Heures supplémentaires : 19 avril 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/03849

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Heures supplémentaires : 19 avril 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/03849
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

19e chambre

Renvoi après cassation

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 19 AVRIL 2023

N° RG 21/03849

N° Portalis DBV3-V-B7F-U5LQ

AFFAIRE :

[G] [F]

C/

S.A.S. AMBULANCES CHESNAYSIENNES SANITRAN

Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 04 Novembre 2021 par le Cour de Cassation de PARIS

N° Section :

N° RG : 20-15.540

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la AARPI METIN & ASSOCIES

Me Christophe DEBRAY

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

DEMANDEUR ayant saisi la cour d’appel de Versailles par déclaration enregistrée au greffe social le 27/12/2021en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation du 04/11/2021 cassant et annulant l’arrêt rendu le 05/03/2021 par la cour d’appel de Versailles

Monsieur [G] [F]

né le 26 Novembre 1985 à MAISONS LAFFITTE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me David METIN de l’AARPI METIN & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 159 – N° du dossier 17.206

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

S.A.S. AMBULANCES CHESNAYSIENNES SANITRAN

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Xavier VALLA de la SCP MONNET – VALLA – BESSE, Plaidant, avocat au barreau de BESANCON, vestiaire : 52

représentée par Me Christophe DEBRAY, Constitué, avocat au burreau de VERSAILLES (627)

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 21 Mars 2023, devant la cour composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

et que ces mêmes magistrats en ont délibéré conformément à la loi,

dans l’affaire,

Greffier, lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY

EXPOSE DU LITIGE

[G] [F] a été embauché selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er août 2013 par la société Jussieu ambulances chesnaysiennes Sanitran en qualité d’ambulancier.

Les relations de travail étaient soumises aux dispositions de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport.

Le 30 mars 2015, [G] [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Versailles pour solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison des manquements commis par l’employeur notamment dans la comptabilisation du temps de travail, le non-paiement des heures supplémentaires, le non-respect des durées maximales de travail et des repos et demander la condamnation de l’employeur au paiement de diverses indemnités tant au titre de l’exécution que de la rupture du contrat de travail. La fédération nationale des transports et de la logistique Force ouvrière Uncp et le syndicat Union départementale Force ouvrière sont intervenus volontairement à l’instance.

Par un jugement du 6 juin 2017, le conseil de prud’hommes de Versailles en sa formation de départage a :

– débouté [G] [F] de l’ensemble de ses demandes présentées à l’encontre de la société Jussieu ambulances chesnaysiennes Sanitran,

– condamné la société Jussieu ambulances chesnaysiennes Sanitran à payer à la fédération nationale des transports et de la logistique Force ouvrière Uncp une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts,

– rejeté les demandes du syndicat Union départementale Force ouvrière,

– rejeté en tant que de besoin tout autre demande,

– condamné [G] [F] au paiement des dépens de l’instance,

– rejeté la demande présentée par la société Jussieu ambulances chesnaysiennes Sanitran à payer à la Fédération nationale des transports et de la logistique Force ouvrière Uncp une somme de 50 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Par lettre datée du 13 juillet 2017, l’employeur a notifié au salarié son licenciement pour faute grave.

Statuant sur l’appel interjeté par le salarié le 20 juillet 2017 à l’encontre de ce jugement, la onzième chambre de la cour d’appel de céans a, par arrêt du 5 mars 2020, confirmé le jugement, sauf en celles de ses dispositions ayant condamné la société Jussieu ambulances chesnaysiennes Sanitran à payer à la fédération nationale des transports et de la logistique Force ouvrière Uncp une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts ainsi qu’une indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et statuant à nouveau sur les chefs infirmés, a :

– dit n’y avoir lieu à condamnation de la société Jussieu ambulances chesnaysiennes Sanitran à l’égard de la fédération nationale des transports et de la logistique Force ouvrière Uncp,

– débouté [G] [F] de l’intégralité de ses demandes,

– condamné [G] [F] aux dépens d’appel,

– condamné [G] [F] à payer à la société Jussieu ambulances chesnaysiennes Sanitran la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Statuant sur le pourvoi principal du salarié à l’encontre de l’arrêt sus-mentionné, la chambre sociale de la cour de cassation a, par un arrêt du 4 novembre 2021, cassé et annulé, mais seulement en ce qu’il déboute [G] [F] de ses demandes en condamnation de la société Jussieu ambulances chesnaysiennes Sanitran à lui payer un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, et des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail, de sa demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de celle-ci, de ses demandes subséquentes aux effets d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et en ce qu’il condamne [G] [F] aux dépens d’appel et à payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 5 mars 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles, a remis, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de Versailles autrement composée, a condamné la société Jussieu ambulances chesnaysiennes Sanitran aux dépens et à payer à M. [F] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 27 décembre 2021, [G] [F] a saisi la cour de céans en renvoi après cassation.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (Rpva) le 30 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, [G] [F] demande à la cour d’infirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, de :

– condamner la société ambulances chesnaysiennes Sanitran à lui verser les sommes suivantes :

* 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

* 2 639,39 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires réalisées,

* 263,93 euros au titre des congés payés afférents,

* 300,34 euros à titre de rappel de salaire pour jours fériés travaillés,

* 30,03 euros au titre des congés payés afférents,

– prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société ambulances chesnaysiennes Sanitran et fixer la date de la rupture du contrat de travail au 13 juillet 2017,

– condamner la société ambulances chesnaysiennes Sanitran à lui verser les sommes suivantes :

* 1 616,72 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

* 4 127,80 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 412,78 euros au titre des congés payés afférents,

* 1 769,23 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

* 176,92 euros à titre de congés payés afférents,

* 16 500 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– fixer la moyenne des salaires à la somme de 2 063,90 euros,

– condamner la société ambulances chesnaysiennes Sanitran à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens y compris les éventuels frais d’exécution de la décision à intervenir, avec intérêts à compter de la saisine du conseil de prud’hommes et capitalisation de deux-ci.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 1er avril 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société ambulances chesnaysiennes Sanitran (Jussieu Secours) demande à la cour de débouter [G] [F] de l’ensemble de ses demandes, de confirmer en tous points le jugement, sauf en ce qu’il l’a condamnée à verser la somme de 500 euros à titre de dommages intérêts et 50 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la fédération nationale des transports et à la logistique Fo-Uncp, et de condamner [G] [F] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 14 mars 2023.

MOTIVATION

Sur la portée de la cassation

Aux termes de l’article 624 du code de procédure civile, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce. Ainsi, devant la cour d’appel de renvoi, l’affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l’exclusion des chefs non atteints par la cassation comme prévu par l’article 638 du code de procédure civile.

Il ressort de l’arrêt de la cour de cassation du 4 novembre 2021 que :

– les chefs de l’arrêt de la cour d’appel de céans du 5 mars 2020 déboutant [G] [F] de ses demandes de rappel de salaire au titre des jours fériés travaillés et de congés payés afférents et disant n’y avoir lieu à condamnation de la société Jussieu ambulances chesnaysiennes Sanitran à l’égard de la fédération nationale des transports et de la logistique Force ouvrière Uncp subsistent ;

– le litige porte seulement sur les demandes d'[G] [F] d’heures supplémentaires et congés payés afférents, de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail, de résiliation judiciaire du contrat de travail et aux demandes subséquentes aux effets d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse.

Il sera par conséquent statué seulement sur les demandes formées par [G] [F] sus-mentionnées à l’encontre de la société ambulances chesnaysiennes Sanitran.

Sur les heures supplémentaires

En application notamment de l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Le salarié demande un rappel de salaire pour heures supplémentaires en présentant un tableau en pièce 24 recensant l’ensemble des heures de travail qu’il a réalisées entre 2014 et 2016 et qui ont été comptabilisées par l’employeur dans les relevés mensuels.

Ce tableau présente la durée hebdomadaire de travail correspondant à l’amplitude de travail, le temps de travail effectif après déduction des pauses et pondération et le nombre d’heures supplémentaires.

Le salarié indique avoir travaillé à plusieurs reprises au-delà de 48 heures hebdomadaires entre 2014 et 2016 en se référant aux amplitudes horaires de travail hebdomadaire et estime que l’employeur ne pouvait donc procéder au décompte des heures de travail à la quatorzaine qui lui a été appliqué et qu’il est dès lors bien fondé à solliciter un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires réalisées chaque semaine.

Il sera rappelé que l’article 4 du décret n° 2003-1242 du 22 décembre 2003 applicable jusqu’au 1er janvier 2017 prévoit que la durée hebdomadaire du travail pour le personnel roulant peut être calculée sur deux semaines consécutives, à la condition que cette période comprenne au moins trois jours de repos et que soit respectée pour chacune de ces deux semaines consécutives la durée maximale légale de 48 heures.

La durée maximale de travail est déterminée sur la base du temps de travail effectif et non sur celle des amplitudes horaires dont doit être déduite la part de l’activité qui ne correspondent pas à du travail effectif.

Par conséquent, le salarié ne peut pour soutenir que l’employeur ne pouvait procéder au décompte de la durée hebdomadaire du travail sur deux semaines consécutives en application des dispositions règlementaires sus-rappelées, se fonder sur les amplitudes horaires de travail hebdomadaire mais sur la durée hebdomadaire de travail effectif.

Or, il ne ressort pas de son tableau que les conditions réglementaires pour procéder à un décompte à la quatorzaine n’étaient pas remplies.

Il s’ensuit que les éléments présentés par le salarié au soutien de sa demande d’heures supplémentaires sont dépourvus de pertinence.

Il convient de débouter le salarié de sa demande d’heures supplémentaires et de congés payés afférents. Le jugement sera confirmé sur ces points.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur

Le salarié sollicite la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur en invoquant une exécution déloyale du contrat de travail en raison de divers manquements liés à la comptabilisation du temps de travail, à savoir :

1- l’absence de mise en place d’une feuille de route valide (lieux et horaires de prise de repas rarement renseignés, exécutions de tâches complémentaires ou d’activités annexes non spécifiées et absence de feuilles de route individuelles) ;

2- la comptabilisation de la durée du travail par géolocalisation qui était illicite en ce qu’elle n’était pas indispensable ;

3- l’absence de rémunération à hauteur de sa durée effective de travail, des missions effectuées à hauteur de 20 à 25 minutes par jour n’ayant pas été prises en compte (temps d’habillage et déshabillage sur le lieu de travail, nettoyage du véhicule, prise des documents de travail et remise en début et fin de service, remise du véhicule en début et fin de service) ;

4- le non-paiement de l’intégralité des heures supplémentaires effectuées entre 2014 et 2016 ;

5- le non-respect des repos en contrepartie du travail de nuit effectué ;

6- le non-respect des durées maximales hebdomadaire de 48 heures et quotidienne de 12 heures de travail ;

7- le non-respect des temps de pause ;

8- le non-respect du nombre maximum de week-end travaillés ;

9- le non-paiement de jours fériés travaillés ;

10- le défaut de prise en charge des frais d’entretien des tenues professionnelles ;

11- l’absence de doublement des primes de panier ;

12- des sanctions injustifiées postérieures à la saisine du conseil de prud’hommes.

Il sollicite des dommages et intérêts à hauteur de 20 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l’exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur ainsi qu’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 16 500 euros nets, des indemnités de rupture et un rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire injustifiée dans le cadre de la procédure de licenciement.

La société conclut au débouté des demandes du salarié en faisant valoir qu’elles ne sont pas fondées.

Un salarié est fondé à poursuivre la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur en cas de manquement, par ce dernier, à ses obligations.

Il appartient au juge de rechercher s’il existe à la charge de l’employeur des manquements d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail afin de prononcer cette résiliation, lesquels s’apprécient à la date à laquelle il se prononce.

La date de la résiliation du contrat de travail ne peut être fixée qu’au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n’a pas été rompu avant cette date.

S’agissant du manquement 1, force est de constater l’absence de respect formel par la société des dispositions prévues par l’article 7 de l’accord-cadre du 4 mai 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail des personnels des entreprises de transport sanitaire dans la mesure où d’une part, les feuilles de route quotidiennes ne comportent pas de partie liée à l’exécution de tâches complémentaires ou d’activités annexes et où d’autre part, il n’est pas justifié de la remise de feuilles de route au salarié, étant cependant relevé que l’entreprise justifie que le salarié signait sa feuille de route journalièrement et que le salarié indique qu’un document récapitulatif mensuel relatif au temps de travail lui était remis, ce qui atténue la portée du manquement.

S’agissant du manquement 2, alors que la société justifie de la comptabilisation du temps de travail au moyen de feuilles de routes produites aux débats et indique que les données renseignées sur les feuilles de route étaient confirmées au moyen des données issues d’un système de géolocalisation des ambulances et que ce système n’a jamais été utilisé à des fins de pointage mais permet de répondre en temps réel et d’offrir une lisibilité aux donneurs d’ordre institutionnels que sont les Samu et Aphp ou privés tels les compagnies d’assistance, le manquement n’est pas établi.

S’agissant du manquement 3, le salarié procède par allégations vagues et générales et sans produire aucun élément de fait précis et daté sur les missions non comptabilisées dans le temps de travail qu’il estime avoir réalisées, étant relevé qu’il ressort d’échanges avec l’inspecteur du travail que les temps d’habillage et déshabillage étaient pris en compte à hauteur de dix minutes chacun. Ce manquement n’est pas établi.

S’agissant du manquement 4, il résulte des développements précédents sur les heures supplémentaires que ce manquement n’est pas établi.

S’agissant du manquement 5, le salarié allègue un non-respect des dispositions de l’article 18 de l’accord-cadre du 4 mai 2000 en ce que l’employeur lui aurait attribué une indemnité mensuelle au titre des horaires de nuit sans demande de sa part et ne lui aurait pas attribué de repos spécifique en contrepartie de sa qualité de travailleur de nuit.

Le contrat de travail ne prévoit pas l’affectation exclusive du salarié à des services de nuit et indique que son affectation peut être modifiée à tout moment pour la bonne marche de l’entreprise.

Le repos de 15 % pour les heures d’amplitude entre 22 heures et 5 heures du matin prévu par l’article 18 de l’accord-cadre du 4 mai 2000 sus-mentionné n’est pas applicable à la situation du salarié, ces dispositions étant réservées aux personnels ambulanciers dont le contrat de travail ou un avenant à celui-ci prévoit leur affectation exclusive à des services de nuit, ce qui n’est pas le cas du salarié.

Le salarié entrant dans la catégorie des ‘autres personnels ambulanciers’ prévue par cet article, ses heures d’amplitude entre 22 heures et 5 heures ouvraient droit, sur sa demande, à un repos de 5 % et une partie des repos compensateurs pouvait être transformée en compensation pécuniaire sans que cette transformation puisse avoir pour effet de réduire le temps de repos acquis à moins de 5 %.

La société se borne à indiquer que le salarié ne devait bénéficier que d’un temps de repos de 5 %, qu’il a toujours été rémunéré de ses heures de nuit et qu’il n’a jamais contesté cette absence de repos à hauteur de 5 %.

Ce faisant, la société ne justifiant pas de l’attribution de repos au salarié en contrepartie de son travail de nuit, ce manquement est établi.

S’agissant du manquement 6

Il ressort des développements qui précèdent que le salarié allègue avoir effectué des dépassements de la durée maximale hebdomadaire de travail de 48 heures en se fondant dans son tableau sur l’amplitude horaire et non sur le temps de travail effectif obtenu après application d’un coefficient de pondération ; il ressort du tableau issu des données de l’employeur que la durée maximale hebdomadaire de 48 heures en prenant en compte le temps de travail effectif après pondération n’a pas été dépassée sur la période considérée, ce qui ne permet pas de retenir les dépassements à la durée maximale de travail hebdomadaire allégués.

S’agissant du non-respect des durées maximales de travail quotidien de 12 heures, l’article 2b de l’accord-cadre du 4 mai 2000 prévoit que l’amplitude de la journée de travail des personnels ambulanciers roulants est limitée à 12 heures mais qu’elle peut excéder cette durée dans la limite maximale de 15 heures en raison du caractère imprévisible de l’activité et afin d’être en mesure de répondre à certaines demandes de missions sanitaires comme d’accomplir la mission à son terme et dans la limite d’une fois par semaine en moyenne excepté pour les activités saisonnières comme pour des rapatriements sanitaires pour les compagnies d’assurance ou d’assistance, situations dans lesquelles cette limite est portée à 75 fois par année civile.

Il ressort des décomptes mensuels établis par l’employeur que la limite de 12 heures d’amplitude de la journée de travail du salarié a été dépassée 59 fois entre le 1er août et le 31 décembre 2014 et 14 fois sur les années 2014 et 2015 sans que la société justifie que ces dépassements sont intervenus ‘afin d’être en mesure de répondre à certaines demandes de missions sanitaires comme d’accomplir la mission à son terme et dans la limite d’une fois par semaine en moyenne excepté pour les activités saisonnières comme pour des rapatriements sanitaires pour les compagnies d’assurance ou d’assistance, situations dans lesquelles cette limite est portée à 75 fois par année civile’. Ce manquement est établi.

S’agissant du manquement 7, force est de constater qu’alors que la preuve lui en incombe, la société ne justifie pas que le salarié a été mis en mesure de prendre ses temps de pause pendant toute la période considérée, les décomptes de la société n’étant pas systématiquement renseignés s’agissant des temps de pause sur la période considérée, peu importe que ce soit le salarié qui n’ait pas renseigné ces données. Ce manquement est établi.

S’agissant du manquement 8

L’article 4 de l’accord-cadre du 4 mai 2000 prévoit qu’au cours d’un mois, tout salarié doit bénéficier d’au moins deux repos hebdomadaires de 48 heures consécutives (samedi / dimanche).

Il ressort du décompte des week-ends travaillés issu des données de l’employeur produit par le salarié que celui-ci a travaillé trois week-ends pour chacun des mois suivants :

– août; septembre, octobre, novembre et décembre 2013 ;

– janvier, mars, avril, août, septembre, novembre, décembre 2014 ;

– février, mars, avril, mai, juillet, septembre, octobre, novembre et décembre 2015 ;

– janvier, février, mars, avril, mai, juillet, septembre, octobre, novembre et décembre 2016 ;

– février, mars, avril et mai 2017.

La société oppose l’article 3 du contrat de travail stipulant qu’elle pourra, comme prévu par les dispositions conventionnelles, déroger aux dispositions conventionnelles en cas de nécessité impérieuse ou lors d’une forte saisonnalité de l’exploitation notamment durant les périodes de congés du 1er mai au 30 septembre de chaque année.

Toutefois, force est de constater que la société ne justifie pas des nécessités impérieuses qui l’ont conduite à déroger systématiquement aux dispositions conventionnelles sur la période considérée, et notamment en dehors des périodes de mai à septembre de chaque année.

Le manquement est établi.

S’agissant du manquement 9, l’arrêt de la cour de cassation n’a pas cassé et annulé les dispositions de l’arrêt du 5 mars 2020 ayant statué sur ce chef. Ces dispositions subsistent.

S’agissant du manquement 10, alors que le port d’une tenue est obligatoire dans l’entreprise et est inhérent à l’emploi du salarié, ce dont il s’ensuit que l’employeur doit assumer la charge de son entretien, celui-ci justifie avoir satisfait à son obligation en mettant à disposition du salarié une machine à laver et un sèche-linge dans l’entreprise et à compter de 2015 en versant une prime de salissure de 0,50 euros par jour de travail et en octroyant des sacs hydrosolubles permettant la désinfection du linge sans contact avec les autres linges. Ce manquement n’est pas établi.

S’agissant du manquement 11, le salarié percevait des indemnités de repas unique et sollicite un doublement de l’indemnité de repas sur le fondement des dispositions du protocole du 30 avril 1974 relatif aux frais de déplacement dans les transports sanitaires, notamment de l’article 7 prévoyant que le personnel ouvrier dont l’amplitude de la journée de travail couvre entièrement la période comprise soit entre 11 heures et 14 heures 30, soit entre 18 heures 30 et 22 heures, perçoit une indemnité spéciale, sous réserve de ne pas disposer d’une coupure d’au moins une heure entre les limites horaires fixées ci-dessus.

Toutefois, il ne ressort pas des feuilles d’heures du salarié que celui-ci débutait son travail à 18h30, l’heure de début de travail étant mentionnée à 19 heures, de sorte que, ne couvrant pas entièrement la période visée par le texte sus-mentionné, le salarié n’était pas éligible à l’indemnité qu’il revendique. Le manquement n’est pas établi.

S’agissant du manquement 12, le salarié indique avoir reçu des courriers de rappels à l’ordre et de sanctions à partir de 2015 sans les préciser, en se contentant de renvoyer de manière générale à ses pièces sans préciser en quoi ceux-ci étaient injustifiés, tout en écrivant qu’il ‘ne prétend pas avoir été un salarié irréprochable’. A défaut pour le salarié d’articuler des faits précis au soutien de son allégation formulée de manière générale, ce manquement ne peut être tenu pour établi.

Il ressort de tout ce qui précède que sont établis les manquements relatifs à l’absence de mise en place d’une feuille de route valide, le non-respect des repos en contrepartie du travail de nuit effectué, le non-respect de la durée maximale quotidienne de 12 heures de travail, le non-respect des temps de pause et le non-respect du nombre maximum de week-end travaillés.

Ces manquements qui touchent à la durée du travail et au droit au repos du salarié (pas de repos suite au travail de nuit, travail dans des conditions irrégulières de nombreux week-end jusqu’en mai 2017, dépassements d’amplitudes de travail journalier de 12 heures réguliers jusqu’en 2015) présentent une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail.

La résiliation judiciaire du contrat de travail sera prononcée aux torts de l’employeur à la date du 13 juillet 2017, date du licenciement.

Le salarié a par conséquent droit à une indemnité compensatrice de préavis qui sera fixée à 4 127,80 euros, à une indemnité compensatrice de congés payés incidents qui sera fixée à 412,78 euros, à une indemnité légale de licenciement qui sera fixée à 1 616,72 euros, à un rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire injustifiée à hauteur de 1 769,23 euros et à une indemnité compensatrice de congés payés incidents de 176,92 euros, dont les montants ne sont pas discutés. La société sera condamnée au paiement des sommes sus-mentionnées.

En application de l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, le salarié a droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure à six mois de salaire.

Eu égard à son âge (né en 1985), à son ancienneté (trois années complètes), à son salaire de référence (2 063,90 euros), à sa situation au regard de l’emploi postérieure au licenciement (prise d’un nouvel emploi en contrat à durée indéterminée du 7 mai 2018), il sera alloué au salarié à la charge de l’employeur une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un montant de 12 500 euros nets.

Le jugement sera infirmé sur tous ces points.

Le salarié sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail alors que celui-ci invoque les mêmes faits au soutien de cette demande que ceux invoqués au soutien de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et ne justifie pas d’un préjudice distinct qui n’aurait pas été réparé par l’indemnisation octroyée au titre de la rupture du contrat de travail.

Sur les intérêts au taux légal et leur capitalisation

Il y a lieu de rappeler que les créances de nature salariale portent intérêts légaux à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes et les créances de nature indemnitaire à compter du présent arrêt.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil.

Sur l’application de l’article L. 1235-4 du code du travail

En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d’ordonner le remboursement par la société aux organismes concernés, des indemnités de chômage qu’ils ont versées au salarié du jour de son licenciement au jour de l’arrêt et ce, dans la limite de six mois d’indemnités.

Sur la demande de fixation de la moyenne des salaires

Cette demande sera rejetée comme étant sans objet dès lors qu’il n’y a pas lieu à exécution provisoire devant la cour et que l’article R. 1454-28 du code du travail imposant au juge de fixer la moyenne des salaires n’est donc pas applicable.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Eu égard à la solution du litige, le jugement sera infirmé en ce qu’il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à payer au salarié la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire, sur renvoi après cassation et dans les limites de celle-ci,

INFIRME le jugement en ce qu’il déboute [G] [F] de ses demandes de résiliation judiciaire du contrat de travail, d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, d’indemnité légale de lienciement, de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et congés payés afférents, d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu’il statue sur les intérêts, la capitalisation, les dépens et les frais irrépétibles,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société ambulances chesnaysiennes Sanitran (Jussieu Secours) à la date du 13 juillet 2017,

CONDAMNE la société ambulances chesnaysiennes Sanitran (Jussieu Secours) à payer à [G] [F] les sommes suivantes :

* 1 616,72 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

* 4 127,80 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 412,78 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés incidents,

* 1 769,23 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

* 176,92 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés incidents,

* 12 500 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

RAPPELLE que les créances de nature salariale portent intérêts légaux à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes et les créances de nature indemnitaire à compter du présent arrêt,

ORDONNE la capitalisation des intérêts,

ORDONNE le remboursement par la société ambulances chesnaysiennes Sanitran (Jussieu Secours) aux organismes concernés, des indemnités de chômage qu’ils ont versées à [G] [F] du jour de son licenciement au jour de l’arrêt et ce, dans la limite de six mois d’indemnités,

CONFIRME le jugement pour le surplus des dispositions,

CONDAMNE la société ambulances chesnaysiennes Sanitran (Jussieu Secours) aux entiers dépens,

CONDAMNE la société ambulances chesnaysiennes Sanitran (Jussieu Secours) à payer à [G] [F] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties des autres demandes,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,

 


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