les consignes de présentation et de service.
– Constater que M. [R] a commis une faute grave en servant aux clients des produits et denrées dont la date de DLC était ignorée et dont l’aspect permettait de douter de la sécurité sanitaire.
– En conséquence, juger que la société FERME HUBAUT démontre la réalité et la gravité des manquements reprochés au salarié à l’origine de son licenciement pour faute grave.
– Juger bien fondé le licenciement pour faute grave de M. [R].
– Débouter M. [R] de ses demandes.
De chef subsidiaire, si par impossible la Cour estimait que le licenciement de M. [R] doive être considéré comme abusif ou comme fondé sur une cause réelle et sérieuse, il conviendrait de revoir les prétentions indemnitaires présentées par le salarié :
– Fixer l’indemnité légale de licenciement de M. [R] à la somme de 707,79 € brut.
– Fixer l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 2.145,10 € brut outre 214,51 € brut de congés payés y afférents.
– Juger que le barème de l’article L1235-3 du code du travail est applicable.
– Juger que M. [R] ne démontre pas avoir subi un quelconque préjudice.
– Fixer les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme maximale de 2.123,38 €.
– Juger que M. [R] ne démontre pas que les circonstances dans lesquelles il a été licencié seraient particulièrement vexatoires.
– Débouter M. [R] de sa demande indemnitaire pour les circonstances vexatoires de son licenciement.
– Fixer le rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire à la somme de 490 € brut outre 49 € pour les congés payés y afférents.
En tout état de cause,
– Débouter M. [R] de ses demandes.
– Condamner M. [R] à payer à l’EURL FERME HUBAUT une somme de 3.800 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.
– Le condamner aux entiers dépens.
A l’appui de ses prétentions, la société FERME HUBAUT soutient que :
– Le licenciement de M. [R] trouve son origine dans les fautes graves commises par l’intéressé et non dans son refus de régulariser une rupture conventionnelle ou encore dans des difficultés économiques de l’entreprise, lesquelles ne sont pas avérées, une clôture du plan de redressement étant intervenue le 3 juin 2019.
– M. [L] [R] n’a pas respecté les normes HACCP relatives à la sécurité alimentaire alors qu’il les maîtrisait, ce en n’étiquetant pas les produits travaillés et en ne mentionnant pas les dates limites de consommation, allant jusqu’à servir des denrées impropres à la consommation.
– Le salarié a également commis de façon répétée des erreurs de cuisson, de dressage et de service et s’est abstenu de ranger et de contrôler les chambres froides et réfrigérateurs, obligations inhérentes à ses fonctions conformément à la convention collective applicable.
– Il n’y a pas lieu de produire le registre du personnel qui est sans incidence sur l’appréciation de la faute grave laquelle est avérée et doit conduire au rejet des prétentions financières de M. [R].
– En tout état de cause, le salaire brut mensuel de l’intéressé s’élevait à 2123,38 euros et les calculs opérés par celui-ci sont erronés tant en ce qui concerne l’indemnité de licenciement que l’indemnité compensatrice de préavis.
– En outre, le barème d’indemnisation de l’article L1235-3 du code du travail doit trouver application.
– Concernant les heures supplémentaires, l’unique document produit par M. [R] à l’appui de sa demande n’a aucune force probante, ayant été établi unilatéralement par le salarié, et n’est pas suffisamment précis, ce alors que l’intéressé s’est toujours refusé à remplir les feuilles de pointage mises en place par l’employeur.
– M. [R] doit être débouté de sa demande de rappel d’heures supplémentaires ainsi que des dommages et intérêts pour violation des durées hebdomadaires journalières maximales de travail, violation des temps de repos journaliers, non-respect des pauses journalières et travail dissimulé.
– La force probante et la validité des attestations produites par l’employeur ne peut être remise en cause par le salarié.
– Concernant les congés payés et compte tenu de la mise à pied conservatoire, M. [L] [R] ne s’est finalement trouvé en congés que les 3 et 10 février et du 11 au 17 février 2019 et ne démontre pas que cette prise de congés lui a été imposée par l’employeur.
– Enfin, la société n’a jamais manqué de diligence, de sorte que l’astreinte n’est pas justifiée.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 2 février 2023.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la demande de mise à l’écart des attestations produites par l’EURL FERME HUBAUT :
Il résulte des dispositions de l’article 202 du code de procédure civile que «L’attestation contient la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu’il a personnellement constatés.
Elle mentionne les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur ainsi que, s’il y a lieu, son lien de parenté ou d’alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d’intérêts avec elles.
Elle indique en outre qu’elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu’une fausse attestation de sa part l’expose à des sanctions pénales.
L’attestation est écrite, datée et signée de la main de son auteur. Celui-ci doit lui annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature.».
Si M. [R] demande le rejet des attestations produites par l’employeur, il n’en justifie pas pour autant d’une quelconque irrégularité constituant l’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public lui faisant grief.
Il n’y a, dès lors, pas lieu d’écarter les attestations produites au seul motif qu’elles émaneraient de salariés de l’EURL FERME HUBAUT.
Sur les heures supplémentaires et les congés payés y afférents :
Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce et à l’appui de sa demande, M. [L] [R] produit les éléments suivants :
– l’ensemble de ses bulletins de salaire lesquels ne mentionnent pas d’heures supplémentaires,
– une lettre recommandée avec accusé de réception du 15 mars 2019 adressée à son employeur au terme de laquelle il communique à ce dernier l’ensemble de ses heures de pointage sur la période du 21 mai 2018 au mois de février 2019 mentionnant pour chaque semaine et chaque jour les horaires précis de travail, et les éventuels jours de repos ou de congés payés,
– un tableau récapitulatif intégré à ses conclusions reprenant pour chaque semaine entre le 21 mai 2018 et le 10 février 2019 le nombre d’heures effectuées, le nombre d’heures supplémentaires majorées à 25 et 50 % et le total des sommes réclamées.
Ainsi, M. [L] [R] présente, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Or, l’EURL FERME HUBAUT ne verse aux débats aucun élément probant permettant d’établir les horaires de travail réels de M. [R].
Par ailleurs, s’il est établi, par l’attestation de plusieurs salariés qu’un panneau d’affichage mentionnait, dans les vestiaires, les horaires de travail et qu’il était mis à disposition du personnel «un classeur de pointage (‘) que l’on est censé remplir quotidiennement lors de nos présences dans l’entreprise» (attestation de M. [W] [T]), la fixation d’un horaire de travail dans le domaine de la restauration ne peut correspondre qu’à un horaire théorique au regard des aléas de la clientèle. En outre, la société FERME HUBAUT ne démontre pas la mise en place effective de feuilles de pointage mensuelles se contentant de produire 5 feuilles de pointages renseignées pour seulement deux salariés entre mai 2018 et mars 2019, ce d’autant que si tel était le cas, aucune réclamation, remarque ni sanction n’a jamais été adressée à M. [L] [R].
Par conséquent, la preuve se trouve rapportée de ce que M. [R] a accompli des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées.
Ainsi, la cour fixe à 2178,55 euros le montant dû à M. [L] [R] au titre des heures supplémentaires non rémunérées, outre 217,85 euros au titre des congés payés y afférents.
Le jugement entrepris est, par suite, infirmé sur ce point.
Sur les dommages et intérêts pour violation de la durée maximale hebdomadaire et journalière de travail :
Au regard du nombre d’heures supplémentaires retenues, M. [L] [R] n’a pas travaillé plus de 48 heures par semaine ni plus de 10 heures par jour.
La demande de dommages et intérêts pour violation de la durée maximale hebdomadaire et journalière de travail est rejetée et le jugement entrepris est confirmé sur ce point.
Sur les dommages et intérêts pour violation de la réglementation relative aux temps de repos journaliers :
Au regard du nombre d’heures supplémentaires retenues, M. [L] [R] n’a pas bénéficié d’un repos quotidien inférieur à la durée minimale de 11 heures consécutives fixée à l’article L 3131-1 du code du travail.
La demande de dommages et intérêts pour violation de la réglementation relative aux temps de repos journaliers est rejetée et le jugement entrepris est confirmé sur ce point.
Sur les dommages et intérêts pour non-respect des temps de pause journaliers :
Aucune pièce ne permet de démontrer que M. [L] [R] n’aurait pas bénéficié d’un temps de pause de 20 minutes consécutives, dès que son temps de travail a atteint 6 heures.
Cette demande de dommages et intérêts est rejetée.
Sur les dommages et intérêts pour non-respect de la réglementation relative à la prise de congés payés :
M. [L] [R] prétend que des congés payés lui auraient été imposés par l’employeur le 3 février 2019 et pour la période du 10 au 24 février 2019.
Il résulte des pièces produites et notamment de plusieurs attestations de salariés de l’EURL FERME HUBAUT que les congés payés pouvaient être sollicités soit à l’oral soit par le biais d’un écrit et accordés de la même façon, ce compte tenu du caractère familial de l’établissement et du nombre d’employés.
Dans ces conditions, la seule absence d’une demande écrite de congés signée de M. [R] ne permet pas de démontrer que ces jours de congés payés ont été imposés par l’employeur.
L’appelant est, par conséquent, débouté de sa demande de dommages et intérêts formée à cet égard et le jugement entrepris est confirmé sur ce point.
Sur le travail dissimulé :
La dissimulation d’emploi salarié prévue par l’article L. 8221-5 2°du code du travail n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué. Le caractère intentionnel ne peut pas se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.
En l’espèce, il n’est pas démontré que l’EURL FERME HUBAUT a, de manière intentionnelle, mentionné sur les bulletins de salaire de M. [L] [R] un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué.
Le jugement déféré qui a débouté M. [R] de sa demande indemnitaire au titre du travail dissimulé est donc confirmé.
Sur le licenciement :
Il appartient au juge d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l’employeur. Il forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, si besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ; afin de déterminer si les faits imputés au salarié sont ou non établis, les juges du fond apprécient souverainement la régularité et la valeur probante des éléments de preuve qui leur sont soumis. La lettre de licenciement fixe les limites du litige.
La faute grave est, par ailleurs, entendue comme la faute résultant d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Les juges du fond, pour retenir la faute grave, doivent, ainsi, caractériser en quoi le ou les faits reprochés au salarié rendent impossible son maintien dans l’entreprise. Alors que la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n’incombe pas particulièrement à l’une ou l’autre des parties, il revient en revanche à l’employeur d’apporter la preuve de la faute grave qu’il reproche au salarié ; en cas de doute il profite au salarié.
En l’espèce, dans le cadre de la lettre de licenciement du 8 mars 2019, M. [L] [R] s’est vu reprocher les faits suivants :
– le 1er février 2019 : une mauvaise cuisson d’une viande ce qui a entraîné une plainte du client, et le même jour un affichage volontairement trompeur à l’égard de la clientèle en remplaçant le mot poularde par du chapon,
– le 2 février 2019 : une absence de rangement de la cuisine et de la chambre froide en fin de service, une absence de contrôle des chambres froides et des frigos, une mauvaise gestion des stocks,
– le 5 février 2019 : le service aux clients de préparations dont la qualité sanitaire n’était pas assurée (absence d’étiquetage, absence de traçabilité et oxydation),
– le 7 février 2019 : une mauvaise cuisson des viandes et un non-respect des dressages des plats sollicités,
– le 9 février 2019 : une mauvaise cuisson des viandes et un non-respect des dressages d’assiettes sollicités,
– une absence totale de respect des normes HACCP concernant la mise en place et le suivi des étiquetages des produits.
En premier lieu, aucune pièce produite ni aucune attestation ne viennent démontrer que M. [R] serait à l’origine d’un affichage volontairement trompeur à l’égard de la clientèle en remplaçant le mot poularde par chapon (1er février). Il en va de même de la mauvaise gestion des stocks prétendue ayant conduit selon l’employeur à une rupture de frites (2 février). De la même façon, aucun élément de preuve ne vient étayer le non-respect des dressages des plats ou assiettes (7 et 9 février). L’ensemble de ces griefs ne peut, dès lors, qu’être écarté.
Concernant le grief tiré de la mauvaise cuisson de viandes (les 1er, 7 et 9 février 2019), si l’EURL FERME HUBAUT produit deux attestations de clients, MM. [N] [B] et [F] [M] témoignant d’un problème de cuisson sur leur assiette (non conforme à la commande passée) au début du mois de février 2019, ces attestations ne sont pas précises. Surtout, il résulte des pièces versées que M. [L] [R] n’était pas l’unique cuisinier, M. [G] [A] exerçant également en qualité de cuisinier au sein de l’établissement, de sorte que l’erreur de cuisson de la viande ne peut être imputée ni à l’un ni à l’autre. Ce grief ne peut donc être retenu à l’encontre de M. [R].
Au surplus et en tout état de cause, le fait d’avoir à deux reprises réalisé une cuisson de viande non conforme à la commande passée n’est pas de nature à justifier d’un licenciement, qui plus est pour faute grave.
Concernant les autres griefs, il résulte de l’attestation de M. [W] [T], agent d’entretien et serveur, qu’à la fin de service du 2 février 2019, il a constaté le défaut de rangement du réfrigérateur de la cuisine, le non emballage des denrées fragiles et périssables, l’étiquetage défaillant des produits (date de fabrication, DLC). Par ailleurs, M. [H] [Y], responsable du restaurant et conjoint de la gérante, indique avoir fait constater à plusieurs reprises des manquements aux normes d’étiquetage et aux normes HACCS. Il précise, par ailleurs avoir fait retirer des assiettes prêtes à être servies, des pommes dauphines oxydées.
Là encore, au regard des fonctions partagées de cuisinier notamment entre M. [R] et M. [A], de l’imprécision des attestations et de l’absence de témoignage de M. [A] sur ce point, le défaut de rangement et les étiquetages défaillants au regard des normes HACCS mais également l’oxydation des pommes dauphines (incident non daté) ne peuvent être imputés à l’appelant, ce d’autant qu’il n’est communiqué aucune photographie du réfrigérateur non rangé ou encore de produits non étiquetés et que les témoignages émanent pour le premier d’un serveur et pour le second de l’employeur lui-même, ce qui tend à relativiser la véracité de son contenu et à tout le moins à laisser planer un doute lequel doit profiter au salarié.
Enfin et surtout, il est relevé que M. [R] pourtant employé depuis 18 mois au sein du restaurant n’a jamais fait l’objet d’une quelconque remarque ou sanction pendant toute la durée d’emploi, des reproches ayant commencé à lui être fait suite au refus par ce dernier d’une rupture conventionnelle dont il n’est nullement établi qu’il en soit à l’origine.
En effet, il résulte des pièces communiquées que le 15 janvier 2019, M. [R] s’est vu adresser par l’EURL FERME HUBAUT une proposition de rupture conventionnelle qu’il a refusée par courrier du 25 janvier suivant. Or, moins d’un mois plus tard, le salarié s’est vu reprocher plusieurs fautes successives entre le 1er et le 9 février et convoqué à un entretien préalable par courrier du 19 février suivant.
De la même façon, il résulte du courrier de contestation de M. [R] quant à la procédure de licenciement dont il faisait l’objet que celui-ci reproche à son employeur de vouloir se débarrasser de lui afin de le remplacer par un ancien cuisinier de l’établissement (M. [C] [X]), désormais disponible. L’intéressé atteste, d’ailleurs, en faveur de l’employeur en se présentant comme cuisinier, ce qui vient conforter l’analyse du salarié sur ce point.
Par conséquent, au regard de l’ensemble de ces éléments, des griefs non fondés et des manquements reposant sur deux uniques attestations dont l’une émane de l’employeur lui-même, dans un contexte de fautes soudainement reprochées à M. [R] quelques semaines après qu’il a refusé une rupture conventionnelle proposée par l’EURL FERME HUBAUT, le licenciement de M. [L] [R] ne repose ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse.
Le jugement entrepris est, par conséquent, infirmé en ce qu’il a dit que le licenciement du salarié repose sur une cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse :
– Sur le rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire et les congés payés y afférents :
M. [R] ayant fait l’objet d’une mise à pied conservatoire infondée entre le 21 et le 28 février 2019, il lui est dû le montant des sommes retenues à ce titre soit 588 euros, conformément au bulletin de salaire du mois de février 2019, outre 58,80 euros au titre des congés payés y afférents.
– Sur l’indemnité de licenciement :
Compte tenu de la rémunération brute mensuelle perçue après réintégration des heures supplémentaires et de son ancienneté, M. [R] est fondé à obtenir le paiement d’une indemnité légale de licenciement de 895,18 euros.
– Sur l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents :
L’appelant est également fondé à obtenir le paiement d’une indemnité compensatrice de préavis de 2387,16 euros, outre 238,71 euros au titre des congés payés y afférents.
– Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
En application de l’article L1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, si un licenciement intervient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse et qu’il n’y a pas réintégration du salarié dans l’entreprise, il est octroyé à celui-ci, à la charge de l’employeur, une indemnité dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés, dans le cadre des tableaux repris auxdits articles.
M. [L] [R] se prévaut de l’inconventionnalité du barème fixé audit article au regard de la convention n° 158 de l’organisation internationale du travail et de l’article 24 de la charte sociale européenne du 3 mai 1996.
Concernant la convention précitée, les stipulations de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT), qui créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir à l’encontre d’autres particuliers et qui, eu égard à l’intention exprimée des parties et à l’économie générale de la convention, ainsi qu’à son contenu et à ses termes, n’ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l’intervention d’aucun acte complémentaire, sont d’effet direct en droit interne.
Aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la loi doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse.
Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur, sont de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT).
Il en résulte que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention précitée.
En outre, concernant la charte sociale européenne, sous réserve des cas où est en cause un traité international pour lequel la Cour de justice de l’Union européenne dispose d’une compétence exclusive pour déterminer s’il est d’effet direct, les stipulations d’un traité international, régulièrement introduit dans l’ordre juridique interne conformément à l’article 55 de la Constitution, sont d’effet direct dès lors qu’elles créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir et que, eu égard à l’intention exprimée des parties et à l’économie générale du traité invoqué, ainsi qu’à son contenu et à ses termes, elles n’ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l’intervention d’aucun acte complémentaire pour produire des effets à l’égard des particuliers.
Les dispositions de la Charte sociale européenne selon lesquelles les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en oeuvre nécessite qu’ils prennent des actes complémentaires d’application et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique visé par la partie IV, ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.
L’invocation de son article 24 ne peut dès lors pas conduire à écarter l’application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.
Il convient, par suite, de faire application dudit article L1235-3 du code du travail et d’examiner la situation particulière de M. [L] [R].
Ainsi, compte tenu de l’effectif de la société FERME HUBAUT, de l’ancienneté de M. [R] (pour être entré au service de l’entreprise à compter du 24 octobre 2017), de son âge (pour être né le 14 avril 1961) ainsi que du montant de son salaire brut mensuel (2387,16 euros) et de l’absence de justificatifs de situation postérieurs à son licenciement, le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est fixé à 2500 euros.
Le jugement entrepris est confirmé concernant le rappel de salaire et les congés payés y afférents, mais infirmé en ce qu’il a débouté M. [R] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et concernant le quantum alloué au titre des autres demandes financières.
Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral distinct :
Le licenciement peut causer au salarié un préjudice distinct de celui lié à la perte de son emploi, en raison des circonstances brutales ou vexatoires qui l’ont accompagné, permettant au salarié de demander réparation de son préjudice moral, sur le fondement de la responsabilité civile prévue aux articles 1240 et suivants du code civil dans leur version applicable à l’espèce.
Néanmoins, M. [L] [R] ne rapporte pas la preuve de circonstances brutales ou vexatoires ayant accompagné son licenciement. Il ne justifie pas non plus d’un préjudice moral distinct.
Cette demande de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct est, par conséquent, rejetée.
Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.
Sur les documents de fin de contrat :
Il convient d’ordonner à l’EURL FERME HUBAUT de délivrer à M. [L] [R] les documents légaux de sortie conformes à la présente décision, sans qu’il soit nécessaire de prononcer une astreinte.
Le jugement est infirmé en ce qu’il a ordonné une astreinte.
Sur les autres demandes :
Les dispositions du jugement entrepris afférentes aux dépens et aux frais irrépétibles exposés en première instance sont infirmées.
Succombant à l’instance, l’EURL FERME HUBAUT est condamnée aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à payer à M. [L] [R] 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
REJETTE la demande de mise à l’écart des attestations produites par l’EURL FERME HUBAUT ;
INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Valenciennes le 15 mars 2021, sauf en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct, la demande d’indemnité au titre du travail dissimulé et les demandes de dommages et intérêts pour violation des durées hebdomadaires et journalières de travail, violation des temps de repos journaliers, non-respect des pauses journalières et jours de congés payés imposés, et en ce qu’il a condamné l’EURL FERME HUBAUT à payer à M. [L] [R] 588 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et 58,80 euros au titre des congés payés y afférents ;
STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,
DIT que le licenciement de M. [L] [R] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE l’EURL FERME HUBAUT à payer à M. [L] [R] :
– 2178,55 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires,
– 217,85 euros au titre des congés payés y afférents,
– 895,18 euros à titre d’indemnité de licenciement,
– 2387,16 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 238,71 euros au titre des congés payés y afférents,
– 2500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
ORDONNE à l’EURL FERME HUBAUT de remettre à M. [L] [R] l’ensemble des documents légaux de fin de contrat, tous ces documents devant être établis conformément au dispositif du présent arrêt ;
REJETTE la demande d’astreinte ;
CONDAMNE l’EURL FERME HUBAUT aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à payer à M. [L] [R] 2500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires.
LE GREFFIER
Serge LAWECKI
LE PRESIDENT
Pierre NOUBEL