Heures supplémentaires : 20 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/00020

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Heures supplémentaires : 20 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/00020
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRET DU 20 AVRIL 2023

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00020 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC3PT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Juillet 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 19/06048

APPELANT

Monsieur [S] [C]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Adrien BROUSSE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0748

INTIMEE

Société KEMER DE PARIS

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Eric LUTHI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1374

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre

Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre

Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Charlotte BEHR.

ARRET :

– CONTRADICTOIRE,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre, et par Marie-Charlotte BEHR, Greffière à laquelle la minute a été remise pas le magistrat signataire.

FAITS, PROC”DURE ET PR”TENTIONS DES PARTIES

La société Kemer de Paris (ci-après désignée la société KP) exerce une activité de restauration rapide (sandwicherie) et emploie à titre habituel moins de onze salariés.

Par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein prenant effet le 1er avril 2015, M. [S] [C] a été engagé en qualité de cuisinier par la société KP.

Les relations contractuelles étaient soumises à la convention collective nationale de la restauration rapide.

Par courrier du 1er juillet 2019, M. [C] a pris acte de la rupture de son contrat de travail reprochant notamment à l’employeur que le paiement de son salaire se fasse irrégulièrement, avec du retard et pour des montants inférieurs aux sommes mentionnées sur les bulletins de paye.

Sollicitant que sa prise d’acte produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 5 juillet 2019 aux fins d’obtenir la condamnation de la société KP au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement du 24 juillet 2020, le conseil de prud’hommes a :

Débouté M. [C] de ses demandes,

Condamné M. [C] au paiement des entiers dépens.

Le 11 décembre 2020, M. [C] a interjeté appel du jugement.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 21 novembre 2022, M. [C] demande à la cour de :

Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau de :

Dire et juger que la rupture de son contrat de travail s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

A titre principal, condamner la société KP à lui verser les sommes suivantes :

– 14.270,08 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires pour les années 2017, 2018 et 2019,

– 1.427 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur rappel d’heures supplémentaires,

– 6.732,34 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la privation de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il pouvait prétendre au titre des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel,

A titre subsidiaire, condamner la société KP à lui verser les sommes suivantes :

– 719,14 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires pour les années 2017, 2018 et 2019,

– 71,91 euros à titre d’indemnité compensatrice sur rappel d’heures supplémentaires,

– 842,11 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la privation de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il pouvait prétendre au titre des heures

supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel,

En tout état de cause, condamner la société KP à lui verser les sommes suivantes :

– 2.587,30 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– 4.682,90 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 468,29 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

– 11.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1.521,25 euros à titre de rappel de salaire pour le mois de juin 2019,

– 152,12 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire,

– 2.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du non-respect des règles relatives à la mensualisation et du droit à couverture pour frais de santé,

– 2.500 euros au titre des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et 700, 2° du code de

procédure civile,

Ordonner la remise d’un certificat de travail, d’un bulletin de paie et d’une attestation destinée à Pôle emploi conformes à la décision à intervenir,

Mettre les dépens de première instance et d’appel à la charge de la société KP.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 7 décembre 2022, la société KP demande à la cour de confirmer le jugement dans son intégralité et de condamner M. [C] à la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L’instruction a été déclarée close le 14 décembre 2022.

MOTIFS :

Sur les heures supplémentaires :

M. [C] sollicite à titre principal la somme de 14.270,08 euros de rappel de salaire pour les heures supplémentaires accomplies et non rémunérées entre le 1er janvier 2017 et le 30 juin 2019, outre 1.427 euros de congés payés afférents.

* Sur l’irrecevabilité de cette demande au titre de l’article 564 du code de procédure civile :

L’article 564 du code de procédure civile dispose qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter des prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

L’article 565 précise que les prétentions ne sont pas nouvelles lorsqu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

L’article 566 ajoute que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Dans la partie discussion de ses écritures (p.5), la société KP soutient que les demandes de M. [C] au titre des heures supplémentaires sont irrecevables au motif qu’elles n’ont pas été sollicitées en première instance et qu’elles sont donc nouvelles en cause d’appel.

Si comme l’affirme l’employeur cette demande salariale de M. [C] n’a pas été formée en première instance, celle-ci est néanmoins, comme le soutient l’appelant, l’accessoire et le complément nécessaire des demandes formées devant le conseil de prud’hommes par ce dernier, non seulement au titre du rappel de salaire pour le mois de juin 2019, mais également en requalification de la prise d’acte de la rupture du contrat du travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse puisque il est reproché à la société KP dans la lettre de prise d’acte du 1er juillet 2019 l’absence de paiement de l’intégralité des rémunérations dues.

Par suite, la demande de M. [C] au titre des heures supplémentaires n’est pas irrecevable.

* Sur la prescription partielle de la demande :

Dans la partie discussion de ses écritures (p.5), la société KP soutient que ‘compte tenu de la date de saisine, une partie des demandes est prescrite’ sans autre précision.

Aux termes de l’article L.3245-1 du code du travail tel que modifié par la loi du 14 juin 2013, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Compte tenu de la date de saisine du conseil de prud’hommes, à savoir le 5 juillet 2019, les sommes sollicitées au titre des heures supplémentaires pour la période s’étendant du 1er janvier 2017 au 30 juin 2019 ne sont pas prescrites.

Par conséquent, le moyen tiré de la prescription partielle des créances sollicitées au titre des heures supplémentaires doit être rejeté.

* Sur le bien-fondé :

De manière générale, selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, M. [C] soutient que sur la période concernée par sa demande salariale ses horaires de travail étaient de 9H à 18h du lundi au samedi et qu’il a ainsi accompli 48 heures hebdomadaires soit 13h heures supplémentaires par semaine, le contrat de travail stipulant en effet une durée hebdomadaire de travail de 35 heures.

M. [C] sollicite la somme de 14.270,08 euros de rappel de salaire pour les heures supplémentaires accomplies et non rémunérées entre le 1er janvier 2017 et le 30 juin 2019, outre 1.427 euros de congés payés afférents.

A l’appui de ses demandes, M. [C] produit un décompte mentionnant entre le 1er janvier 2017 et 30 juin 2019 ses horaires journaliers de travail, le nombre d’heures supplémentaires accomplies par semaine et la valeur de celles-ci compte tenu des majorations applicables.

Il se déduit de ce qui précède que M. [C] présente, à l’appui de ses demandes, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur d’y répondre utilement. Dès lors, il incombe à la société KP, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, de formuler ses observations, laquelle ne peut se borner à critiquer les éléments produits par le salarié et doit verser aux débats des documents objectifs sur les temps effectivement travaillés.

En défense, sans solliciter le rejet de la demande pécuniaire du salarié dans le dispositif de ses dernières écritures qui seul saisit la cour, la société KP se borne à mentionner dans la partie discussion de ses conclusions (p.5) que le salarié ‘ne démontre absolument pas avoir effectué des heures supplémentaires si ce n’est celles figurant dans ses bulletins de paie et réglées. Un simple tableau sans autre élément permettant de justifier un faisceau d’indices ne saurait convaincre la cour’.

La société qui critique les éléments avancés par M. [C] ne produit aucun document récapitulant le temps de travail que celui-ci aurait accompli, ni ne justifie de quelle manière elle mesurait son temps de travail, alors qu’il lui appartient d’établir les documents nécessaires en ce sens.

***

Au vu de l’ensemble des éléments ainsi soumis à la cour par chacune des parties, il apparaît que le salarié a bien accompli des heures supplémentaires au-delà de la durée contractuelle convenue, mais pour un montant moindre compte tenu notamment des heures supplémentaires déjà rémunérées au regard des bulletins de paye produits pour les sommes de 2.232,60 euros au titre de l’année 2017, de 2.260,08 euros au titre de l’année 2018 et de 1.147,2 euros au titre des mois de janvier à juin 2019.

Il lui sera ainsi alloué la somme de 8.630,20 euros bruts à titre de rappel de salaire, outre 863,02 euros bruts de congés payés afférents conformément à la formule ci-après :

(14.270,08-(2.232,60+2.260,08+1.147,2))

Le jugement sera infirmé en conséquence.

Sur la contrepartie obligatoire en repos :

* Sur l’irrecevabilité de la demande :

M. [C] demande à la cour de condamner la société KP à lui verser à titre principal, c’est-à-dire dans l’hypothèse où la cour ferait droit à la demande présenté au titre des heures supplémentaires, la somme de 6.732,34 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la privation de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il pouvait prétendre au titre des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel.

Dans la partie discussion de ses écritures (p.6), la société KP soutient que cette demande de M. [C] est irrecevable au motif qu’elle n’a pas été sollicitée en première instance et qu’elle est donc nouvelle en cause d’appel.

Si comme l’affirme l’employeur cette demande indemnitaire n’a pas été formée en première instance, celle-ci est néanmoins l’accessoire et le complément nécessaire de la demande formulée par le salarié au titre des heures supplémentaires qui a été jugée recevable par la cour dans les développements précédents puisque, bien que nouvelle en cause d’appel, celle-ci était l’accessoire et le complément de demandes formées devant le conseil de prud’hommes.

Par suite, la demande indemnitaire de M. [C] est recevable en application des dispositions de l’article 566 du code de procédure civile.

* Sur le bien-fondé :

M. [C] sollicite la somme de 6.732,34 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la contrepartie obligatoire en repos.

En défense, l’employeur s’oppose à cette demande.

En plus des majorations prévues en contrepartie des heures supplémentaires, les salariés ont droit à une contrepartie obligatoire en repos pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel qui s’établit en l’espèce à 130 heures annuelles conformément à l’article 31.2 de la convention collective applicable.

Aux termes de l’article L. 3121-30 du code du travail, toutes les heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel donnent droit à une contrepartie obligatoire en repos.

Aux termes de l’article L. 3121-33 3° du code du travail, au-delà de ce contingent, les heures supplémentaires donnent droit à un repos compensateur de 50% lorsque l’employeur emploie 20 salariés au plus. En application de l’article D. 3121-14 du code du travail, le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu’il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit ou avant qu’il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droit acquis. Le salarié qui formule une demande de repos compensateur a droit à l’indemnisation du préjudice subi qui comporte à la fois le montant de l’indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos et le montant des congés payés afférents.

Il ressort du décompte produit par le salarié au titre des heures supplémentaires et de ses écritures qu’il a accompli :

– 598 heures supplémentaires en 2017, soit 468 heures au-delà du contingent annuel,

– 598 heures supplémentaires en 2018, soit 468 heures au-delà du contingent annuel,

– 304 heures supplémentaires en 2019, soit 174 heures au-delà du contingent annuel,

La société KP ne produit aucun argumentaire en défense.

Compte tenu des éléments versés aux débats, il sera intégralement fait droit à la demande indemnitaire de M. [C].

Le jugement sera infirmé en conséquence.

Sur le non-respect des règles relatives à la mensualisation et à l’obligation de souscrire une complémentaire santé :

Le salarié sollicite la somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du non-respect des règles relatives à la mensualisation et du droit à couverture pour frais de santé.

* Sur la complémentaire santé :

M. [C] soutient que l’employeur était tenu de souscrire à son profit une complémentaire santé en application des stipulations de la convention collective applicable à compter du 1er janvier 2016 et reproche à la société KP de ne l’avoir fait que tardivement (sans autre précision) et de ne pas l’avoir informé de ses droits au titre de cette complémentaire.

En défense, l’employeur soutient que l’assureur a adressé directement au salarié un courrier de prise en charge de ses garanties.

En l’espèce, la société KP justifie que l’assureur Swisslife Santé Entreprise lui a adressé le 29 janvier 2018 un certificat d’adhésion à une complémentaire santé pour ses salariés et que M. [C] a reçu le même jour une attestation de tiers payant émanant de cet assureur.

Si l’employeur ne justifie ni le retard de souscription allégué ni avoir informé le salarié de ses droits au titre de la complémentaire santé, la cour constate néanmoins que M. [C] ne justifie d’aucun préjudice causé par ces manquements. Par suite, aucune demande indemnitaire ne peut être accueillie de ce chef.

* Sur la mensualisation :

Selon l’article L. 3242-1 du code du travail, la rémunération des salariés est mensuelle et indépendante, pour un horaire de travail effectif déterminé, du nombre de jours travaillés dans le mois. Le paiement mensuel neutralise les conséquences de la répartition inégale des jours entre les douze mois de l’année. Pour un horaire équivalent à la durée légale hebdomadaire, la rémunération mensuelle due au salarié se calcule en multipliant la rémunération horaire par les 52/12 de la durée légale hebdomadaire. Le paiement de la rémunération est effectué une fois par mois. Un acompte correspondant, pour une quinzaine, à la moitié de la rémunération mensuelle, est versé au salarié qui en fait la demande.

Le salarié reproche à l’employeur de lui avoir versé son salaire que de ‘façon erratique’, la société ne s’en aquittant que petit à petit, au moyen d’espèces le plus souvent. Il entend en justifier en produisant ses relevés de compte pour la période d’avril à novembre 2019. Il expose que ce modus operandi est contraire aux dispositions de l’article L. 3242-1 du code du travail qui implique que le paiement du salaire se fasse mensuellement et en une seule fois. Il expose que cette méconnaissance de cette disposition législative l’a placé dans une situation de précarité financière, lui imposant d’emprunter régulièrement les sommes nécessaires au paiement des charges courantes.

En défense, l’employeur se borne à mentionner dans ses écritures que les relevés bancaires de l’intéressé à proximité du lieu de travail démontrait que celui-ci ‘se servait directement dans la caisse à titre d’acompte’.

Toutefois, il ne ressort d’aucun élément produit et notamment pas des relevés bancaires que l’intégralité des salaires dûs à M. [C] lui a été payée mensuellement et en une seule fois par l’employeur.

Par suite, la société KP a méconnu les dispositions de l’article L. 3242-1 du code du travail.

S’agissant du préjudice invoqué, M. [C] produit des attestations de MM [S] et [I] affirmant avoir dû prêter de l’argent à l’appelant au cours de l’année 2019.

Compte tenu des éléments produits, il sera alloué à M. [C] la somme de 500 euros en réparation du préjudice subi du fait du manquement par l’employeur aux dispositions de l’article L. 3242-1 du code du travail.

Le jugement sera infirmé en conséquence.

Sur le rappel de salaire au titre du mois de juin 2019 :

M. [C] soutient que l’employeur ne lui a jamais versé son salaire de juin 2019 et sollicite à titre de rappel de salaire la somme de 1.521,25 euros, outre 152,12 euros de congés payés afférents. Il produit ses relevés bancaires pour en attester et souligne que les virements qu’il a perçus de la société KP jusqu’en juillet 2019 correspondaient au versement des salaires dus au titre de périodes antérieures sans autre précision.

En défense, l’employeur soutient que le salaire de juin 2019 a été versé et entend se référer pour l’affirmer sur le relevé bancaire de juin 2019 produit par le salarié qui mentionne selon lui des remises d’espèces au salarié les 5, 11 juin et 17 juin pour des montants respectifs de 430, 500 et 500 euros, ainsi qu’un virement de 1.200 euros le 26 juin 2019.

En premier lieu, il n’est pas contesté que le montant du salaire dû à M. [C] au titre du mois de juin 2019 correspondait au montant des demandes formulées par lui devant la cour. D’ailleurs, le bulletin de paye produit par l’employeur au titre du mois litigieux indique un salaire brut d’un montant supérieur de 1.871,73 euros.

En second lieu, nonobstant la délivrance d’un bulletin de paie, l’employeur doit prouver le paiement du salaire, notamment par la production de pièces comptables.

Tout d’abord, contrairement aux allégations de l’employeur, il ne ressort nullement du relevé bancaire produit que les sommes créditées sur le compte courant de M. [C] correspondent à des remises d’espèce de sa part en paiement du salaire dû au titre du mois de juin 2019. De même, s’il est vrai que le salarié a bénéficié d’un virement bancaire de la société KP d’un montant de 1.200 euros le 26 juin 2019, il ne ressort d’aucun élément produit que ce virement correspondait au paiement du salaire de juin 2019 et ce, d’autant que le salarié s’est toujours plaint que la société KP ne lui a jamais payé mensuellement l’intégralité de sa rémunération. Il s’en déduit que l’employeur ne rapporte pas la preuve qui lui incombe du versement à M. [C] de son salaire au titre du mois de juin 2019. Par suite, il sera intégralement fait droit à la demande salariale de l’appelant, précision faite que les sommes seront allouées en brut.

Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail :

Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul si les faits invoqués le justifiaient, soit dans le cas contraire d’une démission.

Pour que la rupture produise les effets d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, les faits invoqués par le salarié doivent non seulement être établis par le salarié, sur qui pèse la charge de la preuve, mais constituer, pris dans leur ensemble, des manquements suffisamment graves pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail.

L’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige. Le juge est tenu d’examiner les manquements de l’employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

* Sur le bien fondé de la prise d’acte :

Au soutien de sa prise d’acte, le salarié soutient que l’employeur :

– ne lui a pas payé ses heures supplémentaires pour la période allant du 1er janvier 2017 au 30 juin 2019,

– n’a pas respecté sa contrepartie obligatoire en repos au titre des heures supplémentaires accomplies,

– ne lui a pas payé mensuellement et en une seule fois sa rémunération conformément aux dispositions de l’article L. 3242-1 du code du travail,

– ne lui a pas versé son salaire au titre du mois de juin 2019,

– a souscrit tardivement une complémentaire santé et ne l’a pas informé de ses droits lors de la souscription de celle-ci.

Il ressort des développements précédents que ces manquements sont établis. Ils sont en outre suffisamment graves, puisque portant atteinte à la rémunération de M. [C], pour empêcher la poursuite du contrat de travail et ainsi justifier une prise d’acte aux torts de l’employeur produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

* Sur les conséquences pécuniaires de la rupture du contrat :

Le salarié dont la rupture du contrat produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse a droit aux indemnités de rupture.

Au préalable, le salarié avait au moment de la prise d’acte, soit le 1er juillet 2019, une ancienneté de 4 ans et 3 mois, ayant été recruté le 1er avril 2015. Au regard des trois derniers bulletins de paye (avril, mai et juin 2019) et après réintégration des sommes allouées au titre des heures supplémentaires, la rémunération mensuelle brute du salarié doit être fixée à la somme de 2.171 euros.

En premier lieu, selon les dispositions de l’article L. 1234-1 du code du travail, plus favorables en l’espèce que les stipulations de la convention collective applicable, le préavis applicable est d’une durée de deux mois. Par suite, il sera alloué à titre d’indemnité compensatrice de préavis la somme de 4.342 euros bruts, outre 434,20 euros de congés payés afférents. Le jugement sera infirmé en conséquence.

En deuxième lieu, M. [C] sollicite dans la partie discussion de ses écritures le versement de l’indemnité légale de licenciement (p.10). Selon l’article R. 1234-2 du code du travail, dans sa version applicable au litige, l’indemnité légale de licenciement est d’un quart de mois de salaire par année d’ancienneté (préavis inclus). Par suite, il sera alloué au salarié la somme de 2.398,95 euros à ce titre. Le jugement sera infirmé en conséquence.

En troisième lieu, l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa version modifiée par la loi n°2018-217 du 29 mars 2018 dispose que lorsque le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis, et que si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau reproduit dans l’article.

En l’occurrence, pour une ancienneté de 4 ans et dans la mesure où la société employait habituellement moins de onze salariés, l’indemnité minimale s’élève à 1 mois de salaire brut et l’indemnité maximale est de 5 mois.

Eu égard à l’âge du salarié au moment de la rupture du contrat de travail (34 ans), à son salaire, à son ancienneté, à l’absence d’éléments produits sur sa situation personnelle postérieure à la rupture, il convient de lui allouer la somme de 5.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes accessoires :

La société KP qui succombe partiellement dans la présente instance, doit supporter les dépens de première instance et d’appel et être condamnée à payer à M. [C] la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et d’appel. La société sera en revanche déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Il sera ordonné à l’employeur la remise au salarié d’un certificat de travail, d’un bulletin de paye et d’une attestation destinée à Pôle emploi conformes au présent arrêt.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement en ce qu’il a débouté M. [S] [C] de ses demandes indemnitaires au titre du travail dissimulé et de la complémentaire santé,

INFIRME le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail est bien fondée et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Kemer de Paris à verser à M. [S] [C] les sommes suivantes:

– 8.630,20 euros bruts de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires accomplies entre le 1er janvier 2017 et le 30 juin 2019,

– 863,02 euros bruts de congés payés afférents,

– 6.732,34 euros de dommages-intérêts au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

– 500 euros en réparation du préjudice subi du fait du manquement par l’employeur aux dispositions de l’article L. 3242-1 du code du travail,

– 1.521,25 euros bruts à titre de rappel de salaire pour le mois de juin 2019,

– 152,12 euros bruts de congés payés afférents,

– 5.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 2.398,50 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– 4.342 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 434,20 euros bruts de congés payés afférents,

– 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d’appel et dit qu’il sera procédé conformément aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridictionnelle dont M. [S] [C] est bénéficiaire,

DIT que les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la convocation de l’employeur devant le conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les prononce ;

ORDONNE à l’employeur la remise au salarié d’un certificat de travail, d’un bulletin de paye et d’une attestation destinée à Pôle emploi conformes au présent arrêt,

DEBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes,

CONDAMNE la société Kemer de Paris aux dépens de première instance et d’appel.

La greffière, La présidente.

 


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