Heures supplémentaires : 20 avril 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/02451

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Heures supplémentaires : 20 avril 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/02451
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 AVRIL 2023

N° RG 20/02451 –

N° Portalis DBV3-V-B7E-UEFH

AFFAIRE :

[J] [T]

C/

S.A.S. SODICO EXPANSION

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Septembre 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de POISSY

N° Section : E

N° RG : 18/00321

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Bruno GAMBILLO

Me Sandrine BOULFROY

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant, devant initialement être rendu le 23 mars 2023 et prorogé au 20 avril 2023, les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :

Monsieur [J] [T]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Bruno GAMBILLO, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2566

APPELANT

***************

S.A.S. SODICO EXPANSION

N° SIRET : 390 549 780

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentant : Me Sandrine BOULFROY de la SELARL BOULFROY-PAUTONNIER, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 291

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 26 janvier 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier en pré-affectation lors des débats : Domitille GOSSELIN,

Rappel des faits constants

La SAS Sodico Expansion, dont le siège social est situé à [Localité 3] dans le département des Yvelines, exploite un hypermarché sous l’enseigne Leclerc. Elle emploie environ 200 salariés et applique la convention collective nationale du commerce de détail et gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001.

M. [J] [T], né le 21 octobre 1971, a été engagé par cette société, selon contrat de travail à durée indéterminée du 22 février 2016, en qualité de directeur de magasin, statut cadre.

Après un entretien préalable fixé au 3 octobre 2018 auquel le salarié ne s’est pas présenté, M. [T] s’est vu notifier son licenciement pour faute grave, par courrier du 8 octobre 2018, dans les termes suivants :

« Nous faisons suite à notre courrier recommandé du 21 septembre 2018 vous convoquant à un entretien préalable fixé au 3 octobre 2018, auquel vous ne vous êtes pas présenté.

Votre absence à cet entretien ne fait pas obstacle à la poursuite de la procédure de licenciement engagé à votre encontre.

Vous êtes absent de votre poste de directeur de magasin depuis le 27 août 2018 et ce sans justificatif, ni explication.

Vous ne nous avez transmis aucun justificatif, malgré nos courriers recommandés en date des 31 août 2018 et 11 septembre 2018, vous mettant en demeure de justifier par retour des motifs de votre absence.

Vous n’avez pas non plus pris contact avec la direction après la réception de la convocation à entretien préalable.

Cette absence injustifiée et prolongée, qui perdure malgré deux mises en demeure, désorganise la bonne marche de notre société.

Au regard de ces faits, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave.

Vous ne ferez donc plus partie de notre effectif à compter de la date d’envoi du présent courrier.

Nous tiendrons à votre disposition vos documents de fin de contrat dont votre attestation employeur pour le Pôle emploi.

Vous pourrez faire liquider vos droits à participation et à intéressement actuellement bloqués.

Vous bénéficiez du prorata des accords de participation et d’intéressement pour l’exercice en cours aux mêmes dates que le reste du personnel.

Vous bénéficiez dans notre entreprise d’une couverture complémentaire au titre des frais de santé (mutuelle) et de prévoyance.»

M. [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Poissy en contestation de son licenciement, par requête reçue au greffe le 24 décembre 2018.

La décision contestée

Par jugement contradictoire rendu le 29 septembre 2020, la section encadrement du conseil de prud’hommes de Poissy a :

– dit que le licenciement de M. [T] repose sur une faute grave,

– dit que M. [T] avait bien un statut de cadre dirigeant niveau 8 au sens de la convention collective de détail et de gros à prédominance alimentaire,

– condamné la société Sodico Expansion à verser à M. [T] avec intérêts légaux à compter du 27 décembre 2018, date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation par la partie défenderesse, la somme de 10 000 euros brut au titre de la prime d’objectifs 2017/2018,

– rappelé que l’exécution est de droit à titre provisoire sur les créances visées à l’article R. 1454-14 alinéa 2 du code du travail,

– fixé la moyenne mensuelle des salaires en application des dispositions de l’article R. 1454-28 du code du travail à la somme de 9 833 euros brut,

– condamné la société Sodico Expansion à verser à M. [T], la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté M. [T] du surplus de ses demandes,

– débouté la société Sodico Expansion de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné à la société Sodico Expansion de remettre à M. [T] un bulletin de paye complémentaire au titre de la prime d’objectifs 2017/2018, et une attestation Pôle emploi rectifiée,

– condamné la société Sodico Expansion aux dépens y compris ceux afférents aux actes et procédure d’exécution éventuels.

Le conseil a retenu :

– sur le statut de cadre dirigeant, qu’il ressortait de la commune intention des parties résultant du contrat de travail, que le salarié était cadre dirigeant sans référence horaire,

– sur le licenciement, que la société n’avait pas d’autre choix suite à l’abandon de poste du salarié que de le convoquer à un entretien préalable au licenciement (sic), que c’est le salarié qui s’est mis dans une telle situation sans justifier en temps et en heure de ses absences répétées perturbant le bon fonctionnement de l’entreprise, l’intéressé étant de surcroît le directeur de l’hypermarché et devant à ce titre montrer l’exemple (sic),

– sur la rémunération variable, que les objectifs des primes variables annuelles doivent être définis chaque année et précisées au collaborateur, que l’entreprise ne rapporte pas la preuve d’avoir en son temps fixé lesdits objectifs pour l’année 2017/2018.

M. [T] avait demandé au conseil de prud’hommes de :

– dire et juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 40 000 euros,

à titre subsidiaire,

– dire et juger que l’absence de M. [T] ne rendait pas son maintien impossible dans l’entreprise durant le préavis,

– requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

en tout état de cause,

– indemnité de licenciement légale : 8 400 euros,

– salaires pour jours supplémentaires travaillés : 77 430,52 euros,

– congés payés afférents : 7 743 euros,

– indemnité conventionnelle de préavis : 33 665 euros,

– congés payés afférents : 3 366,50 euros,

– indemnité pour travail dissimulé : 67 330 euros,

– prime de 13ème mois : 6 500 euros,

– rappel sur prime objectif 2017-2018 :10 000 euros,

– 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– exécution provisoire (article 515 du code de procédure civile) compte tenu d’une moyenne des trois derniers mois de salaires s’élevant à 9 833 euros.

La société Sodico Expansion avait demandé au conseil de prud’hommes de Poissy de débouter M. [T] de l’ensemble de ses demandes et avait formulé une demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de 2 500 euros.

La procédure d’appel

M. [T] a interjeté appel du jugement par déclaration du 2 novembre 2020 enregistrée sous le numéro de procédure 20/02451.

Par ordonnance rendue le 18 janvier 2023, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 26 janvier 2023.

Prétentions de M. [T], appelant

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 27 juillet 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, M. [T] demande à la cour d’appel de :

– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné la société Sodico Expansion à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de rappel de salaire relativement à la prime d’objectifs 2017/2018,

– juger la société Sodico Expansion mal fondée en son appel incident et l’en débouter,

– infirmer le jugement du 29 septembre 2020 en ce qu’il a jugé que son licenciement est fondé sur une faute grave et l’a débouté de ses demandes d’indemnité de préavis et congés payés afférents, d’indemnité légale de licenciement et d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– l’infirmer en ce qu’il a jugé qu’il avait le statut de cadre dirigeant et l’a débouté de ses demandes de rappel de salaires pour jours supplémentaires et d’indemnité pour travail dissimulé,

statuant à nouveau, à titre principal,

– juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– condamner la société Sodico Expansion à lui verser la somme de 40 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

à titre subsidiaire,

– juger que son absence ne rendait pas son maintien impossible dans l’entreprise durant le préavis,

– requalifier le licenciement pour faute grave en un licenciement pour cause réelle et sérieuse,

– condamner la société Sodico Expansion à lui payer les sommes suivantes :

. 33 665 euros à titre d’indemnité de préavis,

. 3 366,50 euros à titre de congés pays afférents,

. 8 400 euros d’indemnité légale de licenciement,

. 6 500 euros à titre de prime de 13ème mois,

en tout état de cause,

– juger que la société Sodico Expansion n’a organisé aucun entretien annuel, portant sur le forfait-jours, ce qui constitue une violation des dispositions de l’article 5.5.6 de la convention collective applicable,

– juger que le nombre de jours qu’il a travaillés chaque année, entre 2016 et 2018, excède celui fixé par la convention collective applicable, sans qu’il en ait été rémunéré,

– condamner la société Sodico Expansion à lui verser :

. 77 430,52 euros à titre de rappel de salaire pour jours supplémentaires travaillés,

. 7 743 euros de congés payés afférents,

. 67 330 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

– condamner la société Sodico Expansion, outre aux entiers dépens, à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Prétentions de la société Sodico Expansion, intimée

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 26 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société Sodico Expansion demande à la cour d’appel de :

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer à M. [T] la somme de 10 000 euros bruts au titre de la prime d’objectifs 2017/2018,

– confirmer le jugement pour le surplus,

statuant à nouveau,

– juger que M. [T] avait un statut de cadre dirigeant niveau VIII au sens de la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire,

– juger que le licenciement de M. [T] repose sur une faute grave,

– débouter en conséquence M. [T] de l’ensemble de ses demandes,

à titre subsidiaire,

– limiter sa condamnation au titre de l’indemnité de licenciement à hauteur de 5 012 euros,

en tout état de cause,

– condamner M. [T] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

MOTIFS DE L’ARRÊT

Sur la prime d’objectifs 2017/2018

L’article 9 du contrat de travail liant les parties intitulé « 9- Objectifs » prévoit une prime sur objectifs dans les termes suivants : « M. [T] [J] devra respecter les objectifs suivants pour l’exercice se clôturant le 28 février 2017 :

– baisse des stocks pour valeur entre 4 et 4,5 millions d’euros HT,

– OPUS 95,0 % à 95,4 %,

– M4 : 26 % – M5 9,60 %,

– chiffre d’affaires en augmentation de 2 %,

– casse annuelle inférieure à 700 000 euros HT,

– frais de personnel annuels 9,25 % chiffre d’affaire HT hors carburant.

De la réalisation ou non de ces différents objectifs dépendra le versement de la prime minimale variable de 20 000 euros.

Il est bien évident par ailleurs que l’étude des chiffres et des résultats obtenus influera sur la décision que sera amenée à prendre la société au terme de la période probatoire. »

Il est justifié que M. [T] a perçu la somme de 20 000 euros au titre de la période 2016/2017 et la somme de 10 000 euros au titre de la période 2017/2018 (pièces 11 et 12 du salarié).

M. [T] sollicite la condamnation de la société Sodico Expansion à lui payer la somme complémentaire de 10 000 euros au titre de la période 2017/2018.

A l’appui de sa réclamation, le salarié fait valoir que l’employeur n’est pas en mesure de démontrer qu’il n’a pas rempli les conditions d’obtention de la prime.

La société Sodico Expansion oppose à titre principal qu’il n’existe aucune clause de révision ni de reconduction des objectifs de sorte que la clause de rémunération variable était à durée déterminée, qu’il n’existait dans la commune volonté des parties aucune obligation de reconduire, renégocier ou refixer des objectifs lors de l’exercice suivant ou de manière annuelle.

Elle ajoute à titre subsidiaire que M. [T] avait des objectifs chiffrés, qui conditionnaient son droit à rémunération variable, qu’il n’a cependant pas rempli ses principaux objectifs pour la période 2017/2018 du fait notamment d’un résultat en baisse et d’une gestion désastreuse du personnel. Elle précise que si elle lui a quand même versé la somme de 10 000 euros, c’était pour le motiver.

Les termes du contrat travail, tels que rappelés ci-dessus, ne sont pas clairs et nécessitent une interprétation.

La prime versée en juillet 2017, à hauteur de 20 000 euros, a été intitulée sur le bulletin de salaire correspondant prime de bilan tandis que la prime versée en juillet 2018 a été intitulée prime exceptionnelle, ce qui tend à retenir qu’il ne s’agit pas des mêmes primes.

Il sera observé que le contrat de travail ne contient aucune autre disposition relative à la rémunération variable que celle rappelée ci-dessus et donc ne prévoit pas le principe d’une telle rémunération, dont les modalités seraient fixées annuellement.

Au regard de ces éléments, la clause doit être interprétée comme se limitant à la fixation d’une prime pour la seule période 2016/2017, de sorte qu’il sera retenu qu’aucune rémunération variable n’a été convenue entre les parties, autre que celle concernant la première période.

M. [T] sera débouté de cette demande, par infirmation du jugement entrepris.

Sur les heures supplémentaires

M. [T] sollicite un rappel de salaire pour jours supplémentaires travaillés et une indemnité pour travail dissimulé.

La société Sodico Expansion objecte que le salarié bénéficiait du statut de cadre dirigeant de sorte qu’il n’était pas soumis à la réglementation sur la durée du travail.

L’article L. 3111-2 du code du travail dispose : « Les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des titres II et III.

Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement. »

En application de ces dispositions, pour relever du statut de cadre dirigeant, trois critères cumulatifs sont requis, à savoir l’indépendance dans l’organisation de l’emploi du temps, la prise de décision largement autonome et une rémunération élevée.

Il convient de vérifier précisément les conditions réelles d’emploi du salarié concerné, peu important que l’accord collectif applicable retienne pour la fonction occupée par le salarié la qualité de cadre dirigeant.

S’agissant du critère de l’autonomie dans la prise de décision, la cour observe que, tant l’employeur que le salarié font uniquement état des dispositions contractuelles et conventionnelles, considérant ainsi, de fait, que les conditions réelles d’emploi étaient conformes à ces dispositions.

M. [T] prétend que seuls les époux [B] et [E] [P], respectivement président et directrice générale de la société, participaient à la direction de l’entreprise, lui-même devant uniquement veiller à appliquer leurs décisions sans prendre d’initiative contraire.

Il fait état, avec pertinence, des dispositions de l’article 12 de son contrat de travail, lequel énonce : « M. [T] s’engage par ailleurs :

– à définir les objectifs correspondants aux orientations déterminées par la direction, ainsi que les moyens pour y parvenir,

– à tenir régulièrement informée la direction, dans les conditions qui seront précisées, de son programme de travail et des initiatives qu’il envisage d’adopter, ainsi que des problèmes ou incidents rencontrés dans l’exécution de sa mission et à lui transmettre tous renseignements utiles sur le plan commercial,

– ne prendre aucune initiative tendant à bouleverser la politique générale de l’entreprise et notamment sa situation financière, sans l’accord exprès et préalable de la Direction Générale. », ce qui démontre qu’il n’avait aucune autonomie décisionnelle.

M. [T] fait encore valoir à juste titre que la délégation de pouvoirs dont il bénéficiait se limitait à la responsabilité de faire respecter la réglementation économique générale, l’hygiène et la sécurité du travail et la gestion du personnel et de ses représentants, excluant tout pouvoir de décision en matière financière ou économique.

La société Sodico Expansion oppose, de façon inopérante au regard du critère d’autonomie dans la prise de décision, l’importance des fonctions exercées par le salarié, lequel, en sa qualité de directeur d’hypermarché, avait la responsabilité de manager plus de 200 personnes, de s’assurer du respect de la réglementation commerciale, économique et en matière d’hygiène et de sécurité et de développer une politique commerciale.

Elle ajoute que l’importance des fonctions du salarié ressort des termes de l’article 4 du contrat de travail, lequel reprend en effet les missions confiées, telles que précédemment décrites, mais énonce également : « M. [T] [J], d’une façon générale, s’engage à mettre tout en ‘uvre pour mener à bien la mission qui lui est confiée, et à proposer à la direction les solutions, améliorations, et programmes susceptibles d’optimiser et de rentabiliser l’activité de la société (‘) M. [T] [J] pourra être amené à effectuer des tâches correspondant à des fonctions de niveaux inférieurs ou exceptionnellement à réaliser des travaux relevant d’autres fonctions (‘) Il exercera son activité sous l’autorité et le contrôle du président directeur général, M. [P] [S], à qui il présentera ses programmes d’actions et auprès duquel il rendra compte de ses activités et résultats obtenus. Il lui fera part de toute difficulté, problème, incident ou litige rencontrés. », ce dont il résulte clairement que le salarié devait exercer ses fonctions de directeur de magasin sous l’autorité et le contrôle de M. [P].

Il se déduit de ces éléments que M. [T] ne disposait pas d’autonomie dans la prise de décision, devant reporter à la direction de l’entreprise.

Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu par l’employeur, M. [T] ne relevait pas du statut de cadre dirigeant et était donc soumis à la réglementation du travail en matière de temps de travail.

M. [T], qui revendique avoir été soumis à un forfait de 216 jours par an conformément à l’article 5.7.2 de la convention collective, comme les autres cadres de l’entreprise, prétend avoir largement dépassé ce forfait et sollicite le paiement d’heures supplémentaires.

L’employeur, qui soutient que le forfait n’était pas applicable à M. [T], ne s’explique pas sur la durée du travail du salarié hors l’hypothèse du cadre dirigeant.

Il sera retenu ici, conformément à la demande du salarié, qu’il était payé pour 216 jours de travail annuels.

Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2 et suivants qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

A l’appui de sa demande, M. [T] explique que l’article 5.5.6 de la convention collective prévoit, dans le cadre du suivi de l’amplitude du temps de travail des salariés au forfait, un décompte remis mensuellement à la hiérarchie, que ces décomptes faisaient défaut au sein de la société Sodico Expansion jusqu’à ce que l’inspection du travail les lui impose. Il produit les formulaires mis en place à cette occasion qu’il a complétés pour son propre compte (ses pièces 13.1 à 13.12). Il produit également ses agendas permettant d’opérer des rapprochements avec les dépassements allégués (ses pièces 17 et 18).

Il produit ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

La société Sodico Expansion fait état, de son côté, d’incohérences sur les mentions figurant sur les agendas, comme par exemple la mention de rendez-vous personnels, mais ne produit aucun élément dans le cadre du contrôle du temps de travail lui incombant.

Après analyse des pièces produites par le salarié, en l’absence de pièce produite par l’employeur, compte tenu cependant des observations émises par ce dernier, il sera retenu l’existence d’heures supplémentaires.

De façon générale, il sera retenu que M. [T] prenait certes des congés mais travaillait la plupart du temps au rythme de six jours par semaine.

Les heures supplémentaires réalisées seront évaluées au regard de la charge de travail induite par le poste occupé par M. [T], au regard de la durée de travail de référence et des majorations applicables :

– à la somme de 30 468,75 euros, outre la somme de 3 046,87 euros au titre des congés payés afférents pour l’année 2016,

– à la somme de 24 876,80 euros, outre la somme de 2 487,68 euros au titre des congés payés afférents pour l’année 2017,

– à la somme de 11 388,60 euros, outre la somme de 1 138,86 euros au titre des congés payés afférents pour l’année 2018.

La société Sodico Expansion sera en conséquence condamnée à verser à M. [T] les sommes ainsi déterminées, par infirmation du jugement entrepris.

Sur l’indemnité pour travail dissimulé

M. [T] sollicite l’allocation d’une indemnité pour travail dissimulé, soulignant que son employeur ne pouvait ignorer son amplitude de travail.

La société Sodico Expansion rétorque que M. [T] était cadre dirigeant et qu’à ce titre, il n’était soumis à aucune référence horaire.

L’article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail dissimulé. Pour être constituée, l’infraction de travail dissimulé nécessite l’existence d’une intention de la part de l’auteur des agissements incriminés.

En l’espèce cependant, le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule application, à tort, au salarié du statut de cadre dirigeant.

M. [T] sera débouté de cette demande, par confirmation du jugement entrepris.

Sur la rupture du contrat de travail

Pour contester le licenciement pour faute grave prononcé à son égard, M. [T] expose qu’il avait informé son employeur, dès le 3 juillet 2018 qu’il ne reprendrait pas son poste après ses congés qui se terminaient le 26 août suivant.

Il produit un courriel du 13 juillet 2018 émanant de Mme [E] [P], directrice générale de Sodico Expansion, qui lui a écrit : « Je ne reviens pas cet après-midi mais je tenais à te souhaiter une bonne continuation car nous n’avons pas l’occasion de nous revoir à mon retour de vacances. Je te remercie pour ce que tu as fait pour nous et le magasin. Certes tu préfères partir. Sache quand même que je suis triste. Bonne route à toi et excuse-moi si je t’ai blessé » (pièce 3 du salarié).

Il produit également un message du 3 août 2018 émanant de M. [B] [P], président de Sodico Expansion, qui lui a écrit : « Il est difficile pour moi de parler et dire au revoir. La pudeur et l’émotion prennent le dessus. Même si tu as décidé de naviguer vers d’autres cieux après tes congés, saches que j’ai profondément aimé l’homme tant dans le perso que dans le professionnel. Ces deux années et demi auront été un réel plaisir. Profite bien de ta famille et des proches. Je vous souhaite à tous le meilleur. Affectueusement sincère. [B] » (pièce 22 du salarié).

Il se déduit de ces deux pièces que le salarié avait informé son employeur, en la personne des deux dirigeants de la société, qu’il ne reprendrait pas son poste à l’issue de ses congés annuels.

M. [T] a ainsi pris l’initiative de rompre le contrat de travail, ce qui a été acté par l’employeur. Cette démarche doit dès lors s’analyser en une prise d’acte de la rupture du contrat de travail, laquelle n’obéit à aucun formalisme.

Cette prise d’acte s’est inscrite dans un cadre conflictuel, le salarié formulant des reproches à son employeur, ce qui résulte de la lettre de contestation qu’il lui a adressée le 11 novembre 2018 dans les termes suivants :

«  Monsieur le président,

Je réponds à la lettre de licenciement que vous m’avez expédiée le 8 octobre 2018 et dans laquelle vous me reprochez d’avoir été absent de mon poste depuis le 27 août sans explication, ce qui aurait désorganisé la bonne marche de votre société.

C’est faux car vous vous souviendrez de notre échange du 3 juillet 2018.

ce jour-là, vous m’avez expliqué ne pas vouloir me payer le montant minimum de 20 000 euros, pourtant prévu par mon contrat au titre du bonus annuel.

Et comme, en plus de cela, vous avez toujours refusé de me rémunérer les dimanches travaillés depuis mon arrivée, et que vous ne m’avez jamais payé le nombre réel de mes jours travaillés toujours comme prévu dans mon contrat de travail, il était devenu impossible de continuer à travailler pour une entreprise qui ne respecte pas des droits aussi élémentaires que le paiement du salaire.

Quant à la soi-disant désorganisation, je vous avais prévenu que je ne reviendrai pas le 27 août, après mes congés payés, car je n’acceptais en aucun point la teneur de notre entretien du 3 juillet 2018.

Vous avez donc recruté mon remplaçant en la personne de [F] [X], en poste depuis le 27 août 2018 et il n’y a eu aucune désorganisation.

Le contrat que nous avons pourtant signé ensemble précisait que la prime minimale variable sur objectifs devait être de 20 000 euros. Quand vous ne m’en avez versé que 10 000 euros en juillet 2018, j’ai donc constaté que vous n’aviez pas respecté le contrat en refusant de payer les 10 000 euros permettant d’arriver au montant contractuel minimal.

Idem pour les jours travaillés depuis mon embauche qui n’ont fait l’objet ni de récupérations ni de paiement. Cela m’a épuisé dans tous les sens du terme.

Ce n’est pas faute pour vous de connaître cette ampleur de mon travail et la situation sociale dans lequel se trouve le magasin de [Localité 3] (…) » (pièce 19 du salarié).

La prise d’acte ainsi intervenue a cristallisé la rupture du contrat de travail, rendant sans objet le licenciement du salarié.

Il est rappelé que la prise d’acte de la rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifient, soit d’une démission dans le cas contraire.

Or, M. [T] invoque notamment, aux termes de sa lettre de contestation et de ses écritures, l’ampleur de ses horaires de travail et l’absence de rémunération de ceux-ci, ces manquements de l’employeur ayant été reconnus comme établis.

Ils caractérisent par leur constance et leur importance un manquement qui justifie que la prise d’acte produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans qu’il n’y ait lieu de discuter les griefs invoqués à l’appui de la lettre de licenciement.

Au demeurant, il sera relevé que le remplaçant de M. [T] a pris ses fonctions le 3 septembre 2018, ainsi que cela résulte de la déclaration préalable à l’embauche reçue adressée à l’administration dès le 31 août 2018 (pièce 39 de l’employeur), ce qui exclut toute désorganisation de l’entreprise en lien avec le départ du salarié et corrobore le fait que l’employeur avait bien entériné la rupture de son contrat de travail.

Sur l’indemnisation du salarié

La prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [T] peut prétendre à différentes indemnités.

Indemnité compensatrice de préavis

La convention collective prévoit un préavis de trois mois.

Il est dû à M. [T] à ce titre une somme de 23 770,72 euros outre les congés payés afférents.

Indemnité légale de licenciement

M. [T] réclame l’indemnité légale de licenciement, telle qu’elle est prévue par l’article L. 1234-9 du code du travail.

Au regard de l’ancienneté du salarié et du salaire qui lui était versé, l’indemnité s’élève à la somme de 5 612,40 euros.

Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable au présent litige, le salarié peut prétendre à une indemnité pouvant atteindre les trois mois de salaire au regard de l’ancienneté retenue du salarié.

M. [T] indique ne pas avoir retrouvé d’emploi depuis son licenciement par la société Sodico Expansion et en justifie par la production d’un relevé Pôle emploi de décembre 2019 (pièce 21 du salarié).

Les circonstances de la cause, telles qu’elles ont été mises en évidence, conduisent à évaluer la somme due à M. [T] en réparation du préjudice subi du fait de la perte injustifiée de son emploi à 20 000 euros.

Sur la prime conventionnelle de treizième mois

A titre liminaire, il est observé que le versement de cette prime dépend de la date de rupture du contrat de travail, de sorte que cette demande doit être examinée après celle relative à la rupture du contrat de travail.

M. [T] réclame l’allocation d’une somme de 6 500 euros sur ce fondement. Il prétend avoir droit à cette prime compte tenu du préavis qui a eu pour effet de maintenir son contrat de travail jusqu’au 3 janvier 2019.

La société Sodico Expansion oppose la date de rupture du contrat de travail antérieure au 31 décembre, peu important le préavis.

Il est rappelé que la convention collective prévoit le paiement d’une prime annuelle de treizième mois à condition de justifier d’un an d’ancienneté dans l’entreprise au moment du versement, en l’espèce le 31 décembre, ce point n’étant pas discuté par les parties, et d’être « titulaire au moment du versement d’un contrat de travail en vigueur, ou suspendu depuis moins de 1 an ».

Le contrat de travail a été rompu en l’espèce le 27 août 2018, lorsque le salarié ne s’est pas présenté pour reprendre son travail. Dès lors, même en tenant compte du préavis de trois mois, M. [T] n’était plus dans l’entreprise le 31 décembre 2018 et ne remplissait donc pas la deuxième condition d’octroi de cette prime.

M. [T] sera débouté de cette demande, par confirmation du jugement entrepris.

Sur les indemnités de chômage versées au salarié

L’article L. 1235-4 du code du travail, dans sa version résultant de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, énonce : « Dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées. »

En application de ces dispositions, il y a lieu d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur aux organismes concernés du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt dans la limite de trois mois d’indemnités.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure

Compte tenu de la teneur de la décision, le jugement de première instance sera confirmé en ses dispositions concernant les dépens et les frais irrépétibles.

La société Sodico Expansion, qui succombe pour l’essentiel dans ses prétentions, supportera les dépens tels que fixés par l’article 695 du code de procédure civile.

Elle sera en outre condamnée à payer à M. [T] une indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, que l’équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 2 500 euros et sera déboutée de sa propre demande présentée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Poissy le 29 septembre 2020, excepté en ce que :

– M. [J] [T] a été débouté de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé et de sa demande de prime conventionnelle de treizième mois,

– la SAS Sodico Expansion a été condamnée à payer à M. [J] [T] une somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la SAS Sodico Expansion à payer à M. [J] [T] au titre des heures supplémentaires réalisées sans être payées, les sommes suivantes :

30 468,75 euros pour l’année 2016,

3 046,87 euros au titre des congés payés afférents,

24 876,80 euros pour l’année 2017,

2 487,68 euros au titre des congés payés afférents,

11 388,60 euros pour l’année 2018,

1 138,86 euros au titre des congés payés afférents,

DIT que M. [J] [T] a pris acte de la rupture de son contrat de travail,

DIT que cette prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SAS Sodico Expansion à payer à M. [J] [T] les sommes suivantes :

23 770,72 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

2 377,07 euros au titre des congés payés afférents,

5 612,40 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

20 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DÉBOUTE M. [J] [T] de sa demande au titre de la prime d’objectifs 2017/2018,

ORDONNE le remboursement par la SAS Sodico Expansion aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. [J] [T] dans la limite de trois mois d’indemnités,

DIT qu’une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée par le greffe par lettre simple à la direction générale de Pôle emploi conformément aux dispositions de l’article R. 1235-2 du code du travail,

CONDAMNE la SAS Sodico Expansion au paiement des entiers dépens,

CONDAMNE la SAS Sodico Expansion à payer à M. [J] [T] une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la SAS Sodico Expansion de sa demande présentée sur le même fondement.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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