Heures supplémentaires : 27 avril 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/02962

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Heures supplémentaires : 27 avril 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/02962
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COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION B

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ARRÊT DU : 27 AVRIL 2023

PRUD’HOMMES

N° RG 21/02962 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MD42

S.A.R.L. LEITAO

c/

Madame [O] [G] [F]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée aux avocats le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 janvier 2021 (R.G. n°F 19/00813) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d’appel du 25 mai 2021,

APPELANTE :

S.A.R.L. LEITAO Représentée par son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]

Représentée par Me Stanislas LAUDET de la SELARL STANISLAS LAUDET, avocat au barreau de BORDEAUX

Assistée par Me PIERRON de la SELARL TAIEB PIERRON avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

[O] [G] [F]

née le 26 Avril 1981 à [Localité 3] (Portugal)

de nationalité Portugaise

demeurant [Adresse 4]

Représentée et assistée par Me Pierre DE OLIVEIRA de la SAS MDO AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 15 février 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Eric Veyssière, président,

Madame Marie-Paule Menu, présidente,

Madame Cybèle Ordoqui, conseillère,

qui en ont délibéré.

greffière lors des débats : Mme Sylvaine Déchamps,

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Exposé du litige

Selon un contrat de travail à durée indéterminée du 2 septembre 2017, la société Restaurant Les Cinq Chemins exploitant un restaurant au [Localité 2] (33) a engagé Mme [F] en qualité de plongeuse.

Le 16 mai 2018, la société Restaurant Cinq Chemins a cédé son fonds de commerce à la société Leitao.

Selon un contrat de travail à durée indéterminée du 17 mai 2018, la société Leitao a engagé Mme [F] avec reprise d’ancienneté en qualité de plongeuse-aide cuisinière.

La relation de travail a été soumise à la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants.

A compter du 26 septembre 2018, Mme [F] a fait l’objet d’un arrêt de travail pour syndrome anxio-dépressif réactionnel.

Par courrier du 30 octobre 2018, le conseil de Mme [F] a mis en demeure la société Leitao de respecter son obligation de sécurité au motif qu’elle n’a pris aucune mesure lorsque Mme [F] s’est plainte auprès de lui de propos qualifiables de harcèlement sexuel tenus le 19 septembre 2018 à son égard par l’un des cuisiniers, M. [L].

En réponse, par courrier du 20 novembre 2018, la société Leitao a contesté les faits de harcèlement sexuel et moral allégués par Mme [F].

Le 13 décembre 2018, Mme [F] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Le 6 juin 2019, Mme [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Bordeaux aux fins de :

– voir requalifier la prise d’acte en licenciement nul,

– à titre subsidiaire, voir requalifier la prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– voir constater le non paiement intégral des heures supplémentaires,

– voir constater l’absence de bénéfice du droit au repos hebdomadaire,

– voir condamner la société Leitao au paiement de diverses sommes :

– à titre d’indemnité de licenciement,

– à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat,

– à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– à titre d’indemnité légale de licenciement,

– à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– à titre de rappel d’heures supplémentaires,

– à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

– à titre de dommages et intérêts pour non-respect du droit de repos hebdomadaire,

– sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens et frais éventuels d’exécution,

– voir ordonner l’exécution provisoire.

Par demande reconventionnelle, la société Leitao a sollicité du conseil de prud’hommes qu’il condamne Mme [F] au paiement de diverses sommes à titre d’indemnité de non-respect du préavis et sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 14 janvier 2021, le conseil de prud’hommes de Bordeaux a :

– condamné la société Leitao à payer à Mme [F] les sommes suivantes :

– 10.121,04 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul,

– 537,50 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– 1 686,84 euros à titre d’indemnité de préavis, outre 168,68 euros de congés payés y afférents,

– 316,68 euros à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires,

– 10.121,04 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

– 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat,

– 1 700 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des repos hebdomadaires,

– 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté Mme [F] du surplus de ses demandes,

– débouté la société Leitao de sa demande d’indemnité pour non-respect du préavis et sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et l’a condamnée aux entiers dépens,

– ordonné l’exécution provisoire pour la moitié des dommages et intérêts, soit la somme de 12 972 euros.

Par déclaration du 25 mai 2021, la société Leitao a relevé appel du jugement.

Par ses dernières conclusions enregistrées le 16 janvier 2023, la société Leitao sollicite de la Cour qu’elle :

– infirme le jugement déféré,

– rejette l’intégralité des demandes de Mme [F],

– la condamne à lui payer les sommes suivantes :

– 1 855,52 euros à titre d’indemnité pour non-respect du préavis,

– 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

Aux termes de ses dernières conclusions du 7 mars 2022, Mme [F] sollicite de la Cour qu’elle :

A titre principal,

– confirme le jugement déféré,

A titre subsidiaire, si le jugement venait à être réformé en ce qu’il a requalifié la prise d’acte en licenciement nul,

– condamne la société Leitao à lui verser les sommes suivantes :

– 3 373, 68 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 537,50 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– 1 855,52 euros au titre des indemnités compensatrices de préavis et de congés payés,

– 316,68 euros au titre des heures supplémentaires impayées,

– 10.121,04 euros au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

– 6000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du droit au repos hebdomadaire et pour avoir imposé une durée de travail hebdomadaire supérieure au maximum conventionnel,

– 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

En tout état de cause,

– déboute la société Leitao de l’ensemble de ses demandes,

– condamne la société Leitao à lui verser la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais d’appel, outre les entiers dépens de l’appel.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 janvier 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.

Motifs de la décision

Sur le harcèlement moral et sexuel

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l’article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

En application de l’article L 1153-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des faits :

1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;

2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.

Aux termes de l’article L 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, selon la salariée, M. [L], le cuisinier de l’établissement, lui a tenu, le 19 septembre 2018, les propos suivants: ‘ tu as de ces seins, tu dois être chaude, j’aimerais t’essayer’.

Mme [E], serveuse dans l’établissement, corrobore l’existence de ces faits en attestant avoir, le 20 septembre 2018, entendu sa collègue, Mme [F], sermoner le cuisinier, M. [L], en lui disant qu’elle n’admettait pas qu’il lui manque de respect et l’avertir de ne plus répéter les outrages qu’il lui avait dit le soir précédent.

Il en est de même du témoignage de l’autre cuisinier, M. [N], qui déclare que M. [L] rabaissait en permanence Mme [F] en lui disant qu’elle ne savait rien faire, que tout ce qu’elle faisait c’était de la merde, et qu’il avait ce comportement depuis qu’il lui avait fait un commentaire au sujet de son sein et d’autres commentaires sexuels.

De plus, par courrier du 30 octobre 2018, l’avocat de Mme [F] a alerté l’employeur sur les faits qu’elle subissait dans les termes suivants : ‘ le 19 septembre dernier, ma cliente se voyait adresser à plusieurs reprises des propos à connotation sexuelle par le cuisinier de votre restaurant. En effet, ce dernier, à la sortie du vestiaire, a tenu en portugais les propos suivants : ‘ tu as des seins, tu dois être chaude, j’aimerais t’essayer’. De tels propos ont eu pour conséquence de choquer gravement ma cliente qui s’est empressée d’indiquer à la personne concernée qu’elle refusait qu’il s’adresse à elle ainsi. A la suite de ces faits, le 20 septembre 2018, ma cliente prenait contact avec vous afin de vous informer des faits qui s’étaient produits la veille. Vous lui avez affirmé ne pas être concerné par ce qu’elle venait de subir. Depuis lors, votre cuisinier n’a eu de cesse et de manière récurrente de faire des remarques négatives sur le travail effectué par ma cliente sans aucun motif valable. Ces faits de harcèlement moral et sexuel ont conduit à l’arrêt maladie de Mme [F] le 26 septembre 2018…’

Enfin, la salariée a été placée en arrêt de travail délivré à compter du 26 septembre 2018 pour des troubles anxio-dépressifs.

Pris ensemble, ces faits laissent présumer l’existence d’agissements de harcèlement sexuel et de harcèlement moral qui ont eu pour effet de porter atteinte à la dignité de la victime et d’altérer sa santé.

L’employeur a répondu au courrier d’avocat de Mme [F] le 20 novembre 2018 en indiquant contester fermement les fautes qui lui étaient attribuées et demeurer ‘ pantois face aux accusations soudaines et infondées de Mme [F] qui ne cherche en réalité qu’à quitter l’entreprise sans pour autant démissionner ‘.

Il soutient devant la cour que les faits ne sont pas établis faute de témoins pouvant les corroborer et que contrairement à ce que soutient la salariée il n’en a été informé que par le courrier de l’avocat de la salariée alors que celle-ci avait quitté son travail et proposait une rupture conventionnelle.

La cour retient, cependant, que les déclarations constantes de Mme [F] sont confirmées par les témoignages de deux autres de ses collègues et que l’employeur pourtant avisé des faits de harcèlement sexuel et moral subis par la salariée ne les a, à aucun moment, pris en compte, se bornant à opposer une fin de non recevoir au courrier d’avocat auquel il a répondu près d’un mois plus tard alors que le contrat de travail était suspendu du fait de l’arrêt de travail de la salariée qui n’avait pas quitté son travail comme prétendu à tort par l’employeur.

Il découle de ce qui précède que l’employeur ne prouve pas que les agissements de M. [L] ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision de laisser la situation en état est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le jugement sera, en conséquence, confirmé en ce qu’il a retenu l’existence d’un harcèlement sexuel et moral.

Sur le non respect de l’obligation de sécurité

L’article L4121-1 du code du travail dispose :

L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

L’article L. 1153-5 décline cette obligation générale de sécurité pesant sur l’employeur en matière de harcèlement sexuel. Il dispose que l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d’y mettre un terme et de les sanctionner.

Dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l’embauche, les personnes mentionnées à l’article L. 1153-2 sont informées par tout moyen du texte de l’article 222-33 du code pénal ainsi que des actions contentieuses civiles et pénales ouvertes en matière de harcèlement sexuel et des coordonnées des autorités et services compétents. La liste de ces services est définie par décret

L’obligation faite à l’employeur de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir ou de faire cesser les agissements de harcèlement sexuel implique la rupture immédiate du contrat de travail d’un salarié à l’origine d’une situation susceptible de caractériser ou dégénérer en harcèlement sexuel, les faits de harcèlement sexuel constituant une faute grave.

En l’espèce, il résulte des éléments développés ci-dessus que l’employeur n’a pas protégé la salariée des agissements de harcèlement moral et sexuel commis par M. [L] et n’y a donné aucune suite lorsqu’il en a été avisé d’abord par Mme [F] et ensuite par le conseil de celle-ci.

Ce faisant, il a méconnu son obligation de sécurité et a causé à la salariée, dont l’état de santé a été altéré, un préjudice que les premiers juges ont réparé intégralement par une somme de 4000 euros à titre de dommages-intérêts.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur la prise d’acte de la rupture

Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués sont d’une gravité telle qu’ils rendent impossible la poursuite du contrat de travail soit, dans le cas contraire, d’une démission.

C’est au salarié d’établir les faits allégués à l’encontre de l’employeur sauf lorsque les griefs se rattachent à la sécurité et à la santé des travailleurs.

Dans le cas où les griefs constituent des cas de nullité du licenciement, la rupture produit les effets d’un licenciement nul.

En application de l’article L 1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L 1152-1 et L 1152-2 du code du travail relarifs au harcèlement moral, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

En ce qui concerne le harcèlement sexuel, l’article L 1153-4 du code du travail prévoit que toute disposition ou tout acte contraire aux dispositions des articles L 11531 à L 1153-3 est nul.

En l’espèce, le courrier de prise d’acte en date du 13 décembre 2018 reproche, notamment, à l’employeur son absence de réaction face à la dénonciation par la salariée de faits de harcèlement sexuel et moral commis envers elle par M. [L].

Ainsi que la cour l’a retenu, ces faits sont établis et sont à l’origine d’une dégradation des conditions de travail d’une gravité telle qu’ils rendent impossible la poursuite du contrat de travail.

Il s’en déduit que la prise d’acte de la rupture produit les effets d’un licenciement nul.

La nullité du licenciement ouvre droit pour la salariée au versement :

– d’une indemnité compensatrice de préavis de 1686,84 euros et les congés payés afférents,

– d’une indemnité légale de licenciement d’un montant de 537,50 euros,

– d’une indemnité pour perte injustifiée de son emploi égale au moins au montant de six mois de salaires que les premiers juges ont justement fixée à 10.121,04 euros.

Ces montants ne sont pas utilement critiqués par l’employeur.

Le jugement sera, en conséquence, confirmé sur l’ensemble de ces points.

Sur le non respect du droit au repos hebdomadaire

L’article L3132-1 du code du travail énonce qu’il est interdit de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine.

L’article L3132-2 prévoit que le repos hebdomadaire a une durée minimale de vingt-quatre heures consécutives auxquelles s’ajoutent les heures consécutives de repos quotidien prévu au chapitre Ier.

Selon la convention collective des hôtels, cafés, restaurants (HCR), tous les salariés bénéficient obligatoirement de 2 jours de repos hebdomadaire consécutifs ou non.

Généralement, le repos hebdomadaire est attribué le dimanche. Toutefois, en raison des spécificités de ce secteur d’activité, le repos hebdomadaire peut être donné un autre jour que le dimanche.

La durée minimale du repos hebdomadaire est de 24 heures consécutives, auxquelles s’ajoutent l’obligation de repos quotidien de 11 heures. Autrement dit, la durée minimale du repos hebdomadaire est de 35 heures consécutives (24 + 11 = 35 heures).

En l’espèce, Mme [F] produit ses plannings pour les semaines du 28 mai au 3 juin, du 4 juin au 10 juin et du 18 au 24 juin 2018. Il en résulte qu’entre le 28 mai et le 10 juin, elle a travaillé 14 jours consécutifs sans jour de repos.

L’employeur n’oppose aux prétentions de la salariée aucune pièce de nature à les contredire alors qu’en vertu de la convention HCR il lui incombe de mettre en place un dispositif de contrôle quotidien du temps de travail par enregistrement, selon tous moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d’heures de travail effectuées.

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu la violation par l’employeur des dispositions relatives au repos hebdomadaire.

Sur le non respect des durées maximales de travail

Selon la convention HCR, la durée hebdomadaire de travail ne peut dépasser 48 heures.

En l’espèce, la salariée justifie par la production de ses plannings qui ne sont pas contredits par l’employeur qu’elle a travaillé 54h 30 dans la semaine du 28 mai au 3 juin 2018 et 51h30 dans la semaine du 4 au 10 juin 2018.

Le jugement doit, en conséquence, être confirmé en ce qu’il a retenu l’existence d’une violation par l’employeur des dispositions relatives à la durée de travail hebdomadaire maximale.

Cette double violation des dispositions légales dont l’objet est de protéger la santé et la sécurité des salariés a causé un préjudice à la salariée que les premiers juges ont justement réparé en lui allouant la somme de 1700 euros à titre dommages-intérêts.

Sur la demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Au soutien de sa demande en paiement d’une somme de 316,68 euros au titre des heures supplémentaires sur la période de mai à septembre 2018, la salariée produit :

– ses plannings de travail pour la période considérée,

– ses bulletins de paie

– un décompte des heures de travail effectuées et des heures supplémentaires impayées.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre.

Or, celui-ci ne justifie, comme indiqué précédemment, d’aucun dispositif de contrôle du temps de travail des salariés du restaurant en violation des dispositions de la convention HCR.

C’est donc à juste titre que les premiers juges ont fait droit à la demande de rappel de salaires.

Sur le travail dissimulé

S’agissant du travail dissimulé, la preuve de l’intention délictuelle exigée à l’article L 8221-3 du code du travail n’est pas en l’espèce caractérisée au égard au faible montant des heures supplémentaires impayées.

La salariée sera, en conséquence, déboutée de sa demande d’indemnité forfaitaire prévue à l’article L 8223-1 du dit code.

Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur les autres demandes

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

L’équité commande d’allouer à Mme [F] la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

La société Leitao, partie perdante, supportera la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné la société Leitao au paiement de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

statuant à nouveau sur ce point

Rejette la demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

y ajoutant

Condamne la société Leitao à payer à Mme [F] la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Leitao aux dépens.

Signé par Eric Veyssière, président et par Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps E. Veyssière

 


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