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OM/CH
S.A.R.L. PRIN ET FILS prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège
C/
[F] [M]
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 27 AVRIL 2023
MINUTE N°
N° RG 21/00484 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FXMV
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CHALON SUR SAONE, section Commerce, décision attaquée en date du 26 Mai 2021, enregistrée sous le n° F19/00397
APPELANTE :
S.A.R.L. PRIN ET FILS prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Florent SOULARD de la SCP SOULARD-RAIMBAULT, avocat au barreau de DIJON, et Me Martine PERRAYON, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE
INTIMÉ :
[F] [M]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Cédric MENDEL de la SCP MENDEL – VOGUE ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON substitué par Me Tristan FUSARO, avocat au barreau de DIJON
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 14 Mars 2023 en audience publique devant la Cour composée de :
Olivier MANSION, Président de chambre, Président,
Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,
Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,
qui en ont délibéré,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,
ARRÊT rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
M. [M] (le salarié) a été engagé le 31 août 2012 par contrat à durée indéterminée en qualité de chauffeur par la société Prin et fils (l’employeur).
Il a démissionné par lettre datée du 31 octobre 2018, reçue le 2 novembre 2018, avec effet au 9 novembre suivant.
Estimant que cette démission devait s’analyser en une prise d’acte de rupture produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes qui, par jugement du 26 mai 2021, a condamné l’employeur au paiement de diverses sommes pour rappels d’heures supplémentaires mais a rejeté les autres demandes du salarié.
L’employeur a interjeté appel le 24 juin 2021.
Il conclut à l’infirmation du jugement sauf sur le rejet des demandes adverses et sollicite le paiement de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire, il est demandé de réduire à de plus justes proportions le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de fixer la moyenne des salaires à 2 750,63 euros.
Le salarié demande l’infirmation partielle du jugement et le paiement des sommes de :
– 5 500,72 euros d’indemnité de préavis,
– 550,07 euros de congés payés afférents,
– 4 583,93 euros d’indemnité de licenciement,
– 19 252,50 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 16 502,14 euros d’indemnité pour travail dissimulé,
– 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
et réclame la délivrance des documents légaux rectifiés soit une fiche de paie, un solde de tout compte et l’attestation destinée à Pôle emploi.
Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux conclusions des parties échangées par RPVA les 8 mars 2022 et 6 février 2023.
MOTIFS :
Sur les heures supplémentaires :
L’article L. 3171-4 du code du travail dispose qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre des heures supplémentaires, l’employeur fournit au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1, L. 3171-3, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
1°) Le salarié présente comme éléments un récapitulatif des heures supplémentaires qu’il soutient avoir effectuées (pièces n° 3 à 5) et les synthèses d’activité communiquées par l’employeur (pièces n° 6 à 11).
L’employeur conteste devoir ces sommes.
Il rappelle que le salarié travaille 39 heures par semaine et que les heures supplémentaires sont décomptées à compter de la 40ème heure et payées le mois suivant.
Il invoque l’existence d’un accord avec le personnel garantissant la rémunération de 169 heures par mois et dans la limite de 186 euros, avec instauration d’un repos compensateur de remplacement, la tenue d’un compteur d’heures permettant de retenir les heures au-delà des 186 heures mensualisées et de les utiliser pendant les périodes creuses d’activité pour maintenir un niveau de rémunération.
Si cet accord n’est pas établi par écrit, les 13 salariés employés au moment de l’accord attestent de son existence.
Cependant, il ne s’agit pas d’un accord d’entreprise au sens de l’article L. 2231-1 du code du travail liant les parties puisqu’un tel accord doit être écrit, à peine de nullité prévue à l’article L. 2231-3 du même code.
A supposer cet accord valable entre l’employeur et les salariés concernés, il ne concerne pas les autres salariés recrutés postérieurement.
L’employeur ajoute que le décompte du temps de travail résulte de l’analyse par un logiciel Strada des cartes de chaque conducteur et retranscription des heures de travail dans les synthèses d’activité mensuelles et annuelles.
Même si la pratique des 186 heures mensualisées n’est pas opposable au salarié, l’employeur démontre au regard des synthèses annuelles du logiciel Strada de 2016 à 2018 inclus que le salarié a toujours été payé plus que les heures réellement effectuées, mais sans appliquer la majoration due pour les heures supplémentaires au-delà de la 139ème heure par mois.
A titre subsidiaire, il admet devoir la somme de 2 088,39 euros, congés payés inclus, en se basant sur les heures figurant sur les bulletins de paie ramenées aux synthèses annuelles.
Par ailleurs, l’employeur ne peut déduire le temps de trajet travail/domicile sur la somme réclamée au motif que le salarié utilisait le camion de l’entreprise à cet effet, chaque fois qu’il n’était pas en grand déplacement, alors qu’il affirme lui-même que ce temps de trajet n’est pas un temps de travail.
Sur le calcul proposé par le salarié, il relève que les congés payés ont été retenus deux fois, de façon systématique.
En effet, le décompte inclut une somme de 10 %, pour chacune des trois années, et le salarié demande en plus une indemnité de 10 % sur le total obtenu.
Enfin, l’employeur demande, à titre infiniment subsidiaire, de limiter le montant de ce rappel à la somme de 8 427,86 euros.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, et alors que l’accord invoqué par l’employeur sur les 186 heures mensualisées n’est pas opposable au salarié, il convient de retenir que l’intéressé a effectué des heures supplémentaires non rémunérées pour un montant qui sera évalué à 9 000 euros, outre 900 euros de congés payés afférents.
L’employeur remettra au salarié une fiche de paie correspondant à cette somme.
2°) En application de l’article L. 8221-5 du code du travail, il incombe au salarié qui demande l’application des dispositions de l’article L. 8223-1 du même code, de démontrer que l’employeur s’est intentionnellement soustrait aux obligations rappelées à l’article L. 8221-5.
Le salarié ne rapportant pas la preuve de l’intention précitée, la demande d’indemnité sera rejetée et le jugement confirmé.
Sur la démission :
La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission que celle-ci était équivoque, l’analyser en une prise d’acte de la rupture qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou, dans le cas contraire, d’une démission.
En l’espèce, le salarié n’indique dans sa lettre de démission à effet du 9 novembre 2018, aucun motif.
Il a saisi le conseil de prud’hommes le 7 novembre 2019 et a alors invoqué une carence dans le paiement des heures supplémentaires, sans justifier d’une réclamation antérieure.
Or, il est jugé qu’un délai important entre la démission sans réserve et sa contestation judiciaire permettait de retenir qu’à l’époque où elle a été donnée, aucune circonstance ne la rendait équivoque.
Tel est le cas en l’espèce.
Il en résulte qu’en l’absence d’une démission équivoque, celle-ci ne peut s’analyser en une prise d’acte de rupture devant produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Les demandes indemnitaires seront rejetées et le jugement confirmé.
De même, la demande de remise de l’attestation destinée à Pôle emploi devient sans objet.
Sur les autres demandes :
Les demandes formées au visa de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
L’employeur supportera les dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, par décision contradictoire :
– Confirme le jugement du 26 mai 2021 uniquement en ce qu’il rejette les demandes de M. [M] liées à une démission s’analysant en une prise d’acte de rupture produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu’il statue sur les dépens ;
– L’infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
– Condamne la société Prin et fils à payer à M. [M] les sommes de 9 000 euros de rappel d’heures supplémentaires pour les années 2016 à 2018 inclus et 900 euros de congés payés afférents ;
– Dit que le société Prin et fils remettra à M. [M] une fiche de paie correspondant au paiement de ces sommes ;
– Rejette les autres demandes de M. [M] ;
Y ajoutant :
– Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes;
– Condamne la société Prin et fils aux dépens d’appel.
Le greffier Le président
Frédérique FLORENTIN Olivier MANSION