Heures supplémentaires : 11 mai 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/02409

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Heures supplémentaires : 11 mai 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/02409
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 MAI 2023

N° RG 21/02409 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UVEX

AFFAIRE :

[R] [N]

C/

SAS INITIAL ………

Décision déférée à la cour : Jugement rendu

le 23 Juin 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : 19/00028

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Elisabeth DESGREES DU LOU

Me Claire RICARD

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [R] [N]

né le 03 Mai 1979 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par : Me Elisabeth DESGREES DU LOU, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 505 substitué par Me Lucas DOMENACH avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

SAS INITIAL

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

N° SIRET : 343 234 142

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par : Me Claire RICARD, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 – substitué par Me Sabrina GABYSON avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 Mars 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique PITE, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,,

Madame Véronique PITE, Conseiller,

Madame Chloé DELALLE, Vice présidente placée,

Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,

FAITS ET PROCÉDURE

M. [R] [N] a été engagé, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 15 juillet 2015, en qualité de directeur de site, statut cadre, par la société par actions simplifiée Initial, qui intervient dans le secteur de la location et de l’entretien pour l’habillement et le linge professionnel, l’hygiène des sanitaires et la protection des sols, emploie plus de 50 salariés et relève de la convention collective nationale de la blanchisserie, teinturerie et nettoyage.

Convoqué le 13 août 2018 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 27 août suivant, et mis à pied à titre conservatoire, M. [N] a été licencié, par lettre datée du 11 septembre 2018, énonçant une faute.

M. [N] a saisi, le 17 janvier 2019, le conseil de prud’hommes de Versailles aux fins de voir constater la nullité de sa clause de forfait-jour, solliciter le paiement d’heures supplémentaires, contester son licenciement et de voir condamner la société au paiement de diverses sommes de nature salariale indemnitaire.

La société s’est opposée aux demandes du requérant et a sollicité sa condamnation au paiement d’une somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 23 juin 2021, notifié le 25 juin, le conseil a statué comme suit :

Dit et juge que le licenciement de M. [N] est bien fondé et repose sur une cause réelle et sérieuse ;

Déboute M. [N] de ses demandes ;

Déboute la société Initial de ses demandes reconventionnelles ;

Condamne M. [N] aux éventuels dépens.

Le 22 juillet 2021, M. [N] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 13 décembre 2022, M. [N] demande à la cour de réformer le jugement rendu par le conseil des prud’hommes en ce qu’il :

A dit et jugé que son licenciement est bien fondé sur une cause réelle et sérieuse

L’a débouté de ses demandes

L’a condamné aux éventuels dépens

Et, statuant à nouveau :

Juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Juger nulle et inopposable la clause de forfait jour incluse dans son contrat de travail,

Débouter la société Initial de ses demandes, fins et prétentions,

En conséquence :

Condamner la société Initial à lui régler les sommes suivantes :

A titre principal:

‘ 118.407,24 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (sans application de l’article L 1235-1 du code du travail)

A titre subsidiaire:

‘ 39.469,08 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (avec application de l’article L 1235-1 du code du travail)

En tout état de cause:

‘ 29.601,81 euros au titre du préjudice distinct

‘ 168.505,40 euros au titre des heures supplémentaires effectuées

‘ 16.850,54 euros au titre de l’indemnité prévue à l’article L 8223-1 du code du travail

‘ 5.000 euros au titre de dommages et intérêts pour non-respect des repos quotidiens et hebdomadaires

‘ 4.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamner la société Initial à lui remettre ses certificats de travail, solde de tout compte, attestation Pôle emploi, modifiés, sans délai à compter de l’arrêt et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document.

Condamner la société Initial à lui remettre ses bulletins de salaires des mois de mai, juin, juillet, août et septembre 2016 sans délai à compter de l’arrêt et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par bulletin de salaire

Assortir les sommes ci-dessus des intérêts moratoires au taux légal à compter de la date de la requête

Ordonner la capitalisation des intérêts échus,

Condamner la société Initial aux entiers dépens de l’instance.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 7 janvier 2022, la société Initial demande à la cour de :

In limine litis

Juger que les demandes portant sur une période antérieure au 17 janvier 2016 sont prescrites et devront par conséquent être rejetées.

A titre principal

Confirmer le jugement entrepris ;

Débouter M. [N] de l’intégralité de ses demandes ;

Condamner M. [N] à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner M. [N] aux entiers dépens.

A titre subsidiaire

Si la cour devait considérer que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

Minorer le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 27.532,70 euros bruts.

Sur la demande de paiement d’heures supplémentaires,

Dire et juger que M. [N] ne rapporte pas la preuve de la réalité de l’exécution d’heures supplémentaires alléguées

En conséquence,

Débouter M. [N] de ses demandes

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

Par ordonnance rendue le 1er février 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 14 mars 2023.

MOTIFS

I – Sur le licenciement

La lettre de licenciement est ainsi libellée :

« Vous avez intégré l’entreprise en date du 15 Juillet 2015, et occupez actuellement la fonction de Directeur du Site de [Localité 4] qui emploie 180 personnes. Vous occupez une des fonctions opérationnelles les plus importantes de l’entreprise, et assurez la direction du site dont vous avez la responsabilité.

Vous avez notamment pour mission d’appliquer et de faire appliquer la stratégie de l’entreprise, de tout mettre en ‘uvre pour assurer le développement économique de votre site en étant force de proposition pour améliorer ses performances. Pour ce faire, il vous appartient de piloter l’activité et mettre en place une organisation qui assure l’optimisation des interfaces entre tous les services de votre site et les services transversaux du siège et notamment le service commercial. Vous devez également animer, gérer, manager les collaborateurs sous votre responsabilité et tout mettre en ‘uvre pour développer leurs compétences. De même, vous devez veiller au bon climat social de votre site et favoriser le dialogue social dans le respect du droit du travail.

Alors même que vous aviez rempli par le passé vos missions avec satisfaction, début avril 2018, nous avons découvert avec surprise une situation critique en production sur le site dont vous assurez la Direction qui a nécessité la mise en place d’un plan de recadrage d’une durée de 2 mois. En effet 64 Clients n’avaient pas été livrés le 04 avril dernier, jour de passage sur votre site de Monsieur [F] [E], Directeur de Territoire, et la situation démontrait un manque évident de pilotage de l’activité. Pour redresser la situation, des mesures renforcées de contrôle et de suivi ont été mises en place par Monsieur [F] [E]. Ce plan de recadrage de la production du site devait porter ses fruits à l’issue de deux mois.

Malheureusement, nous avons eu le regret de constater que malgré les mesures prises et les recrutements associés vous continuez à ne pas piloter l’activité de votre site avec les diligences requises et ce malgré le fait que vous prétendez « n’avoir ménagé ni votre peine ni vos heures faisant des journées interminables ». A cet égard, nous notons que depuis avril 2018, soudainement, alors que tel n’avait été le cas par le passé, vous avez adressé des mails à des heures tardives. Cela ne peut que nous interroger sur la finalité de tels écrits au regard de la chronologie….

Des négligences portant principalement sur une absence de suivi des activités de production et de l’organisation du travail de celles-ci ont été à nouveau constatées. Nous avons également constaté des manquements aux règles de sécurité.

‘ Les négligences relatives à l’absence de suivi des activités de production et de l’organisation du travail

En effet, vos résultats à Juillet indiquent un écart de 200 000 euros sur le chiffre d’affaire par rapport au budget. Contrairement à vos affirmations, il relève bien de votre responsabilité de piloter votre activité de production, pour atteindre le budget. Or, en juillet 2018, vous vous êtes trompé dans l’estimation du tonnage budgétaire de Juillet 2018 (clients en passage commande) impactant de fait le chiffre d’affaires du budget du site.

Nous avons été surpris par vos explications concernant l’organisation commerciale ou le client MARRIOTT, explications qui démontrent que vous n’avez pas pris la mesure de vos manquements, ce qui compte tenu de votre niveau de responsabilité, est grave et ne permet pas d’envisager une amélioration de la situation.

Non seulement vous ne pilotez pas l’activité de votre site, mais nous avons eu le regret de constater de graves manquements à l’exercice de vos missions ayant entrainé des dysfonctionnements en matière d’hygiène et de sécurité au sein de votre site.

‘ Les manquements aux règles de sécurité

Nous avons constaté de graves manquements à l’exercice de vos missions, qui s’illustrent par des négligences répétées de votre part, ayant entrainé des dysfonctionnements au sein de votre site. Vous devez vous assurer, directement ou par l’intermédiaire de vos équipes, que l’organisation de la production ne présente pas [de] défaillance ou de dysfonctionnements qui pourrait mettre en danger la sécurité de vos collaborateurs.

Or, le 17 Juillet 2018, un accident du travail de gravité significative est survenu au sein de votre établissement des [Localité 4].

Un sac de linge sale est tombé du trolley et a heurté une opératrice exerçant au contrôle entrée. Se plaignant de douleurs au niveau de la nuque, elle a été en arrêt de travail durant 21 jours. Cet accident aurait pu être évité si un tour de la production avait été réalisé. Tour qui aurait permis de constater que depuis la veille un sac de linge était bloqué.

II s’agissait alors du second accident du travail survenu aux [Localité 4] au service production en l’espace de deux mois. Le 14 Mai 2018, un accident grave s’était déjà produit dans des circonstances similaires. En effet, pour donner suite à l’appel d’un sac sur la table de tri par l’opératrice, le sac est tombé directement en arrivant à la butée de déchargement et sans avoir appuyé sur le bouton « départ sac ». L’opératrice a dû mettre ses mains devant elle pour éviter un choc du sac contre sa tête.

Le point commun entre ces deux événements réside dans des manquements aux règles élémentaires de sécurité inhérentes à tout site industriel.

Dans les deux cas, les résultats des enquêtes post accident, révèlent des failles et des dysfonctionnements dans l’organisation du travail. Ces failles auraient pu être détectées si des tours de production avaient été réalisés par vos soins de manière régulière, ce qui n’est pas le cas.

En attestent vos propres explications formulées à [U] [K], Président, suite à ses interrogations relatives au dernier accident. Vous détaillez un process d’aiguillage, par le biais d’un «sac fantôme », qui n’a visiblement été signalé à quiconque travaillant autour, ni verbalement, ni visuellement dans la zone de danger. C’est ainsi que la salariée a pu s’approcher de la zone d’intervention de modification d’aiguillage, sans aucune difficulté, et qu’elle n’a absolument pas pu se rendre compte qu’elle était en plein milieu d’une zone de danger pour sa sécurité.

Pourtant, ces non-conformités avaient déjà été relevées des mois en amont lors d’un audit HSE qui s’était déroulé sur votre établissement du 12 au 14 Mars 2018.

Le rapport pointait alors 59 non-conformités dont 36 dites majeures. Pour exemple et comparaison, le dernier audit HSE du site de [Localité 5] en comptait 10 en totalité.

La conclusion de l’audit portait, entre autres, sur ce point précis : « Les points de non-conformité technique et règlementaire doivent être traités compte tenu du niveau de danger Travail sur le blocage des sacs et sling en nappes sales ».

Cela est d’autant plus grave qu’avant même cet audit, vous n’aviez déjà pas rempli vos obligations suite au rapport de visite de risque CHUBB, pour lequel vous deviez retourner 7 fiches de recommandations et d’action depuis le mois de Janvier 2018.

Pourtant, lors d’un « one to one » avec votre manager réalisé le 6 Juillet 2018, ces fiches relevant de notions de compliance en termes de sécurité du site n’étaient toujours pas réalisées. Vos explications concernant l’audit sécurité sont surprenantes, et démontrent une nouvelle fois que vous ne prenez pas la mesure de vos responsabilités. Vous tentez systématiquement de reporter la faute sur les autres, ou sur un prétendu manque de moyens. Or, suite à l’audit sécurité vous n’avez initié aucune démarche. Vous ne vous êtes pas saisi du sujet, vous n’avez réalisé aucune demande d’autorisation de budget via des demandes de CAPEX ou même des devis… C’est votre N+l qui a dû mettre en place certaines mesures pour pallier vos carences.

De même, il apparait que les règles élémentaires de sécurité ne sont pas respectées, voire sues, par vos collaborateurs, y inclus les intérimaires travaillant au sein de votre site. En effet, après un tour de site effectué le 4 Avril 2018 par [F] [E], votre N+2, il a pu constater, en plus d’armoires électriques non verrouillées au niveau du lavoir, que certaines personnes intérimaires travaillaient en calandre avec des voiles, ou boucles d’oreilles pendantes, ce qui est strictement interdit par notre règlement interne pour des raisons évidentes de sécurité au sein de la plateforme de production.

Nous vous rappelons qu’une bonne gestion de site nécessite que vous réalisiez chaque jour ce tour de production.

L’absence de suivi et de respect des mesures de sécurisation de votre site est constatée par le rapport d’accidentologie des [Localité 4] en 2018.

En effet, le comparatif des taux de fréquence et de gravité 2017 et 2018 en cumul, démontrent déjà à Juillet, un taux de gravité passé de 98,27 au titre de 2017 à 177,57 à Juillet 2018 (cumul), soit une augmentation de plus de 80 %. Le taux de fréquence est passé quant à lui de 0,88 à fin 2017 à 3,93 en Juillet 2018, soit un taux qui a plus que triplé en moins d’un an.

Cette situation est inacceptable : vous employez chaque jour plus de 135 collaborateurs, dont les conditions ne sont pas réunies pour travailler en toute sécurité.

Encore une fois, vous tenter de reporter la responsabilité de vos propres négligences en prétendant «qu’il s’agit d’une des conséquences de la politique de la Direction du Territoire qui considère que les projets doivent être menés de front pour tenir à tout prix les objectifs économiques du site ».

De telles affirmations qui ne reposent sur aucun fait sont choquantes. Tout comme vous n’avez jamais demandé de CAPEX, vous n’avez pas formulé les demandes de recrutement nécessaires au bon fonctionnement du site. …Ce sont vos responsables hiérarchiques qui ont dû pallier vos carences en lançant des recrutements pour le site des [Localité 4], notamment en maintenance.

De même, les propos que vous avez tenus en juin 2018, lors d’une visite de votre responsable hiérarchique sont inadmissibles. Lorsqu’il vous a montré plusieurs photographies prises dans les vestiaires de la production juste à l’issue de son tour de site, atterré par l’état d’insalubrité dans lequel ces locaux se trouvaient, vous lui avez indiqué « Si votre seule préoccupation est l’état des toilettes, alors nous ne sommes pas sur la même longueur d’onde ». Vous réfutez désormais vos propos, en rappelant que vous auriez été à l’initiative d’une demande d’investissement. Toutefois vous omettez de préciser que vous aviez demandé en septembre 2017 une ligne d’investissement de 20 k euros, et que 9 mois plus tard, rien n’avait encore été initié.

‘ Une dégradation du climat social

Enfin, sur le volet social, plusieurs dysfonctionnements dans la gestion de vos représentants du personnel nous ont été remontés, créant des situations de tension sociale préjudiciables à la bonne marche de ce site majeur en Ile de France.

En effet, il apparait un manque de communication envers vos représentants du personnel, dont vous indiquez pourtant (‘) fréquemment à votre manager, être constamment en réunion et/ou échange avec eux.

Un courriel transmis le 8 Juillet 2018 à votre manager traduit à l’inverse une exaspération de leur part sur des points non réglés à ce jour.

Le représentant syndical en question indique dans son courriel ne pas avoir accès à la salle CE/DP malgré des demandes répétées à votre encontre. Et pour cause, ces clés ont été uniquement transmises à deux membres, dont l’appartenance syndicale est opposée à la sienne, les mettant donc à l’écart de cette salle et de son utilisation. Il s’agit là d’une décision fautive de votre part, puisque par cette seule action, vous alimentez non seulement le conflit intersyndical sur votre site, mais également de mauvaises relations entre ce syndicat et la Direction.

Dans le même ordre d’idée, ce même représentant syndical vous demande depuis des mois des tableaux d’affichage à clé, comme la loi le prévoit par ailleurs. Vous avez été pour la seconde fois relancé à ce titre le 26 Avril 2018, pourtant force est de constater qu’à date du courriel transmis, cela n’était toujours pas fait.

Le sentiment qui résulte de ce courriel est un manque de considération réciproque, qui, à long terme, menace le climat social de votre site. En effet, l’objet de ce courriel était justement une justification du fait de ne pas vous avoir communiqué le tract qu’il avait diffusé quelques jours plus tôt au sein de votre établissement.

Il indique à ce titre « Je voulais que tu comprennes pourquoi nous nous dispensons de la “courtoisie” de donner nos tracts à notre Directeur ».

Cela se traduit également dans les échanges plus formels que vous entretenez avec ces représentants. Pour exemple, l’ordre du Jour d’une réunion avec l’équipe Distribution organisée début Juillet 2018, dont certains points sont significatifs du climat sur le site :

‘ Aucune écoute de la Direction et du Responsable Distribution

‘ Aucune communication possible avec le Directeur de Site et le Responsable Distribution

‘ Responsable Distribution trop autoritaire et sous l’influence du Directeur de Site

Il s’agissait pourtant d’une réunion d’équipe classique, dans lesquels on ne peut s’attendre à recevoir un tel ordre du jour. Cela dénote un vrai dysfonctionnement dans la gestion de vos relations sociales.

Là encore vous réfutez toute responsabilité en tentant de déplacer le débat (en vous attribuant les mérites de la signature d’un accord) et en tentant de reporter, encore une fois, les carences de votre gestion sur d’autres services….

Compte tenu des responsabilités du poste de Directeur de site qui vous sont confiés les faits qui vous sont reprochés justifient votre licenciement pour les motifs ci-dessous invoqués, et ce d’autant plus que vos carences et négligences mettent notamment en danger la sécurité des salariés dont vous avez la responsabilité.

Les explications que vous nous avez apporté lors de l’entretien qui tenu le 27 août 2018 ne nous permettent pas de modifier notre appréciation des faits. Vos différentes explications ayant eu pour principal objectif de reporter la responsabilité de vos propres négligences et carences sur d’autres, et démontrent votre incapacité à envisager des mesures correctives ou même à vous remettre en question.

La date de première présentation de cette lettre marquera le point de départ de votre préavis de trois mois que nous vous dispensons d’effectuer et au titre duquel vous serez néanmoins rémunéré. Votre mise à pied à titre conservatoire qui vous a été notifiée le 13 août vous sera donc rémunérée. »

En vertu de l’article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par un motif réel et sérieux, et l’article L.1235-1 du même code impartit au juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs fondés sur des faits précis et matériellement vérifiables invoqués par l’employeur, de former sa conviction en regard des éléments produits par l’une et l’autre partie. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Sur la cause

M. [N] évoque sa surcharge de travail et l’insuffisance de ses moyens. Il rappelle la multitude des chantiers de maintenance, empêchant leur réalisation en dépit de ses alertes et ses projets. Il dénie la dégradation du climat social, dont ne justifie pas la mauvaise part d’un représentant syndical qu’un différend disciplinaire opposa à la direction. Il fait valoir la carence probatoire de son adversaire, qui s’est constitué d’incertaines preuves.

La société Initial soutient les griefs énoncés dans la lettre de licenciement.

D’emblée, il sera observé que si la société Initial se prévaut du plan d’accompagnement dont M. [N] aurait eu le bénéfice, elle n’apporte aucun élément sur son contenu ou ses moyens, quand le salarié en dénonce l’artifice.

Sur le chiffre d’affaires

Par un tableau montrant un déficit de chiffre d’affaires de 200.000 euros au 2ème semestre 2018 sans aucune mention d’un site, la société Initial n’établit pas, en tout état de cause, que la raison en serait imputable au salarié, qui le dément en justifiant de la dépendance de la direction de la production au directeur des territoires placé au-dessus de lui par l’échange de mails du 9 mai 2018, et en évoquant, sans être contredit, la décision de ces directions de rompre les relations commerciales avec un client important à cette date.

Si l’employeur parle de commandes supplémentaires non honorées, il n’en administre pas la preuve.

Ce fait ne peut pas être considéré comme un grief soutenant la sanction.

Sur la sécurité

Il est constant que deux accidents du travail sont arrivés les 14 mai et 17 juillet 2018.

Si la société Initial l’en accuse faute de présence dans l’atelier de la production, il convient d’observer que M. [N] n’est pas démenti dans son assertion d’avoir été partiellement absent en juillet, et dans celle d’une cause, pour le premier accident, se trouvant dans un crochet défaillant, suite à quoi il donnait ordre de les contrôler tous, que corrobore le témoignage de M. [B], responsable de production. Dès lors, le reproche de ne pas effectuer une ronde quotidienne est sans portée.

De surcroît, M. [I], salarié, atteste que le 17 juillet 2018, l’accident trouvait son origine dans l’erreur faite par un opérateur, qui enfreignait les consignes de sécurité qu’il connaissait, en omettant de sécuriser la zone dangereuse. Il précise que le management faisait rappel quotidien de ces normes, que M. [N] y procéda lui-même en cette occasion, après l’accident.

M. [B] témoigne du souci de la sécurité de son directeur, qui conduisit à l’arrêt de la production le 25 novembre 2017 pour des désordres de la chaudière, à l’instauration d’une réunion quotidienne afférente, à la poursuite d’enquêtes dans les cas repérés d’accidents évités.

Par ailleurs, M. [N] n’est pas contredit dans son assertion d’une baisse du taux de cotisation accident, passé de 5,37% en 2016 à 3,73% en 2018, et cet indicateur établit le moindre taux d’accidents sous sa direction.

Il justifie par plusieurs échanges, non disputés, avoir entrepris de remplacer divers matériels industriels, tels la presse tunnel, la chaudière, les démêloirs, et avoir lancé un plan de maintenance avec ses fournisseurs de machine. Ses mails des 24 et 30 janvier 2018 laissent voir qu’il menait un plan de prévention au titre de la sécurité, emportant la modification de tapis, de navettes, de grilles et qu’il faisait recenser le nombre de portes d’accès aux zones sécurisées pour validation.

Il justifie encore avoir mis en place un cahier de bonnes pratiques en matière de sécurité, listant les items à surveiller ou en cours de chantier et faisant rappel des règles.

Cela étant, le rapport d’audit des 12 à 14 mars 2018, dont l’authenticité ne saurait être sérieusement querellé à la barre quand son contenu fut débattu au cours de la procédure de licenciement, a relevé de nombreuses non-conformités dont la lettre de licenciement se fait l’écho, dont certaines, comme l’absence de protection de trémies, l’accès possible à des machines en mouvement ou l’inconfort des postures vu leur positionnement sont structurelles et nécessairement anciennes, d’autres concernent des chantiers déjà entrepris par le directeur, comme la rénovation du local des produits lessiviels, l’absence de verrouillage de certaines portes ou accès à des éléments industriels.

L’audit, comptant 36 non-conformités majeures, conclut : « les points de non-conformités techniques et réglementaires doivent être traités compte tenu du niveau de danger : sécurisation du travail en hauteur (verrouillage accès’), carter de sécurité à repositionner/ à mettre en place ; travail sur le blocage des sacs et slings en nappes sales ; travail d’ergonomie. »

En revanche, le « insurance survey action plan » non daté, et contesté, ne saurait pas établir, sous la direction de M. [N], d’autres non-conformités.

Or, il n’est pas contesté que le poste de responsable de maintenance n’était pas pourvu avant la fin de l’année 2017 dans le contexte d’un accroissement de l’activité notamment en 2017, de 17%.

Les vérifications des accès, comme plus généralement le respect des règles, nécessitent un personnel pérenne, suffisant et formé.

Le salarié, qui évoquait au cours de la procédure de licenciement, le recours excessif à l’intérim pourvoyant la moitié des postes ouvriers faute d’ordres d’embauche, n’est pas sérieusement contredit par l’affirmation que cette responsabilité lui incombait, alors que le dossier laisse voir un fort encadrement de la gestion du site, par le contrôle du chiffre d’affaires et des dépenses. En effet, les divers échanges écrits versés aux débats attestent qu’il devait référer à 2 niveaux hiérarchiques, le directeur régional des opérations et le directeur du territoire ouest, pour la validation de dépenses de 15.000 euros sur les pièces des machines.

Il s’en déduit sa faible autonomie, qui le rendait dépendant notamment de la direction du personnel.

A telle enseigne que le mail du 9 mai 2018 de M. [B], responsable de production du site, directement adressé au supérieur de M. [N] exprime que « l’effectif en production a été dimensionné afin de ne pas dépasser l’effectif budget et de maîtriser les flux » et qu’il a été ensuite abaissé d’emblée à l’aune de la prévision d’une moindre activité. Au reste, la réplique du directeur du territoire ouest fut de revoir les prévisions encore à la baisse « en challengeant vos équipes et managers » pour les aligner sur l’objectif, ce qui étaye l’assertion de M. [N] d’une moindre préoccupation de l’employeur de la sécurité, en toute connaissance des résultats de l’audit.

M [B] témoigne de l’impossibilité en raison du manque d’effectifs du service maintenance de mener l’ensemble des actions engagées notamment dans les suites des audits faits en juillet 2017 puis en mars 2018. Il atteste de la demande des directeurs régionaux de déplacer deux emplois venant en soutien des laveurs sans correctif quand ces derniers se plaignaient de maux, et de celle de résoudre les difficultés des slings bloqués par recours à la maintenance déjà débordée, et qui ne put rien faire d’autre ensuite. Il confirme l’assertion de M. [N] de sa demande d’embauche de plus d’intérimaires en mars 2018 pour apurer les stocks de linge sale entreposé, qui fut refusée par sa hiérarchie.

En tout état de cause, aucune directive claire de l’employeur portant des objectifs détaillés à terme n’a suivi les conclusions de l’audit, et il ne justifie pas avoir donné, d’emblée, les moyens d’une amélioration de la situation, alors que le dossier révèle suffisamment que le salarié était sous sa dépendance organisationnelle, faute d’autonomie dans le recrutement et dans l’exposition de la dépense, a fortiori des investissements.

Sur le délégué syndical

Si la société Initial fait grief au salarié du non-accès du délégué syndical de la CFDT à la salle des élus, il n’en reste pas moins qu’il n’était pas élu.

Elle soutient encore qu’il n’avait pas de panneau d’affichage fermant à clé, mais M. [N] établit par mail du 3 mai suivant avoir sollicité le service maintenance qui lui répliquait le lendemain que les serrures étaient cassées et le 9 août qu’il peinait à trouver les serrures adaptées en remplacement, le fabricant ne répondant pas.

Ces griefs ne peuvent être retenus à l’encontre de M. [N], et ils ne présupposent aucune discrimination.

Par ailleurs, le mail du délégué syndical du 6 juillet 2018 adressé au directeur régional des opérations, portant plusieurs revendications sociales et observations imprécises contre la personne du directeur ne saurait pas fonder, en soi, une cause de licenciement, du moment que la preuve n’est rapportée d’aucune situation ainsi décrite comme l’observe M. [N] et a fortiori de leur imputabilité au directeur.

Au reste, M. [N] démontre par la production de divers échanges écrits du dialogue continu avec ce syndicat dans l’entreprise et M. [I] atteste de son écoute et de sa réactivité envers les délégués, de toutes origines.

Il suit de l’ensemble de ces éléments que les griefs du licenciement, dont l’imputabilité au salarié n’est en partie pas établie, manquent pour le surplus de sérieux au regard du fonctionnement global de l’entreprise, sur lequel ce dernier n’avait pas la maîtrise. Il doit être considéré que le licenciement n’est pas causé et le jugement sera infirmé dans son expression contraire.

Sur les conséquences financières

M. [N], qui conteste la conventionnalité des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail au regard des articles 4 et 10 de la convention n°158 de l’Organisation internationale du travail (OIT), de l’article 24 de la charte sociale européenne et de son droit à un procès équitable, sollicite à titre principal la somme de 118.407,24 euros.

Cela étant, les dispositions de la charte sociale européenne selon lesquelles les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en ‘uvre nécessite qu’ils prennent des actes complémentaires d’application et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique visé par la partie IV ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

Par ailleurs, les dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail ne portant pas sur la procédure mais sur l’indemnisation de la rupture non causée, l’invocation par l’appelant des dispositions régissant le procès équitable est sans portée.

De toute façon, ces dispositions sont de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT, au cas d’une méconnaissance de son article 4, disant que le travailleur ne devra pas être licencié sans motif valable.

Dès lors, l’invocation de ces textes ne peut pas conduire à écarter l’application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail, dans leur rédaction issue de l’ordonnance du 22 septembre 2017.

A défaut, M. [N] sollicite 39.469,08 euros sur son fondement, que lui conteste la société Initial du moment qu’en application du barème, il ne pourrait prétendre qu’à une indemnité allant de 27.532,70 à 36.710,27 euros.

Considérant l’ancienneté de l’intéressé dans son poste et sa situation professionnelle après le licenciement, révélée par son profil LinkedIn, d’un emploi dès le mois suivant la fin de son préavis, M. [N] sera justement indemnisé par l’allocation de 30.000 euros bruts.

Sur les conditions

M. [N] fait valoir sa mise à pied conservatoire et la dispense de son préavis, qui l’empêchèrent de quitter dignement l’entreprise, après s’y être pleinement investi.

L’article 1231-1 du code civil dispose que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. »

Il est acquis aux débats que M. [N] fut dispensé de se présenter dans l’entreprise dès le 13 août 2018 et ensuite, d’exécuter son préavis.

Cela étant, l’usage par l’employeur de son pouvoir de direction ne saurait pas être fautif sans autres circonstances caractérisant son abus.

Les prétentions de l’appelant seront rejetées par confirmation du jugement.

II ‘ sur l’exécution du contrat de travail

Sur la convention en forfait jours

M. [N] fait valoir les lacunes des stipulations comme le défaut de contrôle de la charge de travail imposée par l’employeur et en déduit la nullité de la convention.

La société Initial estime que l’intéressé étant cadre dirigeant sans relever d’une convention de forfait en jours, que n’exprime pas son contrat de travail, son argumentation est sans portée.

Le contrat de travail dit : « étant donné la fonction que vous exercez, votre forfait de rémunération est fixé pour une mission sans référence horaire. »

Dès lors, le moyen de M. [N] d’être soumis à une convention de forfait en jours manque en fait.

Néanmoins, il sollicite en tout état de cause le paiement d’heures supplémentaires, en déniant avoir été cadre dirigeant, faute de réunir les conditions cumulatives de l’article L.3111-2 du code du travail ou de participer à la politique économique, sociale et financière de l’entreprise, ainsi qu’en témoigneraient au reste les termes de la lettre de licenciement.

L’article L.3111-2 du code du travail énonce que « les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des titres II et III [relatifs à la durée du travail, aux repos et jours fériés].

« Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement. »

Incidemment, l’article 1.1 de l’accord du 8 mars 2019 dépendant de la convention collective énonce que sont exclus du forfait en jours « les cadres dirigeants, soit en l’état actuel de l’organisation de l’entreprise et à titre d’illustration : les directeurs de région et les membres du comité de direction. Ces cadres bénéficient d’une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, de responsabilités étendues et peuvent engager l’entreprise. »

Cela étant, pour déterminer si un salarié a la qualité de cadre dirigeant, il appartient au juge d’examiner les fonctions réellement exercées par le salarié au regard de chacun de ces critères, cumulatifs, sans s’arrêter à la classification conventionnelle.

Dès lors, le moyen de la société Initial que M. [N] avait la faveur d’une retraite complémentaire allouée dans l’entreprise aux cadres dirigeants est sans portée.

Comme il a été dit et comme l’observe l’intéressé, ainsi qu’en attestent les divers échanges écrits versés aux débats, il devait référer à 2 niveaux hiérarchiques, pour la validation de dépenses de 15.000 euros sur les pièces des machines, et il se voyait refuser l’embauche d’intérimaires si bien qu’en dépit de délégations de pouvoir dont se prévaut la société, il ne disposait pas de l’autonomie requise par l’article L.3111-2 précité, d’interprétation stricte.

Par ailleurs, s’il est constant que M. [N] bénéficiait du statut cadre et était classé au niveau 9.1 de la convention collective le plus élevé des trois prévus par l’accord sur les salaires, et qui parvenait aux termes de l’avenant du 25 avril 2018 à 3.262,52 euros sur la base de 35 heures, cela n’induit pas, alors qu’il recevait selon son contrat de travail la somme de 77.000 euros bruts par an sur 12,70 mois, qu’il percevait une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l’entreprise, la société Initial ne justifiant d’aucun comparatif et d’aucune autre rémunération à ce niveau, seul utile, vu son organisation.

Dès lors, cette stipulation ne lui est pas opposable, quoique sa nullité ne saurait être prononcée, faute de cause.

Sur les heures supplémentaires

M. [N] sollicite le rappel d’heures supplémentaires effectuées d’octobre 2015 à août 2018.

La société Initial fait valoir la prescription triennale, pour les demandes antérieures au 17 janvier 2016, en application des articles L.1471-1 et L.3245-1 du code du travail.

L’article L.3245-1 du code du travail dispose que « L’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat. »

Cela étant, le contrat de travail ayant été rompu le 11 septembre 2018, le requérant peut réclamer, en tout état de cause, un arriéré des salaires échus moins de trois ans avant la rupture du contrat de travail, et ici dès le mois d’octobre 2015. La fin de non-recevoir sera rejetée.

L’article L.3171-4 du code du travail exprime qu’« en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. »

Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Ici, M. [N] présente d’une part un tableau découpé par semaine, énonçant la quantité horaire effectuée, mentionnant ses congés, d’autre part des tableaux figurant chaque jour ses heures d’embauche et de débauche, précisant sa pause méridienne, que la société Initial ne dispute pas utilement en en relevant la ponctualité, l’inanité des mails tardifs, l’heure de débauche des équipes du soir, ou les renseignements portés sur son agenda, sans communiquer aucun élément probant de nature à établir les horaires effectivement accomplis par l’intéressé quand lui appartient d’assurer le contrôle des heures de travail effectuées en produisant ses propres éléments sur les horaires effectivement accomplis par le salarié.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences légales et réglementaires. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Compte tenu des éléments apportés par l’une et l’autre partie, et étant précisé que l’étendue du travail du directeur d’un établissement industriel ouvert plus de 14 heures par jour ne saurait pas se mesurer à l’aune de ses rendez-vous, il convient d’allouer à M. [N] 100.000 euros de rappel de salaires, augmentés des congés payés afférents, et le jugement sera infirmé dans son expression contraire.

Sur le travail dissimulé

M. [N] fait valoir les heures supplémentaires manquantes sur ses bulletins de paie.

Selon l’article L.8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L.8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire.

L’article L.8221-5 dispose notamment qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Cela étant, le salarié n’invoque ni un défaut de déclaration d’embauche, ni une soustraction aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale.

Il ne résulte pas des éléments en la cause une quelconque intention de l’employeur de ne pas avoir indiqué sur les bulletins de paie l’intégralité des heures de travail effectuées.

Les conditions de l’article L.8221-5 du code du travail n’étant pas réunies, la demande doit être rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

Sur le défaut de respect des repos quotidiens et hebdomadaires

Le salarié réclame 5.000 euros en réparation de son dommage, né du non-respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire.

Cela étant, les articles L.3131-1, L.3132-1 et L.3132-2 du code du travail disent que le salarié bénéficie d’un repos quotidien de 11 heures ou hebdomadaire de 24 heures.

Pour autant, il ne ressort pas suffisamment des éléments versés aux débats que l’intéressé n’eut pas ce bénéfice, et ainsi l’envoi tardif d’un mail ne suppose pas la pérennité d’un travail effectif jusqu’à cette heure. Dès lors, sans manquement, la demande d’indemnisation doit être rejetée. Le jugement sera confirmé à cet égard.

III ‘ sur les autres demandes

Il n’y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil prévoyant que les créances de nature salariale portent intérêts au taux légal, à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues à cette date et à compter de chaque échéance devenue exigible, s’agissant des échéances postérieures à cette date, les créances à caractère indemnitaire produisant intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

La capitalisation est de droit lorsqu’elle est demandée en justice.

L’article 954 du code de procédure civile dit que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion. Le salarié n’exposant aucun moyen au soutien de sa demande de voir condamner l’employeur à lui remettre les bulletins de paie de mai à septembre 2016, sa demande ne saurait pas prospérer.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire

Confirme le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes de M. [R] [N] d’indemnisation de son préjudice distinct, de constat de la nullité de la clause de forfait-jours, de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, d’indemnisation du non-respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire ;

L’infirme pour le surplus ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés ;

Dit le licenciement mal fondé ;

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la société par actions simplifiée Initial ;

Condamne la société par actions simplifiée Initial à payer à M. [R] [N] les sommes de :

30.000 euros bruts au titre de l’indemnité pour licenciement abusif ;

100.000 euros bruts de rappel d’heures supplémentaires effectuées d’octobre 2015 à août 2018 ;

10.000 euros bruts de congés payés afférents ;

Ordonne la remise des documents de fin de contrat (attestation Pôle-emploi, solde de tout compte et certificat de travail) conformes à la présente décision dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt ;

Rejette le surplus des demandes ;

Dit que les créances de nature contractuelle sont productives d’intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues à cette date, et à compter de chaque échéance devenue exigible, s’agissant des échéances postérieures à cette date, et que les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant ;

Ordonne la capitalisation de ces intérêts à condition que ces intérêts soient dus au moins pour une année entière ;

Condamne la société par actions simplifiée Initial à payer à M. [R] [N] 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux dépens.

– Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame Isabelle FIORE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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