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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
21e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 20 AVRIL 2023
N° RG 21/01273 – N°Portalis DBV3-V-B7F-UPCC
AFFAIRE :
[G] [U]
C/
S.A.S. DXC TECHNOLOGY FRANCE….
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Mars 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE
N° Section : E
N° RG : 18/02071
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Samuel GAILLARD
Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [G] [U]
né le 02 Janvier 1969 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Samuel GAILLARD, Plaidant/constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0318
APPELANT
****************
S.A.S. DXC TECHNOLOGY FRANCE IMMATRICULEE AU RCS DE NANTERRE, agisssant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège.
N° SIRET : 315 268 664
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, avocat constitué, au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52, substituée par Me Léa FONSECA, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 07 Mars 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique PITE, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,,
Madame Véronique PITE, Conseiller,
Mme Florence SCHARRE, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE, et en présence de Maxime PLANCHENAULT, greffier stagiaire.
FAITS ET PROCÉDURE
M. [G] [U] a été engagé, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 6 décembre 2016 en qualité de « managing Partner », par la société CSC Computer Sciences devenue DXC Technology France, et qui, spécialisée dans le conseil, l’intégration de solutions applicatives et de systèmes d’information et l’externalisation, emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs conseils et des sociétés de conseil, dite Syntec.
Convoqué le 26 février 2018 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 7 mars suivant, M. [U] a été licencié par lettre datée du 14 mars 2018 énonçant une cause réelle et sérieuse avec dispense d’exécuter le préavis.
Contestant son licenciement, M. [U] a saisi, le 3 août 2018, le conseil de prud’hommes de Nanterre aux fins d’entendre juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire, ce à quoi la société s’est opposée.
Par jugement rendu le 5 mars 2021, notifié le 3 avril suivant, le conseil a statué comme suit :
Constate que le licenciement de M. [U] est pourvu d’une cause réelle et sérieuse;
Condamne la société au paiement des sommes suivantes :
– 107 142 euros à titre de rappel de rémunération variable 2017/2018 ;
– 22 321 euros à titre de rappel de rémunération variable 2018/2019 prorata temporis ;
– 11 752 à titre de rappel d’indemnité conventionnelle de licenciement liés aux rappels de rémunération variable ;
– 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Déboute M. [U] du surplus de ses demandes
Déboute la société de l’ensemble de ses demandes.
Le 28 avril 2021, M. [U] a relevé appel de cette décision par voie électronique.
Selon ses dernières conclusions notifiées le 1er décembre 2022, M. [U] demande à la cour de :
Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société au paiement des sommes suivantes :
– 107 142 euros à titre de rappel de rémunération variable 2017/2018 ;
– 22 321 euros à titre de rappel de rémunération variable 2018/2019 prorata temporis ;
– 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Et en ce qu’il a condamné la société à lui verser un rappel d’indemnité conventionnelle de licenciement, mais l’infirmer sur le quantum.
Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté du surplus de ses demandes ;
Statuant à nouveau :
Condamner la société à lui payer les sommes suivantes :
– 238 091 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires pour l’année 2017
– 23 809 euros à titre de rappel de congés payés sur les heures supplémentaires en 2017
– 38 540 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires pour l’année 2018
– 3 854 euros à titre de rappel de congés payés sur les heures supplémentaires en 2018
– 138 328 euros à titre d’indemnité pour le repos compensateur non pris (2017)
– 15 331 euros à titre de rappel d’indemnité conventionnelle de licenciement
– 96 105 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Débouter la société de l’ensemble de ses demandes.
Condamner la société à lui verser la somme additionnelle de 2 000 euros au titre de l’article 700 pour les frais d’appel.
Aux termes de ses dernières conclusions, remises au greffe le 12 décembre 2022, la société par actions simplifiée DXC Technology France demande à la cour de :
Confirmer le jugement en ce qu’il a jugé le licenciement justifié ;
Infirmer le jugement en ce qu’il :
– l’a condamnée à tort au paiement des sommes suivantes :
– 107 142 euros à titre de rappel de rémunération variable 2017/2018 ;
– 22 321 euros à titre de rappel de rémunération variable 2018/2019 prorata temporis;
– 11 752 euros à titre de rappel d’indemnité conventionnelle de licenciement lié aux rappels de rémunération.
– l’a déboutée de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau :
Débouter M. [U] de l’ensemble de ses demandes ;
Condamner M. [U] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.
Par ordonnance rendue le 4 janvier 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 31 janvier 2023, laquelle a été reportée au 7 mars suivant.
Alors le conseiller rapporteur a soulevé d’office le moyen tiré de l’effet dévolutif de l’appel au regard des dispositions de l’article 562, alinéa 1er, du code de procédure civile, et des termes de la déclaration d’appel limitée aux chefs de jugement expressément critiqués : savoir, sur le licenciement, en ce qu’il a débouté l’appelant de ses demandes suivantes formées à l’encontre de la société : 96.105,16 euros à titre d’indemnité de licenciement sans motif réel et sérieux, sur la portée de la saisine de la cour et la question de savoir si elle est saisie du chef de jugement constatant « que le licenciement de M. [U] est pourvu d’une cause réelle et sérieuse ».
Par note en délibéré autorisée reçue le 8 mars, M. [U] considère que l’indemnité pour licenciement sans cause dépend de la cause du licenciement, si bien que nécessairement la critique de la première comporte celle de la seconde. Il ajoute, sur le fondement du 2nd alinéa de l’article 562, que la dévolution s’opérerait pour le tout s’agissant du même objet, indivisible, sur la base unique de l’article L.1235-3 du code du travail.
MOTIFS
I ‘ sur la dévolution de l’acte d’appel
Selon l’article 901-4° du code de procédure civile, à peine de nullité, la déclaration d’appel contient « les chefs de jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible ».
En application de l’article 562 du même code, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s’opérant pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
Seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement. Il en résulte que lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas.
Par sa déclaration d’appel, M. [U] a expressément critiqué le rejet par le conseil de prud’hommes de sa prétention à dommages-intérêts pour licenciement abusif, sans parler du chef au dispositif du jugement constatant que son licenciement était causé.
S’il prétend que la dépendance visée au 1er alinéa de l’article 562 s’entend non seulement des incidences mais des conditions antécédentes, il n’en reste pas moins que les chefs dépendant de ceux critiqués s’entendent seulement de tous ceux qui sont la conséquence des chefs de jugement expressément critiqués, et ne contiennent pas leur condition.
De la sorte, le chef de jugement disant « Constate que le licenciement de M. [U] est pourvu d’une cause réelle et sérieuse » ne dépend pas de celui rejetant la demande du salarié d’une indemnité pour licenciement abusif, pour en être, ici, la prémisse.
Il n’est justifié d’aucune nouvelle déclaration d’appel mentionnant d’autres chefs du jugement expressément critiqués formalisée par M. [U] dans le délai imparti par l’article 908 du code de procédure civile, étant rappelé que la régularisation de la procédure d’appel ne peut résulter des conclusions au fond prises par l’intéressé.
Il en résulte qu’à défaut de contenir la critique de l’alinéa du dispositif du jugement entrepris exprimant : « Constate que le licenciement de M. [U] est pourvu d’une cause réelle et sérieuse », cette disposition, qui ne fait l’objet d’aucun appel et dont, faute de dévolution, la cour n’est pas saisie, est désormais définitive.
II ‘ sur l’exécution du contrat de travail
Sur les heures supplémentaires et le repos compensateur
Affirmant avoir intégré un service en déshérence d’une entreprise en tension avec l’objectif, sans aide ni moyens, de restructurer l’offre pour y ajuster les ressources humaines, M. [U] évoque la surcharge de son travail accrue par des effectifs exsangues et par la fusion des entreprises CSC Computer Sciences et HPE le 3 avril 2017 suivie d’un plan de départ volontaire à l’automne 2017 ayant donné lieu à plusieurs alertes de sa part et conduit à l’altération de sa santé.
S’il convient être soumis au forfait en jours, il exprime n’avoir eu la faveur d’aucun entretien annuel sur sa charge de travail. Il dit avoir été occupé en moyenne hebdomadaire 63 heures en 2017, 53 heures en 2018 et sur cette base, se prévaut du repos compensateur dû au-delà du contingent de 220 heures, de 1.007 heures en 2017.
La société DXC technology souligne que le conseil de prud’hommes n’a pas remis en cause la validité de la convention de forfait. Elle se prévaut par ailleurs des dispositions de la convention collective et de l’accord d’entreprise laissant à l’initiative du salarié de l’informer de ses difficultés. Elle note qu’en application de l’article L.3121-62 du code du travail, son contradicteur n’était pas soumis au droit commun régissant la durée légale de travail. Elle lui dénie la démonstration d’heures supplémentaires, a fortiori effectuées sous son assentiment, que rend obligatoire l’accord d’entreprise. Subsidiairement, elle considère que sa rémunération tenait compte de ses sujétions.
L’article 5 du contrat de travail de l’intéressé exprime : « conformément aux dispositions de l’accord collectif relatif à la réduction du temps de travail applicable dans l’entreprise, aux articles L.3121-43 et suivants du code du travail et en considération de vos fonctions, vous relevez d’un forfait de 215 jours par an pour une année complète d’activité prévue par cet accord.
« Compte tenu de vos fonctions et de l’autonomie qui vous est reconnue, il vous appartient de gérer votre temps de travail afin de satisfaire à vos missions, dans le respect des règles relatives au repos quotidien et hebdomadaire. Vous vous engagez sur l’honneur à respecter le repos quotidien de 11 heures consécutives et le repos hebdomadaire de 35 heures. En cas de difficultés, vous vous engagez à faire valoir par écrit vos observations sur le bon fonctionnement du forfait et sur l’amplitude de vos journées d’activité et dans le cadre de vos entretiens annuels, vous évoquerez ce point avec votre hiérarchie conformément aux dispositions de l’article L.3121-46 du code du travail. »
Si M. [U] ne sollicite la constatation ni de la nullité ni de l’inopposabilité de la convention, et s’il ne prétend jamais, même dans ses motifs, qu’elle puisse, pour les raisons invoquées, être privée d’effet à son égard, il doit être considéré que sa demande fondée sur le droit commun contient celle de la voir déclarer sans effet qui est induit par son moyen, et l’employeur estime qu’il appartient à la cour de se prononcer sous cet aspect.
Certes, l’accord collectif d’entreprise qu’invoque la société DXC technology France dit que « chacun des salariés concernés peut, pour ce qui le concerne, faire valoir par écrit ses observations sur le bon fonctionnement de ce forfait en jours sur l’année : amplitude des journées d’activité, organisation du travail et charge du travail.
« Ces observations pourront être transmises au choix du salarié au responsable hiérarchique du service du personnel. Une réponse sera apportée dans un délai maximum de 1 mois à ces observations soit par écrit, soit par un entretien individuel avec un représentant de la direction. »
Pour autant, l’article L.3121-60 du code du travail dispose que « l’employeur s’assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail. »
Par ailleurs, l’accord rattaché à la convention collective Syntec du 19 février 2013 relatif à la santé et aux risques psychosociaux, qui rappelle notamment qu’ « eu égard à l’impact potentiel sur la santé et les risques psychosociaux au travail, les partenaires sociaux insistent sur le caractère impératif des dispositions relatives au suivi de la durée du travail, à la répartition de la durée du travail (quotidienne, hebdomadaire, mensuelle, annuelle) ainsi que les conditions de modification ou les éventuels dépassements et aux durées maximales du travail (quotidienne, hebdomadaire, mensuelle, sur 12 semaines consécutives, annuelle) […]’ énonce en son article 3.1.2., intitulé ‘suivi de la durée de travail’, que l’employeur s’assure que l’adéquation des moyens aux tâches confiées soit abordée lors de l’entretien annuel notamment en sensibilisant le management. L’employeur met en place des réunions régulières de projet/service des salariés et du management afin de s’assurer de l’adéquation des moyens. Ces réunions de services, organisées dans le cadre des dispositions légales et réglementaires afférentes à l’expression des salariés auxquelles sera associé le management, sont organisées notamment, sur les questions de l’organisation du travail, les conditions de travail et de suivi de la mission chez les clients. Une attention particulière est portée sur la question de la surcharge de travail, et fera l’objet d’une communication spécifique, notamment dans le cadre de ces réunions de service. Le (la) responsable hiérarchique assure le suivi de l’organisation du travail et de la charge de travail du (de la) salarié(e). Le (la) salarié(e) tiendra informé(e) son (sa) responsable hiérarchique des événements ou éléments qui accroissent de façon inhabituelle ou anormale sa charge de travail. En cas de difficulté inhabituelle portant sur ces aspects d’organisation et de charge de travail ou en cas d’isolement professionnel du (de la) salarié(e), le (la) salarié(e) a la possibilité d’émettre par écrit une alerte auprès de l’employeur ou de son (sa) représentant(e) qui recevra le (la) salarié(e) dans les 8 jours et formule par écrit les mesures qui sont, le cas échéant, mises en place pour permettre un traitement effectif de la situation. Ces mesures feront l’objet d’un compte rendu écrit. L’employeur transmet une fois par an au CHSCT, ou à défaut aux délégués du personnel dans le cadre des dispositions légales et réglementaires, le nombre d’alertes émises par les salariés. Lors de l’entretien individuel l’employeur considère les modalités et le temps de transport de l’intéressé(e), au regard de sa charge de travail. L’employeur rappelle régulièrement par l’envoi de notes de service à tous les salariés, les règles en termes d’organisation et de durée du travail.
Selon l’avenant Syntec du 1er avril 2014 à l’accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail, étendu par arrêté du 26 juin 2014, en contrepartie du recours au forfait annuel en jours, l’employeur doit nécessairement mettre en place une série de mesures pour assurer l’effectivité du droit au repos des salariés, et notamment :
– un décompte du temps de travail en jours sur une période de référence annuelle, avec un maximum de 218 jours de travail par an, journée de solidarité incluse ;
– un outil de contrôle du décompte des jours travaillés/non travaillés objectif, fiable et contradictoire ;
– dans le respect des durées minimales de repos, l’instauration notamment d’une obligation de déconnexion des outils de communication à distance ;
– la garantie d’une amplitude des journées travaillées et une charge de travail des salariés en forfaits jours raisonnables, assurant une bonne répartition dans le temps du travail des intéressés ;
– un suivi encadré de la charge de travail et de l’amplitude des journées de travail permettant de garantir l’équilibre vie privée et vie professionnelle, avec la mise en place d’un droit d’alerte et une information des représentants du personnel ;
– l’instauration d’au moins deux entretiens annuels obligatoires consacrés exclusivement au suivi de la charge de travail du salarié et de l’équilibre entre sa vie privée et professionnelle.
Dès lors, les stipulations du contrat de travail, reprise de l’accord, laissant à l’employé le soin de l’aviser de difficultés sont insuffisantes à satisfaire l’obligation qu’elle tient de l’article L.3121-60 précité et du surplus des dispositions des accords précités.
En tout état de cause, la société DXC technology France ne produit aucune pièce sous cet aspect, quand M. [U] justifie par ses mails des 27 mars, 19 juillet, 24 octobre 2017 l’avoir alertée sur la surcharge de son travail.
En conséquence, il convient de dire la convention de forfait en jour sans effet, de sorte que M . [U] était placé, pour la durée du travail, sous le régime ordinaire disposant de 35 heures par semaine.
A cet égard, l’article L.3171-4 du code du travail exprime qu’« en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. »
Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
M. [U] produit à compter du 27 février 2017 ses horaires de travail, chaque jour, en concordance des premiers aux derniers mails adressés, sous déduction d’une pause méridienne, alors que l’employeur, qui se borne à critiquer son récapitulatif, ne communique aucun élément probant de nature à établir les horaires effectivement accomplis par l’intéressé quand il lui appartient d’assurer le contrôle des heures de travail effectuées en produisant ses propres éléments sur les horaires effectivement accomplis par le salarié.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences légales et réglementaires. 1Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Au vu des éléments soumis aux débats par l’une et l’autre partie, il convient d’allouer à M. [U] les sommes de 142.000 euros bruts en rappel de paiement de ses heures supplémentaires effectuées en 2017, et de 27.500 euros bruts en 2018, augmentés des congés payés afférents, au paiement desquels la société DXC technology France sera condamnée. Le jugement sera réformé de ce chef.
L’article L.3121-38 du code du travail dit, de manière supplétive, qu’« à défaut d’accord, la contrepartie obligatoire sous forme de repos mentionnée à l’article L.3121-30 est fixée à 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel mentionné au même article L.3121-30 pour les entreprises de vingt salariés au plus, et à 100 % de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de vingt salariés. »
L’article D.3121-24 fixe de manière supplétive le contingent annuel d’heures supplémentaires à 220.
Aucune partie n’alléguant d’accord ou convention, ces dispositions doivent recevoir application.
Il sera dû à M. [U] 71.422 euros en contrepartie du repos compensateur non pris, au paiement desquels la société DXC technology France sera condamnée. Le jugement sera infirmé dans son expression contraire.
Sur la rémunération variable
Au rappel de la prévision au contrat d’une rémunération variable de 107.142 euros versée en fonction de la réalisation des objectifs, pertinents et communiqués en temps voulu, fixés par l’employeur, M. [U] soutient que leur première version sur l’exercice 2017/2018 était irréaliste car fondée sur des données comptables erronées, que, modifiée, la seconde version ne fut pas déclinée individuellement avant son licenciement, et il voit dans l’impossibilité où il fut mis de les valider, une sanction pécuniaire illicite. Il souligne qu’aucun objectif ne lui fut ensuite fixé, et considère avoir droit à la partie variable de sa rémunération prorata temporis, peu important qu’il fut dispensé de préavis.
La société DXC technology soutient avoir été dans l’impossibilité en début de la période 2017/2018 de fixer les objectifs en raison de sa fusion avec l’entreprise HPE en avril, puis, exerçant son pouvoir de direction, les avoir revus en octobre 2017. Contestant leur caractère irréaliste, elle plaide leur opposabilité au salarié qui ne démontre pas les avoir atteints.
Elle souligne n’avoir pas eu l’obligation d’en fixer l’année 2018/2019 puisque M. [U] était licencié avant le début de la période de référence, et fait valoir, en tout état de cause, qu’il n’y était pas éligible selon le plan de rémunération, faute de faire partie des effectifs au moment du versement de la rémunération variable. Elle observe qu’en plus, il fut dispensé du délai-congé.
L’article 4 du contrat de travail énonce que : « votre rémunération annuelle brute sera de 357.142 euros répartie comme suit :
Une partie fixe brute annuelle de 70% soit 250.000 euros versés en 12 mensualités de 20.833 euros ;
Une partie variable brute annuelle de 30% soit 107.142 euros. Cette somme vous sera versée en fonction de la réalisation des objectifs de l’année définis par le plan en vigueur dans l’entreprise applicable à votre fonction et conformément aux modalités stipulées dans le plan précité. »
Il incombe à l’employeur de justifier que sa décision de ne pas accorder la rémunération variable au salarié est fondée objectivement par la non-atteinte des objectifs qui lui sont assignés et qui, portés à sa connaissance, doivent être suffisamment précis.
Il est constant que les objectifs de l’année « fiscale » allant du 1er avril 2017 au 30 mars 2018 n’ont pu être fixés d’emblée en raison de la fusion des sociétés HPE et CSC Computer Sciences intervenue au mois d’avril, et qu’ils ont donné lieu, dès le mois d’août suivant, à divers échanges sur leur caractère irréalisable, défendu par certains, faute d’actualisation des données réelles.
Il n’est pas discuté que le 11 octobre 2017, la société DXC technology France transmettait à M . [U] des données actualisées, en ces termes : « comme discuté la semaine dernière, vous trouverez ci-joint :
Les actuals FY17 [année fiscale 2016/17] au taux FY18 [année fiscale 2017/18]
Les actuals Q1FY18
Le budget revenu/ OOP/ ressources etc. : à noter que l’OPP (en valeur et en %) dans le fichier « digital budget » est à un stade préliminaire. »
Ces documents joints ne sont pas produits.
En février 2018, la société DXC technology France attribuait à M. [U] pour l’année 2017/18 les objectifs suivants :
« Revenue quota (USD) 27.482.626,52
ABR quota (USD) 25.284.016
Profit quota (USD) 48.628.000
CSAT quota (NetPS) 60 »
Cela étant, elle ne justifie pas les avoir transmis à l’intéressé, à aucun moment, alors qu’il précise n’en avoir pas eu la déclinaison individuelle.
Son moyen tiré, à défaut, du calcul de la rémunération variable en fonction des critères du contrat, est inopérante dans la mesure où elle n’établit pas la non-atteinte des objectifs.
Dès lors, c’est à bon droit que le conseil de prud’hommes, précisant que la sanction en cas de non-respect des conditions mises à la charge de l’employeur est le paiement de l’intégralité de la rémunération variable, a considéré que M. [U] avait droit à la somme réclamée.
Ensuite, M. [U] a été licencié le 14 mars 2018, avant le début de l’année fiscale suivante, et il est sorti des effectifs de l’entreprise le 17 juin 2018.
Il n’est pas contesté que l’employeur ne lui fixa aucun objectif pour cet exercice.
Or, il lui appartient de respecter les termes du contrat en fixant les objectifs du salarié dont dépendait son droit à rémunération variable, sous réserve qu’il soit atteint, et ce, peu important qu’il ait décidé de le dispenser de son préavis, étant ajouté comme l’a justement relevé le conseil de prud’hommes que le salarié en préavis doit bénéficier des mêmes avantages dérivant de son emploi, et ainsi le prévoit l’article L.1234-5 du code du travail.
Si la société DXC technology France prétend que le plan de rémunération soumettait l’éligibilité du salarié à son maintien dans l’effectif au moment du versement de la rémunération variable, elle n’en apporte pas la preuve, faute de produire ce document, qui est contesté.
Le contrat n’ayant d’égard à ce sujet, c’est à bon droit que le conseil de prud’hommes a alloué à M. [U] paiement de la rémunération maximale prorata temporis. Le jugement sera confirmé à ce titre.
III – Sur la rupture du contrat de travail
Sur le complément d’indemnité de licenciement
L’article 19 de la convention collective ne stipulant pas pour les salariés d’une ancienneté moindre de deux ans, comme M. [U], il convient d’appliquer les dispositions des articles L.1234-9, R.1234-2 et R.1234-4 du code du travail.
Compte tenu de l’octroi d’une rémunération variable de 129.463 euros sur les 12 derniers mois, il lui sera alloué à M. [U] la somme réclamée de 4.583 euros, moindre au reste de celle allouée par le conseil de prud’hommes.
Compte tenu des heures supplémentaires retenues, il lui sera alloué un complément de 5.406 euros.
La société DXC technology France sera condamnée au paiement du total, 9.989 euros, et le jugement sera infirmé sur le quantum en ce qu’il l’a condamnée au paiement de 11.752 euros.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société par actions simplifiée DXC technology France à payer à M. [G] [U] 107 142 euros à titre de rappel de rémunération variable 2017/2018, 22 321 euros à titre de rappel de rémunération variable 2018/2019 prorata temporis ainsi que 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Et statuant de nouveau ;
L’infirme sur le surplus ;
Dit que la convention de forfait en jours est privée d’effet ;
Condamne la société par actions simplifiée DXC technology France à payer à M. [G] [U] :
142.000 euros bruts de rappel de ses heures supplémentaires en 2017, outre 14.200 euros bruts pour les congés payés afférents ;
27.500 euros bruts de rappel de ses heures supplémentaires en 2018, outre 2.750 euros bruts pour les congés payés afférents ;
71.422 euros en contrepartie du repos compensateur non pris en 2017 ;
9.989 euros bruts de rappel de l’indemnité légale de licenciement ;
2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société par actions simplifiée DXC technology France aux dépens d’appel.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame Isabelle FIORE greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,