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C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S
CHAMBRE SOCIALE – A –
Section 1
PRUD’HOMMES
Exp +GROSSES le 25 AVRIL 2023 à
la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS
la SELARL GILLET
AD
ARRÊT du : 25 AVRIL 2023
MINUTE N° : – 23
N° RG 21/00494 – N° Portalis DBVN-V-B7F-GJSN
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 20 Janvier 2021 – Section : ENCADREMENT
APPELANTE :
Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS) intervenant par l’UNEDIC – CGEA de [Localité 7], agissant poursuites et diligences de son président, en qualité de gestionnaire de l’AGS,
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Alexis LEPAGE de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS
ET
INTIMÉS :
Monsieur [X] [A]
né le 06 Juin 1971 à [Localité 6]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
représenté par Me Jean-Yves GILLET de la SELARL GILLET, avocat au barreau de TOURS
Me [V] [O] ès-qualités de mandataire judiciaire de la société SAS CP INVEST (RCS Tours n°821320322, [Adresse 3]) suivant jugement du Tribunal de commerce de Tours du 9 avril 2019
[Adresse 1]
[Adresse 1]
non représenté, n’ayant pas constitué avocat
Ordonnance de clôture : 8 février 2023
Audience publique du 28 Février 2023 tenue par M. Alexandre DAVID, Président de chambre, et ce, en l’absence d’opposition des parties, assisté lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier.
Après délibéré au cours duquel M. Alexandre DAVID, Président de chambre a rendu compte des débats à la Cour composée de :
Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité,
Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre,
Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller
Puis le 25 Avril 2023, Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de Mme Karine DUPONT, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
La SAS C.P. Invest exerçait son activité à [Localité 8], en exploitant le magasin Vival by Casino.
Elle a engagé M. [X] [A] le 4 novembre 2016. A compter du 1er avril 2017, le salarié a été nommé responsable du magasin et soumis au régime du forfait en jours.
La relation de travail était régie par la convention collective nationale du commerce de détail des fruits et légumes, épicerie et produits laitiers du 15 avril 1988.
Le 12 septembre 2018, la SAS C.P. Invest a informé le salarié du transfert de son contrat de travail à la société Groupe Distribution Casino France, à la suite de la mise en location-gérance du magasin devenu « Petit Casino ».
Par jugement du 9 avril 2019, le tribunal de commerce de Tours a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS C.P. Invest, fixé la date de cessation des paiements au 1er avril 2018 et désigné Maître [V] [O] en qualité de mandataire à la liquidation judiciaire.
M. [A] a estimé n’avoir pas été rémunéré au minimum conventionnel et avoir subi un préjudice lié au non-respect de la convention de forfait en jours.
Par requête reçue au greffe le 24 juin 2019, il a saisi le conseil de prud’hommes de Tours, en sa section de l’encadrement, afin de voir fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société aux sommes suivantes :
. 9652,68 € de rappel de salaires de novembre 2016 à septembre 2017,
. 965,27 € de congés payés afférents,
. 50’461,30 € pour 2045 heures supplémentaires,
. 5046,13 € de congés payés afférents,
. 10’000 € de dommages-intérêts pour non-respect des règles encadrant la durée du travail,
. 15’699,12 € de dommages-intérêts pour travail dissimulé,
. 5237,25 € pour indemnités kilométriques,
. 2000 € ,sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Maître [O], ès qualités, a conclu :
-au débouté de toutes les demandes de M. [A],
-et à sa condamnation à lui verser 2000 € pour les frais non compris dans les dépens.
L’UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 7] est intervenue à l’instance et a conclu au débouté de toutes les demandes du salarié et, en toute hypothèse, à l’opposabilité du jugement dans les limites et plafonds prévus aux articles L. 3253-8 et suivants, L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail.
Par jugement du 20 janvier 2021, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé du litige, le conseil de prud’hommes de Tours a’:
– Ordonné à Maître [V] [O] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS CP Invest, d’inscrire au passif de la liquidation judiciaire de’la société SAS CP Invest les condamnations suivantes’:
36 310,21 euros au titre des heures supplémentaires,
3 631,02 euros au titre des congés payés afférents,
14 151 euros au titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,
10 000 euros au titre de dommages-intérêts pour non-respect des règles encadrant la durée du temps de travail,
197,28 euros au titre des rappels des salaires,
19,28 euros au titre des congés payés afférents,
5 237,25 euros au titre des indemnités kilométriques pour utilisation du véhicule personnel à des fins professionnelles,
2 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
-Débouté M. [A] de sa demande de salaires pour la période de novembre 2016 à novembre 2017 [ lire avril 2017],
-Débouté partiellement M. [A] de sa demande de salaires pour la période d’avril 2017 à septembre 2018,
-Condamné Maître [V] [O], ès-qualité de liquidateur judiciaire de la SAS CP Invest à la communication des bulletins de salaire de M. [A] conformes aux condamnations du jugement sous astreinte journalière de 50,00 euros à compter du 30ème jour de retard suivant la notification du présent jugement,
-Se réserve la faculté de liquider l’astreinte, conformément à l’article L. 131-3 du Code des procédures civiles d’exécution,
-Ordonné l’exécution provisoire du présent jugement nonobstant appel à compter de 30 jours après la mise à disposition au greffe du conseil des prud’hommes de Tours,
-Débouté Maître [V] [O], ès qualités de mandataire judiciaire de l’ensemble de ses demandes à titre reconventionnel,
-Condamné Maître [V] [O], ès qualités de mandataire judiciaire de la SAS CP Invest aux entiers dépens de l’instance.
Le 15 février 2021, l’UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 7] a relevé appel de cette décision.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions remises au greffe le’27 août 2021 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du Code de procédure civile et aux termes desquelles l’UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 7] demande à la cour de’:
-S’entendre l’AGS déclarer recevable et bien fondée en son appel interjeté du jugement prononcé par le conseil de prud’hommes de Tours en date du 20 janvier 2021.
-Réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions, en ce qu’elles ont fait droit aux demandes de M. [A].
-S’entendre en conséquence l’intéressé débouter de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
-S’entendre M. [A] condamner à rembourser à l’AGS l’ensemble des sommes par elle versées dans le cadre de l’exécution provisoire à savoir la somme de 66 220 euros.
-S’entendre M.[A] déclarer irrecevable et à tout le moins mal fondé en son appel incident.
-Débouter M.[A] en ce qu’il demande à ce que lui soit alloué une somme de 4 089,70 euros à titre de rappel de salaire, outre la somme de 408,97 euros, au titre des congés payés y afférents.
-S’entendre M.[A] débouter de sa demande tendant à ce que soit élevé le montant des sommes allouées au titre des heures supplémentaires à la somme principale de 50 461,30 euros outre, celle de 5 046,13 euros au titre des congés payés y afférents.
-S’entendre encore M.[A] débouter de sa demande tendant à ce que soit allouée, au titre de l’indemnité pour travail dissimulé, la somme de 15 699,12 euros.
En toute hypothèse,
-Déclarer la décision à intervenir opposable au CGEA en qualité de gestionnaire de l’AGS, dans les limites prévues aux articles L3253-8 et suivants du code du travail, et les plafonds prévus aux articles L3253-17 et D3253-5 du code du travail.
La garantie de l’AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l’article D.3253-5 du code du travail.
En l’espèce, le plafond applicable est le plafond 5.
L’UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 7] affirme que le salarié a été engagé, en réalité, dès le 4 novembre 2016, en qualité d’employé libre-service alors que le contrat à durée indéterminée de responsable de magasin, statut cadre, n’a été signé que le 1er avril 2017.
Sur les heures supplémentaires, elle n’entend pas remettre en cause l’annulation de la convention de forfait, mais estime que celles-ci ne peuvent être retenues à hauteur de ce qu’a considéré le conseil des prud’hommes, qui n’a étayé son raisonnement par aucun élément objectif.
Sur le travail dissimulé, elle expose que l’élément intentionnel obligatoire pour le caractériser n’a pas été étudié par les premiers juges, alors que cette preuve incombe au salarié et que la Cour de Cassation a posé le principe que ce caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule application d’une convention de forfait illicite.
Sur les dommages-intérêts pour non-respect des règles encadrant la durée du temps de travail, retenus à hauteur de 10’000 €, elle estime qu’il n’a pas été fait la moindre appréciation du préjudice subi, en réalité, par le salarié.
Quant aux indemnités kilométriques, elle critique le conseil de prud’hommes qui a retenu la somme sollicitée par ce cadre de 5237,25 € , sans le soumettre à l’examen des preuves.
Enfin, sur l’appel incident du salarié concernant l’augmentation des heures supplémentaires à hauteur de 50’461, 30 euros au lieu de 36’310,21 € alloués, elle conteste l’analyse des premiers juges qui ont omis de justifier la somme retenue.
S’agissant des chefs de dispositif critiqués par l’appel incident, elle estime que le conseil de prud’hommes a, à juste titre, rejeté la revendication salariale pour la période de novembre 2016 à avril 2017 et la demande de rappel de salaires d’avril 2017 à septembre 2018 puisqu’il convenait de réintégrer mensuellement la somme de 342,50 € au titre de l’avantage en nature, ce qui porte la rémunération au-dessus du minimum conventionnel. Elle s’en rapporte à justice sur la somme de 197,28 € allouée à titre de rappel de salaires pour la période de juillet à décembre 2017.
Vu les dernières conclusions remises au greffe 22 juillet 2021 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du Code de procédure civile et aux termes desquelles M. [X] [A] demande à la cour de’:
-Débouter l’AGS de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ; sur le rappel de salaire au minimum conventionnel :
-Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Tours en ce qu’il a débouté partiellement M. [A] de sa demande en rappel de salaire au minimum conventionnel, en ne lui allouant que la somme de 197,28 euros bruts, outre 19,72 euros de congés payés et, statuant de nouveau ;
-Condamner Maître [V] [O] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société CP Invest au paiement de la somme de 4.089,70 euros bruts à titre de rappel de salaire au minimum conventionnel de novembre 2016 à septembre 2017, avec le bénéfice de la garantie de l’AGS ;
-Condamner Maître [V] [O] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société CP Invest au paiement de la somme de 408,97 euros de congés payés afférents au rappel de salaire au minimum conventionnel, avec le bénéfice de la garantie de l’AGS ;
Sur le rappel d’heures supplémentaires :
-Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Tours en ce qu’il a débouté partiellement M. [A] de sa demande en rappel d’heures supplémentaires, en ne lui allouant que la somme de 36.310,21 euros bruts, outre 3.611,02 euros de congés payés afférents et,
Statuant de nouveau ;
-Juger la convention de forfait annuel en jours inopposable à M. [A] au regard des manquements de la société CP Invest à ses obligations,
-Condamner Maître [V] [O] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société CP Invest au paiement de la somme de 50.461,30 euros à titre de rappel de salaire des heures supplémentaires réalisées de novembre 2016 à septembre 2017, avec le bénéfice de la garantie de l’AGS ;
-Condamner Maître [V] [O] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société CP Invest au paiement de la somme de 5.046,13 euros de congés payés afférents au rappel de salaire pour heures supplémentaires, avec le bénéfice de la garantie de l’AGS ;
Sur les dommages et intérêts :
-Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Tours en ce qu’il a condamné la SAS CP Invest, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, Maître [V] [O], à la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi avec le bénéfice de la garantie de l’AGS ;
Sur le travail dissimulé :
-Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Tours en ce qu’il a débouté partiellement M. [A] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé, en ne lui allouant que la somme de 14.151,00 euros et, statuant de nouveau ;
-Condamner Maître [V] [O] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société CP Invest au paiement de la somme de 15.699,12 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé avec le bénéfice de la garantie de l’AGS ;
Sur les indemnités kilométriques :
-Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Tours en ce qu’il a condamné la SAS CP Invest, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, Maître [V] [O], à la somme de 5.237,25 euros à titre de rappels d’indemnités kilométriques, avec le bénéfice de la garantie de l’AGS ;
En tout état de cause :
-Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Tours en toutes ses autres dispositions ;
-Condamner Maître [V] [O] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société CP Invest à la communication des bulletins de salaire de M.[A] de novembre 2016 à septembre 2017 modifiés en conséquence de ce qui précède sous astreinte journalière de 50 euros par jour à compter de la date de la décision à intervenir ;
-Se réserver le pouvoir de liquider l’astreinte à la demande de M.[A] conformément à l’article L.131-3 du code des procédures civiles d’exécution ;
-Condamner Maître [V] [O] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société CP Invest au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Sur la demande de rappel de salaire à hauteur du minimum conventionnel, M. [X] [A] distingue deux périodes :
– celle du 4 octobre 2016 à mars 2017, où il a occupé, dès sa prise de fonctions, le poste de responsable de magasin, alors qu’il n’a pas été rémunéré à hauteur de l’échelle 7 de la convention collective,
– celle d’avril 2017 à septembre 2018, pour laquelle il a calculé le différentiel entre ses salaires portés sur les bulletins mensuels et ceux de la convention collective, ce qui correspond, au total, à un rappel de 4089,70 € et 408,97 € de congés payés afférents.
Par ailleurs, il estime que le forfait annuel en jours ne peut lui être appliqué, dès lors qu’il n’a jamais bénéficié d’entretiens individuels avec la direction, qu’aucun contrôle des jours travaillés n’a été effectué, qu’il n’a pas bénéficié de jours de RTT et que les règles relatives au repos quotidien et hebdomadaire n’ont pas été respectées.
En conséquence, ses heures supplémentaires lui sont dues, puisqu’il travaillait une dizaine d’heures par jour, une partie des week-ends, sans aucune contrepartie financière, comme le démontrent les attestations de trois collaborateurs de l’entreprise.
Ainsi le forfait de 217 jours annuels a-t-il été largement dépassé et lui est due, sur la base de 23 heures supplémentaires par semaine, une somme globale de 50’461,30 € et 5046,13 € de congés payés afférents.
Sur le non-respect des dispositions légales et conventionnelles relatives au temps de travail, il soutient que la société n’a respecté ni le temps minimal quotidien ni le repos hebdomadaire ni le repos au titre des jours fériés, ce qui justifie une somme de 10’000 € de dommages et intérêts pour réparer son préjudice spécifique.
Il invoque le travail dissimulé auquel s’est prêté volontairement l’employeur. Sur le fondement de l’article L. 8221-5 du code de travail, il réclame à ce titre une indemnité égale à six mois de salaires.
Enfin, il expose avoir utilisé son véhicule personnel pour se déplacer pour ses besoins professionnels, conformément aux obligations contenues dans l’article 7 de son contrat de travail. Les trois attestants précités ont noté, à son bénéfice, la livraison de pains et la recherche de diverses marchandises dans un autre magasin du même groupe, la distance entre les deux atteignant 2,3 km. Il sollicite à ce titre la somme de 5237,25 € à titre de remboursement de frais.
Maître [V] [O], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS CP Invest, n’a pas constitué avocat.
Une ordonnance de clôture a été rendue le 8 février 2023, renvoyant la cause et les parties à l’audience des plaidoiries du 28 février suivant.
MOTIFS DE LA DECISION
La déclaration d’appel et les conclusions de l’UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 7] ont été dénoncées à Maître [V] [O] ès qualités par acte d’huissier de justice du 29 avril 2021, remis à domicile. Il y a lieu de statuer par arrêt rendu par défaut.
La notification du jugement est intervenue le 20 janvier 2021, en sorte que l’appel principal de l’UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 7], régularisé le 15 février 2021, dans le délai légal d’un mois, s’avère recevable, comme l’appel incident de M. [A], sur le fondement des dispositions de l’article 550 du code de procédure civile.
Sur la demande de rappel de salaire au titre des minima conventionnels
Il convient de distinguer deux périodes :
du 4 novembre 2016 au 31 mars 2017
M. [A] prétend avoir exercé dès le 4 novembre 2016 les fonctions de responsable de magasin, qualité qui lui a été reconnue par le contrat à durée indéterminée du 1er avril 2017.
Les pièces produites par le salarié – déclaration d’embauche du 4 novembre 2016 et bulletins de paie mentionnant un emploi ELS soit employé de libre-service – ne permettent pas de rapporter la preuve que le salarié ait exercé dès son embauche les fonctions de responsable de magasin qu’il revendique. Il ne résulte pas de ce qu’il a été soumis au forfait en jours qu’il avait la responsabilité du magasin.
Par voie de confirmation du jugement, il y a lieu de rejeter la demande de rappel de salaire.
du 1er avril 2017 à septembre 2018
Le salarié a intégré dans la rémunération perçue l’avantage en nature constitué par un logement à hauteur de 342,50 € mensuels, mentionnés régulièrement tous les mois sur ses bulletins de salaire.
Entre avril 2017 et janvier 2018, le salaire minimum conventionnel brut correspondant au coefficient 7 appliqué à M. [X] [A] était de 2582,88 €. A compter de février 2018, le minimum conventionnel a été porté à 2616,52 €.
Au regard des bulletins de paie versés aux débats et conformément au calcul proposé par le salarié, il y a lieu de fixer la créance de rappel de salaire à 576,68 euros brut, outre 57,67 euros brut au titre des congés payés afférents. Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur le non-respect des obligations découlant de la convention de forfait en jours
L’article 6 du contrat de travail du 1er avril 2017 prévoit que le salarié est soumis au régime du forfait en jours, comme le permet l’avenant du 3 mars 2000 relatif à la réduction du temps de travail attaché à la convention collective nationale du commerce de détail des fruits et légumes, épicerie et produits laitiers du 15 avril 1988.
Il ne résulte pas des pièces du dossier que l’employeur ait respecté son obligation de veiller à ce que la charge de travail du salarié demeure raisonnable et permette une bonne répartition dans le temps de son travail.
Il n’est pas démontré que M. [A] ait bénéficié des entretiens individuels prévus par le texte conventionnel.
Par conséquent, la convention de forfait est privée d’effet et M. [X] [A] peut prétendre à ce que les heures de travail réalisées au-delà de la durée légale de 35 heures hebdomadaires soient considérées comme des heures supplémentaires et rémunérées comme telles.
Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires
Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant (Soc., 18 mars 2020, pourvoi n° 18-10.919, FP, P + B + R + I).
M. [X] [A] affirme avoir travaillé tous les jours de 7 heures à 14 heures puis de 19 heures à 22 heures, soit 10 heures par jour.
Sur la base d’un temps de travail de référence de 35 heures hebdomadaire avec deux jours de repos, il soutient avoir effectué 3 heures supplémentaires par jour et avoir travaillé deux jours de plus, ce qui correspond à 23 heures supplémentaires par semaine ouvrant droit à un salaire majoré à 25%.
Il affirme avoir réalisé :
-en 2016, 187 heures supplémentaires (130 à 125 % et 57 à 150 %),
-en 2017, 1136 heures supplémentaires (130 à 125 % et 1006 à 150 %),
-en 2018, 722 heures supplémentaires (130 à 125 % et 592 à 150 %).
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre en produisant ses propres éléments.
Il convient de préciser que le liquidateur judiciaire n’a pas constitué avocat devant la cour d’appel et que l’UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 7] n’a versé aux débats qu’une fiche retraçant les avances réalisées par elle. Il n’est donc produit aucun élément de nature à justifier le contrôle par l’employeur des heures de travail effectivement accomplies par M. [X] [A]. Il n’est versé aux débats aucun élément relatif aux horaires d’ouverture du magasin ou au planning des autres salariés.
Les seules pièces dont M. [X] [A] se prévaut au soutien de sa demande sont trois attestations :
– de Mme [H] [R], employée de libre-service qui « approuve que M. [A] était présent à chaque ouverture et fermeture de magasin et qu’il utilisait son véhicule personnel pour les livraisons et notamment pour les livraisons de pain » ;
– de M. [U] [L], qui relate « avoir travaillé avec M. [A] [‘] à compter du 1er juillet [‘] Il faisait bien les ouvertures et fermetures du magasin en ma présence car, à ce moment précis, j’ effectuais les travaux d’usage divers de ce point de vente […] Il utilisait son véhicule personnel pour effectuer les livraisons chez les clients et aussi pour aller chercher les marchandises sur les autres points de vente » ;
– de Mme [N] [M], commerçante, voisine du magasin, qui certifie que « M. [A] était bien à son travail de 7 heures à 14 heures et fermait le magasin de 19 heures à 22 heures. De plus, il se rendait à son travail avec son véhicule personnel ».
Il résulte de ces attestations que l’amplitude horaire de M. [X] [A] en tant que responsable de magasin était élevée.
Au regard des éléments produits, il y a lieu, par voie d’infirmation du jugement, de fixer à 15 000 euros brut la créance de rappel d’heures supplémentaires et à 1 500 euros brut les congés payés afférents.
Sur la demande de dommages-intérêts pour le non-respect des dispositions légales et conventionnelles relatives au temps de travail
Il ressort de la description par M. [X] [A] de ses horaires de travail, le salarié soulignant avoir la responsabilité d’un magasin ouvert chaque jour de 7 h à 22 h, que les dispositions imposant de faire bénéficier un salarié de 11 heures consécutives de repos quotidien et de 24 heures consécutives de repos hebdomadaire, en plus du repos quotidien, n’ont pas été respectées.
L’employeur ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, d’avoir respecté les dispositions d’ordre public du code du travail relatives aux durées minimales quotidienne et hebdomadaire de repos.
Pour justifier de l’étendue de son préjudice, M. [X] [A] verse aux débats deux arrêts de travail :
-du 3 au 8 mai 2018, pour sciatique entraînant de la kinésithérapie et de la balnéothérapie,
-du 1er au 8 juin 2018, pour « autre pathologie cardio-vasculaire : phlébite du membre inférieur droit ».
Par voie d’infirmation du jugement, il y a lieu de fixer à 5 000 euros la créance de dommages-intérêts pour non-respect des repos quotidien et hebdomadaire.
Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé
L’article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d’emploi salarié.
En premier lieu, en application de l’article L. 8223-1 du code du travail, l’indemnité pour travail dissimulée n’est exigible qu’en cas de rupture du contrat de travail. Or, il n’est ni allégué ni établi que le contrat de travail ait été rompu, M. [X] [A] se prévalant d’un transfert de son contrat à compter du 10 septembre 2018 au nouvel exploitant du magasin (pièce n° 3). Dans ces conditions, aucune créance d’indemnité de travail dissimulé ne saurait être fixée au passif de la procédure collective de la SAS C.P. Invest (Soc., 11 mai 2016, pourvoi n° 14-17.496, Bull. 2016, V, n° 100).
En second lieu, la dissimulation d’emploi salarié n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.
Le caractère intentionnel de la dissimulation d’emploi ne peut se déduire du seul accomplissement d’heures supplémentaires non rémunérées.
Il a été constaté que M. [X] [A] avait accompli des heures supplémentaires non rémunérées.
Cependant le rappel d’heures supplémentaires résulte d’un manque de diligence de l’employeur concernant le suivi de la convention de forfait en jours, sans qu’il soit établi que cette carence était intentionnelle. Il ne résulte d’aucun élément du dossier que l’employeur se serait sciemment abstenu de rémunérer des heures de travail dont il avait connaissance qu’elles avaient été réalisées.
L’élément intentionnel du travail dissimulé n’est pas caractérisé.
Il y a lieu, par voie d’infirmation du jugement, de débouter le salarié de sa demande à ce titre.
Sur la demande de remboursement d’indemnités kilométriques
L’article 7 du contrat de travail du 1er avril 2017 prévoyait que M. [X] [A] exercerait ses fonctions sur le magasin [Adresse 4], qu’il serait amené à se déplacer pour les besoins de son activité, notamment pour assurer des livraisons et qu’il s’engageait à effectuer tous les déplacements nécessaires à l’exercice de ses fonctions.
Le salarié affirme avoir dû réaliser, tous les jours, plusieurs trajets jusqu’au magasin situé [Adresse 3], distant de 2,3 km, pour les livraisons pour son propre magasin, soit un aller à 7 heures et quatre allers-retours à 12 heures,14 heures et 19 heures les lundis et dimanches, et les autres jours de la semaine, un aller à 7 heures et deux allers-retours à 14 heures et 19 heures.
Ainsi invoque-t-il une distance de 98 km par semaine, soit 802,7 km en 2016 ,4889,8 km en 2017 et 3109,6 km en 2018. Il sollicite à ce titre la somme de 5237,25 € allouée par les premiers juges.
Cependant, les pièces versées aux débats ne suffisent pas à démontrer le nombre de trajets quotidiens réellement accomplis par M. [X] [A]. L’existence de tels trajets est cependant établie par les attestations précitées.
En tout état de cause, ces trajets ne peuvent être comptabilisés qu’à partir du 1er avril 2017, date à compter de laquelle M. [A] a effectivement rempli ses fonctions de responsable de magasin.
Par voie d’infirmation du jugement, il y a lieu de fixer la créance au titre des indemnités kilométriques à 3 000 euros.
Ces créances de M. [X] [A] seront fixées au passif de la procédure collective de la SAS C.P. Invest.
Le présent arrêt sera déclaré opposable à l’Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés intervenant par l’UNEDIC – CGEA de [Localité 7], laquelle ne sera tenue à garantir les sommes allouées à M. [X] [A] que dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail, le plafond applicable étant le plafond 5.
Le présent arrêt emportant de plein droit obligation de restituer les sommes acquittées par l’UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 7] au titre de l’exécution provisoire et dont le montant excéderait celui des créances retenues par la cour d’appel, il n’y a pas lieu de prononcer de condamnation à ce titre.
Sur la remise de bulletins de paie
Il y a lieu d’ordonner à Maître [O] ès qualités de remettre à M. [X] [A] un bulletin de paie conforme aux dispositions du présent arrêt, et ce dans un délai d’un mois à compter de sa signification.
Aucune circonstance ne justifie que cette décision soit assortie d’une astreinte.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Il y a lieu de fixer les dépens de première instance et d’appel au passif de la procédure collective de la SAS C.P. Invest.
Il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles.
L’équité ne recommande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile s’agissant des frais de l’instance d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par arrêt par défaut, rendu en dernier ressort et prononcé par mise à disposition du greffe :
Infirme le jugement rendu le 20 janvier 2021, entre les parties, par le conseil de prud’hommes de Tours, en sa section de l’encadrement, mais seulement en ce qu’il a fixé la créance de M. [X] [A] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS C.P. Invest aux sommes suivantes : 36 310,21 euros au titre des heures supplémentaires, 3 631,02 euros au titre des congés payés afférents, 14 151 euros au titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé, 10 000 euros au titre de dommages-intérêts pour non-respect des règles encadrant la durée du temps de travail, 197,28 euros au titre des rappels des salaires, 19,28 euros au titre des congés payés afférents, 5 237,25 euros au titre des indemnités kilométriques pour utilisation du véhicule personnel à des fins professionnelles, en ce qu’il a débouté partiellement M. [A] de sa demande de salaires pour la période d’avril 2017 à septembre 2018 et en ce qu’il a condamné Maître [O] en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS C.P. Invest aux dépens ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
Fixe la créance de M. [X] [A] au passif de la procédure collective de la SAS C.P. Invest aux sommes suivantes :
– 576,68 euros brut de rappel de salaire au titre des minima conventionnels ;
– 57,67 euros brut au titre des congés payés afférents ;
– 15 000 euros brut à titre de rappel d’heures supplémentaires ;
– 1 500 euros brut au titre des congés payés afférents ;
– 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des repos quotidien et hebdomadaire ;
– 3 000 euros au titre des indemnités kilométriques ;
Déboute M. [X] [A] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé ;
Ordonne à Maître [O] ès qualités de remettre à M. [X] [A] un bulletin de paie conforme aux dispositions du présent arrêt, et ce dans un délai d’un mois à compter de sa signification, sans qu’il y ait lieu d’assortir cette obligation d’une astreinte ;
Déclare le présent arrêt opposable à l’Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés intervenant par l’UNEDIC – CGEA de [Localité 7], laquelle ne sera tenue à garantir les sommes allouées à M. [X] [A] que dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail, le plafond applicable étant le plafond 5 ;
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Fixe les dépens de première instance et d’appel au passif de la procédure collective de la SAS C.P. Invest.
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier
Karine DUPONT Alexandre DAVID