Heures supplémentaires : 20 avril 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/01607

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Heures supplémentaires : 20 avril 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/01607
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 AVRIL 2023

N° RG 21/01607 – N° Portalis DBV3-V-B7F-URB5

AFFAIRE :

[MR] [HL]-[N]

C/

S.A.S.U. SIGNALL CENTRE FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu

le 26 Avril 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de SAINT GERMAIN EN LAYE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : F20/00190

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Stéphanie CHANOIR

Me Dan ZERHAT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant initialement prévu le 6 avril 2023 prorogé au 20 avril 2023 dans l’affaire entre :

Madame [MR] [HL]-[N]

Née le 29 août 19789 à [Localité 7] (94)

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Cédric LIGER de l’AARPI ITER AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L258 – Me Stéphanie CHANOIR, constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 143

APPELANTE

****************

S.A.S.U. SIGNALL CENTRE FRANCE

RCS DE BOURGES N° 809 441 025

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentée par Me Dan ZERHAT de l’AARPI OHANA ZERHAT CABINET D’AVOCATS, constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731 substitué par Me Pierre CHICHA avocat au barreau de PARIS.

Société HOUGOU, société de droit belge

[Adresse 2]

[Localité 1] / BELGIQUE

Représentée par Me Dan ZERHAT de l’AARPI OHANA ZERHAT CABINET D’AVOCATS, constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731 substitué par Me Pierre CHICHA avocat au barreau de PARIS.

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 07 Février 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,

Mme Florence SCHARRE, Conseiller,

Madame Véronique PITE, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Alicia LACROIX,

En présence de [CZ] [AR], greffier stagiaire

FAITS ET PROCÉDURE

Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 5 octobre 2015, Mme [HL]-[N] a été engagée en qualité de ‘directrice du capital humain, RSE et Knowledge Management’, par la société APIA CS (devenue Signall Centre France), qui a pour activité la conception, l’installation et la maintenance d’enseignes et de signalétique, et qui a relevé successivement de la convention collective Syntec, puis de celle de la plasturgie à compter du 1er octobre 2016.

Placée continûment en arrêt maladie à compter du 7 octobre 2017, convoquée le 27 novembre 2017 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 9 décembre suivant, elle a été licenciée par lettre datée du 13 décembre 2017, énonçant une insuffisance professionnelle.

Contestant son licenciement et se prévalant d’une situation de co-emploi vis-à-vis de la société holding Hougou, société de droit belge dirigée par M. [R], Mme [HL]-[N] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre en sollicitant la condamnation solidaire des deux sociétés au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Les sociétés se sont opposées aux demandes de la requérante et ont sollicité sa condamnation au paiement d’une somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du premier président de la cour d’appel de Versailles, en date du 3 juillet 2020, le dossier de Mme [HL]-[N] a été transféré au conseil des prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye.

Par jugement, rendu le 26 avril 2021, notifié le 30 avril 2021, le conseil a statué comme suit :

Dit qu’il n’y a pas de situation de co-emploi ;

Dit que le seul employeur de Mme [HL]-[N] est la société Signall ;

Dit que le licenciement pour insuffisance professionnelle de Mme [HL]-[N] est justifié ;

Condamne la société à payer à Mme [HL]-[N] les sommes suivantes :

– 2 544,19 euros au titre de rappel de salaire pour les mois travaillés non déclarés, outre 254, 41 euros au titre des congés payés afférents,

– 12 453,30 euros à titre de rappel de la partie variable du salaire ;

– 517,69 euros à titre de rappel sur l’indemnité de licenciement ;

– 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Signall à payer les intérêts de droit sur les salaires et éléments de salaire à compter du 30 juillet 2018, date de réception par le défendeur de la convocation à l’audience du bureau de conciliation et d’orientation et du prononcé pour le surplus ;

Rappelle que par application de l’article R 1454-28 du code du travail, l’exécution provisoire est de droit pour la remise des documents et pour les indemnités énoncées à l’article R 1454-14 dans la limite de neuf mois de salaires et fixe pour ce faire la moyenne des trois derniers mois à la somme de 6 918,57 euros ;

Déboute Mme [HL]-[N] du surplus de ses demandes  et la société Signall de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Signall aux éventuels dépens comprenant les frais d’exécution du présent jugement.

Suivant déclarations en date des 28 mai et 24 août 2021, Mme [HL]-[N] a relevé appel de cette décision en intimant les deux sociétés. Par ordonnance du 20 septembre 2021, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction de ces deux instances.

Par ordonnance rendue le 18 janvier 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 7 février 2023.

‘ Selon ses dernières conclusions, remises aux greffes le 3 janvier 2023, Mme [HL]-[N] demande à la cour de :

Confirmer le jugement du 26 avril 2021 en ce qu’il a condamné la société Signall (devenue la société Signall Centre France) à lui payer les sommes de 2 544,19 euros au titre du rappel de salaire pour les mois travaillés non déclarés, outre 254,41 euros au titre des congés payés afférents, débouté la société Signall (devenue la société Signall Centre France) de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux éventuels dépens comprenant les frais d’exécution du jugement.

L’infirmer en ce qu’il a dit qu’il n’y a pas de situation de co-emploi, dit que son seul employeur est la société Signall, dit que son licenciement pour insuffisance professionnelle est justifié, condamné la société Signall à lui payer les sommes de 12 453,30 euros à titre de rappel de la partie variable du salaire, 517,69 euros à titre de rappel sur l’indemnité de licenciement et 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux intérêts de droit sur les salaires et éléments de salaire à compter du 30 juillet 2018, date de réception par le défendeur de la convocation à l’audience du bureau de conciliation et d’orientation et du prononcé pour le surplus, rappelé que par application de l’article R.1454-28 du code du travail, l’exécution provisoire est de droit pour la remise des documents et pour les indemnités énoncées à l’article R. 1454-14 dans la limite de neuf mois de salaires et fixé pour ce faire la moyenne des trois derniers mois à la somme de 6 918,57 euros et l’a débouté du surplus de ses demandes.

Statuant à nouveau et y ajoutant :

A titre principal :

– Fixer le salaire mensuel brut à hauteur de 14 960,93 euros bruts ;

– Condamner solidairement les sociétés Signall Centre France (venant aux droits de la société Signall) et Hougou à lui verser les sommes suivantes :

‘ 5 978,37 euros nets à titre de rappel sur l’indemnité de licenciement ;

‘ 128 616,52 euros bruts au titre des heures supplémentaires, outre 12 861,65euros bruts au titre des congés payés y afférents ;

‘ 15 343,53 euros bruts au titre de la récupération pour le travail effectué au cours des congés payés ;

‘ 26 265,78 euros bruts à titre de rappel de la partie variable du salaire, outre 2 626,57 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

‘ 52 363,25 euros nets à titre de dommages et intérêts en raison de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement (3,5 mois) ;

‘ 44 882,79 euros nets à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire (3 mois) ;

‘ 59 843,72 euros nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et pression morale (4 mois) ;

‘ 89 765,58 euros nets au titre du travail dissimulé (6 mois) ;

‘ 5 000 euros nets au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance ;

‘ 5 000 euros nets au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel ;

– Condamner solidairement les sociétés Hougou et Signall Centre France (venant aux droits de la société Signall) aux dépens d’instance ;

– Assortir les condamnations des intérêts au taux légal à compter de la date de convocation des sociétés devant le bureau de conciliation et d’orientation pour les créances salariales, légales et conventionnelles ; à compter du prononcé du jugement pour les créances indemnitaires prononcées en 1ère instance et à compter du prononcé de l’arrêt pour le surplus en application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil et L. 313-2 et L. 313-3 et suivants du code monétaire et financier ;

– Ordonner la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil ;

A titre subsidiaire :

– Fixer le salaire mensuel brut à hauteur de 6 918,57 euros bruts ;

– Condamner solidairement les sociétés Signall Centre France (venant aux droits de la société Signall) et Hougou à lui verser les sommes suivantes :

‘ 517,69 euros nets à titre de rappel sur l’indemnité de licenciement ;

‘ 128 616,52 euros bruts au titre des heures supplémentaires, outre 12 861,65euros bruts au titre des congés payés y afférents ;

‘ 15 343,53 euros bruts au titre de la récupération pour le travail effectué au cours des congés payés ;

‘ 16 026,74 euros bruts à titre de rappel de la partie variable du salaire, outre 1 602,67 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;

‘ 24 214,99 euros nets à titre de dommages et intérêts en raison de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement (3,5 mois) ;

‘ 20 755,71 euros nets à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire (3 mois) ;

‘ 27 674,28 euros nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et pression morale (4 mois) ;

‘ 41 511,42 euros nets au titre du travail dissimulé (6 mois) ;

‘ 5 000 euros nets au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance ;

‘ 5 000 euros nets au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel ;

– Condamner solidairement les sociétés Hougou et Signall Centre France (venant aux droits de la société Signall) aux dépens d’instance ;

– Assortir les condamnations des intérêts au taux légal à compter de la date de convocation des sociétés devant le bureau de conciliation et d’orientation pour les créances salariales, légales et conventionnelles ; à compter du prononcé du jugement pour les créances indemnitaires prononcées en 1ère instance et à compter du prononcé de l’arrêt pour le surplus en application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil et L. 313-2 et L. 313-3 et suivants du code monétaire et financier ;

– Ordonner la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil.

‘ Aux termes de ses dernières conclusions, remises au greffe le 22 novembre 2021, la société Signall Centre France demande à la cour de confirmer la décision déférée en ce qu’elle a dit qu’il n’y a pas de situation de co-emploi, dit qu’elle est le seul employeur de Mme [HL]-[N], dit que le licenciement pour insuffisance professionnelle de Mme [HL]-[N] est justifié, fixé la moyenne des trois derniers mois de salaires de Mme [HL]-[N] à la somme de 6 918,57 euros, débouté Mme [HL]-[N] du surplus de ses demandes, mais de l’infirmer en ce qu’il :

– l’a condamnée à payer à Mme [HL]-[N] les sommes suivantes :

‘ 2 544,19 euros au titre du rappel de salaire pour les mois travaillés non déclarés

‘ 254,41 euros au titre des congés payés afférents

‘ 12 453,30 euros à titre de rappel de la partie variable du salaire ;

‘ 517,69 euros à titre de rappel sur l’indemnité de licenciement ;

‘ 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– l’a condamnée à payer les intérêts de droit sur les salaires et éléments de salaire à compter du 30 juillet 2018, date de réception par le défendeur de la convocation à l’audience du bureau de conciliation et d’orientation et du prononcé pour le surplus

– a rappelé que par application de l’article R.1454-28 du code du travail, l’exécution provisoire est de droit pour la remise des documents et pour les indemnités énoncées à l’article R.1454-14 dans la limite de neuf mois de salaires

– l’a déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– l’a condamnée aux éventuels dépens comprenant les frais d’exécution du présent jugement.

‘ la société Hougou qui a constitué avocat le 2 juin 2021, n’a pas conclu.

Suivant note en délibéré, la cour a invité les parties à présenter leurs éventuelles observations sur la question de la saisine de l’appel incident formé par la société Signall Centre France, au regard des dispositions de l’article 954, alinéas 1 à 3 du code de procédure civile, dès lors que le dispositif des conclusions de la société intimée se borne à demander l’infirmation du jugement de certains chefs sans formuler aucune prétention relative aux dispositions du jugement sur ces points. (Cf. Chambre sociale du N° 20-10.424).

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS

I – Sur l’appel incident et la saisine de la cour :

Il résulte de la combinaison des articles 562 et 954, alinéa 3, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du mai 2017, que la partie qui entend voir infirmer le chef d’un jugement ayant accueillie une prétention qui lui fait grief et accueillir sa contestation doit formuler une prétention en ce sens dans le dispositif de ses conclusions d’appel.

Invitées à présenter leurs observations sur la saisine de l’appel incident, les parties ont présenté les observations suivantes :

– La société Signall Centre France considère que la jurisprudence citée dans le soit-transmis (arrêt de la chambre sociale du 8 décembre 2021) n’a pas vocation à s’appliquer dans la présente affaire, dès lors que l’appelant à titre incident n’avait saisi la Cour d’Appel d’aucune prétention, en se bornant à demander à la cour d’appel d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions” ce qui n’est pas son cas.

Elle soutient que de la demande d’infirmation des chefs du jugement de condamnation expressément critiqués, se déduit de manière formelle, les prétentions de débouté qui en découlent et qu’en sollicitant l’infirmation d’une condamnation prononcée à son encontre, elle recherche incontestablement l’anéantissement de ce chef du dispositif du jugement déféré.

La société intimée demande à la Cour d’opérer la nécessaire distinction entre demande d’infirmation et demande de réformation et de retenir que pour chaque demande ayant fait l’objet d’une condamnation ou d’un rejet, l’infirmation du jugement est sollicitée. Elle relève encore qu’elle sollicite la confirmation du « débouté de Mme [HL]-[N] du surplus de ses demandes », et que tous les chefs du jugement critiqués sont détaillés dans les conclusions de sorte que ses prétentions d’appelante à titre incident sont incontestablement claires.

Elle fait valoir par ailleurs que l’arrêt cité est postérieur aux conclusions d’intimée et d’appelante à titre incident, signifiées par RPVA le 21 novembre 2021 et que l’application immédiate de cette règle de procédure, qui résulte de l’interprétation nouvelle d’une disposition au regard de la réforme de la procédure d’appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 et qui n’a jamais été affirmée par la Cour de cassation dans un arrêt publié, dans les instances introduites par une déclaration d’ appel antérieure à la date du présent arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.

Enfin, elle fait valoir que si par extraordinaire, la Cour estimait qu’elle n’était pas saisie de ces prétentions, elle ne pourrait que juger qu’à l’instar de conclusions d’appel vides de prétentions, qui emportent confirmation du jugement déféré, il en irait de même concernant l’appel incident et la Cour ne pourrait que confirmer le jugement déféré sur ces points, de sorte qu’elle ne pourrait pas faire droit aux demandes de Mme [HL]-[N] d’infirmation du jugement déféré et de réformation du quantum s’agissant des prétentions relatives au rappel de salaires variable et u rappel d’indemnité de licenciement.

– Mme [HL]- [N] objecte que la Cour de cassation juge de manière constante que lorsqu’une partie se borne, dans le dispositif de ses dernières conclusions, à solliciter l’infirmation du jugement et ne formule aucune prétention quant aux condamnations prononcées à son encontre, la cour d’appel n’est saisie d’aucune demande de la part de cette partie (Cass. 2 ème civ., 5 décembre 2013, n°12-23.611 ; Cass. 2 ème civ., 4 février 2021, n°19-23.615 ; Cass. 2 ème civ., 8 décembre 2021, n°20-10.424), de sorte que l’intimé est réputé demander la confirmation pure et simple du jugement.

Elle estime que les prétentions ne peuvent être déduites par la Cour d’appel sur la base d’une simple demande d’infirmation, quand bien même les chefs de jugement critiqués seraient précisés et que l’obligation procédurale tendant pour les parties à préciser expressément les prétentions dans le dispositif de leurs conclusions existait bien avant la date de signification des conclusions d’intimée, puisque plusieurs arrêts rendus par la Cour de cassation à ce titre sont antérieurs et que, en tout état de cause, le texte de l’article 954 du Code de procédure civile est parfaitement clair sur cette question.

En l’espèce, force est de constater que si la société intimée développe dans le corps de ses écritures des moyens de droit et de fait critiquant le jugement de première instance en ce qu’il l’a condamnée à payer à Mme [HL]-[N] les sommes de 2 544,19 euros au titre du rappel de salaire pour les mois travaillés non déclarés, 254,41 euros au titre des congés payés afférents, 12 453,30 euros à titre de rappel de la partie variable du salaire, 517,69 euros à titre de rappel sur l’indemnité de licenciement et 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, le dispositif de ses conclusions se borne à demander l’infirmation du jugement de ces chefs sans formuler aucune prétention relative aux dispositions du jugement et aux demandes de la partie adverse sur ces points, observation faite que l’appelante demande la confirmation du jugement en ce qu’il a condamné l’employeur à lui verser la somme de 2 544,19 euros au titre du rappel de salaire pour les mois travaillés non déclarés, 254,41 euros au titre des congés payés afférents et, dans leur principe, les condamnations au paiement d’un rappel de la partie variable du salaire, d’un rappel sur l’indemnité de licenciement et d’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile, sauf à les réformer sur leur quantum.

Il ne s’agit pas là d’une exigence procédurale nouvelle ainsi que le plaide à juste titre Mme [HL]-[N].

Il ne saurait se déduire de la précision des chefs de jugement dont l’appelant à titre incident sollicite l’infirmation, la formulation d’une prétention.

Il s’ensuit que la cour n’est pas saisie de l’appel incident formé par la société intimée et il convient de confirmer sur ces points le jugement entrepris sous réserve de l’appel formé par l’appelante sur le quantum.

II – Sur le co-emploi :

Au soutien de sa demande de reconnaissance d’un co-emploi vis-à-vis de la société Hougou, holding du groupe auquel appartient la société Signall Centre France, Mme [HL]-[N] fait valoir que la teneur des échanges de courriels entre M. [R], dirigeant du groupe, et elle même ainsi que M. [XC], directeur-général, illustre parfaitement les conditions dans lesquelles ce dirigeant intervenait dans l’organisation et le fonctionnement de la société filiale.

La société Signall Centre France objecte que la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation limite la reconnaissance d’un co-emploi à des situations exceptionnelles lesquelles ne sont pas réunies en l’espèce et réfute tout lien de subordination entre le groupe et la salariée qui se contente d’alléguer sans démontrer.

Hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être qualifiée de co-employeur du personnel employé par une autre que s’il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière.

Par ailleurs, en l’absence d’écrit, il incombe à celui qui se prévaut d’un contrat de travail, qui est défini comme le contrat par lequel une personne s’engage à travailler pour le compte et sous la subordination d’une autre, moyennant rémunération, le lien de subordination étant caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, d’en rapporter la preuve.

En l’espèce, pour preuve de la situation de co-emploi alléguée, Mme [HL]-[N] invoque divers échanges de mails (pièces n°6, 6bis et 85 de l’appelante).

Les messages versés aux débats entre M. [R] et elle-même établissent :

– la volonté du dirigeant de la société holding d’être informé sur l’évolution de l’activité et des projets développés (message du 27 mai 2017), auquel la salariée répond dans le détail sur divers domaines (le marché, l’activité commerciale notamment) et pas simplement sur les seules questions ressources humaines, puis de recueillir l’avis de Mme [HL]-[N] sur un certain nombre d’interrogations (message du 28 mai 2017),

– l’organisation par la salariée de la visite de M. [R], (pièce n°6 de l’appelante),

– que Mme [HL]-[N] répond à M. [HY], de la société Hougou, sur la question de la prise des jours de congés d’été par les salariés du site de [Localité 8] (message du 23 juin 2017),

– que M. [R] précise à Mme [HL]-[N] qu’il demande ‘à [CT] de n’intervenir chez Signall que sur demande explicite de M. [XC] ou d’elle’, mais ‘souhaiter néanmoins lorsqu’elle aura pré sélectionné un candidat pour le poste de directeur de l’usine de [Localité 8] que [CT] puisse le rencontrer’.

Mme [HL]-[N] communique en outre des messages adressés à M. [XC], directeur-général de la société Signall, par lesquels M. [R] invite le directeur-général à’ se concentrer vers la prise de commande, à adopter la méthode dure si les commerciaux très bien payés ne sont pas sur le même mode, et à le tenir informé des progrès’ (message du 8 avril 2017), regrette que ‘M. [XC] n’ait pas évoqué l’urgence d’une situation avant qu’ils ne se séparent avant la fin de la revue commerciale’ (message du 9 avril 2017), ‘recommande une discussion […], souhaite revoir le budget lors de la prochaine revue et connaître les responsables commerciaux, lesquels pourraient y présenter leur business, les réalisations’ (message du 30 mai 2017), ou encore donne sa vision stratégique de développement’ (message du 11 juillet 2017).

En l’état de ces éléments, il ne résulte en aucune façon que Mme [HL]-[N] établit avoir travaillé sous un lien de subordination de la société Hougou, ni davantage que celle-ci se soit immiscée de manière permanente dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [HL]-[N] de sa demande de reconnaissance d’un co emploi.

III – Sur les heures supplémentaires :

Quant au statut de cadre dirigeant :

A titre liminaire, la société fait valoir que la salariée, de par sa fonction, ses responsabilités au sein de l’entreprise et sa rémunération, était une cadre dirigeante de l’entreprise ce que réfute Mme [HL]-[N] qui objecte par ailleurs que la convention de forfait en jours prévue au contrat lui est inopposable en ce que ni la convention collective applicable ni l’accord d’entreprise ne comporte de disposition relative au forfait annuel en jours, l’employeur n’ayant, de surcroît, jamais organisé d’entretien relatif à sa charge de travail.

Les cadres dirigeants, exclus de la réglementation de la durée du travail, sont aux termes de l’article L. 3111-2 du code du travail ‘les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement’.

Le contrat de travail de Mme [HL]-[N], conclu à une époque où la société relevait de la convention collective des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils dite Syntec, indique que ‘conformément aux articles L. 3121-43 du code du travail (sic), le présent contrat fixe pour une année complète d’activité et un droit complet de congés payés à 218 jours (dont la journée de solidarité) le nombre de jours de travail […] et qu’à l’intérieur de ce forfait, Mme [HL]-[N] est totalement libre d’organiser son temps de travail en veillant au respect des dispositions conventionnelles et légales en vigueur relatives à la durée maximale journalière de dix heures consécutives de travail effectif, au repos quotidien de 11 heures consécutives et au repos hebdomadaire de 35 heures’.

Un tel forfait, qui est rappelé sur les bulletins de salaire, est exclusif de la qualité de cadre dirigeant.

Suivant un avenant conclu le 21 mars 2016, les parties ont convenu que la salariée était ‘confirmée au poste de directrice du capital humain du groupe Apia CS, qu’elle occupe depuis le 5 octobre 2015″, mais qu’à compter du 1er avril 2016 elle sera positionnée ‘statut cadre dirigeant – position 3-2 coefficient 210 de la convention collective Syntec’.

Consécutivement au changement de convention collective, un nouvel avenant était signé le 1er octobre 2016, mentionnant la classification de la salariée à la position ‘cadre supérieur coefficient 940 de la convention collective nationale de la Plasturgie’, sans modification de salaire, et stipulant de nouveau une ‘durée du travail : forfait jours’.

In fine, un avenant était signé le 29 mars 2017 aux termes duquel Mme [HL]-[N] convenait que ‘compte tenu de l’importance de ses responsabilités dans le cadre de ses fonctions de directrice du capital humain groupe, elle est totalement indépendante dans la gestion de son emploi du temps, qu’elle est habilitée à prendre des décisions de façon largement autonome, qu’elle perçoit une rémunération parmi les plus élevées de celles pratiquées au sein de la société et qu’elle participe effectivement à la direction de l’entreprise’.

En l’état de ces éléments il sera jugé que la convention de forfait conclue initialement puis celle de nouveau convenue du 1er octobre 2016 au 29 mars 2017, font échec au statut de cadre dirigeant opposé par l’employeur de la date de son engagement à cette dernière date.

En revanche, il ressort des pièces communiquées par l’employeur que :

– Mme [HL]-[N] était membre du Codir et participait à ses réunions aux côtés de M. [XC], directeur-général et de MM. [AF], [M] et [S], respectivement directeur des opérations, directeur administratif et financier et directeur marketing digital.

– alors qu’elle se voit octroyer à compter de l’année 2017 une rémunération variable dont la cible représente 15% de la rémunération annuelle brute, Mme [HL]-[N] concède qu’elle percevait la 4ème rémunération des membres du Codir, et en tenant compte notamment des rémunérations perçues par les directeurs commerciaux, la 9ème rémunération la plus élevée des 145 collaborateurs composant l’effectif de l’entreprise. En l’état de ces éléments, le conseil a pu considérer à bon droit qu’elle percevait une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l’entreprise.

Elle concède qu’il lui revenait de procéder aux recrutements des collaborateurs de l’entreprise ce qui caractérise objectivement une responsabilité d’importance. Il ressort en outre des pièces communiquées par l’employeur (pièces n° 84 à 89 de la société intimée) qu’en sa qualité de DRH, elle convoquait les salariés aux entretiens préalables, participait aux entretiens préalables et pouvait signer certaines lettres de licenciement ou de rupture de période d’essai.

Enfin et surtout, il est établi par ses propres pièces que non seulement elle a pu être consultée par le dirigeant du groupe, M. [R], sur l’activité de la société mais qu’elle s’est présentée dans la réponse qu’elle lui a adressée le 27 mai 2017 comme participant directement à la direction de l’entreprise. C’est ainsi que dans le point qu’elle adresse au dirigeant du groupe, elle se prononce sur le marché, la situation financière, précise qu’elle travaille ‘main dans la main avec le directeur-général, M. [XC]’, dont elle précise qu’il a repris la partie commerciale et qu’elle anime les réunions, la revue des outils de pilotage de la performance.

Elle précise encore à M. [R] que ‘nous sommes en train de revoir l’organisation, le discours commercial, la connaissance des équipes […] Nous rencontrons des commerciaux de la concurrence afin de benchmarquer les techniques, le reporting, c’est le chantier prioritaire actuel. Notre carnet de commandes en augmentation et nous pourrions être encore plus performant avec plus d’organisation […] Côté usine, nous avions identifié ce besoin de renfort […] je me demande même si nous ne devrions pas, ensemble avec [XO] ([XC], le directeur-général) vous voir à 3 pour faire un point préreview.’

Enfin, selon les propres écritures de la salariée elle a participé à compter du printemps 2017 à des week-end de travail avec le directeur-général et certains des membres du Codir dans le contexte de difficultés économiques que rencontrait la société.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que si en l’état des conventions de forfait convenues au contrat de travail et à l’avenant du 1er octobre 2016, l’employeur n’est pas fondé à opposer à Mme [HL]-[N] le statut de cadre dirigeant de la date d’embauche au 29 mars 2017, il en va autrement à compter de cette dernière date. En effet , il est établi que les fonctions de la salariée ont évolué en début d’année 2017 et que parallèlement à la conclusion d’un avenant lui accordant une rémunération variable, Mme [HL]-[N] a concrètement participé à la direction de l’entreprise de sorte qu’il sera jugé que l’appelante n’est pas fondée à solliciter le paiement d’heures supplémentaires à compter du 29 mars 2017.

Sur l’opposabilité de la convention de forfait jours pour la période antérieure au 29 mars 2017 :

L’accord Syntec du 19 février 2013 relatif à la santé et aux risques psychosociaux, qui rappelle notamment qu’ ‘eu égard à l’impact potentiel sur la santé et les risques psychosociaux au travail, les partenaires sociaux insistent sur le caractère impératif des dispositions relatives au suivi de la durée du travail, à la répartition de la durée du travail (quotidienne, hebdomadaire, mensuelle, annuelle) ainsi que les conditions de modification ou les éventuels dépassements et aux durées maximales du travail (quotidienne, hebdomadaire, mensuelle, sur 12 semaines consécutives, annuelle) […]’ énonce en son article 3.1.2., intitulé ‘suivi de la durée de travail’, que l’employeur s’assure que l’adéquation des moyens aux tâches confiées soit abordée lors de l’entretien annuel notamment en sensibilisant le management. L’employeur met en place des réunions régulières de projet/service des salariés et du management afin de s’assurer de l’adéquation des moyens. Ces réunions de services, organisées dans le cadre des dispositions légales et réglementaires afférentes à l’expression des salariés auxquelles sera associé le management, sont organisées notamment, sur les questions de l’organisation du travail, les conditions de travail et de suivi de la mission chez les clients. Une attention particulière est portée sur la question de la surcharge de travail, et fera l’objet d’une communication spécifique, notamment dans le cadre de ces réunions de service. Le (la) responsable hiérarchique assure le suivi de l’organisation du travail et de la charge de travail du (de la) salarié(e). Le (la) salarié(e) tiendra informé(e) son (sa) responsable hiérarchique des événements ou éléments qui accroissent de façon inhabituelle ou anormale sa charge de travail. En cas de difficulté inhabituelle portant sur ces aspects d’organisation et de charge de travail ou en cas d’isolement professionnel du (de la) salarié), le (la) salarié(e) a la possibilité d’émettre par écrit une alerte auprès de l’employeur ou de son (sa) représentant(e) qui recevra le (la) salarié(e) dans les 8 jours et formule par écrit les mesures qui sont, le cas échéant, mises en place pour permettre un traitement effectif de la situation. Ces mesures feront l’objet d’un compte rendu écrit. L’employeur transmet une fois par an au CHSCT, ou à défaut aux délégués du personnel dans le cadre des dispositions légales et réglementaires, le nombre d’alertes émises par les salariés. Lors de l’entretien individuel l’employeur considère les modalités et le temps de transport de l’intéressé(e), au regard de sa charge de travail. L’employeur rappelle régulièrement par l’envoi de notes de service à tous les salariés, les règles en termes d’organisation et de durée du travail.

Selon l’avenant Syntec du 1er avril 2014, étendu par arrêté du 26 juin 2014, en contrepartie du recours au forfait annuel en jours, l’employeur doit nécessairement mettre en place une série de mesures pour assurer l’effectivité du droit au repos des salariés, et notamment :

– celle d’un décompte du temps de travail en jours sur une période de référence annuelle, avec un maximum de 218 jours de travail par an, journée de solidarité incluse ;

– celle d’un outil de contrôle du décompte des jours travaillés/non travaillés objectif, fiable et contradictoire ;

– le respect des durées minimales de repos, en instaurant notamment une obligation de déconnexion des outils de communication à distance ;

– garantir une amplitude des journées travaillées et une charge de travail des salariés en forfaits jours raisonnables, assurant une bonne répartition dans le temps du travail des intéressés ;

– un suivi encadré de la charge de travail et de l’amplitude des journées de travail permettant de garantir l’équilibre vie privée et vie professionnelle, avec la mise en place d’un droit d’alerte et une information des représentants du personnel ;

– l’instauration d’au moins deux entretiens annuels obligatoires consacrés exclusivement au suivi de la charge de travail du salarié et de l’équilibre entre sa vie privée et professionnelle.

Peu important ses fonctions contractuelles et son statut de garante du respect des dites dispositions conventionnelles vis-à-vis des collaborateurs soumis au forfait jours, qu’elle ne pouvait s’appliquer à elle même, force est de relever que la société intimée ne justifie pas du respect de ces obligations et d’avoir suivi sa charge de travail tant que le contrat de travail relevait de la convention collective dite Syntec ni procédé aux entretiens prévus par l’avenant du 1er avril 2014 relativement au suivi de la charge de travail et de l’équilibre entre sa vie privée et sa vie professionnelle.

Il en va de même pour la période postérieure et l’adoption de la convention collective de la plasturgie, dont il n’est pas établi que l’employeur a respecté les dispositions de l’accord du 15 mai 2013 relatif au forfait jours, et notamment celles prescrivant un suivi régulier de la charge de travail du collaborateur par son supérieur hiérarchique et l’instauration d’entretien annuel au cours duquel doivent être notamment ‘abordés avec le salarié :

‘ sa charge de travail ;

‘ l’amplitude de ses journées travaillées ;

‘ la répartition dans le temps de son travail ;

‘ l’organisation du travail dans l’entreprise et l’organisation des déplacements professionnels ;

‘ l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale.’

Il n’est pas davantage justifié par l’employeur du respect des dispositions de l’article L. 3121-46 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, à savoir l’organisation d’un entretien annuel portant sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise et l’articulation entre la vie professionnelle et personnelle, ni postérieurement à l’entrée en vigueur de la réforme introduite par ce texte du respect des dispositions d’ordre public énoncées par l’article L. 3121-60 du code du travail en vertu duquel l’employeur s’assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.

Faute pour l’employeur d’avoir respecté ses obligations conventionnelles et légales afin de s’assurer de la santé de la salariée en terme de charge de travail, la convention de forfait en jours est inopposable au salarié, de sorte que la durée du travail doit donc être calculée selon les modalités de droit commun, Mme [HL]-[N] pouvant prétendre au paiement des heures supplémentaires qu’elle a accomplies.

Sur l’accomplissement d’heures supplémentaires :

Au soutien de sa réclamation salariale Mme [HL]-[N] verse aux débats un tableau numérique présentant mensuellement ses horaires quotidiens, assortis de récapitulatifs annuels et global sur la période considérée.

Il ressort de ces tableaux, qui détaillent l’heure de prise et de fin de service, déduction faite d’une pause méridienne d’une heure, que la salariée présente des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre.

La société conteste la réalisation d’heures supplémentaires non rémunérées. Elle affirme que les week-end allégués comme travaillés doivent être mis en relation avec la relation amoureuse entretenue par Mme [HL]-[N] avec M. [XC] directeur-général.

Si la salariée conteste toute relation en ce sens, affirmant que l’employeur n’en justifie pas, non seulement la société établit que M. [XC] a fixé le siège social de sa société de conseil en 2018 à l’adresse personnelle de Mme [HL]-[N] mais surtout, il ressort du propre témoignage de M. [S], membre du Codir (pièce n° 79 de l’appelante), que M. [XC] et Mme [HL]-[N] lui ont fait part de leur relation tout en précisant qu’ils n’ont jamais organisé de week-end d’agrément aux frais de l’entreprise mais que ces week-end prétendument travaillés par la salariée étaient ‘justifiés par la situation économique de l’entreprise même s’ils ont pu être perçus comme un échappatoire par certains collaborateurs du groupe’.

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Il appartient, cependant, au salarié d’étayer sa demande par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement exécutés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

En l’état de l’ensemble de ces éléments, il sera jugé que Mme [HL]-[N] justifie avoir accompli des heures supplémentaires, mais pour un nombre moins important que celui déclaré. Il lui sera alloué à titre de rappel d’heures supplémentaires, les sommes suivantes :

– 2 500 euros bruts au titre de l’année 2015, outre 250 euros bruts au titre des congés payés afférents,

– 10 465 euros bruts au titre de l’année 2016, outre 1 045 euros bruts au titre des congés payés afférents,

– 3 000 euros bruts au titre du premier trimestre 2017, outre 300 euros au titre des congés payés afférents.

IV – Sur le repos compensateur et la récupération des heures travaillées durant les congés :

Le contingent de 220 heures supplémentaires annuels n’ayant pas été atteints la demande formulée au titre du repos compensateur sera rejetée.

Par ailleurs, sauf à procéder par de simples allégations, lesquelles ne sont étayées par strictement aucun élément, la salariée affirme avoir travaillé durant ses congés payés les jours suivants :

– 1er au 5 août 2016, soit 3 335,55 euros ;

– 19 août 2016 soit 667,11 euros ;

– 13 au 17 février 2017 soit 3 335,55 euros ;

– 17 avril 2017 soit 667,11 euros ;

– 8 mai 2017 soit 667,11 euros ;

– 4 et 5 juin 2017 soit 1 334,22 euros ;

– 31 juillet 2017 au 4 août 2017 soit 3 335,55 euros ;

– 8 et 9 août 2017 soit 1 334,22 euros ;

– 11 août 2017 soit 667,11 euros.

La salariée ne peut se contenter d’affirmer avoir travaillé durant ses congés pour obtenir un rappel de salaire sans apporter le moindre élément de nature à établir avoir agi à la demande expresse ou implicite de l’employeur.

Le jugement sera complété sur ce point et Mme [HL]-[N] sera déboutée de sa réclamation.

V – Sur la rémunération variable :

Il suit de ce qui précède que la cour n’est pas saisie de l’appel incident de ce chef, de sorte que le conseil de prud’hommes a définitivement jugé que Mme [HL]-[N] était fondée en sa demande de rémunération variable.

Mme [HL]-[N] sollicite la confirmation du jugement sur le principe mais de le réformer sur le quantum en retenant l’incidence des heures supplémentaires accomplies sur le calcul de sa rémunération et son droit à rémunération variable.

Il convient de rappeler que par avenant en date du 3 avril 2017, mais à effet rétroactif sur l’année 2017, les parties ont convenu d’une « partie variable de 15 % du salaire brut annuel basée sur des objectifs quantitatifs et qualificatifs à effectuer annuellement » (Pièce n°5 de la société intimée).

Compte tenu du rappel d’heures supplémentaires et Mme [HL]-[N] n’étant pas fondée à solliciter à ce que l’indemnité compensatrice de congés payés soit prise en compte à ce titre, la rémunération variable sera portée à la somme de 12 903,30 euros bruts.

Le montant sera réformé en ce sens.

VI – Sur l’exécution déloyale du contrat de travail :

A l’appui de sa demande d’indemnisation, Mme [HL]-[N] dénonce les pressions morales subies et les agissements inadmissibles de M. [U], le nouveau président arrivé dans l’entreprise le 22 septembre 2017.

La société Signall Centre France objecte que la salariée ne rapporte pas la preuve du comportement prétendument inadmissible du nouveau dirigeant de l’entreprise lors de l’entretien du 22 septembre 2017.

L’article L. 1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Mme [HL]-[N] se plaint de 3 situations :

– un entretien houleux en date du 22 septembre 2017 au cours duquel M. [U] aurait tenu à son égard des propos humiliants et vexatoires, ce dont elle justifie s’être plainte auprès de M. [R] suivant email du 26 septembre.

L’appelante se prévaut de l’attestation rédigée par un de ses collègues, M. [S], qui se présente comme cadre dirigeant informatique. Le témoin précise que ce jour là M. [R] leur a présenté M. [U], qui s’est entretenu en individuel avec chacun des responsables de service. Il indique avoir constaté à son arrivée au siège que Mme [HL]-[N] était en larmes, l’intéressée lui ayant expliqué la violence de l’échange qu’elle avait eu avec le nouveau dirigeant ‘qui avait refusé de finir la discussion en lui précisant que c’était lui qui décidait quand ça commençait et quand cela se terminait’.

Il ne résulte pas de ces pièces la preuve du comportement que M. [U] et qu’il aurait tenu des propos humiliants ou vexatoires à son égard.

– un incident le 27 septembre 2017, dont plusieurs personnes auraient été témoins. C’est ainsi que :

Mme [FV], déléguée du personnel, atteste avoir vu au travers de la porte vitrée du bureau de la directrice des ressources humaines, M. [U] faire de grands gestes pendant que Mme [HL]-[N] pleurait, sans comprendre les propos ni le contenu de la discussion.

M. [S] expose avoir entendu ce jour là du bruit en provenance du bureau de Mme [HL]-[N] alors qu’elle était en réunion avec M. [U], et avoir constaté qu’elle pleurait à l’issue et tremblait.

Enfin M. [ND], consultant externe, certifie qu’alors qu’il avait laissé ouvert la porte du bureau dans lequel il travaillait, il a entendu des bruits inhabituels provenant du couloir et de l’animation avec un ballet de personnes qui passaient, s’être approché de la source sonore, être arrivé près du bureau de Mme [HL]-[N], dont il précise qu’il est équipé d’une porte vitrée, et avoir perçu une altercation forte sans pouvoir en préciser le contenu. Le témoin indique néanmoins que le dirigeant avait une posture assez agressive et agitée vis-à-vis de Mme [HL]-[N]. Il ajoute qu’après s’être éloigné, avoir de nouveau entendu M. [U] parler plus fort et avoir entendu, certainement après que la porte fut ouverte, ‘des choses blessantes sans pour autant être insultantes’. Il précise s’être rendu auprès de Mme [HL]-[N] qui était pâle, tremblait et pleurait.

La violence verbale dont fit preuve ce jour là M. [U] à l’égard de la directrice des ressources humaines est parfaitement établie.

– les propos injurieux à l’égard des ‘australiens’ décrits comme étant ‘tous des brigands ou des putes’, tenus par M. [U] lors d’un dîner professionnel, alors même que Mme [HL]-[N] lui avait indiqué être franco-australienne, ce dont témoigne M. [S].

Elle justifie encore qu’en son absence, consécutif à son arrêt maladie qui a débuté le 7 octobre 2017, M. [U] a indiqué lors d’un comité de direction en parlant d’elle que ‘la folle ne reviendrait pas et que c’était mieux comme cela’. Si la salariée n’établit pas de lien entre ces comportements violents réitérés et l’accident de la circulation dont elle a été victime en octobre 2017, elle rapporte pour autant la preuve d’agissements blessants réitérés du dirigeant à son égard, lesquels caractérisent une exécution déloyale du contrat de travail.

Le jugement sera infirmé de ce chef et le préjudice en résultant pour la salariée sera réparé par l’allocation de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts.

VII – Sur le travail dissimulé :

Selon l’article L. 8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L’article L8221-5 dispose notamment que, ‘est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur […] de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales’.

La cour n’étant pas saisie de l’appel incident de la société intimée relativement au rappel salarial portant pour la période de juin au 7 octobre 2015, c’est à dire précédant son engagement, le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné de ce chef la société Signall Centre France à verser à la salariée la somme de 2 544,19 euros au titre de rappel de salaire pour les mois travaillés non déclarés, outre 254, 41 euros au titre des congés payés afférents.

Il n’est pas allégué ni a fortiori justifié que ces heures de travail aient été déclarées ni qu’elles aient donné lieu à établissement d’un bulletin de paye de régularisation.

Il s’en infère suffisamment que la preuve de l’intention de l’employeur de ne pas déclarer ces heures de travail est établie.

Le jugement sera réformé en ce qu’il a débouté Mme [HL]-[N] de ce chef à qui il sera alloué la somme de 49 463,07 euros, rappel d’heures supplémentaires et rémunération variable inclus, qui portent le salaire de référence à la somme de 8 243,84 euros.

VIII – Sur la cause du licenciement :

La lettre de licenciement est ainsi libellée :

« Nous faisons suite à l’entretien du 9 décembre 2017 au cours duquel nous vous avons exposé les motifs qui nous amenaient à envisager votre licenciement, et nous avons recueilli vos observations. Malheureusement, ces dernières n’ont pas été de nature à remettre en cause la mesure envisagée à votre encontre.

En effet, au regard des éléments dont nous disposons, nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour insuffisances professionnelles, notamment pour les motifs suivants :

1. Les garanties offertes par le contrat de prévoyance non cadre au sein de la société ne sont pas conformes aux obligations conventionnelles depuis les modifications intervenues sur la convention collective en vigueur depuis le 1er janvier 2016 !!! En votre qualité de DRH, vous ne pouvez ignorer la gravité des conséquences pouvant en résulter.

Ainsi, en cas de survenance d’un sinistre, c’est la société qui serait condamnée à verser un complément au salarié pour compenser l’absence de bénéfice des dispositions de la prévoyance. En cas d’accident lourd, cela peut représenter des sommes plus que significatives.

Or, à la date des présentes, force est de constater que les nouvelles garanties n’ont pas encore été mises en ‘uvre (négociation avec le courtier, appel d’offre, etc ‘). Seules les opérations de consultations de la DUP ayant été mise en ‘uvre par la Direction Générale, durant la procédure vous concernant compte tenu de l’urgence.

2. Les procédures mises en ‘uvre pour la gestion de la Paye sont très consommatrices de temps, et ne relèvent d’aucune cohérence.

Ainsi, alors que la paye est sous traitée auprès d’une entreprise extérieure, nous devrions juste leur donner des éléments fiables.

Or, la Société n’utilise manifestement pas les outils existants pour établir un reporting fiable auprès du prestataire, ce dont il résulte des erreurs de paye importantes.

Ainsi, plusieurs logiciels peuvent gérer les événements mensuels, mais la Société ne les utilise pas, et laisse les informations remonter sans l’utilisation rationnelle des outils dans lesquels il a été investi. Cela génère des erreurs de paye à répétition ce qui est inacceptable de la part d’une DRH.

A titre d’exemple, nous avons notamment noté des erreurs significatives sur les payes des salariés suivant du fait de la non exploitation des outils mis à disposition.

‘ [B] [D]

‘ [L] [YN]

‘ [LA] [TV]

‘ [TI] [HL]

‘ [ZA] [E]

‘ [FI] [Z]

‘ [KB] [H]

‘ [PG] [SW]

‘ [K] [OU]

‘ [J] [I]

‘ [CM] [YB]

‘ [W] [P]

‘ [C] [VL]

‘ [F] [SJ]

‘ [VY] [ME]

‘ [KN] [NP]

‘ [G] [AM]

‘ [XO] [CA]

3. Les dossiers des salariés fourmillent d’erreurs ou n’ont pas été traités ce dont vous ne trouverez, ci-après que quelques exemples épars :

– [X] [V] dont le contrat d’apprentissage a débuté le 12 septembre denier : son contrat était faux, le salaire (pourcentage du SMIC) non conforme aux règles en vigueur. Nous avons dû gérer avec l’école, refaire le contrat, et reprendre du salaire à l’intéressé.

– [TI] [EW] (représentant du personnel) : il est passé cadre au 01/02/2017 mais sur son bulletin de salaire, la modification « forfait-jours » n’avait jamais été effectuée. Le salaire apparaissait toujours avec un salaire horaire mensuel de 151h67.

– Des jours de repos supplémentaires ont été accordés à des non-cadres. Les non cadres n’ont pas droit aux jours de RTT, mais le compteur mis en place sur le bulletin de salaire pour les jours attribués en sus, a été appelé « RTT acquis » ‘

– [B] [D] : a été absente plusieurs mois pour maladie, et ne bénéficiait plus du maintien de salaire, son dossier a été initié auprès de l’organisme de prévoyance mais pas tenu à jours. Elle ne percevait donc pas les indemnités auxquelles elle avait droit depuis les mois d’avril, bien qu’elle ne cesse de les réclamer. Nous avons débloqué le dossier et nous avons pu lui régulariser 800 euros bruts sur sa paie d’octobre. Il lui manquait également l’augmentation de sa prime d’ancienneté et une journée de congés, déduite à tort il y a quelques mois. Nous l’avons reçue et elle n’en pouvait clairement plus de ressasser son histoire et de ne pas avoir les régularisations attendues.

– Dossier [Z] : un aménagement de la situation de travail de M. [Z] a été mis en place dans l’atelier. Pour aider M. [Z] (suite à ses problèmes de santé), nous avons investi dans du matériel :

o Potence murale avec palan électrique,

o 2 tables élévatrices fixes,

o Un gerbeur électrique.

Le tout pour plus de 8 500 euros.

Nous sommes relancés par l’AGEFIPH pour leur transmettre les factures acquittées, correspondant aux matériels, afin que nous puissions bénéficier de la subvention à laquelle nous pouvons prétendre.

Le dernier courrier de relance date du 5 septembre et stipule : « si vous ne nous faites pas parvenir les documents demandés avant le 6 octobre 2017, nous serons contraints d’arrêter nos règlements et de résilier la lettre d’attribution de subvention. Dans ce cas, nous vous demanderons le remboursement des sommes déjà versées, comme précisé dans les conditions générales et ne pourrons accepter toute nouvelle demande ».

4. Procédures de recrutement :

Des demandes de recrutement non justifiées et non cohérentes avec le besoin de la société ont été mises en place. Ainsi des mandats de recrutement signés ont été transmis à nos partenaires pour les postes dont nous n’avions aucunement l’utilité. D’autres difficultés ont pu être constatées dans le processus de recrutement.

-Responsable informatique : refus de faire l’étude de poste proposée par le cabinet de recrutement ; de fait, le besoin ne correspondait pas à la réalité.

Le cabinet de recrutement qui assure habituellement les prestations de pré-sélection et de recrutement des candidats, dans un courriel nous a par ailleurs précisé qu’il y avait déjà eu par le passé 4 annulations de missions pour des faits similaires et ce malgré des mandats de recrutement signés (dont certains qui correspondaient à des postes qui n’avaient jamais été ouverts selon les entretiens entre les opérationnels et le partenaire).

Vous comprendrez que de tels manquements donne une très mauvaise image de la société et que nous risquons de voir les prestations de notre partenaire se dégrader du fait de l’absence de fiabilité, ou à défaut se renchérir. De tels manquements intervenus sous votre supervision sont purement et simplement inacceptables.

5. Formation :

Nous constatons à la date de l’entretien qu’il n’existe aucune ébauche de plan. Seules des formations sécurité initiées par la responsable QSE ont été programmées. Aucun dossier n’a été transmis à l’OPCA qui nous permettrait de bénéficier de prise en charge d’une partie des frais de formation. L’OPCA (OPCA DFI) a, à plusieurs reprises, tenté de prendre rendez-vous mais aucun rendez-vous n’a été fixé par vous.

Vous comprendrez que, compte tenu de votre expérience, de votre qualification et de votre niveau de rémunération, de tels manquements sont purement et simplement inacceptables et justifient pour chacun d’entre eux votre licenciement pour insuffisance professionnelle.

Vous nous permettrez par ailleurs d’être choqués par l’argumentation développées lors de votre entretien puisque loi de contester la matérialité des faits, vous vous êtes abritée derrière le fait que lors de votre arrivée il y a deux ans, et demi, les difficultés existaient déjà pour partie. Vous avez ensuite orienté votre défense en rejetant systématiquement la responsabilité soit sur une de vos subordonnées dont vous aviez procédé au licenciement, soit sur le fait que vous aviez informé votre hiérarchie de la situation. Or, sauf erreur de notre part, à votre niveau d’expérience et de rémunération, nous pouvons considérer que nous étions en droit d’attendre autre chose de votre part en tant que DRH que de simples alertes ; Ainsi votre argumentation montre simplement que malgré un entretien détaillé sur vos insuffisances professionnelles, vous n’avez toujours pas saisi la gravité comme l’imputabilité des dites insuffisances. Ainsi, malgré vos insuffisances matériellement, constatées, vous vous avérez dans la stricte impossibilité de vous remettre en cause. Votre attitude nous conforte ainsi dans le fait qu’il ne peut d’exister d’autre mesure qu’un licenciement tant au regard de la gravité des insuffisances que de votre attitude.

La date de première présentation de la présente à votre domicile, marquera le point de départ de votre préavis de 3 mois, dont nous vous dispensons, mais qui vous sera rémunéré aux échéances habituelles de la paye.

Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L’insuffisance professionnelle se caractérise par une mauvaise qualité du travail, une incapacité du salarié à exercer ses fonctions de façon satisfaisante, en raison d’une incompétence professionnelle ou d’une inadaptation à l’emploi. Si l’insuffisance professionnelle relève de l’appréciation de l’employeur, ce dernier doit néanmoins s’appuyer sur des faits objectifs, imputables au salarié et matériellement vérifiables.

Mme [HL]-[N] précise dans ses conclusions qu’à l’inverse de ses collaborateurs, responsables ressources humaines, elle n’avait pas de rôle opérationnel, mais pour mission de coordonner leur travail, de diriger leurs actions et éventuellement de les sanctionner pour leurs actes ce qu’elle n’a pas manqué de faire, qu’elle décrit comme un ‘rôle d’encadrement général et de supervision’.

En l’espèce, hormis le grief visant la formation et l’incohérence de certains recrutements, la matérialité des manquements relevés par l’employeur n’est pas critiquée par la salariée qui en impute la responsabilité à ses subordonnées, responsables des ressources humaines.

En effet, alors que le doute profite à la salariée, celle-ci réfute utilement le reproche visant le manque d’initiatives prises relativement à la formation professionnelle en justifiant ainsi la mise en place de formations relatives à la mise en oeuvre de l’outil Horoquartz (pièce n°93) et en soulignant le manque de moyens consacrés à ce sujet, et celui portant sur des demandes de recrutement non justifiées ou incohérentes en établissant avoir signalé au directeur-général en juillet 2017 l’incohérence de valider 2 CDD, au mépris de la procédure mise en place et décidée par le Codir.

Pour le surplus, Mme [HL]-[N] affirme que les responsables des ressources humaines situées à [Localité 8] ont fait de nombreuses erreurs dans des dossiers de salariés malgré les directives qu’elle leur donnait, ce qui a motivé les licenciements de Mmes [O] en juin 2016 et [RX] en septembre 2017. Elle fait valoir que les erreurs découvertes par Mme [Y] ne sont pas les siennes mais celles imputables à Mme [RX] que cette collaboratrice a remplacée.

Elle réplique que :

– le contrat d’apprentissage de M. [V] a été régularisé par la CCI du Cher et il en est résulté aucun préjudice pour la société,

– il ne lui appartenait pas de rédiger les bulletins de salaire de sorte qu’il ne saurait lui être reproché les mentions figurant sur les fiches de paye de M. [EW] relatives à ses horaires mensuelles (151,67 h) et non à la convention de forfait à laquelle il était tenu,

– il ne lui appartenait pas d’utiliser le logiciel Horoquartz,

– ne pas être responsable de l’action en justice intentée par M. [T] tendant à la nullité de sa convention de forfait,

– concernant Mme [D], la correspondance de la MGP a été adressée au site de [Localité 8] et non au siège de [Localité 6], de sorte que c’est Mme [RX] qui l’a réceptionnée,

– elle impute encore à Mme [RX] le fait de ne pas avoir traité la correspondance de l’AGEFIPH relativement à la situation de M. [Z] et souligne que les pièces produites par l’employeur font bien référence à son ancienne collaboratrice.

– la réclamation de l’Urssaf reçue quelques jours après le début de son arrêt maladie concernait des dossiers de cotisations du site de [Localité 8], dossier était géré par Mme [RX],

– le désordre décrit par Mme [Y] dans son attestation sur le site de [Localité 8] provenait de l’ancien bureau de Mme [RX],

– la disparition du dossier de Mme [UZ] ne relève pas de sa responsabilité,

En ce qui concerne le fait de ne pas avoir organisé les entretiens individuels, professionnels et de forfaits-jours, Mme [HL]-[N] relève que l’audit mentionne que les entretiens professionnels ont été faits par Mme [O] (site de [Localité 6]), qu’il n’y en a aucune trace et qu’il ‘faut absolument retrouver les relevés’. Elle affirme qu’il appartenait aux responsables des ressources humaines de mener à bien l’ensemble de ces entretiens. Si l’appelante justifie que l’organisation des entretiens individuels avait été prévue en 2016 et 2017 (pièces n° 96 et 97 de l’appelante), il n’est pas établi que les dits entretiens ont été concrètement mis en oeuvre et qu’elle s’en soit assurée.

Il en va de même concernant les entretiens annuels des salariés au forfait jours, la salariée justifiant simplement avoir mis en oeuvre une procédure consistant à demander à ses collaborateurs de déclarer chaque mois le nombre de jours travaillés.

Relativement à la prévoyance, Mme [HL]-[N] indique sans être utilement contredite par la société Signall Centre France que seul les salariés non cadres du site de [Localité 8] étaient concernés par la non mise en place des nouvelles garanties consécutives au changement de convention collective instaurée au 1er octobre 2016.

Elle ne conteste pas le constat mais indique avoir aussitôt réagi dès qu’elle en a été informée, affirmant ne pas avoir été rendu destinataire du message de M. [A] signalant cette difficulté dès le mois de septembre 2016. Elle ajoute qu’au jour de son licenciement la situation était en cours de régularisation.

Pour autant, alors qu’il lui appartenait en sa qualité de directrice des ressources humaines d’encadrer et de contrôler l’activité des responsables des ressources humaines placées sous son autorité, la multiplicité des erreurs, carence et manquements des services placés sous son autorité relevés par Mme [Y] à sa prise de poste en octobre 2017, établit objectivement une insuffisante maîtrise par la salariée de ses responsabilités, laquelle était susceptible d’entraîner pour l’employeur des risques importants sur le plan social et prud’homal.

Par suite, et peu important que la procédure de licenciement ait été initiée dans un contexte de difficultés économiques que l’employeur concède, ce dernier établit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef et en ce qu’il a débouté la salariée de ses demandes financières subséquentes, sous réserve du rappel d’indemnité légale de licenciement.

Sur ce dernier point et tenant compte du salaire de référence, rappel d’heures supplémentaires et de rémunération variable, Mme [HL]-[N] pouvait prétendre à une indemnité de 5 598,69 euros. Ayant perçu la somme de 4 179,97 euros elle est fondée à solliciter un rappel de ce chef s’établissant à 1 418,72 euros.

IX – Sur le caractère brutal et vexatoire du licenciement :

Tout salarié licencié dans des conditions vexatoires ou brutales peut prétendre à des dommages et intérêts en réparation du préjudice distinct de celui résultant de la perte de l’emploi. Il en est ainsi alors même que le licenciement lui-même serait fondé, dès lors que le salarié justifie d’une faute et d’un préjudice spécifique résultant de cette faute.

À l’appui de sa demande indemnitaire de ce chef, Mme [HL]-[N] fait valoir avoir été stupéfaite d’être convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement à l’occasion duquel, affirme-t-elle, l’employeur lui a asséné des griefs qui ne lui avaient jamais été faits par le passé, avant de lui notifier son licenciement pour insuffisance professionnelle. Elle affirme qu’il n’y a rien de plus grave pour une salariée qui a consacré toute son énergie à l’aboutissement d’un projet, d’être mise à la porte en remettant en cause ses qualités professionnelles impunément. Elle indique encore que ‘le préjudice moral n’est que trop rarement indemnisé à sa juste valeur et que c’est l’une des raisons pour lesquelles on voit proliférer les comportements les plus humiliants car il règne en la matière une impunité manifeste […]’

Enfin elle affirme, sans en justifier, avoir dû quitter l’entreprise au vu et au su de l’ensemble du personnel de l’entreprise.

Faute pour la salariée de rapporter la preuve de conditions brutales ou vexatoires dans lesquelles la procédure de licenciement a été mise en oeuvre le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a déboutée de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en ce qu’il a, d’une part, rejeté la demande de reconnaissance d’un co-emploi, d’autre part, jugé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, débouté Mme [HL]-[N] de sa demande d’indemnité pour licenciement injustifié, de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire, de rappel salarial au titre du repos compensateur, et, enfin, condamné la société Signall Centre France à payer à Mme [HL]-[N] les sommes suivantes :

– 2 544,19 euros au titre de rappel de salaire pour les mois travaillés non déclarés, outre 254, 41 euros au titre des congés payés afférents,

– 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

L’infirme en ce qu’il a débouté Mme [HL]-[N] de ses demandes en paiement d’un rappel d’heures supplémentaires, d’une indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail, de l’indemnité légale pour travail dissimulé, et sur les montants des rappels de rémunération variable et d’indemnité légale de licenciement,

Statuant à nouveau des chefs ainsi infirmés,

Condamne la société Signall Centre France à verser à Mme [HL]-[N] les sommes suivantes :

– 2 500 euros bruts au titre des heures supplémentaires 2015, outre 250 euros bruts au titre des congés payés afférents,

– 10 465 euros bruts au titre des heures supplémentaires 2016, outre 1 045 euros bruts au titre des congés payés afférents,

– 3 000 euros bruts au titre des heures supplémentaires du premier trimestre 2017, outre 300 euros au titre des congés payés afférents,

– 12 903,30 euros bruts à titre de rémunération variable 2017 et 2018,

– 1 000 euros de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

– 49 463,07 euros d’indemnité légale pour travail dissimulé,

– 1 418,72 euros de rappel d’indemnité de licenciement.

Y ajoutant,

Déboute Mme [HL]-[N] de sa demande de récupération pour le travail allégué durant ses jours de congés et de ses demandes plus amples,

Dit que les créances de nature contractuelle sont productives d’intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues à cette date, et à compter de chaque échéance devenue exigible, s’agissant des échéances postérieures à cette date, et que les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant,

Ordonne la capitalisation de ces intérêts à condition que ces intérêts soient dus au moins pour une année entière,

Condamne la société Signall Centre France aux dépens d’appel et à payer à Mme [HL]-  [N] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

– Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame [MR] FIORE greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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