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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 3
ARRET DU 17 MAI 2023
(n° , 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/03578 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CB4XW
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Mai 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 18/01801
APPELANT
Monsieur [S] [B]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Frédéric NAVARRO, avocat au barreau de PARIS, toque : R090
INTIMEE
S.A. PERGAM RCS NARBONNE
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Christian BREMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : R038
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame NEMOZ-BENILAN Roselyne, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Anne MENARD, présidente
Madame Véronique MARMORAT, présidente
Madame Roselyne NEMOZ-BENILAN, magistrat honoraire
Greffier, lors des débats : Sarah SEBBAK
ARRÊT :
– contradictoire
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Anne MENARD, présidente et par Madame Sarah SEBBAK, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [S] [B] a été embauché par la société PERGAM le 24 février 2014 en qualité d’Assistant Gérant de portefeuille, statut cadre.
Le 1er mars 2017, Monsieur [B] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui s’est tenu le 10 mars 2017.
Il a été licencié pour insuffisance professionnelle par lettre du 16 mars 2017, ainsi motivée:’Nous vous rappelons que vous avez été embauché dans la société en qualité d’assistant de gestion et vous aviez pour principale fonction d’assister les gérants dans le cadre suivant :
– préparation et suivi des dossiers relatifs aux clients sous mandat et prospect
(commercial, administratif et réglementaire),
– préparation et suivi des réunions de gestion et réalisation des opérations en lien avec
des décisions de gestion,
– suivi de portefeuilles, suivi des soldes de trésorerie, préparation de fiches d’ordre en
collaboration avec les gérants,
– réalisation de reportings financiers mensuels : collecte de l’information, relances, mise
à jour. traitement de l’information et envois, aide à l’autorisation des données,
– réalisation de recherches, analyse et suivi sur les investissements potentiels et réalisés.
– contacts avec les différents intermédiaires et suivi administratif,
– amélioration et/ou aide à la mise en oeuvre d’outil informatique en coordination avec
le responsable informatique de la société.
Vous aviez donc une mission générale d’assistance et suivi mais vous ne l’avez malheureusement pas remplie.
l- Lors de l’entretien annuel de 27 mars 2015, nous vous avions rappelé qu’il faut appréhender les différentes tâches de votre poste et montrer votre motivation et votre implication.
En effet il apparaissait déjà qu’alors que vous aviez la charge de vous occuper de 9 PEA, il n’y avait pas eu de retour de votre part pendant un mois sur ce que vous deviez faire, vous n’aviez pas fait preuve à cet égard du moindre questionnement et il avait fallu que l’on vous le relance pour contacter le client, faire le point, voir vos capacités, voir les capacités d’investissement complémentaire de ces PEA.
Vous avez répondu lors de l’entretien préalable que vous avez peut-être mis du temps à vous y mettre mais que vous avez effectué correctement le travail et que vous avez même reçu des messages de félicitations.
De même, quant au contrôle des soldes débiteur et créditeur, vous n’aviez pas compris en raison des taux d’intérêt à court terme négatif qu’il convenait de ne pas laisser de la trésorerie à vue et que vous aviez été particulièrement inactif.
Vous avez répondu lors de l’entretien préalable que c’est faux.
Enfin, il était apparu que vous ne vous penchiez pas sur les problématiques des clients et que
vous n’étiez pas réactif face aux demandes des clients.
Vous avez répondu lors de l’entretien préalable que c’est faux.
Nous vous avions donné comme nouveaux objectifs pour l’année à venir de bien remplir vos
amplitudes de travail, d’être attentif à vos tâches, et de développer le fonds de commerce de la societé par une activité commerciale, ceci afin d’évoluer comme envisagé lors de votre embauche vers le poste de ‘Gérant de portefeuille junior’, dont le titre vous a été confirmé en août 2015 suite à l’obtention de votre certification AMF.
2- L’entretien annuel du 29 mars 1016 n’a pas permis de constater de nette amélioration de la situation.
De manière générale, vous n’avez jamais démontré au cours de cette période votre motivation ni vos capacités à assurer la fonction de gérant financier.
Cette fonction suppose un intérêt pour les marchés financiers et leur actualité, la recherche d’idées et de produits d’investissement, un suivi rigoureux et quotidien de l’ensemble des process de la société ainsi qu’un dynamisme et une prise d’initiative.
Vous n’avez jamais fait preuve de l’activité correspondante.
Vous vous êtes d’ailleurs plaint du nombre de tâches administratives qui vous étaient confiées comme si celles-ci ne relevaient pas de vos fonctions.
Or, tout au contraire dans une petite société comme la nôtre, tous les membres de l’équipe
doivent assumer les tâches d’assistance et de suivi, ce que vous n’avez qu’imparfaitement fait Cette fonction suppose un intérêt pour les marchés financiers et leur actualité, la recherche d’idées et de produits d’investissement, un suivi rigoureux et quotidien de l’ensemble des process de la société ainsi qu’un dynamisme et une prise d’initiative.
Vous n’avez jamais fait preuve de l’activité correspondante.
Vous vous êtes d’ailleurs plaint du nombre de tâches administratives qui vous étaient confiées, comme si celles-ci ne relevaient pas de vos fonctions.
Or, tout au contraire dans une petite societé comme la notre, tous les membres de l’équipe doivent assumer des tâches d’assistance et de suivi, ce que vous n’avez que très imparfaitement fait.
Vous avez répondu lors de l’entretien préalable que vous ne comprenez pas ce que cela signifie, que vous ne vous êtes pas plaint, qu’en revanche on vous a demandé de récupérer le rôle de deux personnes à temps plein, le travail d'[C] [N], partie en février 2016, et le votre.
3- Lorsque nous avons réorganisé l’équipe de gestion en avril 2016 et que vous êtes passé dans celle de Monsieur [H] [K], celui-ci a réduit vos tâches administratives et vous a confié la gestion d’une certaine typologie de comptes, à savoir les PEA, que vous étiez déjà censé suivre depuis 2015.
Monsieur [K] a dû avoir plusieurs rendez-vous avec vous au cours desquels il vous a rappelé vos insuffisances.
Lors du premier rendez-vous, fin mai début juin 2016, il vous a été signifié que vous deviez
assurer les missions de gestion de PEA, que vous alliez être déchargé d’une partie des tâches
administratives dont vous vous plaigniez avec l’arrivée d’une nouvelle collaboratrice en août
2016.
Lors du deuxième rendez-vous le 27 septembre 2016, il vous a été signifié que vous ne preniez toujours aucune décision sur les PEA, que sur votre étude d’Hermès vous étiez passé à côté des principaux arguments, que vous ne prenez pas d’initiative, que vous n’aviez pas proposé d’achat de titres, que vous ne vous intéressiez pas au processus de changement de dépositaire pour lesdits PEA [‘] que vous manquiez de connaissance sur l’attribution de performance des PEA, que vous n’aviez pas activé la licence du logiciel IDC pourtant mis à votre disposition, que vous ne suiviez pas les valeurs en portefeuille et que vous n’aviez pas réalisé la sélection trimestrielle.
Vous avez répondu lors de l’entretien préalable que vous n’avez pas du tout le même souvenir de ce rendez-vous, que c’est faux, que monsieur [K] ne vous avait jamais évoqué notamment les points relatifs au changement de dépositaire, ni le suivi des valeurs en portefeuille, que si vous n’aviez pas activé la licence IDC c’est parce que vous aviez déjà un écran Bloomberg déporté, et concernant la sélection trimestrielle, vous avez précisé que bien évidemment que vous v avez participé, et que c’est même vous qui aviez fait la rédaction d’une bonne partie des documents.
4- Monsieur [K] vous a également invité à plusieurs reprises à réfléchir à vos objectifs, votre positionnement, à réajuster vos horaires de travail, à soigner votre tenue vestimentaire, à démontrer de la pro-activité de l’implication dans votre travail de façon générale, à vous impliquer sur le produit de trésorerie portefeuille, à être proactif, inventif, créatif dans la recherche de la sélection des titres cotés.
Il vous a été notifié qu’en l’absence d’amélioration de votre comportement et de votre travail, vous devrez réfléchir à rechercher un autre poste et une autre entreprise car à défaut d’amélioration à venir dans votre prestation vous n’aviez pas votre place au sein de l’équipe de gestion en tant que gérant de portefeuille.
Vous avez répondu lors de l’entretien préalable que vous ne voyez pas de quoi on parle et que concernant votre tenue vestimentaire vous êtes en costume tous les jours sauf le vendredi.
Vous avez également précisé que ces rendez-vous se sont tenus à votre demande, ce qui n’est pas contesté, et qu’un autre rendez-vous s’est également tenu à votre demande en juillet 2016.
Concernant les horaires de travail, vous avez demandé ce qui vous était reproché et quels devraient être vos horaires.
5~ Ces rendez-vous et remarques n’ont pas donné les effets escomptés puisque vous êtes resté passif et vous n’avez pas pris d’initiatives ni de mesures afin de suivre les axes d’amélioration qui vous avaient été indiqués.
Ainsi :
– vous ne vous êtes pas préoccupé au début de l’année 2017, des rapports de gestion semestriels adressés au client dans la deuxième quinzaine du mois de janvier, ce qui a dû être effectué par Monsieur [K].
Vous avez répondu lors de l’entretien préalable: ‘C’est quoi les rapports de gestion ”, Mme [Y] vous a précisé qu’il s’agit des commentaires envoyés avec les portefeuilles aux clients afin de rendre compte de la gestion de leur compte. Vous avez alors indiqué que cela n’a rien à voir avec les PEA puisque c’est un document global indépendamment des orientations de gestion. Mme [Y] vous a donc rappelé que contrairement à ce que vous affirmez, il y a toujours eu des commentaires spécifiques pour chaque orientation de gestion (comptes prudents, équilibrés, dynamiques, PEA).
Vous avez enfin répondu que c’est possible mais qu’on ne vous avait jamais demandé de le faire.
– vous n’avez pas suivi le portefeuille de trésorerie, notamment le vendredi 17 février 2017, date d’échéance des options en portefeuille, ni encore le lundi 20 février, le lendemain de l’échéance où vous n’avez pas renouvelé les positions sur le portefeuille test de Bloomberg.
Vous avec répondu lors de l’entretien préalable qu’on ne vous a jamais donné de Bloomberg et que vous ne pouviez pas suivre le portefeuille car le fichier excel ne pouvait pas être téléchargé à partir de votre poste de travail.
– vous oubliez des comptes débiteurs ce qui génère des relances des dépositaires ou des autres membres de l’équipe.
Vous avez répondu lors de l’entretien préalable que ce n’est pas la vérité.
– vous avez oublié la saisie des ordres de vente des trackers (QQQ) en septembre 20l6.
Vous avez répondu lors de l’entretien préalable que vous n’en avez pas le souvenir.
– Vous n’avez pas réalisé les contrôles demandés lors de la migration de logiciel, Monsieur
[K] a du vous relancer le lundi 9 janvier 2017 à la suite de la non réalisation des contrôles qui vous avaient été demandés le jeudi 5 janvier 2017.
Vous avez répondu lors de l’entretien préalable que vous n’en avez pas le souvenir.
– Vous n’avez pas suivi la mise à jour du dossier demandée par le broker Louis Capital et
l’avez transférée sans vous préoccuper du suivi.
Vous avez répondu lors de l’entretien préalable que vous n’avez rien à vous reprocher.
– Lors de la préparation de la réunion de gestion du 9 février 2017, Monsieur [K] vous a demandé de classer les comptes suivant différents critères. Dans le document rendu tous les critères n’y étaient pas, et la mise en forme était imprésentable. Monsieur [K] a dû le reprendre lui-même afin qu’il soit correct pour la réunion.
Vous avez répondu lors de I’entretien préalable que vous n’avez pas les mêmes souvenirs.
– Vous avez proposé trop peu d’idées d’investissements dans des titres cotés ou des fonds.
Vous avez répondu lors de l’entretien préalable que vous pensez en avoir proposé un certain nombre.
Ainsi votre insuffisance professionnelle est récurrente, permanente, caractérisée, et ce malgré les rappels qui vous ont été faits tout au long de l’exécution de votre contrat de travail’.
À la date de la rupture, la Société PERGAM employait habituellement plus de 10 salariés et Monsieur [B] percevait un salaire mensuel brut de 4.583,33 Euros.
Le 9 mars 2018, Monsieur [B] a saisi le Conseil de Prud’hommes de Paris pour contester son licenciement et en paiement de diverses sommes.
Par jugement du 20 mai 2020, le Conseil de Prud’hommes de Paris l’a débouté de ses demandes.
Le 16 juin 2020, Monsieur [B] a fait appel de la décision.
Par ses dernières conclusions du 15 juillet 2020 auxquelles il est expressément renvoyé en
ce qui concerne ses moyens, Monsieur [B] demande à la cour d’infirmer le jugement, de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société PERGAM à lui payer les sommes suivantes :
– 40 000 Euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 12 591.92 Euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées, outre les congés payés afférents,
– 27 499.98 Euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
– 4.000 Euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Par ses dernières conclusions du 12 octobre 2020 auxquelles il est expressément renvoyé en
ce qui concerne ses moyens, la Société PERGAM demande à la cour de dire le licenciement pour insuffisance professionnelle prononcé justifié et constituant une cause réelle et sérieuse de licenciement, de débouter Monsieur [B] de sa demande d’indemnisation pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ; de dire que par suite de la convention de forfait de 10 % figurant dans le contrat de travail conforme aux articles L 321, 54 et 55 du Code du travail alors applicables, Monsieur [B] ne peut réclamer aucune heure supplémentaire ; de dire et juger en outre qu’il ne justifie pas avoir accompli des heures supplémentaires, de le débouter en conséquence de sa demande de complément de salaire pour heures supplémentaires et de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé ;
Elle sollicite condamnation de Monsieur [B] à lui payer la somme de 1.500 Euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
MOTIFS
Sur le licenciement
En vertu des dispositions des articles L.1232-1 et suivants du Code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, c’est-à-dire être fondé sur des éléments objectifs, vérifiables et imputables au salarié ; le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et lorsqu’un doute subsiste, il profite au salarié.
Pour établir les multiples griefs qui sont énoncés dans la lettre de licenciement, la Société PERGAM verse aux débats deux fiches d’entretien annuel, l’une de mars 2015, l’autre de mars 2016, un courrier confidentiel du 26 mars 2015, adressé par la supérieure hiérarchique de M.[B] au président de la société, et quelques échanges de mails.
S’agissant d’abord de la fiche d’entretien de mars 2015, outre le fait que, comme le fait valoir M.[B], elle n’est pas signée, il y est seulement mentionné un rappel d’objectifs énoncés en caractères généraux (appréhender les différentes tâches du poste, montrer sa motivation et son implication, bien remplir ses amplitudes de travail, être attentif à ses tâches). Les reproches sous-jacents sont précisés dans le courrier confidentiel du 26 mars, qui relève qu’il n’y a pas de questionnement sur les 9 PEA qui lui ont été confiés, pas d’action sur le panel de clients, pas de suivi trésorerie et des soldes débiteurs.
À supposer que ces négligences, constatées en mars 2015, soient réelles, ce que conteste M.[B], rien ne permet d’établir qu’elles ont persisté, M.[B] versant aux débats plusieurs tableaux, courriers d’alerte et envoi de mails avec des comptes-rendus sur le suivi des relations avec les clients, adressés à la direction. Celle-ci prétend que ces documents – qui selon elle sont soit des courriers lapidaires de transferts d’information, soit des compilations de données fournies par des tiers, sans aucune analyse personnelle, voire de simples ‘copier-coller’ -, ne sont pas révélateurs de son implication et de son activité. Il reste qu’elle ne produit de son côté aucune pièce pour justifier que, postérieurement à l’entretien de mars 2015, elle se soit inquiétée des carences qu’elle dénonce ou des mauvaises performances des PEA qui avaient été confiés à M.[B].
Contrairement à ce qu’affirme la Société dans ses écritures, la fiche d’entretien annuelle de mars 2016 ne fait pas état de l’absence d’amélioration de la situation. Cette fiche, non signée par l’intéressée est particulièrement succincte, se bornant à mentionner comme nouveaux objectifs, d’après ce que la cour a pu lire ‘management’, ‘flexibilité’ et ‘formation’, sans aucun rapport donc avec une absence d’implication et d’activité.
S’agissant des entretiens qui auraient eu lieu postérieurement, en juin et septembre 2016, avec le nouveau supérieur hiérarchique de M.[B], monsieur [K], la société ne verse pas la moindre pièce, ne serait-ce qu’une attestation de ce dernier, pour justifier du contenu de ces entretiens au cours desquels plusieurs reproches auraient été formulés, ce que M.[B] conteste, faisant valoir que c’est lui-même qui avait provoqué ces entretiens. Il admet dans ce même courrier qu’il lui a été demandé d’arriver plus tôt que ce que prévoit son contrat de travail, mais conteste tout manque d’implication
Restent les 4 échanges de mails de septembre 2016, novembre 2016, janvier et février 2017 entre M.[B] et sa hiérarchie.
Le premier porte sur une saisie des ordres de vente des trackers (QQQ), qui aurait été oublié par M.[B], grief qui doit être écarté dès lors qu’il apparaît au contraire, à la lecture des mails, que ces ordres ont bien été saisis par l’intéressé. Il en va de même de l’échange du 14 novembre 2016 sur un prétendu oubli de comptes débiteurs, l’unique demande de la hiérarchie suite à la liste fournie par M.[B] étant de vérifier un compte qui figurait précisément dans la liste transmise par le salarié et aucune pièce n’est d’ailleurs produite pour établir les relances des dépositaires et autres membres de l’équipe comme mentionné dans la lettre de licenciement.
Le mail du 9 janvier de M.[K] n’a aucun contenu, ce qui avalise la version de M.[B] selon laquelle il s’agissait non pas d’une relance, contrairement à ce qui est mentionné dans la lettre de licenciement, mais du transfert d’un mail du 5 janvier dont il n’avait pas pu avoir connaissance.
Enfin, sur le suivi de la ‘mise à jour du dossier demandée par le broker Louis Capital’, il ressort de l’échange de mails de février 2017 que la demande de documents avait été transférée par M.[B] à une autre salariée à la demande de son supérieur hiérarchique.
Il résulte de ce qui précède que les griefs ci-dessus ne sont pas suffisamment établis pour caractériser une insuffisance professionnelle. Quant aux autres griefs énoncés dans la lettre de licenciement, ils ne sont étayés par aucune pièce et ne reposent donc sur aucun élément objectif et matériellement vérifiable. Il convient, dans ces conditions, d’infirmer le jugement et dire le licenciement de M.[B] sans cause réelle et sérieuse.
M.[B] ne donne aucune information sur sa situation postérieure au licenciement. Compte tenu de son ancienneté dans l’entreprise et du montant de sa rémunération, il convient de lui allouer, conformément aux dispositions de l’article 1235-3 du code du travail applicable à la date du licenciement, une somme de 28.000 Euros à titre de dommages et intérêts.
Sur les heures supplémentaires
En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
En l’espèce M.[B] verse aux débats un tableau très détaillé des heures supplémentaires qu’il prétend avoir accomplies entre le 19 mars 2014 et le 2 mars 2017. En réponse, la Société PERGAM se borne, dans un premier temps, à contester ce tableau, prétendant que l’intéressé ne travaillait pas plus de 7 heures par jour ou qu’il préférait naviguer sur internet pendant ses heures de travail, mais sans verser aux débats aucune pièce pour contredire utilement les horaires mentionnés dans ce tableau.
La Société PERGAM fait ensuite valoir que le contrat de travail de M.[B] prévoyait une clause de forfait, ainsi libellée ‘En contrepartie de l’accomplissement de ses fonctions, le salarié percevra un salaire brut égal à 4.000 Euros par an, soit 3.333,33 Euros par mois payable sur 12 mois.
Cette rémunération est forfaitaire et tient compte des éventuels dépassements d’horaires inhérents à la nature des fonctions et responsabilités exercées, dans la limite de 10% de son temps de travail.’ ; or le temps de travail, sur la base de 35 heures, étant de 1.607 heures elle considère que le quota d’heures supplémentaires prévu n’a pas été dépassé par l’intéressé sur les trois années sollicitées.
Cette argumentation est toutefois inopérante dès lors que ce n’est pas une convention de forfait annuelle qui a été conclue, laquelle nécessiterait qu’un accord collectif la prévoie, mais une convention de forfait de salaire par laquelle les parties conviennent d’inclure dans la rémunération mensuelle un nombre déterminé d’heures supplémentaires, en l’occurrence 10% du temps de travail de M.[B] soit 15,167 heures par mois. Toutes les heures accomplies au-delà de ce quota mensuel sont des heures supplémentaires et doivent être payées comme telles, étant précisé que l’adoption d’un forfait de salaire ne dispense pas l’entreprise de ses obligations en matière de contrôle de la durée du travail.
M.[B], de son côté, ne conteste pas la validité de cette convention de forfait de salaire, tout en omettant d’en tenir compte dans ses calculs.
Au vu du tableau qu’il verse aux débats et compte tenu de l’absence totale de contrôle de ses heures de travail par la Société PERGAM, la cour fixe le rappel de salaires dû par la Société PERGAM au titre des heures supplémentaires accomplies au-delà du forfait mensuel, à la somme de 1.748,92 Euros, outre les congés payés afférents.
Sur le travail dissimulé
Selon les dispositions de l’article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé le fait, pour l’employeur, notamment de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou de mentionner sur celui-ci un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accomplies.
M.[B] prétend que la Société PERGAM s’est volontairement abstenue de payer les heures supplémentaires, au motif que sa charge de travail serait incompatible avec une durée de 35 heures par semaine, argumentation inopérante en l’absence de toute justification – et de toute réclamation – du salarié concernant sa charge de travail.
L’intention de dissimulation n’étant pas établie, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M.[B] de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRME le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur [B] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé ;
L’INFIRME sur le surplus et statuant à nouveau ;
DIT le licenciement de Monsieur [B] sans cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la Société PERGAM à lui payer les sommes suivantes :
– 28.000 Euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 1.748,92 Euros à titre de rappel de salaires pour les heures supplémentaires accomplies au-delà du forfait ;
– 174,89 Euros au titre des congés payés afférents ;
CONDAMNE la Société PERGAM à payer à Monsieur [B] une somme de 4.000 Euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile
MET les dépens de première instance et d’appel à la charge de la Société PERGAM.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE