Your cart is currently empty!
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre sociale
ARRET DU 19 AVRIL 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 19/07742 – N° Portalis DBVK-V-B7D-ONKJ
ARRET N°
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 NOVEMBRE 2019
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER – N° RG F 18/00504
APPELANT :
Monsieur [F] [R]
né le 23 Juillet 1986 à [Localité 7] (83)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Yannick MAMODABASSE, avocat au barreau de MONTPELLIER
(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2019/019158 du 18/12/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de MONTPELLIER)
INTIMEES :
SASU SNM
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Philippe GARCIA de la SELARL CAPSTAN – PYTHEAS, substitué par Me Jade ROUET, avocats au barreau de MONTPELLIER
SASU PHEOLIA
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Philippe GARCIA de la SELARL CAPSTAN – PYTHEAS, substitué par Me Jade ROUET, avocats au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 02 Février 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 FEVRIER 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
Madame Véronique DUCHARNE, Conseiller
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.
*
* *
EXPOSÉ DU LITIGE
La SASU SNM a embauché M. [F] [R] à compter du 18 avril 2017 suivant contrat de travail à durée indéterminée du 14 avril 2017, en qualité de chauffeur-livreur.
Les relations contractuelles des parties sont régies par les dispositions de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport.
L’employeur a mis à pied le salarié à titre disciplinaire suivant lettre du 23 octobre 2017 ainsi rédigée :
« Nous avons eu à déplorer de votre part une conduite fautive, C’est pourquoi nous vous avons convoqué à un entretien avec votre directrice, Mme [N] [G], qui s’est tenu le 18/10/2017 en nos bureaux de [Localité 6], afin de recueillir vos explications. En effet, nous avons constaté les faits suivants :
‘ Le 23/08/2017, vous avez percuté, en marche arrière, un véhicule d’un autre usager de la route. Cet accident a fait l’objet d’un constat, vous avez été désigné responsable.
‘ Le 22/09/2017, vous avez expliqué avoir pris un trottoir lors de votre tournée. Vous avez éclaté le pneu et nous avons dû procéder au changement du matériel.
‘ Le 29/09/2017, vous avez expliqué le soir en rentrant de votre tournée que vous aviez abîmé le véhicule, seul. En effet l’aile gauche était enfoncée et le phare arrière gauche cassé.
‘ Le 05/10, nous avons reçu une réclamation d’un client de votre tournée : « je tiens à signaler que votre livreur a été plus que désagréable. Non seulement il ose m’engueuler car je ne suis pas chez moi mais au travail, et qu’il n’a pas que ça à foutre d’attendre 5mn pour que mon conjoint le rejoigne en bas de l’appartement pour réceptionner le colis. Une fois que mon conjoint l’a rejoint, le livreur a été agressif et grossier. Ces mots : je n’en ai rien à foutre de ta vie, fils de pute, rentre chez toi.
Votre conduite est inacceptable et compromet gravement la bonne marche de l’entreprise et de l’image que nous donnons à nos clients. Les explications que vous nous avez fournies au cours de l’entretien n’ont pas modifié notre appréciation des faits. C’est pourquoi nous vous infligeons par la présente une mise pied disciplinaire de deux jours avec retenue correspondante sur votre salaire. Cette sanction prendra effet à compter du lundi 30/10/2017. Vous reprendrez donc votre travail le mercredi 03/03/2016 [sic]. Nous espérons vivement que vous saurez tenir compte de cette sanction. En effet, à défaut et si de tels incidents venaient à se reproduire, nous nous verrions contraints d’envisager à votre égard une sanction pouvant aller jusqu’à la rupture de votre contrat de travail. »
Suivra un avenant au contrat de travail du 12 décembre 2017 signé par M. [F] [R] et la SASU PHEOLIA, celle-ci reprenait à compter du 1er janvier 2018 le contrat de travail, maintenant l’ancienneté du salarié au 18 avril 2017 ainsi que ses conditions de travail initiales. Le salarié ne quittait pas son poste de travail.
Le salarié a été licencié pour faute grave par son nouvel employeur suivant lettre du 9 mars 2018 ainsi rédigée :
« Vous avez été reçu en entretien le 2 mars 2018 en vue d’un éventuel licenciement pour faute grave à la suite d’une convocation du 20 février 2018. Les explications que vous avez apportées aux faits qui vous ont été exposés ne nous ont pas permis d’en modifier notre appréciation, ce qui nous conduit à vous notifier votre licenciement pour faute grave, sans préavis ni indemnité pour les motifs suivants : Vous avez été embauché en qualité de chauffeur-livreur le 18 avril 2017, et depuis vous avez eu quatre sinistres responsables en moins d’un an. Nous avons dû vous notifier une mise à pied disciplinaire de 2 jours le 23 octobre 2017 pour 3 accrochages consécutifs le 23 août, le 22 septembre et le 29 septembre, à chaque fois seul, c’est-à-dire unique responsable. Cette même mise à pied était également justifiée par le comportement injurieux et agressif à l’égard d’un client le 5 octobre. Le 8 février 2018, vous avez accroché un véhicule en stationnement en perdant, selon le constat que vous avez vous-même établi, le contrôle de votre véhicule dans un virage sur une route cabossée. Cet accrochage a entraîné des dégâts matériels sur votre véhicule et sur le véhicule en stationnement, ce qui constitue votre quatrième accrochage responsable. Lors de l’entretien, vous avez reconnu que vous rouliez « peut-être un peu vite », mais que la toute était cabossée, Or, il vous appartient en tant que professionnel d’une part de respecter les limitations de vitesse, et d’autre part d’adapter en permanence cette vitesse aux circonstances, ce que vous n’avez manifestement pas fait. L’état de la route ne peut donc en aucun cas constituer une circonstance de nature à atténuer votre faute. Ce licenciement prend effet immédiatement, au jour de l’envoi de la présente lettre. Vous bénéficiez du maintien des garanties prévoyance et santé applicables aux salariés de l’entreprise, sous réserve d’être pris en charge par le régime d’assurance chômage dans les conditions prévues à l’article L. 911-8 du code de la sécurité sociale. Nous vous adresserons par courrier séparé vos documents de fin de contrat et votre solde de tout compte. »
Sollicitant notamment le paiement d’heures supplémentaires et contestant le transfert de son contrat de travail ainsi que son licenciement pour faute grave, M. [F] [R] a saisi le 26 mai 2018 le conseil de prud’hommes de Montpellier, section commerce, lequel, par jugement rendu le 6 novembre 2019, a :
pour la SASU SNM,
débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale d’embauche ;
débouté le salarié de sa demande d’heures supplémentaires et de sa demande d’indemnité au titre de congés payés y afférents ;
débouté le salarié de sa demande d’indemnité au titre de la contrepartie obligatoire en repos et de sa demande d’indemnité au titre des congés payés y afférents ;
dit qu’il n’y a pas de travail dissimulé ;
débouté le salarié de sa demande d’indemnité pour le non-respect des durées maximales journalières et hebdomadaires de travail ;
débouté le salarié de sa demande d’annulation de la mise à pied disciplinaire de deux jours ;
dit que le transfert de contrat est régulier ;
débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier, d’indemnité légale de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis et d’indemnité au titre des congés payés y afférents ;
pour la société SASU PHEOLIA,
débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour défaut de visite médicale d’embauche ;
débouté le salarié de sa demande d’heures supplémentaires et de sa demande d’indemnité au titre des congés payés y afférents ;
dit qu’il n’y a pas de travail dissimulé ;
débouté le salarié de sa demande d’indemnité pour non-respect des durées maximales journalières et hebdomadaires de travail ;
débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité compensatrice de préavis, et d’indemnité au titre des congés payés y afférents ;
débouté les parties de leur demande d’article 700 du code de procédure civile ;
débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire ;
condamné le salarié aux dépens de l’instance.
Cette décision a été notifiée le 8 novembre 2019 à M. [F] [R] qui en a interjeté appel suivant déclaration du 2 décembre 2019.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 2 février 2023.
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 12 décembre 2021 aux termes desquelles M. [F] [R] demande à la cour de :
infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamné aux entiers dépens de l’instance et l’a débouté de l’ensemble de ses demandes ;
sur les demandes formulées à l’encontre de la SASU SNM,
annuler la mise à pied disciplinaire de deux jours ;
dire que le contrat de travail conclu avec la SASU SNM n’a pas été régulièrement transféré à la SASU PHEOLIA à défaut de convention de transfert tripartite ;
dire que les dispositions de l’article L. 1235-3 tel que modifié par l’article 2 de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 sont contraires aux dispositions de la charte sociale européenne et doivent donc être écartées de l’ordonnancement juridique ainsi que du présent litige ;
condamner la SASU SNM à lui payer les somme suivantes :
‘ 1 000,00 € nets à titre de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale d’embauche ;
‘ 3 581,40 € bruts à titre de rappel d’heures supplémentaires ;
‘ 358,14 € bruts au titre des congés payés y afférents ;
‘ 2 635,20 € nets au titre de la contrepartie obligatoire en repos liée aux heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel ;
‘ 263,52 € nets au titre des congés payés y afférents ;
’14 336,56 € nets à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
‘ 1 000,00 € nets à titre de dommages et intérêts pour non-respect des durées maximales journalières et hebdomadaires de travail ;
‘ 111,21 € bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire de deux jours ;
‘ 11,12 € bruts au titre des congés payés y afférents ;
‘ 1 000,00 € nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;
’10 000,00 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
‘ 2 557,41 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier ;
‘ 639,35 € nets à titre d’indemnité légale de licenciement ;
‘ 2 557,41 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
‘ 255,74 € bruts au titre des congés payés y afférents ;
sur les demandes formulées à l’encontre de la SASU PHEOLIA,
dire que le licenciement pour faute grave est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
dire que les dispositions de l’article L. 1235-3 tel que modifié par l’article 2 de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 sont contraires aux dispositions de la charte sociale européenne et doivent donc être écartées de l’ordonnancement juridique ainsi que du présent litige ;
condamner la SASU PHEOLIA à lui payer les sommes suivantes :
‘ 1 000,00 € nets à titre de dommages-intérêts pour défaut de visite médicale d’embauche ;
‘ 564,88 € bruts à titre de rappel d’heures supplémentaires ;
‘ 56,49 € bruts au titre des congés payés y afférents ;
’11 476,92 € nets à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
‘ 1 000,00 € nets à titre de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales journalières et hebdomadaires de travail ;
’10 000,00 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
‘ 2 113,11 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
‘ 211,31 € bruts au titre des congés payés y afférents ;
sur la délivrance de bulletins de paie et des documents de fin de contrat conformes,
ordonner à la SASU SNM et à la SASU PHEOLIA de lui délivrer des bulletins de paie, un certificat de travail, ainsi qu’une attestation Pôle Emploi conformes à la décision, sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la notification de la décision, la cour se réservant expressément le droit de liquider l’astreinte ;
sur la régularisation de sa situation auprès des organismes sociaux,
ordonner à la SASU SNM et la SASU PHEOLIA de régulariser sa situation conformément à la décision auprès des organismes sociaux compétents sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la notification de la décision, la cour se réservant expressément le droit de liquider l’astreinte,
sur les frais irrépétibles et les dépens,
condamner la SASU SNM et la SASU PHEOLIA à la somme de 2 500 € au titre des frais irrépétibles ;
condamner la SASU SNM et la SASU PHEOLIA aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 9 mars 2020 aux termes desquelles la SASU SNM et la SASU PHEOLIA demandent à la cour de :
à titre principal,
confirmer le jugement entrepris ;
débouter le salarié de l’ensemble de ses demandes à l’encontre des sociétés SNM et PHEOLIA ;
à titre subsidiaire,
limiter l’indemnisation en application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail ;
en tout état de cause,
condamner le salarié à régler respectivement aux sociétés SNM et PHEOLIA la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur le changement d’employeur
Il est constant que le salarié, tout en restant à son poste de travail, a changé d’employeur au 1er janvier 2018, modification formalisée par un document intitulé « avenant au contrat de travail » daté du 12 décembre 2017 conclu entre le nouvel employeur et le salarié. Ce dernier demande à la cour d’analyser le changement d’employeur en un licenciement sans cause réelle et sérieuse suivi d’une embauche en application des dispositions de l’article 1216 du code civil qui imposent que la cession de contrat soit constatée par écrit à peine de nullité. Il reproche ainsi au premier employeur de ne pas avoir formalisé de convention tripartite de transfert du contrat de travail.
Les intimées répondent qu’elles appartiennent au même groupe et que tant le contrat de travail initial que l’avenant ont été signés par la même personne les représentant toutes deux, Mme [N] [G], et qu’ainsi il est suffisamment établi que le premier employeur a consenti à la cession du contrat de travail, tout comme le salarié qui a signé un avenant à son contrat initial en ce sens avec le deuxième employeur.
La cour retient qu’en application des dispositions de l’article 1105 du code civil, les législations spéciales priment la législation générale et que dès lors que le transfert du contrat de travail se trouve organisé tant par les dispositions d’ordre public du code du travail que par la directive n° 77/187CEE en date du 14 février 1977, révisée par la directive n° 98/50 du Conseil en date du 29 juin 1998 puis encore modifiée par la directive n° 2001/23/CE du Conseil en date du 12 mars 2001, il n’y a pas lieu de lui appliquer le formalisme prévu ad validitatem par l’article 1216 du code civil et pas plus les dispositions de l’article 1216-1 qui permettrait au salarié de délier ou pas le premier employeur d’une obligation solidairement à la poursuite de l’exécution du contrat de travail.
Ainsi, le transfert du contrat de travail d’un salarié d’une entreprise à une autre constitue une modification de ce contrat qui ne peut intervenir sans son accord exprès, lequel ne peut résulter de la seule poursuite du travail. À défaut d’accord exprès, le salarié est en droit de considérer que son contrat est maintenu avec le sortant. Il peut prendre acte de la rupture du contrat aux torts du cédant qui refuserait d’assurer son maintien, cette rupture produit alors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’obligation de recueillir l’accord exprès étant prévue dans le seul intérêt du salarié, sa méconnaissance ne peut être invoquée que par celui-ci, et non par le repreneur à l’encontre du salarié afin de se dégager de ses obligations.
Ces considérations propres au droit du travail se substituent dans l’intérêt du salarié au formalisme des articles 1216 et 1216-1 du code civil.
Dès lors, il convient de retenir qu’en l’espèce le premier employeur a bien consenti tacitement à la cession du contrat de travail et que celle-ci n’encourt aucune critique dès lors que le salarié y a explicitement consenti préalablement par écrit sans que se trouvent modifiées ni ses conditions de travail ni son ancienneté et sa rémunération et alors même qu’il restait à son poste de travail dans le même groupe d’entreprises.
En conséquence, le salarié sera débouté de ses demandes relatives à un licenciement qui serait intervenu au 1er janvier 2018, indemnité compensatrice de préavis, indemnité légale de licenciement, dommages et intérêts pour licenciement irrégulier et dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
2/ Sur les demandes formées à l’encontre du premier employeur
2-1/ Sur la visite médicale d’embauche
Le salarié reproche à l’employeur de ne pas avoir organisé de visite médicale d’embauche et il sollicite de ce chef la somme de 1 000 € nets à titre de dommages et intérêts
L’employeur répond que la visite médicale d’embauche a été supprimée à compter du 1er janvier 2016 par les dispositions de la loi du 8 août 2016.
La cour retient que l’article R. 4624-10 du code du travail dispose dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er janvier 2017 que :
« Tout travailleur bénéficie d’une visite d’information et de prévention, réalisée par l’un des professionnels de santé mentionnés au premier alinéa de l’article L. 4624-1 dans un délai qui n’excède pas trois mois à compter de la prise effective du poste de travail. »
En l’espèce l’employeur ne justifie pas avoir soumis le salarié à une visite d’information et de prévention dans le délai de trois mois à compter de sa prise de poste, mais le salarié n’explicite ni ne justifie le préjudice que lui aurait causé ce manquement. Dès lors, il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts de chef.
2-2/ Sur les heures supplémentaires
En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Le salarié soutient que du 1er juin 2017 au 15 septembre 2017 et du 1er octobre 2017 au 1e janvier 2018 il débutait sa prestation de travail à 6 heures du matin afin de trier les bons de livraison, scanner les colis et les charger dans les camions avant de débuter sa tournée vers 8 heures.
Le salarié affirme qu’il a réalisé du 17 avril 2017 au 31 décembre 2017 400 heures supplémentaires, soit 219 heures majorées de 25 % pour 2 671,80 € et 181 heures majorés de 50 % pour 2 649,84 € et qu’il aurait dû percevoir ainsi la somme de 5 321,64 € bruts alors qu’il ne lui a été réglé que la somme de 1 740,24 € bruts. Aussi réclame-t-il la différence, soit la somme de 3 581,40 € bruts, à titre de rappel d’heures supplémentaires ainsi que celle de 358,14 € bruts au titre des congés payés y afférents.
Le salarié produit à l’appui de ses demandes les attestations de deux collègues de travail MM [K] et [T] ainsi que des feuilles manuscrites précisant pour chaque jour la durée du travail sans indication de l’heure d’embauche ni de fin du travail.
Au vu de l’ensemble de ces pièces la cour retient qu’il appartient à l’employeur de répondre utilement en produisant ses propres éléments.
L’employeur répond qu’il disposait d’un boîtier électronique dont il produit des extraits afin de montrer que sur certains jours les demandes du salarié sont abusives. Il explique avoir fait le choix de procéder à un sondage par échantillon compte tenu de la lourdeur des fichiers.
La cour retient qu’il appartient à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, de livrer à la cour un état complet du temps de travail mesuré dès lors que, comme en l’espèce, il reconnaît disposer d’un dispositif d’enregistrement automatique et qu’il ne peut se contenter de procéder par sondage.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, des témoignages produits par le salarié, ainsi que des contrôles par échantillons réalisés par l’employeur, la cour évalue les heures supplémentaires à 219 heures majorées de 25 % pour un montant de 2 671,80 € dont il convient de déduire la somme déjà réglée de 1 740,24 € bruts. Il sera dès lors alloué au salarié la somme de 931,56 € bruts à titre de rappel d’heures supplémentaires outre celle de 93,16 € bruts au titre des congés payés y afférents.
2-3/ Sur la contrepartie en repos
Le salarié reproche à l’employeur d’avoir dépassé le contingent annuel d’heures supplémentaires fixé à 130 heures par l’article 12 de la convention collective et il sollicite en conséquence la somme de 9,76 € x 270 heures = 2 635,20 € nets au titre de la contrepartie obligatoire en repos liée aux heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel outre celle de 263,52 € nets à titre des congés payés y afférents.
Comme il a été établi au point précédent, le salarié a effectué 219 heures supplémentaires et ainsi il n’a dépassé le contingent conventionnel que de 89 heures. Il lui sera dès lors alloué la somme de 9,76 € x 89 heures = 868,64 € qui sera augmentée de celle de 86,86 € au titre des congés payés y afférents, soit la somme totale de 955,50 € à titre de dommages et intérêts pour absence de contrepartie obligatoire en repos.
2-4/ Sur le travail dissimulé
Le salarié sollicite la somme de 14 336,56 € nets à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, mais il n’apparaît pas au vu des éléments déjà discutés que l’employeur ait intentionnellement dissimulé les heures de travail accomplies par le salarié. Dès lors ce dernier sera débouté de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé formée en application de l’article L. 8223-1 du code du travail.
2-5/ Sur la durée maximale du travail
Le salarié soutient qu’il était contraint de travailler plus de 10 heures par jour et plus de 48 heures par semaine et il réclame la somme de 1 000 € nets à titre de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales journalières et hebdomadaires de travail.
L’employeur conteste cette demande en produisant les attestations de M. [I], collègue du salarié, et de M. [H] son chef d’équipe.
Au vu des heures supplémentaires retenues, il n’apparaît pas que la durée du travail ait excédé 10 heures par jour ni 48 heures par semaine. Dès lors, le salarié sera débouté de sa demande de dommages et intérêts formée de ce chef.
2-6/ Sur la mise à pied disciplinaire
Le salarié demande à la cour d’annuler la mise à pied disciplinaire de deux jours prononcée le 23 octobre 2017 et il sollicite la somme de 111,21 € bruts à titre de rappel de salaire outre celle de 11,12 € bruts au titre des congés payés y afférents et encore celle de 1 000 € nets à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.
Le salarié fait valoir que l’employeur ne justifie pas de dépôt au greffe du conseil de prud’hommes du règlement intérieur ni de son dépôt auprès de l’administration.
La cour retient qu’une sanction disciplinaire autre que le licenciement ne peut être prononcée contre un salarié par un employeur employant habituellement au moins vingt salariés, au temps du litige, que si elle est prévue par le règlement intérieur prescrit par l’article L. 1311-2 du code du travail et que le règlement intérieur ne peut être opposé au salarié que si l’employeur justifie d’avoir accompli les diligences prévues par les articles R. 1321-2 et R. 1321-4 du code du travail lesquelles constituent des formalités substantielles protectrices de l’intérêt des salariés.
L’employeur ne justifiant pas de l’accomplissement des formalités précitées, qui sont simplement relatées au règlement intérieur, il convient d’annuler la mise à pied disciplinaire et d’allouer au salarié la somme de 111,21 € bruts à titre de rappel de salaire outre celle de 11,12 € bruts au titre des congés payés y afférents.
Le préjudice moral du salarié causé par la sanction annulée sera réparé par l’allocation de la somme de 200 € à titre de dommages et intérêts.
3/ Sur les demandes formées à l’encontre de second employeur
3-1/ Sur la visite médicale d’embauche
Le salarié reproche à l’employeur de ne pas avoir organisé de visite médicale d’embauche et il sollicite de ce chef la somme de 1 000 € nets à titre de dommages et intérêts.
L’employeur répond que la visite médicale d’embauche a été supprimée à compter du 1er janvier 2016 par les dispositions de la loi du 8 août 2016.
La cour retient comme précédemment que l’article R. 4624-10 du code du travail dispose dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er janvier 2017 que :
« Tout travailleur bénéficie d’une visite d’information et de prévention, réalisée par l’un des professionnels de santé mentionnés au premier alinéa de l’article L. 4624-1 dans un délai qui n’excède pas trois mois à compter de la prise effective du poste de travail. »
En l’espèce le licenciement du salarié a été prononcé moins de trois mois à compter du transfert du contrat de travail. Le nouvel employeur n’a donc pas manqué à son obligation de soumettre le salarié à une visite d’information et de prévention. Dès lors, ce dernier sera débouté de sa demande de dommages et intérêts de chef.
3-2/ Sur les heures supplémentaires
Le salarié expose qu’il débutait son travail au quai de chargement à 6 heures avant d’entamer sa tournée vers 8 heures et qu’ainsi il a accompli du 1er janvier 2018 au 28 février 2018 50 heures supplémentaires majorées de 25 % pour un montant de 617,50 € et 32 heures majorées de 50 % pour une somme de 474,24 €, soit un total de 82 heures supplémentaires et qu’il aurait dû ainsi percevoir la somme de 1 091,74 € bruts alors qu’il ne lui a été réglé que la somme de 526,86 € au titre des heures supplémentaire. Aussi réclame-t-il la différence soit la somme de 564,88 € bruts à titre de rappel d’heures supplémentaires et celle de 56,49 € bruts au titre des congés payés y afférents.
Le salarié produit à l’appui de ses demandes les attestations de deux collègues de travail MM [K] et [T] ainsi que des feuilles manuscrites précisant pour chaque jour la durée du travail sans indication de l’heure d’embauche ni de fin du travail.
Au vu de l’ensemble de ces pièces la cour retient qu’il appartient à l’employeur de répondre utilement en produisant ses propres éléments.
L’employeur répond qu’il disposait d’un boîtier électronique dont il produit des extraits afin de montrer que sur certains jours les demandes du salarié sont abusives. Il explique avoir fait le choix de procéder à un sondage par échantillon compte tenu de la lourdeur des fichiers.
La cour retient qu’il appartient à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, de livrer à la cour un état complet du temps de travail mesuré dès lors que, comme en l’espèce, il reconnaît disposer d’un dispositif d’enregistrement automatique et qu’il ne peut se contenter de procéder alors par sondage.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, des témoignages produits par le salarié, ainsi que des contrôles par échantillons réalisés par l’employeur, la cour évalue les heures supplémentaires à 50 heures majorées de 25 % pour un montant de 617,50 € bruts dont il convient de déduire la somme déjà réglée de 526,86 € bruts. Il sera dès lors alloué au salarié la somme de 90,64 € bruts à titre de rappel d’heures supplémentaires outre celle de 9,06 € bruts au titre des congés payés y afférents.
3-3/ Sur le travail dissimulé
Le salarié réclame la somme de 11 476,92 € nets à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, mais il n’apparaît pas au vu des éléments déjà discutés que l’employeur ait intentionnellement dissimulé les heures de travail accomplies par le salarié. Dès lors ce dernier sera débouté de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé formée en application des dispositions de l’article L. 8223-1 du code du travail.
3-4/ Sur les durées maximales de travail
Le salarié soutient qu’il était contraint de travailler plus de 10 heures par jour et plus de 48 heures par semaine et il réclame la somme de 1 000 € nets à titre de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales journalières et hebdomadaires de travail.
L’employeur conteste cette demande en produisant les attestations de M. [I], collègue du salarié, et de M. [H], son chef d’équipe.
Au vu des heures supplémentaires retenues, il n’apparaît pas que la durée du travail ait excédé 10 heures par jour ni 48 heures par semaine. Dès lors, le salarié sera débouté de sa demande de dommages et intérêts formée de ce chef.
3-5/ Sur le licenciement
Il appartient à l’employeur qui invoque une faute grave au soutien d’une mesure de licenciement de rapporter la preuve des faits énoncés à la lettre de licenciement qui s’opposent à la poursuite de la relation contractuelle.
L’employeur reproche au salarié d’avoir accroché un véhicule en stationnement avec son camion le 8 février 2018 alors qu’il avait déjà provoqué 3 accidents sans tiers responsable.
Mais il n’apparaît qu’en présence d’un transfert volontaire du contrat de travail, le nouvel employeur puisse prendre en compte la manière de servir du salarié lors de l’exécution du contrat précédent pour justifier une sanction disciplinaire et moins encore une sanction disciplinaire annulée.
Dès lors, un seul accident matériel causé par une allure inadaptée à la déformation de la chaussée ne constitue, pour un chauffeur livreur, à lui seul, ni une faute grave ni une cause réelle et sérieuse de licenciement. En conséquence, le licenciement prononcé le 9 mars 2018 se trouve dénué de cause réelle et sérieuse.
3-6/ Sur l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents
Le salarié sollicite la somme de 2 113,11 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis d’un mois outre celle de 211,31 € bruts au titre des congés payés y afférents.
L’employeur ne discute pas les montants sollicités qui apparaissent fondés et qui seront dès lors alloués au salarié.
3-7/ Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Le salarié était âgé de 31 ans au temps du licenciement, il bénéficiait d’une ancienneté de 11 mois et il justifie avoir perçu 261 allocations journalières d’aide au retour à l’emploi jusqu’au 28 février 2019.
L’employeur soutient que les dommages et intérêts ne peuvent excéder 2 mois de salaire reconnaissant au salarié une ancienneté d’un an pour l’application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail.
La cour retient que l’employeur est libre de reconnaître au salarié une ancienneté supérieure à celle effectivement accomplie dans l’entreprise. En l’espèce, l’employeur reconnaît au salarié une ancienneté d’un an en dernière page de ses écritures.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, l’entier préjudice souffert par le salarié du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse sera réparé par l’allocation d’une somme équivalente à deux mois de salaire, soit 2 113,11 € x 2 = 4 226,22 € à titre de dommages et intérêts.
Cette somme n’excédant pas le barème figurant à l’article L. 1235-3 du code du travail, il n’y a pas lieu de s’interroger sur la conformité de ce dernier aux dispositions de la charte sociale européenne.
4/ Sur les autres demandes
Les employeurs remettront au salarié, chacun pour ce qui le concerne, des bulletins de paie, un certificat de travail, ainsi qu’une attestation Pôle Emploi conformes à l’arrêt sans qu’il soit besoin de prononcer une mesure d’astreinte.
Les employeurs régulariseront la situation du salarié auprès des organismes sociaux compétents sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette obligation d’une mesure d’astreinte.
La SASU SNM et la SASU PHEOLIA verseront chacune au salarié une somme de 750 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La SASU SNM et la SASU PHEOLIA supporteront in solidum la charge des dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a :
concernant la SASU SNM,
débouté M. [F] [R] de sa demande de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale d’embauche ;
dit qu’il n’y a pas de travail dissimulé ;
débouté M. [F] [R] de sa demande d’indemnité pour le non-respect des durées maximales journalières et hebdomadaires de travail ;
dit que le transfert de contrat est régulier ;
débouté M. [F] [R] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
débouté M. [F] [R] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier, d’indemnité légale de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis et d’indemnité au titre des congés payés y afférents.
concernant la SASU PHEOLIA,
débouté M. [F] [R] de sa demande de dommages-intérêts pour défaut de visite médicale d’embauche ;
dit qu’il n’y a pas de travail dissimulé ;
débouté M. [F] [R] de sa demande d’indemnité pour le non-respect des durées maximales journalières et hebdomadaire de travail.
L’infirme pour le surplus.
Statuant à nouveau,
Annule la mise à pied disciplinaire prononcée le 23 octobre 2017.
Condamne la SASU SNM à payer à M. [F] [R] les sommes suivantes :
931,56 € bruts à titre de rappel d’heures supplémentaires ;
93,16 € bruts au titre des congés payés y afférents ;
955,50 € à titre de dommages et intérêts pour absence de contrepartie obligatoire en repos ;
111,21 € bruts à titre de rappel de salaires sur mise à pied disciplinaire ;
11,12 € bruts au titre des congés payés y afférents ;
200,00 € à titre de dommages et intérêts pour mise à pied annulée ;
750,00 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.
Dit que le licenciement prononcé le 9 mars 2018 est dénué de cause réelle et sérieuse
Condamne la SASU PHEOLIA à payer à M. [F] [R] les sommes suivantes :
90,64 € bruts à titre de rappel d’heures supplémentaires ;
9,06 € bruts au titre des congés payés y afférents ;
2 113,11 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
211,31 € bruts au titre des congés payés y afférents ;
4 226,22 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
750,00 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.
Dit que la SASU SNM et la SASU PHEOLIA remettront à M. [F] [R], chacune pour ce qui la concerne, des bulletins de paie, un certificat de travail, ainsi qu’une attestation Pôle Emploi conformes à l’arrêt.
Dit que la SASU SNM et la SASU PHEOLIA régulariseront la situation de M. [F] [R] auprès des organismes sociaux compétents.
Déboute les parties de leurs autres demandes.
Condamne in solidum la SASU SNM et la SASU PHEOLIA aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT