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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 5
ARRET DU 20 AVRIL 2023
(n°2023/ , 17 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/08384 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCZNQ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Octobre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – RG n° F17/05318
APPELANT
Monsieur [C] [S] [B]
[Adresse 1]
[Localité 4]
né le 21 Janvier 1957 à [Localité 5]
Assisté de Me Véronique DE LA TAILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148
INTIMEE
S.A. BANQUE DEGROOF PETERCAM FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 décembre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, Présidente de formation,
Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre,
Madame Séverine MOUSSY, Conseillère
Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, initialement prévue le 16 février 2023 et prorogée au 20 avril 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour,
– signé par Madame Marie-José BOU, Présidente et par Madame Philippine QUIL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
M. [C] [S] [B] a été engagé par la société Aforge finance par contrat de travail à durée indéterminée du 16 octobre 2006 à effet du 8 janvier 2007 en qualité d’associé gérant.
Il a été nommé co-gérant de la société Aforge immobilier le 10 juin 2011 et gérant de la société Aforge courtage, directeur général de la société Aforge finance et directeur général de la société Aforge gestion le 1er décembre 2011.
Le 28 mai 2013, il a démissionné de ses fonctions d’administrateur d’Aforge finance holding.
En 2015, est intervenue la fusion-absorption de la société Aforge finance et de ses filiales par la banque Degroof Petercam France à la suite de laquelle son contrat de travail a été transféré à cette dernière.
Le 23 mai 2015, M. [S] [B] a signé un nouveau contrat de travail avec la banque Degroof Petercam France (la société) sous la qualification de head family office, statut cadre niveau HCLA avec reprise d’ancienneté au 8 janvier 2007.
Le salarié a été placé en arrêt maladie à compter du 27 mars 2017.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la banque du 10 janvier 2000.
La société occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.
M. [S] [B] a été convoqué par lettre du 12 mai 2017 à un entretien préalable fixé au 22 mai 2017 et licencié pour faute grave par lettre du 29 mai 2017.
Le 2 juin 2017, il a saisi la commission paritaire de la banque, laquelle, le 6 juin 2017, a pris acte de la volonté des parties de se rapprocher en vue d’une solution transactionnelle.
Le 28 juin 2017, une nouvelle lettre de licenciement rédigée dans les mêmes termes a été notifiée M. [S] [B].
Le 16 novembre 2017, l’assurance maladie a notifié son refus de prise en charge d’une maladie au titre de la législation relative aux risques professionnels dont la reconnaissance avait été sollicitée par M. [S] [B]. Le 18 janvier 2018, ce dernier a formé un recours contre cette décision devant le tribunal du contentieux de l’incapacité.
Contestant son licenciement et soutenant avoir effectué des heures supplémentaires non rémunérées, M. [S] [B] a le 10 juillet 2017 saisi le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 30 octobre 2020 auquel la cour renvoie pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :
dit que licenciement de M. [S] [B] est nul ;
condamné la société à payer à M. [S] [B] les sommes suivantes :
* 124 000 euros au titre du licenciement nul,
* 38 063 euros au titre de l’indemnité conventionnelle,
* 29 030 euros au titre de l’indemnité de préavis,
* 2 903 euros au titre des congés payés afférents,
* 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
dit que les dépens seront supportés par la société ;
ordonné l’exécution provisoire du jugement.
Par déclaration transmise par voie électronique le 7 décembre 2020, M. [S] [B] a relevé appel de ce jugement dont il a reçu notification le 7 novembre 2020.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 novembre 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l’article 455 du code de procédure civile, M. [S] [B] demande à la cour de :
sur le licenciement :
confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré le licenciement nul ;
débouter la société de toutes ses demandes ;
annuler ou infirmer le jugement en ce qu’il limité les condamnations prononcées à l’encontre de la société aux sommes susvisées et, statuant à nouveau, condamner la société à payer à M. [S] [B] les sommes suivantes :
* 43 508 euros au titre de l’indemnité de préavis,
* 4 350,80 euros au titre des congés payés sur préavis,
* au titre de l’indemnité de licenciement, 56 225,73 euros à titre principal au titre de l’indemnité conventionnelle et 42 442,59 euros à titre subsidiaire au titre de l’indemnité légale,
* 458 380 euros au titre de l’indemnité pour licenciement nul ;
sur les autres demandes de M. [S] [B] :
annuler ou infirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [S] [B] de ses demandes plus amples et statuant à nouveau,
condamner la société à payer à M. [S] [B] les sommes suivantes :
à titre principal,
* 152 933,77 euros au titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,
* 15 293,37 euros au titre des congés payés afférents,
* 12 744,48 euros au titre du rappel de treizième mois,
* 1 274,44 euros au titre des congés payés afférents,
* 58 293,47 euros à titre de dommages et intérêts pour repos compensateur,
* 128 725,26 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
à titre subsidiaire,
* 114 595 euros à titre de dommages et intérêts pour manquements de l’employeur à ses obligations et résistance abusive ;
ordonner les intérêts au taux légal avec capitalisation en application de l’article 1343-2 du code civil ;
sur les autres demandes de M. [S] [B] :
condamner la société à payer à M. [S] [B] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel en complément de la somme accordée en première instance ;
condamner la société aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 5 novembre 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l’article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de :
infirmer le jugement en ce qu’il a jugé nul le licenciement de M. [S] [B] ;
juger que le licenciement de M. [S] [B] est fondé sur une faute grave ;
en conséquence,
débouter M. [S] [B] de sa demande d’indemnité conventionnelle de licenciement, d’indemnité de préavis et de congés payés afférents ainsi que de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul ;
débouter M. [S] [B] de sa demande de rappel de salaire, de prime de treizième mois ainsi que du rappel de congés payés y afférents ;
débouter M. [S] [B] de sa demande de travail dissimulé ;
à titre subsidiaire,
– fixer le salaire de référence à 14 515,84 euros et juger en conséquence que l’indemnité conventionnelle de licenciement est égale à 21 047,97 euros
confirmer le jugement dans toutes ses autres dispositions ;
en tout état de cause,
condamner M. [S] [B] à verser à la société la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 30 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Si M. [S] [B] conclut sur certains points à l’annulation du jugement, il ne développe aucun moyen au soutien de cette demande qui sera par voie de conséquence rejetée.
Sur l’exécution du contrat de travail
Sur le rappel de salaire pour heures supplémentaires
M. [S] [B] fait valoir que dans son nouveau contrat, le régime de forfait jours a été abandonné et que sa durée de travail a été fixée à 169 heures, soit 39 heures hebdomadaires, dont 11,61 payées au taux de 125% avec des jours de repos compensateurs. Or il soutient avoir à plusieurs reprises attiré l’attention de son employeur sur son insuffisance de moyens et sa charge de travail. Il prétend qu’il arrivait au plus tard à 8h30 et repartait au plus tôt à 20h30, soit a minima 55 heures par semaine représentant 16 heures supplémentaires par rapport aux 39 heures contractuelles. Il réclame sur la période du 1er juin 2015 au 24 mars 2017 la somme de 152 933,77 euros à titre de rappel de salaire outre 15 293,37 euros pour les congés payés afférents.
La société conteste les heures supplémentaires alléguées, invoquant que le salarié ne s’est jamais plaint d’un manquement sur ce point avant la procédure prud’homale et qu’il bénéficiait de la plus large autonomie dans l’exécution de ses fonctions et l’organisation de son emploi du temps qu’il gérait librement compte tenu de sa qualité de membre du comité exécutif de la banque. Elle soutient que les mails produits ne constituent pas des éléments suffisants pour étayer le volume horaire du salarié, ajoutant que seuls quelques mails témoignent d’une urgence, les autres étant purement informatifs.
***
En principe, les salariés concernés par la législation sur la durée du travail sont toutes les personnes liées par un contrat de travail à une entreprise assujettie à la réglementation sur la durée du travail. En application de l’article L. 3111-2 du code du travail, en sont exclus les cadres dirigeants auxquels sont confiés des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement. Cependant, le contrat de travail d’un cadre dirigeant peut déroger expressément à cette exclusion en prévoyant qu’il sera soumis à la réglementation de la durée du travail.
Au cas présent, le contrat de travail conclu le 29 mai 2015 stipule :
‘Le salarié relève pour le calcul de son temps de travail, d’un forfait mensuel de 169 heures par mois, dont 17,33 heures supplémentaires.
Les 17,33 heures supplémentaires effectuées chaque mois donnent lieu :
– à majoration de salaire à 25% pour 11,61 heures supplémentaires,
– à compensation en repos pour 5,72 heures supplémentaires, lesquelles ne donnent pas lieu à rémunération (…)’,
ce dont il résulte que M. [S] [B] s’est trouvé soumis à la législation sur la durée du travail.
En outre, si son contrat de travail conclu avec la société Aforge finance le 16 octobre 2006 le soumettait à une convention de forfait annuel en jours, tel n’est pas le cas de celui signé le 29 mai 2015 avec la banque Degroof Petercam France qui prévoit un forfait mensuel de 169 heures par mois.
Il s’ensuit que le moyen selon lequel il disposait de la plus large autonomie dans l’exécution de ses fonctions et l’organisation de son emploi du temps qu’il gérait librement compte tenu de sa qualité de membre du COMEX est indifférent, étant souligné qu’une convention de forfait en heures sur le mois n’interdit pas au salarié de prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies au delà du forfait convenu.
Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2 , alinéa 1er, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Au soutien de sa demande, M. [S] [B] verse aux débats plusieurs mails adressés au directeur général de la société et au directeur des ressources humaines du groupe entre les 23 octobre 2015 et fin septembre 2016 dans lesquels il a évoqué une insuffisance de ressources humaines, ses tâches de plus en plus importantes justifiant sa démission de son mandat de co-gérant de la société DPI et sa charge de travail très lourde. Il communique aussi sa note en réponse à son entretien d’évaluation du 10 février 2017 dans laquelle il a souligné à nouveau sa charge de travail considérable. Il précise par ailleurs dans ses conclusions qu’il arrivait au plus tard à 8h30 et repartait au plus tôt à 20h30, soit au minimum 11 heures travaillées par jour déduction faite de l’heure de pause correspondant à 55 heures par semaine, produisant de nombreux mails envoyés tôt le matin et tard le soir ainsi que le week-end.
L’appelant présente ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies.
L’intimée ne produit pour sa part aucun élément se rapportant au temps de travail réellement accompli par M. [S] [B] qui affirme sans être contredit que la société aurait pu communiquer le relevé de son badge d’accès au parking sur toute la période et la copie d’écran d’ouverture et de fermeture de son ordinateur sur toute la période.
La société fait valoir que les mails envoyés par M. [S] [B] ne revêtaient pour l’essentiel aucune urgence et étaient purement informatifs. Mais la cour note que nombre des courriels traduisent un travail effectif.
La société relève aussi que le contrat de travail conclu par les parties stipule ‘Le salarié ne pourra effectuer d’heures supplémentaires au delà des 169 heures mensuelles prévues au présentes si la Direction n’en a pas fait la demande ou sans avoir averti la Direction de la société de la nécessité d’y recourir et avoir obtenu son accord préalable’.
Mais le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord au moins implicite de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.
En l’occurrence, il résulte des pièces ci-dessus visées que M. [S] [B] n’a cessé d’expliquer dès l’automne 2015, de manière détaillée et argumentée, à sa hiérarchie et à la direction des ressources humaines qu’il était contraint d’absorber de plus en plus de tâches du fait pour l’essentiel du départ de certains collaborateurs et du manque d’expérience d’autres. La cour note que la société ne justifie pas avoir contredit les dires étayés de son salarié, notamment ses mails des 28 juin et 29 septembre 2016, et ne produit pas de pièce de nature à infirmer la surcharge de travail ainsi dénoncée de longue date. La baisse des effectifs du family office dirigé par M. [S] [B] est au demeurant corroborée par un mail du 2 décembre 2016 adressé par Mme [X] [Y] mentionnant que le middle-family office est passé de 8 personnes à temps plein à 2 personnes à temps plein et une autre à mi-temps. En considération de ces éléments, la cour retient que la réalisation d’heures supplémentaires par M. [S] [B] au delà du forfait convenu était nécessaire du fait des tâches qui lui ont été confiées. En outre, l’absence d’autorisation préalable n’exclut pas en soi l’accord implicite de l’employeur. En l’espèce, cet accord existe dès lors qu’au regard notamment des heures d’envoi des mails de son salarié qui étaient pour partie adressés à ses supérieurs et au directeur général de la société, celle-ci ne pouvait ignorer les heures supplémentaires effectuées au delà du forfait mensuel et y a implicitement mais nécessairement donné son accord.
La société observe encore que celui-ci a été le signataire d’une décision unilatérale de l’employeur du 21 mai 2015 mettant en place au sein de la société Degroof gestion un repos compensateur au lieu du paiement des heures supplémentaires. Mais ce moyen est sans effet, cette décision s’appliquant aux salariés de la société Degroof gestion alors que M. [S] [B] était sur la période en litige salarié de la banque Degroof Petercam France.
Enfin, l’absence de réclamation du salarié avant la saisine de la juridiction prud’homale est indifférente.
En définitive, la cour estime que ce dernier a réalisé des heures supplémentaires non rémunérées mais dans une moindre mesure que celle prétendue et condamne la société à lui payer la somme de 76 466,88 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires du 1er juin 2015 au 24 mars 2017 et celle de 7 646,68 euros au titre de l’indemnité compensatrice des congés payés afférents, le jugement étant infirmé en ce sens.
Sur le rappel de 13ème mois consécutif au rappel pour heures supplémentaires
M. [S] [B] soutient que la rémunération des heures supplémentaires doit être prise en compte pour le calcul du 13ème mois.
La société ne s’explique pas spécifiquement sur cette demande, concluant à son rejet.
***
L’article 39 de la convention collective applicable prévoit :
Les salaires de base annuels sont versés en treize mensualités égales (1).
La treizième mensualité, calculée pro rata temporis, est versée en même temps que le salaire du mois de décembre, sauf dispositions différentes d’entreprise.
Le salaire de base annuel est le salaire y compris le treizième mois visé ci-dessus mais à l’exclusion de toute prime fixe ou exceptionnelle ainsi que de tout élément variable. (…)
Le contrat de travail stipule : ‘Le salarié perçoit une rémunération fixe forfaitaire annuelle brute de 170 000 euros versée sur 13 mois. Le 13ème mois est versé par douzième, chaque mois.
Cette rémunération inclut la majoration afférente aux 11,61 heures supplémentaires mensuelles effectuées et non compensées en repos.’.
Il résulte de la convention collective que le salaire de base annuel inclut non seulement la rémunération des 11,61 heures supplémentaires donnant lieu à majoration à 25% selon le contrat de travail mais aussi celle des heures effectuées au delà des 169 heures de travail mensuelles prévues contractuellement, ces dernières heures supplémentaires ne correspondant pas à une prime fixe ou exceptionnelle ou à un élément variable de la rémunération. En conséquence, doit être prise en considération pour le calcul du treizième mois la rémunération des heures supplémentaires effectuées en sus du forfait et il sera alloué à M. [S] [B] la somme de 6 372,24 euros à titre de rappel de treizième mois outre celle de 637,22 euros au titre de l’indemnité compensatrice des congés payés afférents, le jugement qui l’a débouté de ces chefs étant infirmé.
Sur la contrepartie obligatoire en repos
L’appelant soutient avoir dépassé le contingent légal d’heures supplémentaires de 220 heures par an et réclame à titre de dommages et intérêts la somme de 58 293,47 euros.
La société ne s’explique pas spécifiquement sur cette demande, concluant à la confirmation du jugement l’ayant rejetée.
***
En application des articles L. 3121-30 et D. 3121-24 du code du travail, les heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel donnent droit à une contrepartie obligatoire en repos et en l’absence d’accord collectif, ce contingent est fixé à 220 heures. Il résulte de l’article L. 3121-33 I 3 du code du travail qu’au-delà de ce contingent, les heures supplémentaires donnent droit à un repos compensateur de 100 % pour les entreprises de plus de 20 salariés. Le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu’il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit ou avant qu’il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droit acquis. Le salarié qui formule une demande de repos compensateur a droit à l’indemnisation du préjudice subi qui comporte à la fois le montant de l’indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos et le montant des congés payés afférents.
La cour n’a pas retenu le nombre d’heures supplémentaires allégué par M. [S] [B] mais il résulte des éléments ci-dessus relevés que pour l’année 2016, le contingent annuel de 220 heures de travail a été dépassé. En revanche, tel n’est pas le cas en 2015 et 2017. La cour condamne la société à payer à M. [S] [B] la somme de 20 553,80 euros à titre d’indemnité, le jugement l’ayant débouté de ce chef étant infirmé.
Sur les dommages et intérêts pour travail dissimulé
M. [S] [B] soutient que l’intention frauduleuse de son employeur est incontestable et sollicite à titre d’indemnité pour travail dissimulé la somme de 128 725,26 euros compte tenu du salaire perçu et du rappel de salaire pour heures supplémentaires sur 6 mois.
La société s’oppose à la demande, contestant tant l’élément matériel qu’intentionnel du travail dissimulé.
***
Aux termes de l’article L. 8221-5 du code du travail :
Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur:
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
En l’espèce, il résulte des énonciations précédentes que la société a délivré des bulletins de paie mentionnant un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli par M. [S] [B]. Le caractère intentionnel de ces agissements est établi par la connaissance par la société des heures supplémentaires accomplies, celle-ci découlant de la charge de travail très importante confiée à son salarié qui l’a alertée à plusieurs reprises sur ce point et par le volume très important de ces heures.
Compte tenu de la rupture du contrat de travail, M. [S] [B] est fondé à obtenir l’indemnité prévue à l’article L. 8223-1 du code du travail égale à six mois de salaire qui doit être calculée en tenant compte des heures supplémentaires réalisées. Il sera alloué de ce chef à M. [S] [B] la somme de 105 510,17 euros, le jugement étant infirmé en ce qu’il l’a débouté de cette demande.
Sur le licenciement
La lettre de licenciement est ainsi rédigée :
«Vous avez été embauché par la société (anciennement dénommée Aforge Finance) le 8 janvier 2007 et vous occupiez en dernier lieu les fonctions de « Head Family Office », statut cadre, hors classification.
Vous étiez également co-gérant de Degroof Petercam Immobilier (DPI), filiale de Banque Degroof Petercam France, entre 2008 et novembre 2016.
Vous êtes notamment en charge, dans le cadre de vos fonctions, de veiller au respect de la conformité de l’ensemble des opérations que votre équipe et vous-même gérez, vis-à-vis des clients, prospects et autorités de tutelle et vous disposez dans le cadre de l’exercice de vos fonctions de toutes les ressources nécessaires pour exercer au mieux votre activité.
Nous avons été amenés à constater des manquements graves et répétés dans l’exécution de vos missions et qui se sont trouvés en contradiction avec les règles déontologiques règlementaires que vous deviez respecter et faire respecter
C’est ainsi que la Direction de Banque Degroof Petercam France (BDPF) a été informée, lors d’une réunion le 16 décembre 2016 avec le nouveau Directeur de la Conformité d’Access Capital Parters (société élaborant des fonds de Private Equity commercialisés par BDPF), que des parts « C » avaient été octroyées à des collaborateurs de l’ancien pôle Aforge – aujourd’hui fusionné avec la Banque Degroof Petercam France.
Les parts « C » sont des parts généralement réservées à l’équipe de gestion d’un fonds d’investissement en Private Equity et quelquefois au Promoteur (Aforge devenu BDPF dans le cas présent) du fonds comme en l’espèce. Les souscripteurs de parts « C » peuvent bénéficier du système des « Carried Interests » qui représentent un pourcentage de la plus-value d’un fonds de Private Equity, prélevé sur le bénéfice des apporteurs de capitaux et revenant à l’équipe de gestion.
Or, la souscription directe par les salariés du promoteur de parts « C » contrevient aux règles d’éthique et de bonne conduite lesquelles visent notamment, mais non limitativement, à prévenir tout risque de conflits d’intérêts.
Dans ce contexte, nous avons diligenté un audit dont les conclusions datées du 28 mars 2017 font apparaître des dysfonctionnements quant au respect du cadre réglementaire et déontologique.
C’est ainsi que différents collaborateurs du pole Aforge se sont vus offrir la possibilité de souscrire, compte tenu de leurs performances commerciales des parts « C » pour des montants variables sur les fonds dont Aforge était le promoteur.
Comme vous le savez – compte tenu de votre séniorité et expérience significative dans ce domaine – tous les salariés ont pour obligation réglementaire de déclarer auprès du service Conformité les différents instruments financiers et/ou portefeuilles qu’ils détiennent sur base annuelle, ainsi que certaines transactions effectuées en leur nom dans les plus brefs délais. Or, vous n’avez jamais fait état de ces parts « C », méconnaissant ainsi les règles élémentaires liées à la déclaration de vos intérêts.
En outre, vous avez régulièrement mis en avant publiquement comme argument commercial vis-à-vis des clients et prospects, l’indépendance et la transparence du département Family Office en matière de rémunération. Votre souscription de parts C vient en contradiction directe avec cet argument commercial et génère un risque de réputation significatif pour notre établissement.
L’ensemble de ces éléments constitue une violation des règles déontologiques et de bonne conduite éditées dans le secteur d’activité des prestataires de services d’investissement ; ces règles imposent notamment de prévenir et gérer les risques de conflits d’intérêts et d’agir dans le respect de la primauté des intérêts des clients.
Vous êtes également responsable, dans le cadre de vos fonctions de « Head Family Office», de la conformité des dossiers de vos clients vis-à-vis des autorités règlementaires et de tutelle.
C’est ainsi que la Direction a lancé, en octobre 2015, un chantier de mise à niveau réglementaire
-auquel vous étiez associé en votre qualité de « Head family Office » – de nos dossiers clients compte tenu des insuffisances relevées.
Or, en septembre 2016, il a été constaté qu’aucun des 18 dossiers clients du département Family Office considérés comme ayant un risque réglementaire élevé n’avait été mis à jour de sorte à répondre aux exigences de conformité suffisantes et qu’aucun travail sérieux n’avait été lancé pour le reste de la clientèle.
Pire encore, nous avons constaté au cours d’une réunion que votre équipe n’était même pas au courant de ce chantier car vous n’aviez pas jugé utile de l’en informer.
Il vous appartient pourtant en votre qualité de « head family office » non seulement de veiller au respect par vos équipes de la conformité réglementaire des dossiers clients, mais également d’informer vos équipes des non-conformités relevées et d’y remédier au plus vite. Ce non respect des dispositions réglementaires nous expose à de possibles sanctions (pouvant aller jusqu’à un retrait d’agrément) de la part de nos autorités de contrôle (AME, ACPR, BCE) et nous a conduit à demander en urgence l’assistance d’un cabinet de conseil externe pour réaliser une mission de mise à niveau des dossiers de connaissance clients, pour un budget de 250 000 € hors taxes.
Nous avons eu également à déplorer la mauvaise commercialisation en 2016 auprès de notre clientèle par votre département de la SICAV-FIS PCIE dans des conditions ne respectant pas les obligations réglementaires élémentaires confirmant votre non respect des règle de conformité, ce qui a été mis en lumière dans un rapport de contrôle permanent communiqué le 25 janvier 2017 et confirmé par la suite.
Cette situation a contraint la Direction à suspendre la commercialisation du fonds.
Votre méconnaissance des régles de conformité nous expose à un risque commercial vis-à-vis des clients ayant souscrit à ce fonds PCIE, mais également à un risque réglementaire vis-à-vis de nos autorités de contrôle et de réputation pour l’ensemble de la société.
Ces deux exemples illustrent votre non respect des dispositions réglementaires, ce qui fait courir un risque grave au groupe Degroof Petercam pouvant aller jusqu’à des sanctions disciplinaires et financières de la part de nos autorités de contrôle voire un retrait d’agrément.
A ce non respect des dispositions réglementaires s’est s’ajouté votre décision de précéder, en votre qualité de co-gérant de la société Degroof Petercam Immobilier (DPI) , à des cessions d’immeubles appartenant à des SCI gérés par DPI sans requérir la signature du second co-gérant, Monsieur [C] [T] et ce alors même que les statuts des SCI ne permettaient pas ces ventes, ces décisions étant mentionnées dans les procès-verbaux d’assemblée générale.
Pour tenter de régulariser la situation, vous avez alors procédé à une modification statutaire sans consulter ou informer les autres associés des SCI.
Cette situation extrêmement préoccupante n’a pu être découverte qu’après votre démission le 22 novembre 2016 des fonctions de co-gérant de DPI, et lorsque votre successeur a pu faire un point complet sur la situation du pôle immobilier.
Cette modification unilatérale des statuts a notamment eu pour conséquence une plainte d’un certain nombre d’associés des SCI gérées par DPI, lesquels ont informé nos autorités de tutelle et saisi le médiateur de la Banque le 15 décembre 2016.
En outrepassant les pouvoirs qui vous étaient conférées par les Associés des SCI, et en modifiant unilatéralement les statuts, vous avez mis notre groupe en risque judiciaire et financier vis-à-vis des Associés des SCI, ce risque a été accentué par le manque de transparence dont vous avez fait preuve dans ce dossier.
Les différentes carences constatées ces derniers mois mettent en lumière des manquements graves en matière de conformité à la déontologie, à la rigueur, à l’éthique, ainsi qu’une absence de communication et de transparence, et une incompréhension de la réglementation bancaire.
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Nous ne pouvons évidemment tolérer de tels agissements de nature à porter gravement atteinte à notre image et à notre professionnalisme.
Par conséquent, et compte tenu du poste à responsabilité que vous occupez au sein de Banque Degroof Petercam France, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave.’
Sur la nullité du licenciement
M. [S] [B] fait valoir que son contrat de travail a été suspendu à compter du 11 mai 2017 pour maladie professionnelle et que son employeur l’a rompu pendant cette période en raison d’une faute grave mais qui est inexistante pour les motifs suivants:
– à titre principal, les fautes sont prescrites en application de l’article L. 1332-4 du code du travail ;
– à titre subsidiaire, la procédure de licenciement a été engagée tardivement, empêchant de retenir la faute grave ;
– à titre infiniment subsidiaire, aucun des quatre griefs prétendument constitutifs d’une faute grave n’est établi.
La société rétorque que le licenciement pour faute grave est justifié.
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L’article L. 1226-9 du code du travail inclus dans la section relative à l’accident du travail ou maladie professionnelle dispose qu’au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l’employeur ne peut rompre ce dernier que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou la maladie. En application de l’article L. 1226-13 du code du travail, toute rupture prononcée en violation de l’article L. 1226-9 est nulle.
Les règles relatives à la protection des accidentés du travail et des salariés atteints de maladies professionnelles reçoivent application dès lors qu’il existe un lien de causalité même partiel entre l’incapacité temporaire de travail du salarié et son accident ou sa maladie et que l’employeur a connaissance de l’origine professionnelle de cette affection, le juge n’étant pas tenu par la décision de la caisse acceptant ou refusant la prise en charge de l’affection à titre professionnel.
En l’espèce, le certificat médical d’arrêt de travail prescrit à M. [S] [B] le 11 mai 2017 jusqu’au 25 août suivant mentionne qu’il s’agit d’une maladie professionnelle décrite comme suit : ‘stress intense burn out’. De plus, le 3 avril 2017, M. [S] [B] a écrit au directeur général de la société en lui expliquant que ses problèmes de santé résultaient de l’accumulation d’une charge de travail devenue de plus en plus lourde et de fréquentes périodes de forte tensions nerveuses liées à des réorganisations sur le plan professionnel.
L’employeur avait connaissance de l’origine professionnelle de l’affection au moment de la procédure de licenciement, peu important le refus ultérieur de prise en charge de la maladie au titre de la législation relative aux risques professionnels par l’assurance maladie, et le licenciement de M. [S] [B] est intervenu alors que son contrat de travail était suspendu en raison de l’arrêt de travail du 11 mai 2017 prescrit pour maladie professionnelle. Les articles L. 1226-9 et L. 1226-13 sont dès lors applicables.
Pour contester son licenciement pour faute grave et conclure à sa nullité, ce dernier soutient à titre principal que les quatre griefs énoncés dans la lettre de licenciement sont prescrits. Il affirme que les premiers faits portant sur la souscription directe par les salariés équipe Aforge de parts ‘C’ se sont produits de 2005 à 2012 et que l’attribution desdites parts a été décidée et réalisée par les actionnaires et dirigeants de la société Aforge finance, son employeur de l’époque, ainsi que par ses supérieurs hiérarchiques directs d’alors. Il en déduit que la faute était déjà prescrite lors de la fusion de 2015, ajoutant que le changement d’employeur n’a pas fait courir un nouveau délai de prescription, qu’il ne lui est pas reproché d’avoir caché ses parts ‘C’ et que l’ancienne direction de la banque Degroof Petercam France qui siégeait aux instances décisionnelles du groupe Aforge a en tout état de cause été informée en 2012 de cette attribution. Il fait valoir que les trois autres griefs ont été respectivement constatés en septembre 2016, le 25 janvier 2017 et le 22 novembre 2016.
La société rétorque n’avoir été informée de la souscription fautive de parts ‘C’ par des collaborateurs de l’ancien pôle Aforge que le 16 décembre 2016 et avoir alors commandé un audit nécessaire pour déterminer la nature et l’ampleur exacte de la faute. Elle prétend n’avoir eu une connaissance précise de la réalité de la faute que le 28 mars 2017, lorsqu’elle a été rendue destinataire du rapport d’audit. Elle fait valoir que les pièces produites par l’appelant ne justifient d’aucune décision officielle de la banque de l’époque, seules étant communiquées des attestations des anciens responsables eux-mêmes bénéficiaires de parts ‘C’, et que le reproche fait à son salarié porte sur la non-déclaration de ses souscriptions. Elle avance que bien que les autres faits visés dans la lettre de licenciement aient été découverts avant le 12 mars 2017, ils ne sont pas prescrits car il s’agit de fautes de même nature que la souscription des parts ‘C’.
L’article L.1332-4 du code du travail dispose qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.
Toutefois, un fait fautif dont l’employeur a eu connaissance plus de deux mois avant l’engagement des poursuites peut être pris en considération lorsque le même comportement fautif du salarié s’est poursuivi ou répété dans ce délai, les faits survenus dans ce délai devant être de même nature.
Lorsque les faits reprochés à un salarié ont été commis plus de deux mois avant l’engagement des poursuites disciplinaires, il incombe à l’employeur d’apporter la preuve qu’il n’en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l’engagement de ces poursuites. Le point de départ du délai de prescription de deux mois est le jour où l’employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié.
Aux termes de la lettre de licenciement, le premier grief qui y est visé concerne la souscription par des collaborateurs de l’ancien pôle Aforge, dont M. [S] [B], de parts ‘C’ mais aussi le défaut de déclaration desdites parts.
Il résulte des pièces versées aux débats, notamment l’attestation de Mme [G] [F], ancienne secrétaire générale au sein du groupe Aforge, que les souscriptions de parts ‘C’ par les collaborateurs de cet ancien pôle, dont M. [S] [B], sont intervenues à partir de 2005 et jusqu’en 2012 (correspondant à trois fonds respectivement créés en janvier 2005, avril 2007 et octobre 2012) si bien qu’elles ont eu lieu plus de deux mois avant l’engagement des poursuites disciplinaires. L’attestation de Mme [F], dont il n’est pas prétendu par l’intimée qu’elle aurait elle-même été bénéficiaire de parts ‘C’, mentionne : ‘Cette répartition (des fonds de private equity commercialisés par Aforge finance et gérés par Acces Capital entre les collaborateurs dont la contribution commerciale était la plus importante) était définie par la direction générale de la société, et en particulier MM. [W] [V] et [D] [K] pour les fonds I, II et III. Pour le fonds III, cette répartition a également été définie par la direction générale de la société élargie à M. [S] [B]’, corroborant celles de M. [V], ancien président d’Aforge finance, et de M. [K], son associé en charge de l’activité gestion privée, selon lesquelles cette répartition au profit des équipes d’Aforge finance, y compris M. [S] [B], a été faite à l’initiative de la direction générale de la société Aforge finance, dont M. [V]. Il n’est pas discuté en outre que MM. [V] et [K] étaient également les supérieurs hiérarchiques de M. [S] [B]. Son ancien employeur a donc eu incontestablement connaissance de ces attributions à l’époque où elles ont eu lieu. Or, lorsque l’article L. 1224-1 du code du travail est applicable, ce qui est le cas en l’espèce, le nouvel employeur ne peut invoquer à l’appui du licenciement du salarié des manquements commis par celui-ci alors qu’il se trouvait sous l’autorité de l’ancien employeur que si le délai de deux mois depuis la connaissance des faits par le cédant n’est pas écoulé. En l’espèce, le délai de deux mois depuis la connaissance par la société Aforge finance de la souscription par M. [S] [B] des parts ‘C’ étant largement expiré à la date d’engagement des poursuites disciplinaires, ce fait est atteint par la prescription.
S’agissant du défaut de déclaration de la possession des parts ‘C’ également visé dans la lettre de licenciement, la société invoque qu’il contrevient au code de déontologie de la banque Degroof Petercam France auquel M. [S] [B] s’est engagé à se conformer qui lui imposait, tout comme l’obligation de loyauté le liant à son employeur, d’informer sa hiérarchie de la détention de ces parts. Le salarié étant en possession de celles-ci depuis au plus tard 2012, il aurait ainsi dû selon l’intimée lui en faire part dès 2015, après l’opération de fusion absorption et la signature de son nouveau contrat de travail.
Il se déduit des mails de MM. [V] et [K] produits par l’appelant corroborés par leurs attestations qu’en ce qui concerne le derniers fonds, la répartition des parts au profit des équipes impliquées dont M. [S] [B] s’est faite en accord avec les dirigeants du groupe Degroof (MM. [J] et [U]) de sorte que le nouvel employeur ne saurait sérieusement prétendre ne pas en avoir été informé. Le rapport d’audit invoqué par l’intimée mentionne d’ailleurs ‘la direction actuelle de la banque Degroof Petercam a été informée de l’octroi de parts C à des collaborateurs du pôle Aforge lors d’une réunion entre la banque et le nouveau directeur de la conformité d’ACP le 16/12/2016. La Banque a alors obtenu la liste des différents collaborateurs d’Aforge bénéficiant de parts C ainsi que les montants souscrits par chacun’, ce qui est de nature à corroborer que l’ancienne direction de la banque le savait. En toute hypothèse, ce rapport établit que la société a appris au plus tard le 16 décembre 2016 que M. [S] [B] possédait des parts ‘C’ ainsi que les montants souscrits par lui, lui permettant de connaître aussitôt le défaut de déclaration à ce titre dont elle lui fait grief. La circonstance que l’employeur ait ensuite décidé de recourir à un audit ne le dispense pas de prouver que cette mesure était nécessaire pour avoir une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié. Or, en l’occurrence, l’audit, selon l’introduction du rapport, n’a été organisé que pour déterminer le contexte dans lequel l’attribution des parts a eu lieu, ce qui est indifférent au regard de l’obligation déclarative à laquelle M. [S] [B] aurait manqué. Et la société ne démontre pas qu’elle n’a pas eu connaissance dès le 16 décembre 2016 de l’omission déclarative imputée à son salarié alors que d’après la lettre de licenciement, les salariés sont soumis à une déclaration d’intérêts tous les ans. La cour estime donc que l’employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur de l’omission déclarative en décembre 2016, ce dont il suit que ce fait est également prescrit.
La lettre de licenciement reproche ensuite à M. [S] [B] la non conformité des dossiers clients, une mauvaise commercialisation de la SICAV-FIS PCIE et des cessions d’immeubles irrégulières. Mais il résulte des termes de la lettre de licenciement et il est admis par la société qu’elle a eu connaissance de ces faits plus de deux mois avant l’engagement de la procédure disciplinaire.
Compte tenu de la prescription affectant l’ensemble des faits visés dans la lettre de licenciement, celui-ci n’est pas fondé sur une faute grave et doit être déclaré nul, le jugement étant de ce chef confirmé sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens invoqués par l’appelant.
Sur les conséquences du licenciement nul
Au regard de la date du licenciement de M. [S] [B], est applicable la règle suivant laquelle lorsque le salarié dont le licenciement est nul ne demande pas sa réintégration dans son poste, il a droit d’une part aux indemnités de rupture et d’autre part à une indemnité réparant l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue par l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable du 1er mai 2008 au 24 septembre 2017 (indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois) quelles que soient son ancienneté et la taille de l’entreprise.
– sur l’indemnité pour licenciement nul’:
M. [S] [B] réclame la somme de 458 380 euros représentant selon lui 24 mois de salaire, arguant d’un salaire mensuel moyen avant son licenciement de 19 099,17 euros par mois, des circonstances brutales et vexatoires de la rupture, de son âge et de sa perte de revenus, tandis que l’intimée demande à la cour de limiter l’indemnité au minimum, soit six mois de salaire, au motif que l’appelant a retrouvé une activité professionnelle.
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Compte tenu des salaires des six derniers mois ayant précédé son arrêt maladie, de son ancienneté (le contrat de travail prévoyant une ancienneté reprise au 8 janvier 2007), de son âge (60 ans lors de la rupture), de la baisse très importante de ses revenus (M. [S] [B] s’étant inscrit comme demandeur d’emploi en novembre 2017 et ayant perçu des allocations chômage en 2018, 2019 et 2020 bien qu’ayant créé sa propre société qui ne lui a procuré aucune rémunération, ni dividende jusqu’en janvier 2021) et des circonstances du licenciement, la cour condamne la société à lui payer une somme de 160’000 euros suffisant à réparer son entier préjudice. Le jugement est infirmé de ce chef.
– sur l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents’:
M. [S] [B] revendique une somme de 43 508 euros calculée sur la base d’un salaire de 14 502,67 euros, outre 4 350,80 euros au titre des congés payés afférents. La société ne conclut pas spécialement sur ce point.
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Compte tenu de son ancienneté de deux ans et plus et de son statut de cadre, M. [S] [B] est en droit de prétendre à un délai de préavis de 3 mois en application de l’article 30 de la convention collective. Au vu des bulletins de salaire produits, il invoque à raison que s’il avait travaillé pendant sa période de préavis, il aurait bénéficié d’un salaire mensuel de 14 502,67 euros. La cour condamne en conséquence la société à lui payer la somme de 43 508 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 4 350,80 euros au titre de l’indemnité compensatrice des congés payés afférents. Le jugement est infirmé de ces chefs.
– sur l’indemnité de licenciement :
M. [S] [B] réclame une indemnité conventionnelle de licenciement de 56 225,73 euros. Son licenciement étant nul, il soutient qu’il a droit à l’indemnité de licenciement non disciplinaire prévue par la convention collective, calculée sur la base d’un salaire de référence de 14 502,67 euros et en fonction d’une ancienneté de 10 ans et 8 mois. A titre subsidiaire, il réclame la somme de 42 442,59 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement.
La société réplique que l’ancienneté de M. [S] [B] est de 7 ans et 3 mois au regard de la suspension de son contrat de travail pendant son mandat social de directeur général de la société Aforge finance. Sur la base d’un salaire moyen de 14 515,84 euros et par application de l’article 27 de la convention collective renvoyant aux dispositions légales pour le calcul de l’indemnité de licenciement, elle soutient que l’indemnité de licenciement due est égale à 21 047,97 euros.
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L’article 26 de la convention collective prévoit :
Avant d’engager la procédure de licenciement, l’employeur doit avoir considéré toutes solutions envisageables, notamment recherché le moyen de confier au salarié un autre poste lorsque l’insuffisance résulte d’une mauvaise adaptation de l’intéressé à ses fonctions.
Le licenciement pour motif non disciplinaire est fondé sur un motif objectif et établi d’insuffisance professionnelle.
Sauf inaptitude constatée par le médecin du travail, l’état de santé d’un salarié ou son handicap ne peut en tant que tel constituer la cause justifiant le licenciement.
Article 26.1 (…)
Article 26.2
Indemnisation
Tout salarié, licencié en application de l’article 26, comptant au moins un an d’ancienneté (2) bénéficie d’une indemnité de licenciement.
La mensualité qui sert de base à l’assiette de calcul de cette indemnité est égale à 1/13 du salaire de base annuel (3) que le salarié a ou aurait perçu (4) au cours des 12 derniers mois civils précédant la rupture du contrat de travail.
Cette indemnité est égale à :
– 1/2 x (13/14,5) (5) d’une mensualité par semestre complet d’ancienneté acquis dans l’entreprise antérieurement au 1er janvier 2002 ;
– et 1/5 d’une mensualité par semestre complet d’ancienneté dans l’entreprise acquis à partir du 1er janvier 2002.
Conformément à l’article 27 de la même convention, en cas de licenciement pour motif disciplinaire, le salarié perçoit l’indemnité légale de licenciement sauf faute grave ou lourde.
En l’espèce, M. [S] [B] a fait l’objet d’un licenciement pour motif disciplinaire.
Mais, du fait de la prescription, ce licenciement est privé de cause réelle et sérieuse et partant nul en application de l’article L. 1226-13 du code du travail de sorte que ce dernier a droit à l’indemnité conventionnelle de licenciement qui n’est exclue qu’en cas de licenciement pour motif disciplinaire et de licenciement pour crime ou délit touchant à l’honneur ou à la probité tel que prévu à l’article 28 de la convention collective.
M. [S] [B] prend comme salaire de référence pour le calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement la somme de 14 502,67 euros calculée conformément à l’article 39 de la convention collective.
C’est à juste titre que celui-ci tient compte de son ancienneté depuis le 8 janvier 2007 sans qu’il y ait lieu d’opérer une déduction au titre de la période durant laquelle il a été le directeur général de la société Aforge finance dès lors que le contrat de travail conclu avec la banque Degroof Petercam France prévoit une reprise d’ancienneté au 8 janvier 2007.
Il sera fait droit à la demande de M. [S] [B] portant sur la somme de 56 225,73 euros telle que détaillée dans ses écritures, le jugement étant également infirmé de ce chef.
Sur les intérêts au taux légal et la demande de capitalisation
Les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter du présent arrêt, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
La société, partie perdante, est condamnée aux dépens d’appel et doit indemniser M. [S] [B] des frais exposés par lui en appel et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 1 000 euros, le jugement étant confirmé sur les dépens et frais irrépétibles de première instance et la société étant déboutée de sa propre demande en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR statuant par mise à disposition au greffe et contradictoirement :
CONFIRME le jugement sur la nullité du licenciement, les dépens et l’article 700 du code de procédure civile ;
L’INFIRME en ses autres dispositions ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant :
CONDAMNE la société Banque Degroof Petercam France à M. [S] [B] les sommes suivantes :
– 76 466,88 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires,
– 7 646,68 euros au titre de l’indemnité compensatrice des congés payés afférents,
– 6 372,24 euros à titre de rappel de treizième mois,
– 637,22 euros au titre de l’indemnité compensatrice des congés payés afférents,
– 20 553,80 euros à titre d’indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l’absence de contrepartie obligatoire en repos,
– 105 510,17 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
– 56 225,73 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 43 508 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 4 350,80 euros au titre de l’indemnité compensatrice des congés payés afférents,
– 160’000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul,
– 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;
DIT que les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et que les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter du présent arrêt ;
ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l’article 1343-2 du code civil ;
DÉBOUTE les parties de toute autre demande ;
CONDAMNE la société Banque Degroof Petercam aux dépens d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE