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ARRÊT DU
09 MAI 2023
NE/CO*
———————–
N° RG 22/00083 –
N° Portalis DBVO-V-B7G-C64B
———————–
[T] [AG]
C/
SARL [N]
———————–
Grosse délivrée
le :
à
ARRÊT n° 81 /2023
COUR D’APPEL D’AGEN
Chambre Sociale
Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d’appel d’Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le neuf mai deux mille vingt trois par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre assistée de Chloé ORRIERE, greffier
La COUR d’APPEL D’AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l’affaire
ENTRE :
[T] [AG]
né le 26 mai 1986 à [Localité 13] ([Localité 3])
demeurant [Adresse 1]
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représenté par Me Valérie DOUAT, avocat inscrit au barreau du GERS
APPELANT d’un jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AUCH en date du 08 décembre 2021 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. 20/00067
d’une part,
ET :
La SARL [N] prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
Verses
[Localité 20]
Représentée par Me Guy NARRAN, avocat postulant inscrit au barreau d’AGEN et par Me Emmanuel TURPIN, avocat plaidant inscrit au barreau de SAINT-MALO
INTIMÉE
d’autre part,
A rendu l’arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 14 mars 2023 sans opposition des parties devant Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre et Pascale FOUQUET, conseiller, assistés de Chloé ORRIERE, greffier. Les magistrats en ont, dans leur délibéré rendu compte à la cour composée, outre eux-mêmes, de Hélène GERHARDS, conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l’arrêt serait rendu.
* *
*
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel du 1er septembre 2017, M. [T] [AG] a été embauché par la société [N], exerçant à [Localité 20] (32), en qualité d’agent de maintenance.
Sa durée hebdomadaire de travail était de 86,67 heures pour une rémunération mensuelle de 929,10 euros.
M. [T] [AG] a par ailleurs été embauché par la société Canard Tradition, exerçant à [Localité 17] (32), également gérée par M. [I] [N], par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel du 7 août 2017, en qualité d’employé d’abattoir, pour effectuer 65 heures par mois.
Le contrat de travail, ni aucun autre document, ne mentionne la convention collective applicable, la qualification et le coefficient de M. [T] [AG].
M. [T] [AG] a été placé en arrêt de travail à compter du 17 septembre 2019 pour motif de « burn out » et « syndrome dépressif » jusqu’au 15 octobre 2019.
Le 5 mars 2020, le médecin du travail a rendu un avis d’inaptitude concernant M. [T] [AG], précisant : « Inapte à son poste d’agent de maintenance / livreur. L’état de santé de M. [AG] [T] fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
Sans nouvelle de son employeur depuis le 5 mars 2020, M. [T] [AG] a adressé un courriel à la société [N] le 6 avril 2020, demandant à son employeur de prendre les mesures adaptées suite à l’avis d’inaptitude rendu. M. [I] [N] a répondu lui avoir adressé des courriers le 1er avril 2020 parmi lesquelles une lettre de convocation à l’entretien préalable fixé le 9 avril 2020.
Le salarié a informé son employeur qu’il ne se rendrait pas à l’entretien préalable, compte tenu des mesures de confinement imposées, mais qu’il ne s’opposait pas à la poursuite de la procédure. Il a également indiqué à son employeur ne pas avoir reçu de courrier recommandé concernant cette convocation à l’entretien préalable.
Par courrier du 14 avril 2020, reçu le 24 avril, M. [T] [AG] a été licencié pour inaptitude à son poste et impossibilité de reclassement, aux motifs suivants :
« Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 9 avril et par email du même jour nous vous avons convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement pour inaptitude le 9 avril 2020.
Vous ne vous êtes pas présenté lors de cet entretien et nous aviez prévenu que vous n’entendiez pas vous déplacer.
Au terme des délais de réflexion et après avoir épuisé toutes les hypothèses possibles pour sauvegarder votre emploi nous sommes dans l’obligation de prononcer votre licenciement pour inaptitude physique à l’emploi avec impossibilité de reclassement au sein de l’entreprise ou du groupe auquel elle appartient.
Pour mémoire, le médecin du travail [O] [Z], au terme de son étude de poste et après échanges avec l’employeur a prononcé, le 5 mars dernier, un avis d’inaptitude de votre poste d’agent de maintenance livreur, précisant que votre état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Nous avons cependant recherché des solutions de reclassement au sein de l’entreprise y compris par mutation adaptation ou évolution d’emploi, sans toutefois y parvenir. Nous avons sollicité l’ensemble des entreprises du groupe auquel nous appartenons y compris la holding [N] sans qu’il ne soit possible d’identifier un éventuel poste susceptible de vous être proposé.
Compte tenu de l’avis délivré par le Médecin du travail, votre état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi au sein de l’entreprise. Votre avis d’inaptitude n’est pas lié à une maladie professionnelle ou un accident du travail. »
M. [T] [AG] a saisi le conseil de prud’hommes d’Auch le 17 août 2020 de demandes de :
– rappel de salaires au titre de sa qualification après vérification au vu de la convention collective applicable : à chiffrer,
– maintien de salaire pendant son arrêt maladie qui sera précisé au vu de la convention collective applicable : 140 euros,
– dommages et intérêts au titre des kilomètres parcourus pour la société avec son véhicule personnel : 2.000 euros,
– remise de(s) bulletin(s) de paye des mois de janvier, février et mars 2020,
– indemnité pour non respect de la procédure de licenciement et dommages-intérêts en réparation de son préjudice du fait de son licenciement : 1.732 euros,
– dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse : 4 mois de salaire, 7000 euros,
– dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité prévue à l’article L.4121-1 du code du travail et non-respect des dispositions légales concernant la durée de travail : 10 mois de salaire brut, 17 320 euros,
– article 700 du code de procédure civile : 1.500 euros.
Par jugement du 8 décembre 2021, le conseil de prud’hommes d’Auch, section commerce, a :
– condamné la société [N] à payer à M. [T] [AG] la somme de 547,77 euros brut au titre des 40,13 heures complémentaires impayées pour le mois d’août 2019, outre 54,77 euros à titre d’indemnité de congés payés sur cette somme,
– condamné la société [N] à régulariser l’attestation de salaire pour le paiement des indemnités journalières suite à l’arrêt de travail du 17 septembre 2019 en faisant figurer les heures manquantes pour le mois d’août 2019 soit 547,77 euros pour 40,13 heures,
– condamné la société [N] à payer à M. [T] [AG] la somme de 350 euros en réparation de son préjudice financier du fait de l’attestation de salaire erronée faite pour le paiement des indemnités journalières,
– débouté M. [T] [AG] du surplus de ses demandes,
– débouté la société [N] de sa demande au titre de concurrence déloyale pendant l’exécution du contrat de travail,
– débouté la société [N] du surplus de ses demandes,
– débouté chacune des parties de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné chacune des parties aux entiers dépens.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 28 janvier 2022, M. [T] [AG] a régulièrement déclaré former appel du jugement, en désignant la société Cadelon en qualité de partie intimée et en indiquant que l’appel porte sur les dispositions du jugement qui l’ont :
– débouté de sa demande de condamnation de la société Cadelon à lui verser la somme de 7.241,54 euros à titre d’indemnités kilométriques suite aux trajets qu’il a réalisés dans le cadre de son travail avec son véhicule personnel,
– débouté de ses demandes de voir dire et juger que la société Cadelon a manqué à son obligation de sécurité et de voir condamner en conséquence ladite société à lui payer la somme de 17.320 euros équivalente à 10 mois de salaire brut à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité prévue à l’article L.4121-1 du code du travail et non-respect des dispositions légales concernant la durée de travail,
– débouté de sa demande tendant à dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner en conséquence la société Cadelon à lui payer la somme de 7.000 euros équivalente à 4 mois de salaire à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 janvier 2023 et l’affaire fixée pour plaider à l’audience du 14 mars 2023.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
I. Moyens et prétentions de M. [T] [AG] appelant principal
Dans ses dernières conclusions, enregistrées au greffe le 5 janvier 2023, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l’appelant, M. [T] [AG] demande à la cour de :
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a :
– condamné la société [N] à lui payer la somme de 547,77 euros brut au titre des 40,13 heures complémentaires impayées pour le mois d’août 2019, outre 54,77 euros à titre d’indemnité de congés payés sur cette somme,
– condamné la société [N] à régulariser l’attestation de salaire pour le paiement des indemnités journalières suite à l’arrêt de travail du 17 septembre 2019 en faisant figurer les heures manquantes pour le mois d’août 2019 soit 547,77 euros pour 40,13 heures,
– condamné la société [N] à lui payer la somme de 350 euros en réparation de son préjudice financier du fait de l’attestation de salaire erronée faite pour le paiement des indemnités journalières,
– débouté la société [N] de sa demande au titre de concurrence déloyale pendant l’exécution du contrat de travail,
– débouté la société [N] du surplus de ses demandes.
– infirmant le jugement du conseil de prud’hommes et statuant à nouveau :
– condamner la société [N] à lui payer la somme de 7.241,54 euros à titre d’indemnités kilométriques suite aux trajets réalisés par lui avec son véhicule personnel dans le cadre de son travail,
– dire et juger que la société [N] a manqué à son obligation de sécurité prévue à l’article L. 4121-1 du code du travail,
– condamner en conséquence la société [N] à la somme de 17.320 euros équivalente à 10 mois de salaire brut à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité prévue à l’article L. 4121-1 du code du travail et non-respect des dispositions légales concernant la durée de travail,
– dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse prévue à l’article L. 1232-1 du code du travail,
– condamner en conséquence la société [N] à lui payer la somme de 7.000 euros équivalente à 4 mois de salaire eu égard à son ancienneté à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse en application de l’article L. 1235-3 du code du travail,
– condamner la société [N] à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, M. [T] [AG] fait valoir que :
I. Sur le rappel de salaire au titre du mois d’août 2019 et au titre du maintien de salaire pendant l’arrêt de travail
– Selon son bulletin de paie d’août 2019, il a été rémunéré pour 117,17 heures, alors que selon le détail des heures qu’il a établi il en a effectué 157,30. Ces heures effectivement réalisées n’ont pas été déclarées auprès de la caisse primaire d’assurance maladie (ci-après « CPAM ») et ne sont donc pas entrées en compte dans le calcul des indemnités journalières suite à l’arrêt de travail du 17 septembre 2019. Ainsi la somme non déclarée s’élève à 547,77 euros (40,13 heures x 13,65 euros). Cette somme devra lui être réglée, outre les congés payés afférents de 54,77 euros, et elle devra être régulariser auprès de la CPAM du Gers.
– Le défaut de déclaration des heures réellement effectuées a conduit à un montant d’indemnité journalière inférieur à celui qu’il aurait dû percevoir. Il s’est retrouvé en difficulté financière et a été exposé à des frais bancaires à hauteur de 350 euros. Il demande que cette somme lui soit remboursée, en réparation de son préjudice financier.
II. Sur les frais de déplacement
– Il réclame le versement de la somme de 7.241,54 euros au titre des frais de déplacement, sur la base du barème fiscal applicable :
année 2017 : 1 647 km x 0,568 = 935,50 euros,
année 2018 : 5 247 km x 0,568 = 2 980,29 euros,
année 2019 : 5 794km x 0,574 = 3 325,75 euros.
– Il a fait des déplacements professionnels avec son véhicule personnel :
tous les vendredis pour se rendre à [Localité 17] (54km de son domicile) : il récupérait le véhicule Berlingo pour livrer les grandes et moyennes surfaces, et ramenait ensuite le véhicule à [Localité 17]. Il s’agit du lieu de travail de la société Canard tradition dans laquelle il travaillait les lundis, mardis et mercredis, et non de celui de la société [N],
pendant la période estivale, il se rendait régulièrement dans des foires et supermarchés pour des démonstrations et dégustations : notamment le 24 mai 2019 au magasin Métro Sesquieres (62km x 2), pour « Démonstration Canard [N] » ; le 22 juin 2019, à la boucherie [Localité 15] à [Localité 4] (30km x 2), pour « Démonstration Canard [N] » ; le 26 juin 2019, au magasin Leclerc de [Localité 7] (61km x 2), pour « Démonstration PAYSANS GERSOIS » ; ou le 17 juillet 2019 et le 10 août 2019, au magasin Carrefour City (30km x 4) pour « Démonstration PAYSANS GERSOIS »,
chez les éleveurs, dans le cadre des contrôles de biosécurité, des analyses de grippe aviaire, des vaccinations, des attrapages : il se rendait régulièrement à « Ets [BV] à [Adresse 11] » (62 km aller/retour), « Ets [14] à [Localité 8] » (74km a/r), « Ets [12] à [Localité 5] » (142km a/r), « la salle de gavage à [Localité 10] chez M. [A] » (94km a/r), etc…
afin de livrer des supermarchés dans toute l’Occitanie
Il produit plusieurs attestations démontrant l’utilisation de son véhicule personnel pour les besoins de l’employeur :
Mme [ZE] [Y], agricultrice, témoigne des dates auxquelles il lui a rendu visite,
M. [B] [J], ancien salarié de la société, atteste également l’avoir vu utiliser son véhicule personnel,
M. [E] [R], son conjoint et salarié de la société, affirme que « le véhicule de Mr [AG] était le seul moyen de transport pour nous rendre chez les différents éleveurs, salle de gavage, etc… l’amenant à effectuer de nombreux kilomètres sans aucune compensation financière pourtant mainte fois demandée »,
M. [F] [X], ancien salarié pendant 4 ans de la société, précise avoir « pu constater que [T] ce render chez les éleveurs, abattoir avec sa 307 Peugeot immatriculée [Immatriculation 9] pour attrapages, vaccination, abattage ».
– L’employeur produit l’attestation de Mme [W] [L], ingénieure qualité au sein de la société, qui indique « M. [AG] était chargé de nettoyer et désinfecter les camions et les caisses de transport des animaux vivants selon un protocole établi. Des auto contrôles sont réalisés à l’aide de boites de contact selon un calendrier que je lui ai établi. Selon les périodes, les prélèvements étaient réalisés par moi-même ou par M. [AG] ». Il se rendait donc chez les éleveurs pour effectuer ces prélèvements.
– La société [N] affirme qu’il était mis à sa disposition un véhicule Nissan X Trail afin de se rendre chez les éleveurs, et produit les attestations de M. [M] [V], responsable logistique de la société, Mme [D] [BV] et Mme [W] [L]. Cependant le certificat d’immatriculation de ce véhicule date uniquement du 14 avril 2019. L’employeur produit également la carte grise d’un véhicule Kangoo Renault réfrigéré, alors que la carte grise est au nom de la société [A].
III. Sur le manquement à l’obligation de sécurité
Sur le défaut de visite, d’information et de prévention dans les 3 mois de la prise de poste :
– Il aurait dû effectuer cette visite avant le 1er avril 2018, comme cela était prévu dans le contrat de travail, mais il n’a jamais bénéficié de cette visite. L’employeur aurait pu être dispensé de cette obligation s’il s’était assuré que son salarié avait bénéficié d’une telle visite dans les 5 années qui précédaient, et pour un emploi identique. Or, sa dernière visite remontait au 29 mars 2012 et dans le cadre d’un poste de comptable. Le non-respect de cette obligation cause nécessairement un préjudice au salarié, selon la jurisprudence.
– L’employeur prétend avoir sollicité cette visite, et émet l’hypothèse qu’il ne s’y serait pas rendu. La société [N] indique avoir interrogé la médecine du travail, mais ne verse pourtant pas au débat le courrier adressé à la médecine du travail et sa réponse.
Sur le fait qu’aucun équipement ne lui était fourni :
– L’employeur ne lui a fourni aucun équipement, ni gants, chaussures adaptées, combinaison, ou masque, alors même qu’il utilisait des produits biocides susceptibles d’être nocifs pour sa santé. La société [N] a prétendu apporter la preuve inverse en produisant trois attestations de complaisance. L’employeur a également fourni des factures datant de 2016, 2017 et 2018, sans justifier que ces équipements ont été mis à la disposition de son salarié et qu’ils étaient suffisants au vu du nombre de salariés dans l’entreprise.
Sur le rythme de travail épuisant :
– Les conditions de travail qui lui ont été imposées l’ont conduit à un état dépressif caractérisé. Il s’est plaint à plusieurs reprises auprès de son employeur de son rythme de travail, en vain. Il s’en est également plaint auprès du médecin du travail lors des visites des 14 janvier et 5 mars 2020. Ce rythme de travail épuisant est confirmé par de nombreuses attestations, dont celles de M. [B] [J], M. [K] [H], directeur commercial, M. [E] [R]. Cela est également corroboré par ses bulletins de paie, qui pourtant ne mentionnent qu’une partie des heures complémentaires effectuées :
au mois d’avril 2019 : 45,5 heures complémentaires, soit 137,17 heures au total,
au mois de mai 2019 : 39 heures complémentaires, soit 125,67 heures au total,
au mois de juin 2019 : 63 heures complémentaires, soit 149,67 heures au total,
au mois de juillet 2019 : 49 heures complémentaires, soit 135,67 heures au total.
– La société [N] estime que l’attestation de M. [K] [H] doit être écartée au motif que celui-ci était en litige avec l’employeur. Or, ce dernier omet de préciser qu’il a été condamné à verser une somme importante à titre de rappel de salaire à M. [K] [H].
– L’employeur connaissait son volume horaire, puisqu’il l’avait également embauché dans son autre société pour laquelle il avait un contrat de travail de 65 heures par mois. Il effectuait régulièrement aux alentours de 200 heures de travail déclarées pour ces deux sociétés. L’employeur, conscient de l’illégalité du temps de travail, n’a pas hésité à affirmer que c’était le salarié qui réclamait à faire ces heures, car il était « en grande difficulté financière et sollicitait son employeur pour que celui-ci confie des tâches supplémentaires ». Cela est faux. Il n’a jamais été en difficulté financière durant la relation contractuelle et n’a jamais demandé à effectuer ces heures complémentaires.
– Ses conditions de travail ont eu une incidence sur sa santé, fait confirmé par :
le certificat médical du Docteur [O] [C] du 23 mai 2020 précise qu’il était suivi « depuis le 23 septembre (‘) pour un syndrome dépressif majeur »,
Mme [G] [U], psychologue, atteste l’avoir reçu les 16 novembre et 14 décembre 2019, « suite à un épuisement psychologique lié à son travail »,
Mme [S] [BO], psychiatre, lors de sa consultation du 21 janvier 2020 : « ce monsieur se trouve actuellement dans un état dépressif caractérisé qui évolue depuis plusieurs mois, sans prise en charge spécialisée si ce n’est les entretiens avec une psychologue. Il s’agit d’une EDC d’intensité sévère avec quelques idées de type autolytique, la forme de cet épisode est adreno-apragmatique avec perte de l’élan et des envies, repli sur lui-même, évitement des contacts sociaux. Le sommeil lui est impossible sans hypnotique et l’angoisse se traduit par une somatisation essentiellement digestive. Devant ce tableau, toute reprise de l’activité professionnelle dans la structure me semble impossible, et l’arrêt des IJ devant subvenir à la fin du mois de février laisse peu d’alternative à Monsieur [AG] »,
l’arrêt de travail initial du 17 septembre 2019 cite le motif de « burn-out »,
son dossier médical fait état d’épisode dépressif et « burn-out ».
– La société [N] tente de se défendre en disant qu’il développait une activité d’élevage de canards à titre personnel, ce qui démontre qu’il était en capacité de travailler. Ceci est faux, il vit par ailleurs dans un appartement comportant trois pièces et il n’est absolument pas en mesure d’y élever des canards.
– L’employeur avance également le fait que son état dépressif était lié au fait qu’il avait découvert qu’il était atteint du VIH, ce qui est totalement mensonger, comme en témoignent les résultats de sérologie.
IV. Sur le licenciement
– Son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, puisque le « burn-out » dont il a été victime était dû à ses conditions de travail. Ce sont la dégradation de ses conditions de travail qui ont conduit à son inaptitude, fondant son licenciement.
– Plus de deux ans et demi après son licenciement, il n’a pas retrouvé d’emploi, malgré ses recherches. Il a reçu plusieurs réponses négatives à ses candidatures. Il s’est inscrit au concours externe de technicien supérieur du ministère chargé de l’agriculture.
– Quand bien même il ne peut cumuler indemnité pour irrégularité de la procédure et celle pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, il tient à préciser que l’employeur n’a pas respecté la procédure de licenciement. Il n’a jamais reçu le courrier recommandé comprenant la convocation à l’entretien préalable. Il n’a reçu la convocation que le 6 avril 2020 par courriel, pour un entretien fixé trois jours après. Le délai minimum de 5 jours ouvrables entre la convocation et l’entretien n’a pas été respecté. C’est un délai impératif, d’ordre public. Il appartenait à l’employeur de s’assurer qu’il avait reçu la convocation dans les temps et, au besoin, de reporter l’entretien.
V. Sur la demande reconventionnelle de la société
– La société [N] affirme que « alors même qu’il était en arrêt de travail le salarié a développé une activité concurrente de celle de son employeur en mettant en place un élevage de canards et en proposant à la vente un ensemble de produits transformés à base de canard soit une activité exactement identique à la société [N] ». L’employeur produit un message « messenger » qui émanerait du salarié et indiquant « Bonjour, le 2 mars je vais abattre un lot de canard gras si vous souhaitez magret, aiguillettes, cuisses, manchons tenez moi au courant ». Il conteste être à l’origine de ce message et rappelle ne pas vivre dans un logement lui permettant une telle activité.
– L’employeur produit également l’attestation de M. [P] disant avoir reçu M. [AG] pour une « prise d’information produits et tarifs issus de canards gras afin de développer une activité sur le secteur Sud-Est ». Il a seulement échangé avec M. [P], sans rien faire d’autre. Cela ne constitue pas un acte de concurrence déloyale.
**************
II. Moyens et prétentions de la société [N] intimée sur appel principal
Dans ses dernières conclusions enregistrées au greffe le 18 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour une parfaite connaissance des moyens et prétentions, la société [N] demande à la cour de :
A titre principal,
déclarer irrecevable toute demande qui serait formée devant la cour d’appel par M. [T] [AG] au titre d’une prétendue irrégularité de la procédure de licenciement,
débouter M. [T] [AG] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Auch le 8 décembre 2021 en ce qu’il a débouté M. [T] [AG] du surplus de ses demandes, à savoir :
la condamner à payer à M. [T] [AG] la somme de 7.241,54 euros à titre d’indemnités kilométriques,
dire et juger qu’elle a manqué à son obligation de sécurité,
la condamner en conséquence au paiement d’une somme de 17.320 euros,
dire et juger que le licenciement de M. [T] [AG] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
la condamner en conséquence au paiement d’une somme de 7.000 euros,
dire et juger que la procédure de licenciement n’a pas été respectée,
la condamner en conséquence à payer à M. [T] [AG] la somme de 1.732 euros,
infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Auch le 8 décembre 2021, mais seulement en ce qu’il :
l’a condamnée à payer à M. [T] [AG] la somme de 547,77 euros au titre de 40,13 heures complémentaires pour le mois d’août 2019, outre 54,77 euros au titre des congés payés afférents,
l’a condamnée à régulariser l’attestation de salaire pour le paiement des IJSS suite à l’arrêt de travail du 17 septembre 2019 en faisant figurer les heures manquantes pour le mois d’août 2019,
l’a condamnée à payer à M. [T] [AG] la somme de 350 euros en réparation de son préjudice financier,
l’a déboutée de sa demande au titre de concurrence déloyale pendant l’exécution du contrat de travail,
Statuant à nouveau,
débouter M. [T] [AG] de sa demande de rappel de salaire formée au titre des heures complémentaires d’août 2019,
débouter M. [T] [AG] de sa demande de régularisation de l’attestation de salaire,
débouter M. [T] [AG] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice financier,
condamner M. [T] [AG] au paiement d’une somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour concurrence déloyale,
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour d’appel venait à réformer le jugement du conseil de prud’hommes d’Auch sur l’obligation de sécurité ou le bien-fondé du licenciement de M. [T] [AG],
réduire le montant des dommages-intérêts sollicités par M. [T] [AG],
En tout état de cause,
condamner M. [T] [AG] à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
condamner M. [T] [AG] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Au soutien de ses prétentions, la société [N] fait valoir que :
I. Sur la demande de rappel de salaire, d’attestation de salaire rectificative, et de dommages-intérêts pour préjudice financier
A. Sur la demande de rappel de salaire
– Selon M. [T] [AG], les heures complémentaires habituellement réalisées doivent entrer en compte pour le calcul du maintien de salaire pendant les arrêts de travail. C’est effectivement ce qui a été fait, puisque le salaire de base de 929,10 euros n’a pas été retenu, mais bien le salaire réellement perçu. La moyenne des trois derniers mois a été faite.
– Toutes les heures complémentaires accomplies ont été rémunérées et prises en compte dans la déclaration de salaire régulièrement établie et transmise à la CPAM. Le salarié n’apporte pas la preuve qu’il aurait accompli davantage d’heures complémentaires. Par ailleurs, celui-ci ne demandait pas de rappel de salaire à ce titre dans ses conclusions de première instance.
– S’agissant du tableau horaire produit par M. [T] [AG] :
le salarié n’a jamais soutenu avoir effectué 157,30 heures en août 2019 avant le 9 mars 2021,
M. [T] [AG] lui a écrit le 26 février 2020 pour contester la déclaration de salaire, mais n’a jamais fait mention des 157,30 heures qu’il aurait accompli,
le salarié réclamait devant le conseil de prud’hommes la somme de 140 euros, alors qu’il sollicite désormais la somme de 547,77 euros. Ses demandes sont changeantes et irrationnelles,
ce tableau n’a été communiqué que le 9 mars 2021, deux semaines avant l’audience de plaidoirie devant le conseil des prud’hommes, il n’a jamais été produit avant. Il a de toute évidence été établi pour les besoins de la cause et n’est corroboré par aucun élément. Il doit ainsi être rejeté des débats, tel que cela ressort de la jurisprudence.
B. Sur la demande d’attestation de salaire rectifiée
– Si par extraordinaire, la cour estimait que la déclaration de salaire devait être corrigée par l’employeur, celui-ci ne pourrait être condamné à verser un quelconque complément. C’est la caisse primaire d’assurance maladie qui verse les indemnités journalières et non l’employeur.
– M. [T] [AG] a bénéficié d’un maintien de salaire de sa part, car elle a versé un complément en sus des indemnités journalières. La dispositif d’indemnisation des arrêts de travail ne doit pas conduire à l’enrichissement du salarié. Si la déclaration de salaire doit être rectifiée, alors M. [T] [AG] devrait lui reverser le complément d’indemnités journalières de la CPAM, puisque celle-ci a maintenu son salaire. Ainsi, si la cour confirme le jugement en ce qu’il lui a ordonné d’adresser une déclaration de salaire rectifiée à la CPAM, faisant état d’un salaire majoré de 547,77 euros, alors la cour devra condamner M. [T] [AG] à lui verser une somme équivalente au montant du complément d’indemnités journalières perçu.
C. Sur les dommages-intérêts pour préjudice financier
– La déclaration de salaire a été régulièrement établie et elle a maintenu le salaire de M. [T] [AG], ainsi ce dernier n’a pas subi de préjudice. Le salarié ne démontre pas la réalité de ce préjudice. Le relevé de compte transmis n’est pas probant, puisqu’il est partiel et ne représente que la situation pour le mois d’avril 2020. Ce relevé ne permet pas de constater la façon dont M. [T] [AG] gérait habituellement ses comptes et s’il était courant qu’il fonctionne à découvert.
II. Sur les prétendus frais de déplacement
– Le salarié communique pour la première fois, devant la cour d’appel, un tableau sur les prétendus déplacements qu’il aurait effectués. Elle émet les plus grandes réserves sur ces déplacements, notamment compte tenu des missions que prétend avoir exercées le salarié. Celui-ci prétend notamment avoir effectué des livraisons en grandes et moyennes surfaces, s’être rendu à des foires pour des démonstrations, avoir effectué des contrôles de biosécurité, analyses de grippe aviaire, vaccinations, attrapages. Or, M. [T] [AG] ne faisait pas ces tâches-là, puisqu’il se contentait du nettoyage et des prélèvements selon le protocole défini par l’ingénieur qualité. La biosécurité et les analyses n’étaient pas de son ressort, comme en atteste Mme [W] [L]. Les analyses étaient effectuées par un laboratoire externe.
– Elle mettait à la disposition des salariés deux véhicules de service. M. [T] [AG] utilisait le véhicule Renault Kangoo pour les déplacements nécessitant le transport de viande ou autres produits alimentaires, et le véhicule Nissan X-trail pour les autres déplacements. Mme [W] [L] en atteste, ainsi que Mme [D] [BV] et M. [M] [V]. Le véhicule Renault Kangoo appartient en effet à la société [A] qui fait partie du groupe [N] et met ce véhicule à disposition des salariés du groupe.
– M. [T] [AG] n’a jamais présenté la moindre note de frais, ou un ticket de stationnement, pendant toute la durée de la relation contractuelle. Le salarié n’a pas non plus formulé la moindre demande au cours de l’exécution du contrat de travail. Par ailleurs, il demandait la somme de 2.000 euros en première instance et désormais 7.000 euros, ce qui témoigne du peu de crédibilité de sa requête.
III. Sur la procédure de licenciement
– Le salarié développe une argumentation sur l’existence d’une prétendue irrégularité de procédure, sans pour autant présenter une demande en ce sens dans son dispositif et sans l’avoir mentionnée dans sa déclaration d’appel. Cette demande est donc irrecevable.
– En tout état de cause, elle a respecté la procédure de licenciement, car elle a adressé un courrier à M. [T] [AG] le 2 avril 2020 pour un entretien prévu le 9 avril 2020. La Poste a pu connaître des difficultés dans l’acheminement des courriers en période de crise sanitaire, ce qui représente un cas de force majeure pour l’employeur. M. [T] [AG] a par ailleurs reçu cette convocation par courriel le 6 avril et en a accusé réception, tout en indiquant qu’il ne s’opposait pas à ce que la procédure se poursuive. Elle a maintenu la date de l’entretien à la demande du salarié, alors qu’elle aurait pu décaler le rendez-vous.
– Le juge a la possibilité d’accorder une indemnité pour irrégularité de procédure, mais ce n’est pas une obligation. S’il estime que le salarié n’a pas subi de préjudice, il peut ne pas faire droit à la demande. En l’occurrence, M. [T] [AG] n’a subi aucun préjudice.
– Par ailleurs, le salarié ne peut demander une telle indemnité en sus de l’indemnité demandée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les deux indemnités ne pouvant se cumuler.
IV. Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité
A. Sur les équipements de travail
-Tous ses salariés, y compris M. [T] [AG], disposaient des équipements de sécurité nécessaires à l’accomplissement de leur mission. Cela est corroboré par Mme [W] [L] qui énonce : « Dans le cadre de l’application des mesures de biosécurité, la SARL [N] fournit aux salariés qui interviennent dans les élevages les équipements de protection obligatoires (combinaison jetable, surbottes jetables, gants). Pour les opérations de nettoyage, les salariés disposent de bottes, tabliers, gants, manchettes, masques qui sont à disposition sur le site ». Ceci est également attesté par Mme [D] [BV] et M. [M] [V].
– M. [T] [AG] a formulé une nouvelle demande, une sommation de communiquer, en plein mois d’août 2021 et de congés estivales, et à un mois seulement de l’audience de plaidoirie devant le conseil de prud’hommes. Elle a toutefois produit un certain nombre de factures d’équipements, sans pouvoir retrouver l’intégralité de celle-ci, mais démontrant la présence d’équipements.
B. Sur la visite médicale d’embauche
– Cette visite n’est plus systématique depuis le 1er janvier 2017, en fonction du précédent emploi occupé par le salarié. Or, M. [T] [AG] ne l’a pas informée sur son précédent d’emploi, ni le médecin du travail. Dans cette situation, il n’était pas possible de déterminer si une visite était nécessaire ou non.
– La visite médicale d’embauche est automatiquement demandée au moment de la déclaration d’embauche. Si elle n’a pas eu lieu, c’est soit qu’elle n’était pas nécessaire, soit que M. [T] [AG] ne s’y est pas rendu. La médecine du travail a été interrogée sur ce point, mais aucune réponse n’est encore parvenue à ce jour.
– En tout état de cause, l’absence de visite médicale ne cause pas nécessairement un préjudice au salarié qui doit en démontrer un. Cependant, M. [T] [AG] ne démontre pas qu’il aurait subi un préjudice. Bien au contraire, le salarié était visiblement ravi de ses conditions de travail à son embauche, puisqu’il en a fait part au médecin du travail au début de l’année 2020. Le salarié n’a par ailleurs jamais demandé à rencontrer le médecin du travail par la suite.
C. Sur le prétendu rythme de travail trop élevé
– M. [T] [AG] affirme avoir effectué des heures complémentaires non rémunérées, sans produire de décompte de ces prétendues heures. Le salarié communique des attestations :
celle de M. [K] [H] qui a été licencié pour faute grave et qui a été condamné par le conseil de prud’hommes de Dinan. Par ailleurs, M. [K] [H] avait son lieu de travail en Bretagne et ne se déplaçait que ponctuellement dans le Gers, il aurait ainsi été compliqué pour lui de voir M. [T] [AG] travailler de 5 heures à 22 heures tous les jours,
celle de M. [E] [R] qui est le partenaire pacsé de M. [T] [AG],
celle de M. [B] [J] qui n’a travaillé que trois mois en intérim pour elle, et qui n’a pu constater que les horaires de travail habituels de M. [T] [AG].
– Elle a toujours rémunéré les heures complémentaires effectuées par M. [T] [AG] selon ce que celui-ci lui indiquait. Par ailleurs, aucune demande en ce sens n’a été faite par le salarié durant la relation contractuelle, ni même lorsque celui-ci lui a écrit concernant son maintien de salaire.
– Le salarié produit un tableau indiquant les heures prétendument effectuées en août 2019, sans que ce tableau ne soit corroboré par aucun élément. Celui-ci a été établi pour les besoins de la cause. Ce document n’est apparu que quelques jours avant l’audience de plaidoirie devant le conseil de prud’hommes.
– Enfin, les heures complémentaires effectuées et rémunérées ont été effectuées par M. [T] [AG] car celui-ci insistait pour les faire. Le salarié était en grande difficulté financière à son embauche et il la sollicitait pour effectuer des tâches supplémentaires afin d’augmenter sa rémunération. Cette situation de difficulté financière est corroborée par l’attestation de Mme [D] [BV].
– M. [T] [AG] n’établit pas le moindre lien entre son état de santé et ses conditions de travail. Ce n’est que le 26 février 2020 que le salarié a fait état de ses conditions de travail pour la première fois, non pas pour s’en plaindre, mais pour exercer une pression à son encontre concernant le maintien de salaire. Dans ce courriel, M. [T] [AG] n’affirmait cependant pas que cette prétendue charge de travail aurait un lien avec ses arrêts de travail.
– Les pièces médicales présentées par M. [T] [AG] sont en contradiction avec ce qu’il avance. Il affirme avoir été victime d’un « burn-out » suite à ses conditions de travail, alors que son médecin généraliste et son psychiatre font état d’un état dépressif sévère et non d’un « burn-out », ne retenant donc pas d’épuisement professionnel. Le Docteur [O] [C] et le Docteur [S] [BO] ne mentionnent pas de lien entre les conditions de travail de M. [T] [AG] et son état dépressif, il en est de même pour les arrêts de travail. La psychologue, Mme [G] [U], quant à elle ne fait que reprendre les propos du salarié.
– L’avis d’inaptitude prononcé le 5 mars 2020 ne retient pas d’origine professionnelle.
– L’état dépressif de M. [T] [AG] est lié à un événement personnel, à savoir la prétendue découverte de sa séropositivité. Le salarié était persuadé avoir découvert cette pathologie en septembre 2019, moment où il a été placé en arrêt de travail. Celui-ci a accusé le fournisseur de produits désinfectants d’être à l’origine de sa contamination.
– M. [T] [AG] développe à titre personnel une activité d’élevage de canards pour la revente, ce qui démontre sa capacité à travailler et le fait que sa dépression trouve sa cause ailleurs que dans le travail.
V. Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement
– Le licenciement résulte de l’avis d’inaptitude du 5 mars 2020 et repose donc sur une cause réelle et sérieuse. Il a été démontré qu’elle n’avait pas commis de manquement à son obligation de sécurité.
VI. A titre subsidiaire, sur le montant des dommages-intérêts sollicités
– Le salarié réclame 24.320 euros pour prétendu manquement à l’obligation de sécurité et licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors même qu’il n’avait que 2 ans et demi d’ancienneté et ne précise pas quel serait son préjudice. Ce montant dépasse le plafond instauré par l’article L.1235-3 du code du travail qui limite l’indemnité à 3,5 mois de salaire, soit 6.061,93 euros.
– M. [T] [AG] ne démontre pas avoir effectué des recherches sérieuses pour retrouver un emploi, si ce n’est une déclaration d’intérêt pour un poste de technicien auprès du département.
VI. Sur les demandes reconventionnelles de la société [N]
– Alors même qu’il était en arrêt de travail, M. [T] [AG] a développé une activité concurrente à la sienne, en mettant en place un élevage de canards et en proposant à la vente des produits transformés à base de canard, ce qui correspond à l’activité de la société [N]. Cela constitue une atteinte à l’obligation d’exécuter le contrat de travail de bonne foi et avec loyauté. Ces faits lui ont nécessairement causé un préjudice. Elle sollicite la somme de 10.000 euros à ce titre.
– Le salarié a démarché des clients de la société, durant son contrat de travail et à l’occasion de livraison, afin de leur proposer ses propres produits, ce qui constitue un détournement de la clientèle. Cela est corroboré par un message « messenger » du 17 février 2020. M. [T] [AG] est bien l’auteur de ce message, puisqu’il est signé par lui, et provient de son compte.
– Ceci est également corroboré par M. [P], gérant de la société Savilor et l’un de ses principaux clients.
– Le salarié tente de se justifier en produisant son bail d’habitation, alors qu’il est évident que personne n’élève des canards en appartement, mais dans un lieu dédié.
MOTIVATION
I. SUR L’EXÉCUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL
A. Sur le rappel de salaire au titre du mois d’août 2019 et les demandes annexes
1. Sur le rappel de salaire :
L’article L.3171-4 du code du travail prévoit que : « En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. »
Ainsi, en cas de litige concernant les heures complémentaires, le salarié doit présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en fournissant ses propres éléments.
Le juge ne doit pas contrôler si le salarié « produit des éléments suffisamment probants » des heures qu’il prétend avoir accomplies, mais seulement si ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences des dispositions légales et réglementaires.
Pour étayer sa demande, M. [T] [AG] verse un tableau détaillant ses journées à compter du mois de septembre 2017 jusqu’au mois d’août 2019. Il y a inscrit les plages horaires et les tâches effectuées. C’est ainsi qu’au mois d’août 2019, il indique avoir effectué 157,30 heures.
Le bulletin de paie du mois d’août 2019 fait état du paiement de 117,17 heures, soit une différence de 40,13 heures.
Il produit également plusieurs attestations visant à démontrer qu’il accomplissait de nombreuses heures :
l’attestation de M. [B] [J], chauffeur poids lourds en intérim au sein de la société [N], du 14 juin 2020, dans laquelle ce dernier énonce : « j’ai pu constater chaque jour la présence de [T] et [E] qui avait pour tache de nettoyer et désinfecter tous les camions et leur contenu (caisse chariots) a leur retour de livraison. Sachant que chaque chariot et caisses devait être nettoyer une par une. Bien sur nos heures de retour était souvent tardives. Tout en sachant qu’il fallait absolument que les camions soit pres pour le lendemain matin car la journée débutait vers 5h00 afin de se rendre sur le lieu de prise en charge des canards. Il est vrais que j’ai été surpris de voir [T] et [E] aider le matin ou charger et les retrouver le soir au nettoyage des camions. De plus je les croiser régulièrement à l’abatoit. Cette situation m’avait d’ailleurs un peu surpris au vu du nombre d’heure effectuer dans la journée. Sachant qu’il revenait régulièrement le samedi matin. »
l’attestation de M. [K] [H], directeur commercial, du 19 mai 2020, dans laquelle celui-ci indique : « j’atteste avoir constaté que Monsieur [T] [AG] se présentait souvent au siège de l’entreprise, sis à [Adresse 19]) au lieu dit VERLES, aux environs de 5h00 du matin et que je le croisait à nouveau les mêmes jours à son retour vers 22h00. Il m’est même arrivé plusieurs fois de constater qu’il travaillait les week-end (samedis et dimanches compris) à laver des caisses, des camions ou bien même à s’occuper des chiens de Monsieur [N]. J’atteste aussi que Monsieur [T] [AG] faisait parfois des démonstrations en magasins pour les marques « [N] » et « PAYSAN GERSOIS » ».
l’attestation de Mme [ZE] [Y], agricultrice, du 5 janvier 2021, dans laquelle elle témoigne du fait que M. [T] [AG] s’est rendu à son élevage à plusieurs reprises, en précisant les dates, avec sa voiture personnelle, pour des « vaccinations et attrapages »,
l’attestation de M. [E] [R], agent de maintenance et compagnon de M. [T] [AG], en date du 22 février 2021, confirme également le rythme de travail soutenu, précisant : « Nous étions mentalement et physiquement épuisés, dormant le dimanche, seul jour de repos sur une semaine de travail ! »
Le salarié s’appuie ainsi sur plusieurs éléments qui permettent d’ouvrir la discussion sur la réalité des heures complémentaires alléguées.
L’employeur, quant à lui, admet que des heures complémentaires ont été réalisées mais uniquement sur la demande insistante du salarié. Il affirme néanmoins que celles-ci ont toutes été rémunérées.
Cependant, la société [N] n’apporte pas d’éléments de décompte des heures, alors pourtant que le contrôle du temps de travail lui incombe.
Ainsi la cour confirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société [N] à payer à M. [T] [AG] la somme de 547,77 euros brut au titre des 40,13 heures complémentaires impayées pour le mois d’août 2019, outre 54,77 euros à titre d’indemnité de congés payés sur cette somme.
2. Sur la demande d’attestation de salaire rectifiée :
La demande du salarié au titre du règlement des heures complémentaires ayant été accueillie, il y a lieu de faire droit à la demande d’attestation de salaire rectifiée.
De ce fait, la cour confirme le jugement du conseil de prud’hommes d’Auch en ce qu’il a condamné la société [N] à régulariser l’attestation de salaire pour le paiement des indemnités journalières suite à l’arrêt de travail du 17 septembre 2019 en faisant figurer les heures manquantes pour le mois d’août 2019 soit 547,77 euros pour 40,13 heures.
La demande de l’employeur afin de voir le salarié condamné à lui verser une somme équivalente au montant rectificatif qu’il percevra de la caisse primaire d’assurance maladie au titre des indemnités journalières n’est pas reprise au dispositif des conclusions de l’intimé, de sorte que la cour n’en est donc pas saisie.
3. Sur les dommages-intérêts pour préjudice financier :
Le salarié allègue un préjudice financier subi du fait de l’attestation de salaire erronée faite pour le paiement des indemnités journalières. Pour démontrer son préjudice, M. [T] [AG] verse son relevé de compte du mois d’avril 2020 faisant état de frais bancaires à hauteur de 350 euros.
Cependant, rien ne permet d’établir que ces frais bancaires sont en lien avec le manquement de l’employeur. Le salarié n’ayant versé aucun autre relevé de compte, il n’établit pas que ces frais sont exceptionnels et directement imputables à l’employeur.
Par ailleurs, le relevé bancaire émis date du mois d’avril 2020, alors que le salarié indique avoir eu des soucis financiers suite à la non régularisation des heures complémentaires sur le mois d’août 2019, soit 8 mois auparavant. Il ne peut être établi un lien direct entre les frais bancaires survenus au mois d’avril 2020 et les heures complémentaires non régularisées en août 2019.
La cour infirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société [N] à payer à M. [T] [AG] la somme de 350 euros en réparation de son préjudice financier du fait de l’attestation de salaire erronée faite pour le paiement des indemnités journalières.
B. Sur la demande au titre des frais de déplacement
M. [T] [AG] sollicite la condamnation de la société [N] à lui payer la somme de 7.241,54 euros à titre d’indemnités kilométriques suite aux trajets réalisés avec son véhicule personnel dans le cadre de son travail.
Afin d’appuyer sa demande, il verse un tableau récapitulatif, mentionnant les lieux, détails du déplacement, et kilomètres parcourus depuis août 2017 jusqu’à août 2019. Il estime avoir fait 1.647 kilomètres en 2017 avec son véhicule personnel, 5.247 en 2018 et 5.794 en 2019.
Il produit également plusieurs attestations, de certains professionnels et collègues :
attestation de M. [B] [J] qui énonce : « J’avais aussi constater qu’il utilisait leur véhicule personnel pour ce rendre sur les différents cites. Sachant que certain de ces sites se trouvait à plus de 50 km. »,
attestation de Mme [ZE] [Y] qui affirme : « Monsieur [AG] [T] s’est rendu à plusieurs reprises à mon élevage, situés [Adresse 16], avec sa voiture personnelle 307, immatriculé [Immatriculation 9] »,
attestation de M. [E] [R], qui témoigne : « Nos équipements personnel : ordinateurs, téléphones, imprimante et véhicule, sont devenus nos outils de travail. (‘) Le véhicule de Mr [AG] était le seul moyen de transport pour nous rendre chez les différents éleveurs, salle de gavage, etc… l’amenant à effectuer de nombreux kilomètres sans aucune compensation financière pourtant mainte fois demandée. La réponse de Monsieur [N] concernant nos conditions de travail a toujours été la même au cours de nos réunions avec lui : ‘personne n’est irremplaçable !’ »,
attestation de M. [F] [X], chauffeur poids lourds au sein de la société [N], du 30 avril 2021, confirme que : « effectivement j’ai pu constater que [T] ce render chez les éleveurs, abattoir avec sa 307 peugeot immatriculer [Immatriculation 9] pour atrapages, vaccination, abattage ».
Enfin, il s’appuie sur la photographie d’un véhicule dont le coffre est chargé de cartons portant une étiquette de denrées à base de canard. Il y est indiqué qu’il s’agit d’une livraison pour le supermarché « Carrefour City » à [Localité 4], le 16 juillet 2019. Cependant, la plaque d’immatriculation n’est pas visible sur la photographie.
L’employeur, quant à lui, indique que deux véhicules étaient mis à disposition des salariés. Il produit en ce sens les cartes grises des véhicules de marque Nissan, type X-trail, et de marque Renault, type Kangoo.
Il étaye également ses propos par des attestations émanant de :
attestation de Mme [W] [L], ingénieur qualité pour la société [N], en date du 15 mars 2021, qui indique : « De plus, la Sarl [N] met à disposition des salariés devant réaliser des déplacements professionnels à partir du site de [Localité 20] un véhicule Nissan X-trail. M. [AG] avait donc la possibilité d’utiliser ce véhicule lors de déplacements. Les livraisons de produits frais en magasin sont obligatoirement réalisées avec les véhicules réfrigérés à disposition »,
attestation de Mme [D] [BV], agricultrice, en date du 15 mars 2021, et précisant qu’était fourni « le véhicule de société NISSAN X TRAIL »,
attestation de M. [M] [V], responsable logistique chauffeur, en date du 15 mars 2021, qui témoigne : « j’atteste que Monsieur [T] [AG] avait à sa disposition plusieurs véhicules pour effectuer les missions qui lui étaient confiées. Un Renault Kangoo frigorifique pour les livraisons en magasin et un Nissan X-Trail pour les déplacements chez les éleveurs. Il utilisait également ce véhicule pour se rendre sur son lieu de travail à [Localité 18] depuis [Localité 20] les jours d’abattage. »
La société [N] avance également le fait que M. [T] [AG] n’a jamais demandé le remboursement de note de frais ou même de ticket de stationnement, cependant cet argument est inopérant.
L’employeur affirme également que les déplacements allégués par le salarié ne pouvaient être effectivement réalisés, car cela ne correspondait pas aux missions du salarié. Or, M. [T] [AG] atteste de la réalité de ses missions par le biais de nombreuses attestations.
Ainsi, M. [T] [AG] si démontre qu’il a pu utiliser son véhicule personne pour l’exercice de ses fonctions, néanmoins, il ne justifie pas des kilométrages alléguées ni des dates précises des déplacements réalisés. En effet, la preuve ne peut être apportée par le seul tableau réalisé par le salarié et les attestations versées sont imprécises sur ce point.
De plus, le salarié ne justifie pas la différence du montant demandé sur ce fondement, lors de la saisine du conseil de prud’hommes, à savoir 2 000 euros, et le montant de 7 241,54 euros demandé devant la cour.
Les éléments apportés sont donc insuffisants pour fonder une demande d’indemnité kilométrique. Ainsi, la cour confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [T] [AG] de sa demande au titre d’une indemnité kilométrique.
C. Sur le manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité
M. [T] [AG] demande à ce que la société [N] soit condamnée à lui verser la somme de 17.320 euros, équivalente à 10 mois de salaire brut, à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité prévue à l’article L.4121-1 du code du travail et non-respect des dispositions légales concernant la durée de travail.
Le salarié affirme que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité, car il n’a pas bénéficié de visite médicale d’embauche, il ne lui a pas été fourni d’équipements, et dû au rythme de travail imposé.
L’article L.4121-1 du code du travail prévoit : « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L.4161-1 ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes. »
1. Sur l’absence de visite médicale d’embauche :
L’article R.4624-10 du code du travail énonce que : « Tout travailleur bénéficie d’une visite d’information et de prévention, réalisée par l’un des professionnels de santé mentionnés au premier alinéa de l’article L.4624-1 dans un délai qui n’excède pas trois mois à compter de la prise effective du poste de travail. »
M. [T] [AG] considère que l’employeur a manqué à son obligation, à défaut d’avoir prévu la visite d’information et de prévention à la suite de son embauche le 1er septembre 2017. Il estime qu’il aurait dû bénéficier d’une visite médicale d’embauche avant le 1er avril 2018.
L’examen médical dont bénéficie le salarié a pour finalité :
d’interroger le salarié sur son état de santé,
de l’informer sur les risques éventuels auxquels l’expose son poste de travail,
de le sensibiliser sur les moyens de prévention à mettre en ‘uvre,
d’identifier si son état de santé ou les risques auxquels il est exposé nécessitent une orientation vers le médecin du travail,
de l’informer sur les modalités de suivi de son état de santé par le service et sur la possibilité dont il dispose, à tout moment, de bénéficier d’une visite à sa demande avec le médecin du travail (article R.4624-11 du code du travail).
Le salarié, qui se prévaut de cette absence de visite, doit démontrer la réalité du préjudice qui en découle. Il est de jurisprudence constante qu’il n’y a pas d’indemnisation sans préjudice établi.
Or, M. [T] [AG] ne justifie pas d’un préjudice du fait de l’absence de visite d’information et de prévention.
2. Sur le fait qu’aucun équipement ne lui était fourni :
Le salarié avance le fait que l’employeur ne lui a fourni aucun équipement, alors qu’il utilisait des produits biocides susceptibles d’être nocifs pour sa santé.
L’employeur répond en versant plusieurs attestations témoignant du fait que des équipements étaient fournis. Mme [D] [BV] atteste, notamment, que « les équipements de protection et biosécurité étaient fournis par la SARL [N] ». Ceci est corroboré par l’attestation de M. [M] [V].
Par ailleurs, la société [N] fournit de multiples factures témoignant de l’achat de matériels de protection.
La cour constate que le salarié ne corrobore ses allégations par aucune pièce, attestation, ni même aucune requête faite en ce sens à l’employeur. Alors que l’employeur verse des attestations et des factures d’achat d’équipements. Ainsi, le salarié ne démontre pas le manque d’équipements imputable à l’employeur.
3. Sur le rythme de travail épuisant :
Enfin, M. [T] [AG] considère que les conditions de travail qui lui ont été imposées par l’employeur ont eu pour conséquence son état dépressif.
Le salarié verse plusieurs attestations d’anciens collègues de travail témoignant du nombre conséquent d’heures effectuées.
Il produit également ses bulletins de paie qui mentionnent un certain nombre d’heures complémentaires dans le cadre de son contrat de travail au sein de la société [N]. Ainsi, il a réalisé sur les mois suivants :
– au mois d’avril 2019 : 45,5 heures complémentaires, soit 132,17 heures au total,
– au mois de mai 2019 : 39 heures complémentaires, soit 125,67 heures au total,
– au mois de juin 2019 : 63 heures complémentaires, soit 149,67 heures au total,
– au mois de juillet 2019 : 49 heures complémentaires, soit 135,67 heures au total.
L’employeur ne pouvait ignorer le nombre d’heures effectuées puisque celles-ci étaient rémunérées sur les bulletins de paie.
Par ailleurs, l’employeur est également gérant de la société Canard Tradition pour laquelle M. [T] [AG] travaillait 65 heures par mois. Il connaissait donc le volume horaire imposé dans le cadre de ce contrat de travail, qui s’additionnait nécessairement aux 86,67 heures contractuelles dans le cadre de son emploi au sein de la société SARL [N].
Ainsi, en cumulant les heures effectuées pour le compte des deux sociétés appartenant à M. [N], le salarié a effectué, pour le mois d’avril 2019, un minimum de 197,17 heures, 190,97 en mai 2019, 214,67 heures en juin 2019 et 200,67 heures en juillet 2019.
L’article L.3121-20 du code du travail prévoit que : « Au cours d’une même semaine, la durée maximale hebdomadaire de travail est de quarante-huit heures ».
De ce fait, le temps de travail réalisé par M. [T] [AG] a dépassé la durée légale de travail.
L’employeur était nécessairement conscient de cette surcharge de travail. De ce fait, la société [N] a manqué à son obligation de sécurité et de prévention.
La cour infirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [T] [AG] de sa demande au titre du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et de son non-respect des dispositions légales concernant la durée de travail. Et elle condamne la société [N] à verser à M. [T] [AG] une indemnité égale à un mois de salaire, soit 1.732 euros.
II. SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL
M. [T] [AG] estime que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et demande que la société [N] soit condamnée en conséquence à lui payer la somme de 7.000 euros, équivalente à 4 mois de salaire, à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur le bien-fondé du licenciement :
Il soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, car ses conditions de travail ont conduit à une dégradation de son état de santé, au diagnostic d’un « burn-out » et ainsi à son inaptitude, fondant son licenciement.
Le salarié apporte plusieurs éléments pour appuyer ses propos :
les attestations de ses anciens collègues de travail témoignant autant des heures complémentaires effectuées que de ses plages horaires conséquentes et de son rythme élevé de travail,
l’attestation de M. [E] [R], son conjoint et également ancien collègue de travail qui confirme ce rythme de travail et le fait que : « pendant toute la durée de notre activité le rythme de travail ainsi que la masse des tâches qui nous étaient demandées ont pesé lourdement sur l’équilibre de notre couple et nos relations familiales ! Le contexte était devenu pénible et usant. Notre fatigue intense, l’absence de planning et nos journées chargées au travail ont provoqué des conflits dans notre couple ainsi qu’avec nos proches, à cause de notre manque de disponibilité »,
le certificat médical du Docteur [O] [C], son médecin traitant, daté du 23 mai 2020 et indiquant qu’elle le suit « depuis le 23 septembre 2019 (‘) pour un syndrome dépressif majeur »,
l’attestation du Docteur [G] [U], psychologue, du 7 janvier 2020, qui précise l’avoir reçu en séance thérapeutique le 26 novembre et le 14 décembre 2019 «suite à un épuisement psychologique lié à son travail»,
l’attestation du Docteur [S] [BO], psychiatre, datée du 21 janvier 2020 confirme « l’état dépressif caractérisé » du salarié,
il s’est plaint à plusieurs reprises auprès du médecin du travail de ses conditions de travail, celui-ci ayant écrit dans le dossier médical : « Episode dépressif, sans précision (F329) sévère qui serait en relation avec le travail: burn out / ne peut pas retourner à son poste ni à aucun autre poste de l’entreprise »,
l’arrêt de travail délivré le 17 septembre 2019 indique le motif « burn-out » et celui délivré le 30 septembre 2019 indique le motif « syndrome dépressif ».
M. [T] [AG] apporte de nombreux éléments permettant de corroborer le rythme de travail épuisant qui lui était imposé et les conséquences de celui-ci sur son état de santé.
L’employeur quant à lui ne conteste pas la réalité de nombreuses heures complémentaires réalisées, mais le justifie par le fait que celles-ci ont été faites sur demande du salarié. Il allègue simplement que le licenciement résulte de l’avis d’inaptitude du 5 mars 2020 et repose donc sur une cause réelle et sérieuse. Or, cet argument est inopérant.
La cour constate que l’inaptitude fondant le licenciement de M. [T] [AG] a été causée par un manquement préalable de l’employeur, de ce fait le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
M. [T] [AG], qui comptait 2 ans et 7 mois d’ancienneté au moment de son licenciement, peut prétendre à une indemnité de licenciement maximale équivalente à trois mois et demi, selon l’article L.1235-3 du code du travail.
La cour infirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [T] [AG] de sa demande en condamnation de la société [N] à des dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Ainsi, elle juge que le licenciement du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Elle condamne la société [N] à verser à M. [T] [AG] la somme de 3.464 euros, équivalente à deux mois de salaire.
Sur l’irrégularité de la procédure de licenciement :
Le salarié allègue l’irrégularité de la procédure de licenciement en soutenant ne jamais avoir reçu le courrier recommandé comprenant la convocation à l’entretien préalable. Il n’a reçu cette convocation que par courriel du 6 avril 2020, pour un entretien au 9 avril 2020.
Néanmoins, l’indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ne se cumule pas avec l’indemnité pour procédure de licenciement irrégulière, puisqu’elle englobe celle-ci.
Par ailleurs, la cour constate que, si M. [T] [AG] avance l’irrégularité de la procédure, il n’en tire aucune conclusion et ne formule aucune demande à ce titre.
III. SUR LA DEMANDE DE CONCURRENCE DÉLOYALE FORMULÉE PAR LA SOCIÉTÉ [N]
La société [N] sollicite la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour concurrence déloyale.
L’employeur soutient que M. [T] [AG] a développé une activité concurrente à la sienne, en mettant en place un élevage de canards et en proposant à la vente des produits transformés à base de canard, ce qui correspond à l’activité de la société [N].
Il apporte deux éléments sur lesquels il s’appuie pour corroborer ses allégations :
une capture d’écran d’un message du 17 février 2020, provenant du site « Messenger », dont l’expéditeur est M. [T] [AG]. Ce message indique : « Bonjour, le 2 mars je vais abattre un lot de canard gras si vous souhaitez magret, aiguillettes, cuisses, manchons tenez moi au courant. Merci encore. Bien à vous. [T] »
l’attestation de M. [AP] [P], commerçant, selon laquelle : « Je soussigné [AP] [P] gérant de l’EURL SAVILOR, atteste avoir reçu en rendez-vous dans mes locaux Mr [R] et Mr [AG] le vendredi 21 février 2020 à 14h30. L’objet de ce rendez-vous était une prise d’informations produits et tarifs issus de canards gras afin de développer une activité sur le secteur Sud-Est. »
Les éléments apportés par la société [N] sont insuffisants pour établir avec certitude une concurrence déloyale de la part de M. [T] [AG].
Ainsi, la cour confirme le jugement du conseil de prud’hommes d’Auch du 8 décembre 2021 en ce qu’il a débouté la société [N] de sa demande au titre de concurrence déloyale pendant l’exécution du contrat de travail.
IV. SUR LES FRAIS IRRÉPÉTIBLES ET LES DÉPENS
La cour confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté chacune des parties de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a condamné chacune des parties aux entiers dépens.
La cour déboute M. [T] [AG] de sa demande de voir condamner la société [N] à la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La société [N] est également déboutée en ce qu’elle sollicite la somme de 5.000 euros au même titre.
Les dépens d’appel seront supportés par moitié entre les parties.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, statuant dans les limites de sa saisine, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes d’Auch du 8 décembre 2021 en ce qu’il a :
– condamné la société [N] à payer à M. [T] [AG] la somme de 547,77 euros brut au titre des 40,13 heures complémentaires impayées pour le mois d’août 2019, outre 54,77 euros à titre d’indemnité de congés payés sur cette somme,
– condamné la société [N] à régulariser l’attestation de salaire pour le paiement des indemnités journalières suite à l’arrêt de travail du 17 septembre 2019 en faisant figurer les heures manquantes pour le mois d’août 2019 soit 547,77 euros pour 40,13 heures,
– débouté M. [T] [AG] du surplus de ses demandes, à savoir de sa demande de condamnation de la société Cadelon à lui verser la somme de 7 241,54 euros à titre d’indemnités kilométriques suite aux trajets qu’il a réalisés dans le cadre de son travail avec son véhicule personnel,
– débouté la société [N] de sa demande au titre de concurrence déloyale pendant l’exécution du contrat de travail,
– débouté chacune des parties de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné chacune des parties aux entiers dépens.
INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes d’Auch du 8 décembre 2021 en ce qu’il a :
– condamné la société [N] à payer à M. [T] [AG] la somme de 350 euros en réparation de son préjudice financier du fait de l’attestation de salaire erronée faite pour le paiement des indemnités journalières,
– débouté M. [T] [AG] du surplus de ses demandes, à savoir :
– de ses demandes de voir dire et juger que la société Cadelon a manqué à son obligation de sécurité et de voir condamner en conséquence ladite société à lui payer la somme de 17.320 euros équivalente à 10 mois de salaire brut à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité prévue à l’article L.4121-1 du code du travail et non-respect des dispositions légales concernant la durée de travail,
– de sa demande tendant à dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner en conséquence la société Cadelon à lui payer la somme de 7.000 euros équivalente à 4 mois de salaire à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Statuant de nouveau, et y ajoutant,
DÉBOUTE M. [T] [AG] de sa demande de la somme de 350 euros en réparation de son préjudice financier,
CONDAMNE la société [N] à verser la somme de 1.732 euros à M. [T] [AG] au titre du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et de son non-respect des dispositions légales concernant la durée de travail,
CONDAMNE la société [N] à verser la somme de 3.464 euros à M. [T] [AG] au titre des dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
DÉBOUTE chacune des parties de leur demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
DIT que les dépens d’appel seront partagés par moitié entre les parties.
Le présent arrêt a été signé par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre et Chloé ORRIERE, greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT