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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 19 MAI 2023
N° 2023/164
Rôle N° RG 19/18890 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFJC5
SARL AMBULANCES DU PRADO
C/
[M] [Z]
Copie exécutoire délivrée
le :
19 MAI 2023
à :
Me Benjamin ROUX, avocat au barreau de TOULON
Me Nadia DJENNAD, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE/FRANCE en date du 08 Octobre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/02524.
APPELANTE
SARL AMBULANCES DU PRADO, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Benjamin ROUX, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Marie PELLAN, avocat au barreau de TOULON
INTIME
Monsieur [M] [Z], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Nadia DJENNAD, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Madame Emmanuelle CASINI, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Mai 2023.
ARRÊT
Contradictoire
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Mai 2023
Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président, et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Monsieur [M] [Z] a été engagé par la SARL AMBULANCES DU PRADO en qualité d’ambulancier, suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps plein du 1er octobre 2015.
Monsieur [Z] a été sanctionné par des avertissements les 30 juin 2016 et 18 juillet 2016.
Le 9 janvier 2017, Monsieur [Z] a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement fixé au 24 janvier 2017 et, par courrier du 16 février 2017, il a été licencié pour faute grave, pour les motifs suivants :
‘Nous faisons suite à l’entretien préalable auquel nous vous avons convoqué et qui s’est tenu le mardi 24 janvier dernier à 11h dans nos locaux.
Lors de cet entretien, nous avons pu exposer les motifs pour lesquels nous envisagions votre licenciement, et recueillir vos explications éventuelles.
Après réflexion, nous vous notifions votre licenciement pour faute grave.
Cette décision repose sur les motifs suivants :
Le 3 janvier dernier, nous avons été contactés par Monsieur [H], se plaignant d’avoir été percuté le 18 décembre précédent par l’une de nos ambulances alors qu’il circulait sur la voie publique en vélo.
Après vérifications, il s’est rapidement avéré qu’il s’agissait de l’ambulance que vous conduisiez à cette date, Monsieur [H] ayant révélé l’immatriculation de l’ambulance, [Immatriculation 4], et nous ayant adressé une photo de celle-ci le soir de l’accident.
Il est donc parfaitement avéré qu’il s’agissait bien de vous au volant.
Ce monsieur nous a décrit très précisément les circonstances de l’accident dont il a été victime dans un mail du 3 janvier.
Alors qu’il circulait à vélo le 18 décembre dans [Adresse 5], vers 20h00, la chaussée étroite ne permettant pas un dépassement, il indique avoir été klaxonné de manière intempestive par une ambulance se trouvant derrière lui.
Stoppant sa course du fait des klaxonnements, il indique que l’ambulance qui roulait bien trop près l’a percuté, endommageant le garde-boue, l’ensemble dynamo, le dérailleur, ainsi que la roue arrière qui a été voilée.
Par chance, Monsieur [H] n’a pas été renversé.
C’est alors que vous êtes sorti du véhicule en lui hurlant dessus, à tel point qu’il a craint que vous puissiez l’agresser physiquement.
Il précise que votre coéquipier a tenté de calmer au mieux la situation, malgré votre comportement agressif.
Souhaitant clore l’incident dans la mesure où il n’a pas été blessé, ce monsieur a sollicité une prise en charge des réparations de son vélo accidenté.
Il indique que vous lui avez alors littéralement balancé un billet au visage.
Une photographie de l’ambulance a été prise sur le lieu de l’incident, et une femme a été témoin de la collision et de votre emportement excessif.
Votre comportement dans la gestion de cet incident est parfaitement inacceptable.
En perturbant ce cycliste par l’usage abusif de l’avertisseur sonore et en le suivant à quelques mètres à peine, peut être moins, vous avez délibérément adopté un comportement extrêmement dangereux.
Cet incident ne s’est heureusement soldé que par quelques dégâts matériels, mais il est évident qu’il aurait pu avoir des conséquences dramatiques.
Monsieur [H] n’exclut pas de donner des suites à cet incident.
Nous ne pouvons tolérer plus longtemps un tel comportement impulsif, inconscient, agressif, et en tout état de cause dangereux, pour les personnes et les biens, les patients, vos collègues de travail, et les usagers de la route.
Il est en outre manifeste qu’un tel comportement nuit à l’image de notre société, et perturbe son bon fonctionnement.
Cet incident grave se trouve dans la droite ligne de votre attitude ces derniers mois.
Il s’avère en effet que cet incident n’est pas isolé puisque nous avons déjà eu l’occasion au cours des derniers mois de vous notifier plusieurs avertissements disciplinaires les 30 juin puis 18 juillet 2016, auxquels s’ajoutent les multiples remarques verbales que nous avons pu vous formuler sur votre comportement dans les derniers mois, notamment eu égard à votre attitude au volant des véhicules dont nous vous confions le volant.
Conformément aux dispositions de l’article L.1332-5 du Code du travail, nous sommes en droit de prendre en considération lors d’une nouvelle sanction, des faits fautifs et des sanctions préalables remontant à moins de 3 ans.
Compte tenu de l’ensemble de ces griefs, de votre comportement parfaitement inadmissible le 18 décembre 2016, de l’accumulation des faits fautifs sus-évoqués, vous êtes licencié pour faute grave, sans indemnité de préavis votre présence dans notre entreprise, même durant l’exécution d’un préavis, étant impossible.
La rupture de votre contrat est effective à la date de la notification du présent courrier ‘.
Contestant son licenciement et sollicitant le paiement d’heures supplémentaires ainsi qu’une indemnité pour travail dissimulé, notamment, Monsieur [Z] a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille, lequel, par jugement du 8 octobre 2019, a :
– fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 2.003,54 €.
– dit et jugé les demandes recevables.
– dit et jugé Monsieur [Z] fondé dans sa demande de paiement des heures supplémentaires.
– dit et jugé qu’il est donc dû une indemnité pour travail dissimulé.
– dit et jugé que le licenciement est sans cause réelle ni sérieuse.
– qu’il est donc dû une indemnité pour licenciement abusif.
– dit et jugé que sont donc dues à Monsieur [Z] des indemnités de préavis et de licenciement.
– dit et jugé que le licenciement n’avait pas de caractère vexatoire.
En conséquence :
– condamné la société AMBULANCES DU PRADO, prise en la personne de son représentant légal en exercice, à verser à Monsieur [Z] les sommes suivantes :
* 810,26 € au titre des rappels d’heures supplémentaires.
* 81,03 € au titre des congés payés y afférents.
* 12.021,24 € au titre de l’indemnité forfaitaire de travail dissimulé.
* 2.003,55 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis.
* 200,35 € au titre des congés payés sur préavis.
* 550,97 € à titre d’indemnité de licenciement.
* 10.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif.
* 1.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
– ordonné la remise des documents sociaux rectifiés conformément aux condamnations judiciairement fixées, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du 10ème jour suivant la notification de la présente décision.
– ordonné le remboursement par la société AMBULANCES DU PRADO aux organismes concernés des indemnités de chômages versées à Monsieur [Z] dans la limite de six mois, une copie conforme du présent jugement sera adressée aux dits organismes.
– débouté Monsieur [Z] du surplus de ses demandes.
– condamné la SARL AMBULANCE DU PRADO aux dépens de l’instance, y compris les frais de l’huissier instrumentaire en cas d’exécution forcée.
La SARL AMBULANCES DU PRADO a interjeté appel de ce jugement.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 17 juillet 2020, elle demande à la cour de :
– constater, dire et juger que le licenciement de Monsieur [Z] repose sur des faits gravement fautifs.
– dire et juger que les demandes relatives au paiement d’heures supplémentaires sont injustifiées.
– dire et juger qu’aucun élément de préjudice n’est rapporté par Monsieur [Z] à la hauteur de ses prétentions financières.
Par conséquent :
– réformer le jugement rendu le 8 octobre 2019 par le conseil de prud’hommes de Marseille.
– à titre principal, débouter Monsieur [Z] de toutes ses demandes, fins et conclusions.
– le condamner à payer à la société AMBULANCES DU PRADO la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.
– à titre subsidiaire, réduire les dommages-intérêts au titre du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse à de plus justes proportions.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 14 octobre 2020, Monsieur [Z] demande à la cour de :
– recevoir Monsieur [Z] en ses demandes et les dire bien fondées.
– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a dit et jugé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, que les demandes au titre des heures supplémentaires et du travail dissimulé étaient fondées et condamné l’employeur au paiement des indemnités y afférentes.
– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande tendant à la reconnaissance d’un licenciement brutal et vexatoire et minoré le montant de l’indemnité allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conséquent, et statuant à nouveau pour plus de clarté.
– recevoir Monsieur [Z] en ses demandes et les dire bien fondées.
– fixer le salaire brut mensuel moyen à la somme de 2.003,54 €.
– constater que l’employeur n’a pas donné suite à la sommation de communiquer les plannings du salarié sur la période du 1er octobre 2015 au 16 février 2017, documents pourtant obligatoirement en sa possession.
– constater que l’employeur fait obstacle à la révélation de la vérité dans ce litige.
– dire et juger que le salarié a réalisé des heures supplémentaires impayées.
– condamner par conséquent l’employeur au paiement de la somme de 810,26 € à titre de rappel d’heures supplémentaires outre la somme de 81,03 € au titre des congés payés afférents.
– dire et juger que l’employeur s’est rendu coupable de l’infraction de travail dissimulé.
– dire et juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
– condamner la société AMBULANCES DU PRADO à verser au salarié les sommes suivantes :
* 12.021,24 € au titre de l’indemnité forfaitaire de travail dissimulé.
* 2.003,54 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis.
* 200,35 € au titre des congés payés sur préavis.
* 550,97 € au titre de l’indemnité de licenciement.
* 10.000 € au titre des dommages-intérêts pour licenciement abusif.
* 5.000 € au titre des dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire.
– condamner, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du 10ème jour suivant la notification de la décision, l’employeur à remettre au salarié ses documents de fin de contrat rectifiés.
– condamner l’employeur à rembourser à pôle emploi les indemnités de chômage versées dans la limite de six mois.
– dire que toute condamnation portera intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, outre capitalisation annuelle des intérêts échus depuis une année (art. 1154 code civil).
– condamner la société AMBULANCES DU PRADO au paiement de la somme de 2.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Nadia DJENNAD, sur son affirmation de droit.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande en paiement d’heures supplémentaires
En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments, après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties. Dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Monsieur [Z] fait valoir que la société AMBULANCES DU PRADO a organisé un aménagement du temps de travail sur le principe dit de la « quatorzaine » et que ce système, pour être applicable et opposable au salarié, suppose que l’employeur ait strictement respecté la mise en place de trois jours de repos minimum sur les périodes de 15 jours ayant servi de base au décompte du temps de travail et que la durée de travail hebdomadaire n’ait pas dépassé la limite de 48 heures. Or, de telles preuves ne sont pas rapportées par l’employeur alors que, sur la seule période du 4 septembre au 24 septembre 2016, il est démontré, par la production des plannings de cette période, que la règle liée au repos de trois jours entiers n’a pas été respectée rendant inapplicable et inopposable le décompte à la quatorzaine opéré par l’employeur. L’application du décompte des heures de travail selon le régime de droit commun laisse apparaître, au regard des heures déclarées par l’employeur et sous réserve de la production des plannings, une créance à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires de 810,26 € outre 81,03 € au titre des congés payés sur rappel de salaire. A l’occasion des débats de première instance, il avait été fait sommation à l’employeur de communiquer l’intégralité de ses plannings sur la période du 1er octobre 2015 au 16 février 2017, non couverte par la prescription. Or, l’employeur, ni à l’occasion de ses conclusions en réplique de première instance, ni de ses conclusions d’appel, n’a produit les plannings malgré la sommation de communiquer précitée et se contente de critiquer la pertinence des pièces produites et qui répondent parfaitement aux exigences jurisprudentielles en la matière.
Monsieur [Z] produit :
– les plannings journaliers pour la période du 4 septembre 2016 au 24 septembre 2016.
– un décompte des heures supplémentaires réclamées pour la période du mois d’octobre 2015 au mois de janvier 2017.
Ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que Monsieur [Z] prétend avoir accomplies et permettent à l’employeur d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
La SARL AMBULANCES DU PRADO fait valoir qu’elle conteste formellement l’existence des heures alléguées par le salarié qui n’en a d’ailleurs jamais fait état dans le cadre de l’exécution du contrat de travail. Conformément à l’accord-cadre du 4 mai 2000 relatif à l’aménagement et la réduction du temps de travail des personnels des entreprises de transport sanitaire, la durée du travail effectif des salariés à temps plein est décomptée d’une manière spécifique dans le secteur des ambulances et le décompte effectué par Monsieur [Z] ne prend pas en considération les dispositions conventionnelles applicables aux activités de transport sanitaire. De plus, au terme de la jurisprudence désormais bien établie, la charge de la preuve des heures supplémentaires incombe initialement au salarié demandeur et Monsieur [Z] ne verse aux débats aucune pièce pertinente pouvant emporter la conviction de la cour quant au bien-fondé de ses prétentions. En effet, les plannings produits par le salarié n’ont pas été validés par l’employeur et ces éléments ont très bien pu être confectionnés pour les besoins de la procédure et n’ont aucune valeur probante.
*
Alors qu’il appartient à l’employeur d’assurer le contrôle des heures de travail effectuées par le salarié et que la SARL AMBULANCES DU PRADO prétend respecter la législation spécifique applicable au secteur des ambulances, force est de constater que celle-ci ne produit aucune pièce de nature à démontrer le bien-fondé de ses affirmations.
Il ressort du contrat de travail qu’il a été stipulé que (sic) ‘la durée hebdomadaire du travail est fixé à 35 heures en moyenne sur deux semaines consécutives, étant précisé qu’à compter de la 71ème heure de travail seront règle selon la convention collective et le code du travail’.
Selon l’article 4 du décret n° 83-40 du 26 janvier 1983, dans sa rédaction applicable au litige, la durée hebdomadaire du travail des personnels roulant peut être calculée sur une durée supérieure à la semaine, sans pouvoir dépasser trois mois, après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel s’ils existent.
La durée maximale hebdomadaire de travail est déterminée pour le personnel ambulancier sur la base du temps de travail effectif et non sur celle des amplitudes horaires desquelles est déduite la part de l’activité qui ne correspond pas à du travail effectif.
Monsieur [Z] produit un planning pour la période du 4 au 24 septembre 2016 ainsi qu’un décompte (pièce 13) mentionnant le nombre d’heures de travail revendiquées par le salarié et la SARL AMBULANCES DU PRADO ne produit aucune pièce qui démontrerait que le temps de travail effectif du salarié et le heures supplémentaires qui en découlent ne correspondent pas aux indications du décompte produit par Monsieur [Z].
Dans ces conditions, il convient de faire droit à la demande de Monsieur [Z] et de condamner la SARL AMBULANCES DU PRADO à lui payer la somme de 810,26 € au titre des heures supplémentaires et celle de 81,03 € au titre des congés payés afférents.
Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé
Monsieur [Z] conclut qu’en lui remettant des bulletins de salaire mentionnant un nombre d’heures inférieur à celui réellement effectué, l’employeur s’est rendu coupable de l’infraction de travail dissimulé, visée aux articles L.8221-1 et L.8221-5 du code du travail.
La SARL AMBULANCES DU PRADO conclut qu’il appartient au salarié de rapporter la preuve du caractère intentionnel du non-respect par l’employeur des obligations prévues à l’article L.8221-5 du code du travail.
*
L’article L 8223-1 du code du travail prévoit qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L.8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. Il appartient au salarié d’apporter la preuve d’une omission intentionnelle de l’employeur.
Or, en l’espèce, Monsieur [Z] ne rapporte pas la preuve d’une omission intentionnelle de la SARL AMBULANCES DU PRADO lors de la délivrance de bulletins de salaire comportant un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
La demande sera donc rejetée.
Sur le licenciement
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis. Elle doit être prouvée par l’employeur.
Pour démontrer la réalité, l’imputabilité au salarié et la gravité des faits commis et reprochés dans la lettre de licenciement, la SARL AMBULANCES DU PRADO verse :
– un mail adressé par Monsieur [H] à la SARL AMBULANCES DU PRADO le 3 janvier 2017 qui indique : ‘Le dimanche 18 décembre, aux alentours de 20h, je circulais en vélo sur la [Adresse 5]. La chaussée est étroite et ne permet pas le dépassement par les automobilistes. En effet, la distance d’un mètre de large entre voiture et vélo durant le dépassement est impossible à respecter. De plus, de nombreuses voitures sont garées en stationnement illicite, ce qui contraint d’autant plus l’espace disponible pour la circulation sur la chaussée.
L’ambulance (voir photo) immatriculée [Immatriculation 4] m’a d’abord klaxonné plusieurs fois. Elle était derrière moi. Intrigué de connaître la raison de cet incivilité (le klaxon sans danger imminent étant interdit en agglomération), je me suis arrêté. L’ambulance m’est alors, à faible vitesse, rentrée dedans par l’arrière.
Mon vélo était cassé, notamment le pare-boue, l’ensemble dynamo, le dérailleur et une roue était alors voilée.
Le conducteur, maigre, de grande taille, type méditerranéen, est sorti tout excité. Il a crié dans tous les sens que les vélos devraient circuler sur les trottoirs (je lui ai proposé de revoir son code de la route), que je prenais les gens pour des cons, que lui travaillait et que j’étais là pour empêcher les autres de travailler. J’ai vraiment crû qu’il allait me frapper, alors que je n’ai jamais eu un comportement violent ou agressif …
J’ai dit que j’étais prêt à ne pas aller plus loin, n’étant pas blessé, à partir du moment où l’on me remboursait les frais de réparation que j’évaluais à la louche à 50 euros (et je ne parle même pas du temps passé à amener un vélo qui ne roule pas de l’autre côté du centre-ville). Le conducteur m’a alors balancé à la tête un billet plié de 50 euros que j’ai refusé de prendre.
S’il n’y avait pas eu son collègue, ambulancier passager, fort agréable et dans une volonté de conciliation, je serais allé directement au poste de police. Ce monsieur, dont je ne connais pas le nom et dont le numéro de téléphone est le [XXXXXXXX01], m’a donné son numéro et m’a proposé de payer les frais de réparation. Il est plus petit, légèrement plus rond et plus mat de peau, avec une barbe ou un bouc. J’ai du coup fait réparer mon vélo, pour 74 euros (facture ci-jointe). J’ai depuis appelé ce monsieur, qui m’a dit qu’il allait donner suite. Je n’ai jamais eu de retour.
Une dame sur place est témoin de la scène (accident + énervement du conducteur).
Bref, c’est la deuxième fois que je viens vers vous (ambulancier passager et maintenant vous, M. le gérant) dans un but de conciliation. Un tribunal sera à même de juger de ma volonté d’entente amiable avec vous.
Dans l’absence de réponse sous 8 jours, je me permettrais d’engager des poursuites.
Je n’ai pas à subir les infractions au code de la route (klaxon, maîtrise des distances de sécurité, propos contraires au code de la route) et payer de ma poche des réparations dont je ne suis pas responsable’.
– une facture de réparation d’un vélo, au nom de [H] [X], pour la somme de 74 €.
– une attestation de Monsieur [L] qui indique : (sic) ‘mon collègue de travail, Monsieur [Z], donne des coups de claxon pour lui demandé de nous laisser passer et brusquement ont la heurté. Nous sommes descendu du véhicule et nous avons constater des dégat sur sa roue arrière. Le ton et monter entre Monsieur [Z] et Mr [H] et j’ai du les séparé physiquement, a ce moment là Monsieur [Z] a sortie 50 € de sa poche et lui fait signe à Monsieur [H] sur son torse. Celui-ci n’a rien velu accepter et voller un constat et ma demande le numéro de mon patron pour se plaindre de son comportement’.
– une lettre d’avertissement notifiée à Monsieur [Z] le 18 juillet 2016 pour avoir quitté son poste de travail avant l’heure de fin de service, le 27 juin 2016.
Monsieur [Z] conclut que s’il reconnaît l’existence d’une difficulté lors de son intervention le 18 décembre 2017 avec un cycliste, il conteste fermement la version des faits exposée par l’employeur dans la lettre de licenciement et prétend que c’est le cycliste, manifestement choqué par le léger accrochage, qui s’est adressé à lui avec une grande agressivité. Monsieur [L] est à son tour descendu du véhicule et, après avoir constaté que seul le garde bout était endommagé, ils ont proposé au cycliste de le dédommager pour les dégâts constatés. Face au refus du cycliste, ils lui ont alors proposé de prendre les coordonnées de la société et la plaque d’immatriculation dans l’hypothèse où il changerait d’avis. Monsieur [Z] soutient qu’en aucun cas, il n’a eu le comportement déplacé décrit dans la lettre de licenciement. C’est l’employeur qui a demandé au cycliste de déposer une main courante pour obtenir une pièce à charge contre lui et il a également contacté de façon déloyale son ex-épouse pour la faire attester de son prétendu comportement violent.
Monsieur [Z] produit :
– une attestation de Monsieur [L] qui indique : (sic) « Accrochage avec un cycliste sur la voie publique en plein travail dans l’ambulance, nous allions sur une intervention du centre 15. Après avoir percuté légèrement la roue arrière d’un cycliste, mon binôme [M] [Z] est sorti du véhicule et le cycliste l’a agressé verbalement et puis le ton est monté.
Mon collègue de travail [Z] [M] lui a proposé de faire un constat, d’appeler les pompiers ou de le conduire à l’hôpital. Il a refusé.
Nous avons constaté que seul le garde bout était abîmé et comme il a refusé de faire le constat mon collègue lui a proposé de le dédommager en lui donnant 50€ qu’il a refusé. Il lui a conseillé de prendre les coordonnées de la société et la plaque d’immatriculation du véhicule. On lui a même proposé de prendre une photo de la plaque et du nom de la société, dans l’hypothèse où il changerait d’avis concernant son préjudice matériel et éventuellement son préjudice physique. Il a pris les informations et chacun a repris son chemin ».
– l’attestation de Madame [T] qui indique : « En sortant de chez un ami, j’ai assisté à une altercation entre un ambulancier et un cycliste. Le cycliste était en train de crier sur l’ambulancier. J’ai assisté à toute la scène, l’ambulancier s’est gentiment proposé de l’aider, il voulait appeler les secours ou lui donner de l’argent pour réparer son vélo. Le cycliste n’a rien voulu savoir et continuait à crier. Puis le cycliste est reparti. L’ambulancier remontant dans son véhicule, je me suis alors précipité vers lui pour lui proposer au cas où mon aide s’il avait besoin de témoin ».
– la main courante déposée par Monsieur [H] le 11 janvier 2017 dans laquelle il indique: ‘Le 18/12/2016, vers 20h00, j’étais en vélo sur la [Adresse 5]. Un fourgon m’a klaxonné, j’ai freiné il m’est rentré dedans. Le véhicule, une ambulance, m’est rentrée dedans par derrière.
Je ne suis pas tombé et n’ai pas été blessé, mais mon vélo a été endommagé.
Les gars de l’ambulance (immatriculé [Immatriculation 4] chez Prado Ambulance) sont sortis, le conducteur était extrêmement énervé, agressif et vulgaire à mon encontre.
Le passager a été très correct avec moi. Il m’a laissé son numéro de téléphone (06.51.36.35. 47) pour le contacter au sujet du constat.
Je n’ai pas vraiment fait attention mais il me semble qu’ils étaient tous les deux à l’avant dans l’habitacle. Ils ont fini par repartir et moi aussi. J’ai fini à pieds.
Depuis j’ai fait réparer mon vélo pour environ 75 euros.
Je n’ai pas réussi à joindre le passager de l’ambulance directement, mais j’ai contacté l’entreprise par courriel. Je pense que c’est le gérant qui m’a demandé une main-courante pour “accepter” de me rembourser sans passer par un constat amiable’.
– une attestation de Madame [O] qui indique : ‘Le 22 novembre 2017, Monsieur [I] [P] a cherché à me joindre dans le but de me faire faire une fausse attestation concernant mon ex-compagnon Monsieur [Z] [M], comme quoi ce dernier était quelqu’un de potentiellement violent, autant dans sa vie privée que dans sa vie professionnelle’.
Il résulte des pièces produites par les parties que Monsieur [H] a exposé la version des faits par courriel adressé à la SARL AMBULANCES DU PRADO le 3 janvier 2017 qu’il a réitérée dans une main courate du 11 janvier 2016, établie à la demande de l’employeur, non pas pour constituer une pièce à charge contre Monsieur [Z], mais pour caractériser officiellement les faits et procéder au remboursement des frais de réparation du vélo, cette démarche ne pouvant être qualifiée de déloyale.
Il ressort des déclarations de Monsieur [H] et de Monsieur [L] que c’est Monsieur [Z] qui conduisait le véhicule et que c’est bien lui qui, dans un premier temps, a klaxonné dans le but que le cycliste ‘laisse passer’ l’ambulance, sans justifier de la nécessité de procéder à un tel usage de l’avertisseur puis à une telle manoeuvre alors que le cycliste progressait normalement sur la voie de circulation.
De plus, la signature figurant sur l’attestation de Madame [T] est totalement différente de celle inscrite sur la carte nationale d’identité jointe. Madame [T] n’a pas écrit de sa main, à l’emplacement dédié qui reste vide, la mention selon laquelle elle a connaissance du fait que l’attestation sera utilisée en justice et des sanction qu’elle encourt en cas de fausse déclaration. Enfin, l’attestation de Madame [T] ne fait mention que d’un seul ambulancier et ne permet pas de déterminer que c’est bien le comportement de Monsieur [Z] qu’elle décrit alors que, selon les déclarations de Monsieur [H] et de Monsieur [L], il s’agit plutôt du comportement de ce dernier qui est relaté par le témoin. Dans ces conditions, la valeur probante de l’attestation de Madame [T] est assurément insuffisante pour être considérée par la cour.
Il résulte des éléments produits que Monsieur [Z] a bien eu un comportement inadapté et dangereux en perturbant la circulation d’un cycliste par l’usage non justifié et abusif de l’avertisseur sonore, en le suivant de près, en le percutant, en endommageant son vélo puis en lui proposant une indemnisation en dehors de toute procédure légale et d’instruction en ce sens de son employeur. Par la suite, les témoins attestent que le ton est monté et il est donc bien établi que Monsieur [Z], responsable de l’accident, a eu une attitude violente, verbalement et physiquement, à l’égard de la victime de l’accident de la circulation dont il a été le seul responsable pendant le temps de l’exécution de son contrat de travail.
Alors que Monsieur [Z] a déjà été sanctionné par un avertissement le 18 juillet 2016, ces faits imputables au salarié, constituent assurément, dans ce contexte une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible son maintien dans l’entreprise pendant la durée du préavis.
La faute grave est établie et Monsieur [Z] sera donc débouté de ses demandes au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, des congés payés sur préavis, de l’indemnité de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement abusif.
Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire
Monsieur [Z] conclut qu’il justifiait d’une ancienneté d’un an et cinq mois dans la société durant laquelle la qualité de son travail n’a jamais été critiquée. Son licenciement, qui lui a été annoncé brutalement pour des griefs parfaitement faux, est particulièrement vexatoire au regard de son parcours, de son investissement et la qualité de son travail.
Cependant, il ressort des pièce produites que, antérieurement au licenciement, Monsieur [Z] a déjà été sanctionné et que les faits, objets du licenciement, sont bien constitutifs d’une faute grave. Monsieur [Z] ne justifie pas d’un préjudice distinct de celui résultant de la rupture justifiée de contrat de travail.
La demande de dommages-intérêts sera donc rejetée.
Sur les autres demandes
La disposition du jugement relative à la remise des documents de fin de contrat rectifiés (attestation pôle emploi) sera confirmée. Par contre, il n’y a pas lieu de prévoir une astreinte, aucun élément laissant craindre une résistance de la SARL AMBULANCES DU PRADO n’étant versé au débat.
Le licenciement étant fondé, la disposition du jugement qui a condamné l’employeur au remboursement à pôle emploi des indemnités de chômage perçues par le salarié, sera infirmée.
La créance salariale portera intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation, soit à compter du 14 novembre 2017, et les intérêts seront capitalisés dans les conditions prévues par la loi.
Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées et il est équitable de condamner la SARL AMBULANCES DU PRADO à payer à Monsieur [Z] la somme de 1.500 € au titre des frais non compris dans les dépens qu’il a engagés en cause d’appel.
Les dépens d’appel seront à la charge de la SARL AMBULANCES DU PRADO, partie succombante par application de l’article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et en matière prud’homale,
Confirme le jugement déféré en ses dispositions relatives au paiement des heures supplémentaires et des congés payés afférents aux heures supplémentaires, au rejet de la demande de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire, à la rectification des documents de fin de contrat (attestation pôle emploi), à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
L’infirme sur les autres chefs,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Dit que le licenciement de Monsieur [M] [Z] est fondé sur une faute grave,
Déboute Monsieur [M] [Z] de ses demandes en paiement d’une indemnité compensatrice de préavis, de congés payés sur préavis, d’une indemnité de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement abusif et de sa demande en condamnation de l’employeur à rembourser à pôle emploi des indemnités de chômage perçues par le salarié,
Déboute Monsieur [M] [Z] de sa demande au titre de l’indemnité pour travail dissimulé,
Rejette la demande d’astreinte,
Dit que la créance salariale portera intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2017 et que les intérêts seront capitalisés dans les conditions prévues par la loi,
Y ajoutant,
Condamne la SARL AMBULANCES DU PRADO à payer à Monsieur [M] [Z] la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
Condamne la SARL AMBULANCES DU PRADO aux dépens d’appel, distraits au profit de Maître Nadia DJENNAD sur son affirmation de droit.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Ghislaine POIRINE faisant fonction