Heures supplémentaires : 19 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/02177

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Heures supplémentaires : 19 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/02177
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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6

ARRET DU 19 AVRIL 2023

(n° 2023/ , 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/02177 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDI4F

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Décembre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F19/06971

APPELANT

Monsieur [T] [Y] [B]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Daniel RAVEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : B1024

INTIMÉE

S.A.S. [U]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Frédéric AKNIN, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 28 février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience Madame Nadège BOSSARD, Conseillère, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

M. [T] [Y] [B] a été engagé par la société [A] [J] en qualité de maçon-ravaleur selon contrat de travail à durée indéterminée écrit du 2 mai 2011.

Un arrêt de travail lui a été prescrit du 7 avril 2018 au 4 juillet 2018 lequel a été prolongé jusqu’au 5 août 2018.

Lors de la visite médicale de reprise du 6 août 2018, le médecin du travail l’a déclaré apte, mais a émis les restrictions suivantes : pas de montage démontage de la plate forme, pas d’utilisation de marteau piqueur, éviter le port de charges de plus de 10 kg à la main droite.

Le 12 septembre 2018, la société [U] a informé M. [Y] [B] de ses difficultés économiques et de sa nécessité de se réorganiser et à ce titre lui a proposé deux postes de reclassements : maçon-ravaleur dans l’une des filiales à [Localité 7] et technico-commercial.

M. [Y] [B] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement par lettre recommandée avec avis de réception du 3 octobre 2018 pour un entretien prévu le lundi 15 octobre 2018.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 18 octobre 2018 puis par acte d’huissier de justice en date du 22 octobre 2018, la société [U] a notifié à M. [Y] [B] l’information sur le contrat de sécurisation professionnelle.

La société lui a notifié son licenciement pour motif économique le 30 octobre 2018.

M. [Y] [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris en contestation de son licenciement le 26 juillet 2019.

Par jugement en date du 15 décembre 2020, le conseil de prud’hommes a débouté M. [T] [Y] [B] de l’ensemble de ses demandes, débouté la société [U] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a condamné M. [Y] [B] aux dépens.

M. [Y] [B] a interjeté appel le 23 février 2021.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe, notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 24 septembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [T] [Y] [B] demande de :

Dire M. [Y] [B] recevable et bien fondé en ses demandes.

Infirmer le jugement du 15 décembre 2019 en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes lesquelles sont :

indemnité congé de paternité, congé pour décès familial, indemnité compensatrice de préavis, indemnité de licenciement, indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, heures supplémentaires d’indemnité de déplacement, de remise sous astreinte des relevés d’heures de travail sous astreinte.

Et, statuant à nouveau :

Condamner SAS [U] à :

– 1.151,70 € à titre d’indemnité de congé paternité

– 628,20 € au titre de congés décès familial

– ordonner la remise de tous les relevés d’heure de travail depuis octobre 2016 à juillet 2018 sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document

– 7.292,49 € au titre des heures supplémentaires

– 729,24 € au titre des congés payés afférents

– 4.606,86 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– 460,68 € au titre des congés payés afférents

– 4.366,91 € à titre d’indemnité licenciement

– 13.000,00 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 2.000,0 € au titre de l’article 700 CPC

Intérêts au taux légal et anatocisme à compter de la saisine

Dépens

Ordonner la remise des documents sociaux conformes à la décision, la cour se réservant la liquidation de l’astreinte.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe, notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 17 juin 2021 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la société demande à la cour de :

A titre principal :

– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 15 décembre 2020

– Constater la réalité du motif économique,

– Constater que l’employeur a rempli ses obligations en matière de recherches de reclassement,

– Constater le bien-fondé du licenciement pour motif économique prononcé ;

– Constater l’absence de manquement de l’employeur dans le cadre de l’exécution de la relation de travail,

– Débouter [Y] [B] de l’ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire :

– Constater le caractère manifestement excessif des demandes de [Y] [B]

– Les ramener à de plus justes quantums ;

En tout état de cause,

– Condamner [Y] [B] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile ;

– Condamner [Y] [B] aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 29 novembre 2022.

MOTIFS :

Sur la réalité du motif économique :

En vertu de l’article L1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au jour du licenciement, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d’activité de l’entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.

Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.

Le secteur d’activité permettant d’apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l’une des causes énoncées au présent article, à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d’un commun accord dans le cadre d’un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants.

Il appartient à l’employeur d’établir la réalité des difficultés économiques au niveau du secteur d’activité commun aux entreprises du groupe établies sur le territoire national.

Le secteur d’activité commun aux entreprises au groupe à savoir la réfection de façades concerne l’ensemble des sociétés à l’exception de la société [Adresse 5] dont l’activité relève du secteur automobile.

La lettre de licenciement est libellée comme suit :

‘Dans le secteur du bâtiment en France en 2018 et les indicateurs inquiétant pour 2019 compte tenu des réformes du gouvernement en attente. Le Groupe [A] [J] a été créé le 30 juin 2004 par Messieurs [V] et [G] [A]. Il était composé de 10 sociétés dont 2 sociétés ont été mises en sommeil en octobre 2013 (les sociétés SARLAT [C] NATURELLES et EURL [A] [J]).

Le 29 mars 2016, la société BELLE FRANCE ET BEAUX ARTS a été placée en liquidation judiciaire et dans ce cadre, les 10 salariés affectés ont été licenciés pour motif économique dans ce cadre.

A ce jour, la SAS PAYEUX RESTAURATION est placée en redressement judiciaire depuis le 20 juillet 2018, elle est en période d’observation durant 6 mois.

La société [X] dont l’activité est liée au dépôt et à la gestion de marques et brevets, a un résultat stable sur les 3 dernières années de 22K€ sur l’exercice 2016/2017.

La société [Adresse 5] constate une diminution du résultat net de 89k€ sur les exercices 2015/2016 et 2016/2017 3 dernières années.

La SARL TH COMPOSITES n’a plus de personnel depuis le 22 juin 2014 compte tenu des pertes constatées qui s’élèvent à 58k€ en moyenne sur les 3 dernières années.

La SARL [A] [J] POLSKA est en perte de plus de 10K€ en moyenne sur les 3 derniers exercices.

La holding, SAS GROUPE [A] [J] constate une perte d’activité.

En effet, le redressement judiciaire de la SAS PAYEUX RESTAURATION, ouvert le 20 juillet 2018 nécessitera le provisionnement des titres de participation et créances détenues sur cette entité. Ainsi, les titres sont inscrits à l’actif de la société pour un montant de 628 K€, le compte courant de cette filiale est débiteur de 114 K€ et une créance sur cette filiale de 41K€.

Cette situation induit une provision de 783K€ et aucune perspective de reprise d’activité ne permettra d’éviter cette provision.

Les charges fonctionnelles du Groupe vont devoir être refacturées aux sociétés qui restent en activité et qui ne peuvent, compte tenu de leur propre situation économique, assumer ces charges élevées.

Cette situation, qui fait suite à l’évolution catastrophique du Groupe et de ses filiales, engendre une dégradation des relations bancaires et rend difficile le concours des banques et difficile la négociation de délais de règlements avec les fournisseurs de nos filiales.

La seule société du Groupe constatant un résultat stable et équilibré est SASU LAROCHE RESTAURATION.

Dans ces conditions, le résultat consolidé du Groupe indique une perte de 44K€ en moyenne sur les 3 dernières années.

Face à ces difficultés, des mesures d’économie ont été réalisées.

Ainsi, la masse salariale du groupe est passée de 6 109K€ sur l’exercice 2013/2014 à 5045K€ sur l’exercice 2016/2017, les effectifs du groupe étant passés de 153 à 110.

Par ailleurs, des apports en compte courant ont été réalisés au cours des 2 dernières années pour 1 909K€.

Des abandons de créances à caractère commercial pour 488K€ ont été acceptées afin de tenter de redresser la situation.

De surcroît, un prêt bancaire de 275K€ a été accordé à la société les ATELIERS DE

BONNEUIL ET DU PONT DU GARD.

Des agents commerciaux indépendants ont été sollicités afin de tenter de développer l’activité, sans succès. Cette collaboration a été stoppée en septembre 2016.

Ces efforts, n’ont pas suffi à redresser l’activité du Groupe et de la société [A] [J].

Dans ces conditions, le 27 août 2018, le Commissaire aux comptes a été contraint de nous alerter conformément à la procédure prévue à l’article L 234-2 alinéa 1 du Code de Commerce:

En effet, la balance communiquée au 30 juin 2018, fait apparaître un excédent de charges de 232K€ sur les produits par rapport à la même période au 30 juin 2017.

Au 30 juin 2018, la société constate une diminution de CA net de 920K€, ce dernier étant passé de 2 663K€ à 1 743K€ au 30 juin 2018 ce qui représente une baisse de 35%.

A ce jour, les résultats et CA se sont encore dégradés, le tableau de bord comptable fait apparaître au 31 août 2018 une perte de 358 K€ et un CA en constante baisse sur la même période celui-ci étant passé de 2 899 K€ fin août 2017 à 1 863 K€ fin août 2018 soit une baisse de 55%.

Dans ces conditions, la continuité de l’exploitation de la société est compromise.

Par conséquent, au vu des difficultés des sociétés du Groupe, de la holding et de la société [U], nous sommes contraints faute de possibilité de reclassement, d’envisager la suppression de 8 postes.

Vous avez en effet refusé la proposition de reclassement remise en main propre le 13 septembre 2018.

Par conséquent, nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour motif économique et impossibilité de reclassement.».

La réalité du motif économique est contestée par le salarié qui soutient que l’employeur ne produit aucun élément autre que les comptes annuels clos de septembre 2018 de [U], ce que le salarié considère comme insuffisant pour établir la réalité des difficultés économiques au niveau du secteur d’activité du groupe.

Or, la société [U] verse aux débats outre les comptes consolidés annuels de la société par actions simplifiée Groupe [A]- [J] pour les exercices clos aux 30 septembre 2016, 2017 et 2018, les comptes annuels de chacune des 7 sociétés du groupe (société Sarlat [C] naturelles, société TH Composites, société [U], société [U] division carrières, société Laroche restauration et société [X], société [Adresse 6]) pour les exercices clos au 30 septembre 2016, 2017 et 2018.

L’employeur établit que la société Belle France et Beaux Arts a été placée en liquidation judiciaire le 29 mars 2016, la SAS Payeux Restauration a été placée en redressement judiciaire depuis le 20 juillet 2018, la société [X] dont l’activité est liée au dépôt et à la gestion de marques et brevets, a un résultat stable sur les 3 dernières années et de 22K€ sur l’exercice 2016/2017, la société [Adresse 5] a connu une diminution du résultat net de 89k€ sur les exercices 2015/2016 et 2016/2017 ce qui justifie le prêt qui lui a été consenti, la SARL TH Composites n’a plus de personnel depuis le 22 juin 2014 compte tenu des pertes constatées qui s’élèvent à 58k€ en moyenne sur les 3 dernières années,

La seule société du Groupe constatant un résultat bénéficiaire stable est la SASU Laroche Restauration.

Les comptes annuels de la société employeur [U] établissent, d’une part, que si la société [A] [J] a réalisé un bénéfice en 2016 et 2017, elle a connu au premier trimestre 2018 une baisse très importante de son chiffre d’affaires et une augmentation de ses charges compromettant selon le commissaire au comptes la continuité de l’exploitation. Les comptes annuels clos au 30 septembre 2018 mentionnent un résultat d’exploitation et un résultat définitif négatifs de plus de 280 000 euros.

Quant aux autres sociétés du même secteur d’activité au sein du groupe, elles ont connu des résultats négatifs pour plusieurs d’entre elles (TH composites en 2015, 2017 et 2018, Sarlat [C] naturelles en 2015, 2016 et 2018, [X] en 2018, [A] [J] division carrières en 2015, 2016, 2017 et 2018 ).

Il est également démontré qu’à l’exception de l’exercice clos au 30 septembre 2017, le résultat d’exploitation consolidé et le résultat consolidé était négatif.

Il est ainsi caractérisé qu’au jour du licenciement de M. [Y] [B], le secteur d’activité du groupe auquel appartient la société employeur rencontrait des difficultés économiques.

Les difficultés économiques doivent avoir entraîné une suppression effective de l’emploi occupé par le salarié.

La suppression d’emploi n’est pas effective lorsque le salarié est remplacé dans son emploi ou dans un emploi de même nature par un autre salarié recruté peu de temps avant ou peu de temps après la rupture de son contrat de travail. Il faut néanmoins que les emplois pourvus soient de même nature et de même niveau.

La charge de la preuve incombe à l’employeur.

En l’espèce, M. [Y] [B] soutient avoir été remplacé par un salarié plus jeune. La société [A] [J] produit un extrait de son livre d’entrée et de sortie du personnel pour la période du 1er octobre 2018 au 31 décembre 2018 soit au cours des trois mois ayant précédé son départ effectif de la société à l’issue de son préavis le 31 décembre 2018. L’employeur établit que neuf autres salariés ont quitté la société au cours de cette période lesquels occupaient des emplois variés à savoir secrétaire, aide technicien ravaleur, technico-commercial, aide technique ravaleur, chef d’équipe technique ravaleur, technicien ravaleur, restauratrice, aide technicien ravaleur, attachée de direction maçon ravaleur. En revanche, il n’est pas justifié des entrées et sorties dans les mois qui ont suivi la sortie des effectifs de M. [Y] [B].

Or, la société a poursuivi son activité sans qu’il soit établi avec quels salariés s’est maintenue cette activité ni si l’emploi du salarié a été effectivement supprimé.

En l’absence d’une telle preuve, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur la consultation des représentants du personnel :

En vertu de l’article L1235-15 du code du travail, dans sa rédaction applicable au jour du licenciement, est irrégulière toute procédure de licenciement pour motif économique dans une entreprise où le comité social et économique n’a pas été mis en place alors qu’elle est assujettie à cette obligation et qu’aucun procès-verbal de carence n’a été établi.

Le salarié a droit à une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut être inférieure à un mois de salaire brut, sans préjudice des indemnités de licenciement et de préavis.

Le salarié soutient que le PV de carence aux élections du CSE versé aux débats concerne des élections dont le premier tour se déroulait le 17 mai 2019, et les organisations syndicales ont été invitées à négocier le protocole préélectoral le 18 février 2019 est postérieur de plusieurs mois au licenciement.

L’employeur fait valoir que les élections des représentants du personnel ont été mises en place dès lors que le seuil d’effectif a atteint onze salariés pendant douze mois consécutifs ou non au cours des trois années précédentes.

Il ne produit toutefois aucun élément de nature à établir qu’à la date des précédentes élections professionnelles antérieures au jour du licenciement, l’effectif était inférieur à 11 salariés et qu’un procès-verbal de carence avait été dressé. En l’absence d’une telle preuve, il y a lieu de considérer que la procédure de licenciement est irrégulière.

Pour autant, M. [Y] [B] ne formule aucune demande d’indemnité pour irrégularité de la procédure.

Sur le congé de naissance et le congé décès :

En vertu de l’article L 3142-1 du contrat de travail, le salarié a droit, sur justification, à un congé:

1°) pour son mariage

2°) pour le mariage d’un enfant

3°) pour chaque naissance

4°) pour le décès.

La convention collective des ouvriers du bâtiment prévoit 3 jours de congés en cas de décès et 3 jours de congés en cas de naissance.

M. [Y] [B] expose avoir eu une enfant, [N], née le matin du15 mai 2018, mais décédée l’après-midi et n’avoir pas bénéficié des jours de congés en cas de naissance et de décès d’un enfant.

L’employeur ne démontre pas que M. [Y] [B] ait bénéficié de ces jours de congés entre le 15 mai 2018 et le jour de son licenciement le 30 octobre 2018. La loi ne prévoyant pas de délai pour prendre ces congés et moins de six mois s’étant écoulé depuis l’événement donnant naissance au droit, il y a donc lieu de juger que M. [Y] [B] est bien fondé à solliciter le paiement des jours de congés non pris et en conséquence de condamner la société [A] [J] à lui payer la somme de 628,20 euros au titre des six jours de congés payés auxquels il avait droit.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur le congé de paternité :

L’article L 1225-35 prévoit qu’après la naissance de son enfant et dans un délai déterminé par décret, le père salarié bénéficie d’un congé de paternité de onze jours consécutifs ou de dix-huit jours consécutifs en cas de naissances multiples. Le congé de paternité entraîne la suspension du contrat de travail. Le salarié qui souhaite bénéficier du congé de paternité

avertit son employeur au moins un mois avant la date à laquelle il envisage de le prendre, en précisant la date à laquelle il entend y mettre fin.

Le droit à congé de paternité est ouvert lorsque l’enfant viable meurt quelques heures après sa naissance. Ce congé n’étant pas rémunéré, mais indemnisé par la sécurité sociale. Il suppose que le salarié en formule la demande auprès de la caisse de sécurité sociale et en informe son employeur. Or, M. [Y] [B] ne justifie pas avoir formulé une telle demande auprès de la caisse de sécurité sociale ni avoir subi une quelconque obstruction de son employeur. La demande de paiement d’une somme d’argent à ce titre n’est donc pas justifiée et est rejetée.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur les indemnités de grands déplacement :

En vertu de l’article 1.3.1 de la convention collective des ouvriers du bâtiment de la région parisienne, ‘est réputé en grand déplacement l’ouvrier qui travaille sur un chantier métropolitain dont l’éloignement lui interdit – compte tenu des moyens de transport utilisables – de regagner chaque soir le lieu de résidence, situé dans la métropole, qu’il a déclaré lors de son embauchage et qui figure sur sa lettre d’engagement ou qu’il a fait rectifier en produisant les justifications nécessaires de son changement de résidence.

Ne sont pas visés par les dispositions du présent chapitre les ouvriers déplacés avec leur famille par l’employeur et à ses frais’.

L’article 1.3.2 prévoit que ‘l’indemnité de grand déplacement correspond aux dépenses journalières normales qu’engage le déplacé en sus des dépenses habituelles qu’il engagerait s’il n’était pas déplacé. Le montant de ces dépenses journalières, qui comprennent :

a) Le coût d’un second logement pour l’intéressé ;

b) Les dépenses supplémentaires de nourriture, qu’il vive à l’hôtel, chez des particuliers ou dans tout autre type de logement proposé par l’employeur ;

c) Les autres dépenses supplémentaires qu’entraîne pour lui l’éloignement de son foyer,

est remboursé par une allocation forfaitaire égale aux coûts normaux de logement et de la nourriture (petit déjeuner, déjeuner, dîner) qu’il supporte.

Dans le cas où le déplacé, prévenu préalablement que son hébergement sera organisé par l’entreprise, déciderait de se loger ou de se nourrir (ou de se loger et de se nourrir) en dehors de celui-ci, une indemnité égale à celle versée aux ouvriers utilisant les moyens d’hébergement mis à leur disposition lui sera attribuée’.

L’article 1.3.3 précise que ‘le remboursement des dépenses définies à l’article 1.3.2. ci-dessus est obligatoire pour tous les jours de la semaine, ouvrables ou non, pendant lesquels l’ouvrier reste à la disposition de son employeur sur les lieux du déplacement’.

L’avenant étendu du 5 décembre 2017 a fixé à 10 euros le montant de l’indemnité de repas figurant au paragraphe a de l’article 8 du chapitre III du titre III de la convention collective régionale des ouvriers du bâtiment à compter du 1er janvier 2018.

M. [Y] [B] sollicite le bénéfice d’indemnités de repas et de logement dans le cadre de grands déplacements pour avoir travaillé à [Localité 8] à partir du mercredi 31 janvier 2018 jusqu’au 9 février 2018 et à [Localité 9] du lundi 12 mars 2018 au vendredi 23 mars 2018 inclus soit 22 indemnités de repas et 10 indemnités de logement.

L’employeur justifie avoir versé une somme totale de 355 euros au titre des repas soit 11 primes de panier de 9,90 euros.

M. [Y] [B] ne justifie pas avoir exposé lui-même des frais de logement lors de ces déplacements.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, il reste dû à M. [Y] [B] la somme de 72,80 euros que la société [U] est condamnée à lui payer.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur les heures supplémentaires :

L’accord national du 6 novembre 1998 sur l’organisation, la réduction du temps de travail et à l’emploi dans le bâtiment et les travaux publics prévoit que la durée du travail effectif peut faire l’objet d’une modulation sur l’année et que sa mise en oeuvre doit faire l’objet d’une consultation des représentants du personnel.

Le contrat de travail prévoit en son article 3 que la société fait l’objet d’une modulation sur l’année permettant d’adapter la durée du travail aux variations de la charge de travail en application de l’accord de branche BTP du 6 novembre 1998.

L’employeur produit un PV de carence aux élections du CSE qui concerne des élections dont le premier tour se déroulait le 17 mai 2019. Il fait valoir que les élections des représentants du personnel ont été mises en place dès lors que le seuil d’effectif a atteint onze salariés pendant douze mois consécutifs ou non au cours des trois années précédentes.

Il ne produit toutefois aucun élément de nature à établir qu’à la date des élections professionnelles antérieures à la mise en place de la modulation, l’effectif était inférieur à 11 salariés et qu’un procès-verbal de carence avait été dressé.

En l’absence d’une telle preuve, la mise en oeuvre de l’accord de modulation est irrégulière de sorte que cet accord n’est pas opposable au salarié.

Ce dernier peut dès lors se prévaloir de la législation sur les heures supplémentaires.

L’article L3171-2 prévoit que lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Le comité social et économique peut consulter ces documents.

Selon l’article L3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Le contrat de travail prévoit des semaines de 28 à 35 heures ainsi que des semaines à 39 heures.

Les horaires de travail suivant sont prévus dans le contrat :

– semaines de 28 heures et 35 heures : lundi à vendredi 8h30-12h00 / 13h00-16h30

– semaine de 39 heures : lundi à jeudi 8h00-12h00 et 13h00-17h00 et vendredi 8h00-12h00 et 13h00 à 16h00.

M. [Y] [B] soutient avoir effectué 4 heures supplémentaires par semaine sur la base des feuilles de pointage communiquées pour la période de janvier 2016 à novembre 2018 lesquelles mentionnent les horaires de travail pour chacune des journées considérées, les heures de prise de poste et de fin de journée ainsi que de pause déjeuner.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre sur la période de janvier 2016 à novembre 2018.

Aucun élément précis n’est exposé pour la période de novembre 2015 à décembre 2015.

L’employeur fait valoir que M. [Y] [B] n’a pas réalisé d’heures supplémentaires se limitant à revendiquer l’application de l’accord de modulation.

Au regard des éléments produits par chacune des parties, la cour a la conviction que M. [Y] [B] a réalisé des heures supplémentaires de janvier 2016 à novembre 2018 qui justifient l’allocation de la somme de 3 800 euros et 380 euros de congés payés.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur l’indemnité légale de licenciement :

En vertu de l’article L1234-9 du code du travail, dans sa rédaction applicable au jour du licenciement, le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte 8 mois d’ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.

L’article R1234-2, dans sa rédaction applicable, prévoit que l’indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :

1° un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans ;

2° un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années à partir de dix ans.

M. [Y] [B] sollicite une somme de 4 366,91 euros.

Il a perçu une somme de 4 320,44 euros.

Au regard de son salaire mensuel de 2 303,43 euros, de son ancienneté de 7 ans et 8 mois, préavis compris, l’indemnité légale de licenciement qui était due s’élevait à 4 366,91 euros.

M. [Y] [B] ayant perçu la somme de 4 320,44 euros, il lui reste dû la somme de 46,45 euros de solde d’indemnité légale de licenciement.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur l’indemnité compensatrice de préavis :

En vertu de l’article L1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit s’il justifie chez le même employeur d’une ancienneté de services continus d’au moins deux ans, à un préavis de deux mois.

Toutefois, un salarié ne peut, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, prétendre au paiement d’une indemnité pour un préavis qu’il est dans l’impossibilité d’exécuter.

En l’espèce, M. [Y] [B] a connu une période d’arrêt de travail au cours des deux mois de préavis de sorte qu’il n’a effectué une prestation de travail qu’au cours d’une partie de la période de préavis et a été payé pour la période travaillée.

M. [Y] [B] n’est donc pas fondé à solliciter la condamnation de son employeur à lui verser une indemnité compensatrice de préavis. Sa demande ainsi que celle de congés payés afférents sont rejetées. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

En vertu de l’article L1235-3 du code du travail, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux compris entre 3 et 8 mois de salaire.

Au regard de l’âge de M. [Y] [B] soit 61 ans au jour de son licenciement, de sa qualification professionnelle, de sa capacité à retrouver un emploi et de son salaire de 2 303,43 euros, le préjudice par lui subi sera réparé par la somme de 13 000 euros. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur le remboursement des allocations services par Pôle emploi :

En vertu de l’article L1235-4 du code du travail, la société [A] [J] est condamnée à verser à Pôle emploi les allocations services à M. [Y] [B] dans la limite de trois mois de salaire.

Sur la remise des documents de rupture :

La société [A] [J] est condamnée à remettre à M. [Y] [B] un bulletin de paie et une attestation destinée à Pôle emploi conforme au présent arrêt.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

Conformément aux dispositions de l’article 1231-6 du code civil, les créances salariales sont assorties d’intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes.

Il y a lieu d’ordonner la capitalisation des intérêts échus sur une année entière à compter du 21 septembre 2020, date de la demande.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

La société [A] [J] est condamnée aux dépens de première instance et d’appel et au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

INFIRME le jugement entrepris sauf sur le congé de paternité, l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents,

LE CONFIRME de ce chef

statuant à nouveau,

JUGE que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société [A] [J] à payer à M. [T] [Y] [B] les sommes de :

– 46,45 euros de solde d’indemnité légale,

– 13 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 628,20 euros au titre des six jours de congés payés

– 72,80 euros au titre des indemnités de repas de grands déplacements,

– 3 800 euros au titre des heures supplémentaires et 380 euros au titre des congés payés y afférents,

DIT que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la notification de la demande à l’employeur,

ORDONNE la capitalisation des intérêts échus sur une année entière à compter du 21 septembre 2020,

CONDAMNE la société [A] [J] à remettre à M. [T] [Y] [B] un bulletin de paie et une attestation destinée à Pôle emploi conforme au présent arrêt,

CONDAMNE la société [A] [J] à verser à Pôle emploi les allocations services à M. [T] [Y] [B] dans la limite de trois mois de salaire,

CONDAMNE la société [A] [J] à payer à M. [T] [Y] [B] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société [A] [J] aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

 


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