Tolérance de marque : 19 février 2014 Cour d’appel de Paris RG n° 12/11859

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Tolérance de marque : 19 février 2014 Cour d’appel de Paris RG n° 12/11859
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Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRÊT DU 19 FÉVRIER 2014

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 12/11859

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Mai 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 10/15960

APPELANTE

SA L’OREAL

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

assistée de Me Vanessa DELNAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : P372

substituant Me Isabelle LEROUX,

INTIMÉES

SARL BEAUTE ET PARFUMS

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Jonathan AYACHE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1706

assistée de Me Géraldine ADRAI-LACHKAR, avocat au barreau de MARSEILLE

Société COSMETICA CABINAS S.L.

Prise en la personne de ses représentants légaux

C/Industria 12

[U]

[Localité 1]

Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

assistée de Me Alix PHIQUEPAL D’ARUSMONT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0265

substituant Me Patrice de CONDÉ

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 08 Janvier 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président de chambre

Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère

Madame Anne-Marie GABER, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Marie-Claude HOUDIN

ARRÊT :

– contradictoire

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Benjamin RAJBAUT, président, et par Mme Marie-Claude HOUDIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

Vu l’appel interjeté le 27 juin 2012 par la société L’OREAL (SA), du jugement contradictoire rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 22 mai 2012 (n° RG : 10/ 15960) ;

Vu les dernières conclusions de la société L’OREAL, appelante, signifiées le 9 septembre 2013 ;

Vu les dernières conclusions de la société de droit espagnol COSMETICA CABINAS (SL), intimée, signifiées le 3 septembre 2013 ;

Vu les dernières conclusions de la société BEAUTE ET PARFUMS (SARL), intimée, signifiées le 26 août 2013 ;

Vu l’ordonnance de clôture prononcée le 8 octobre 2013 ;

SUR CE, LA COUR :

Considérant que la société L’OREAL, spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de parfums, produits de toilette et produits cosmétiques, est titulaire de plusieurs marques au nombre desquelles :

-la marque communautaire semi-figurative NOA déposée le 12 avril 2002 et enregistrée le 25 juillet 2003 sous le n° 002 652 170 pour désigner des produits de la classe 3 et notamment des Parfums et eaux de toilette, produits de toilette, produits de bronzage, produits cosmétiques ,

-la marque communautaire verbale SPECIFIQUE déposée le 9 octobre 2001 et enregistrée le 22 janvier 2003 sous le n° 002 404 622 pour désigner en classe 3 des produits pour la chevelure, en particulier les Shampoings, gels, mousses, baumes et produits sous la forme d’aérosol pour le coiffage et les soins des cheveux, et sous laquelle elle commercialise une des lignes de la gamme de produits capillaires KERASTASE,

-la marque communautaire verbale EXTREME déposée le 28 mai 2003 et enregistrée le 8 décembre 2006 sous le n°003 200 201 pour désigner en classe 3 les Shampoings; gels, mousses, baumes et produits sous la forme d’aérosol pour le coiffage et les soins des cheveux; laques pour les cheveux; colorants et produits pour la décoloration des cheveux; produits pour l’ondulation et la mise en plis des cheveux; huiles essentielles , et sous laquelle elle commercialise une des lignes principales de produits de la marque REDKEN ;

Considérant que la société COSMETICA CABINAS, également spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de produits cosmétiques et de maquillage, est titulaire, pour ces produits, de la marque communautaire verbale AINHOA, déposée à l’OHMI le 3 juin 2002 et enregistrée le 9 septembre 2003 ;

Considérant que la société L’OREAL ayant procédé le 19 janvier 2009 au dépôt de la demande de marque communautaire INOA n° 007 534 308 pour certains produits de la classe 3, la société COSMETICA CABINAS, estimant que ce signe portait atteinte à ses droits sur la marque AINHOA, formait opposition le 23 juin 2009 à l’enregistrement de la marque INOA, tandis que la société L’OREAL répliquait en déposant le 13 octobre 2009 un recours en annulation de la marque AINHOA sur le fondement de sa marque NOA ;

Considérant que si la procédure d’opposition est toujours en cours, le recours en annulation a été définitivement rejeté par une décision de la chambre des recours de l’OHMI du 6 juin 2006 confirmant la décision précédemment rendue le 26 juillet 2012 par la division d’annulation ;

Considérant que c’est dans ce contexte que la société L’OREAL, après avoir fait opérer une saisie contrefaçon le 28 septembre 2010 dans les locaux de la société BEAUTE ET PARFUMS, qui commercialisait en France les produits de la société COSMETICA CABINAS, a assigné ces deux sociétés devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de la marque communautaire NOA puis, en cours de procédure, a étendu le grief de contrefaçon aux marques communautaires SPECIFIQUE et EXTREME ;

Considérant que les sociétés défenderesses ont avancé, pour l’essentiel, que les demandes additionnelles pour contrefaçon des marques SPECIFIQUE et EXTREME étaient irrecevables faute de rattachement à la demande principale par un lien suffisant, que la déchéance des droits sur les trois marques communautaires opposées était acquise pour défaut d’usage sérieux à compter du 21 octobre 2006 et pour l’intégralité des produits et services visés dans les enregistrements respectifs, que la demande en contrefaçon au fondement de la marque NOA était atteinte de forclusion, l’exploitation de la marque AINHOA ayant été tolérée pendant une période de plus de cinq ans et qu’en toute hypothèse, aucun risque de confusion n’était avéré entre ces deux marques ;

Considérant que le tribunal, par le jugement dont appel, a :

-déclaré recevables les demandes additionnelles de la société L’OREAL en contrefaçon des marques communautaires SPECIFIQUE n°2404622 et EXTREME n°3200201,

-déclaré recevable la demande en déchéance des droits sur les marques NOA et SPECIFIQUE pour l’ensemble des produits de la classe 3 visés à l’enregistrement,

-déclaré irrecevable la demande en déchéance des droits sur la marque EXTREME formée avant que ne soit écoulé un délai de cinq ans à compter de la publication de la marque,

-prononcé pour défaut d’usage sérieux la déchéance des droits de la société L’OREAL sur la marque semi-figurative communautaire NOA n°2652170 pour désigner en classe 3 des sels pour le bain et la douche non à usage médical; savons de toilette; laits, gels et huiles de bronzage et après-soleil (cosmétiques); produits de maquillage; shampoings; gels, mousses, baumes et produits sous la forme d’aérosol pour le coiffage et le soin des cheveux; laques pour les cheveux; colorants et produits pour la décoration des cheveux; produits pour l’ondulation et la mise en plis des cheveux; huiles essentielles, à compter du 25 juillet 2008,

-prononcé pour défaut d’usage sérieux la déchéance des droits de la société L’OREAL sur la marque verbale communautaire SPECIFIQUE n°2404622 pour désigner en classe 3 les shampoings; gels, mousses, baumes et produits sous la forme d’aérosol pour le coiffage et soins des cheveux; laques pour les cheveux, colorants et produits pour la décoloration des cheveux; produits pour l’ondulation et la mise en plis des cheveux; huiles essentielles, à compter du 22 janvier 2008,

-rejeté la fin de non-recevoir opposée à la demande en contrefaçon formée au fondement de la marque NOA et tirée de la forclusion par tolérance,

-débouté la société L’OREAL de sa demande en contrefaçon de la marque semi-figurative NOA faute de risque de confusion avec la marque AINHOA,

-déclaré irrecevable la société L’OREAL en sa demande en contrefaçon de la marque verbale SPECIFIQUE, demande formée pour des faits survenus après la date de prise d’effet de la déchéance de ses droits sur cette marque,

-débouté la société L’OREAL de sa demande en contrefaçon de la marque verbale EXTREME, ce signe n’ayant pas fait l’objet d’une utilisation à titre de marque par les sociétés incriminées,

-constaté que la demande en garantie formée par la société BEAUTE ET PARFUMS à l’encontre de la société COSMETICA CABINAS se trouvait privée d’objet,

-débouté les sociétés COSMETICA CABINAS et BEAUTE ET PARFUMS des demandes respectives en dommages-intérêts pour procédure abusive,

-condamné la société L’OREAL à payer au titre des frais irrépétibles les sommes de 12.000 euros à la société COSMETICA CABINAS et 3000 euros à la société BEAUTE ET PARFUMS ;

Considérant que le débat se présente dans les mêmes termes devant la cour, les parties reprenant en cause d’appel les prétentions et moyens de défense tels que précédemment soumis aux premiers juges ;

Considérant toutefois que la société BEAUTE ET PARFUMS porte devant la cour, au visa de l’article 526 du Code de procédure civile, une demande de radiation de l’appel au motif que la société L’OREAL n’aurait pas exécuté les condamnations à paiement prononcées à son égard par le jugement déféré, au visa de l’article 906 du Code de procédure civile, une demande de rejet des pièces visées dans les premières conclusions d’appel de la société l’OREAL, signifiées le 25 septembre 2012, qui ne lui auraient pas été communiquées concomitamment à la notification de ces conclusions ;

Sur la procédure,

Considérant qu’il suit des dispositions de l’article 526 du Code de procédure civile que la demande de radiation de l’affaire du rôle, formée en cas d’appel, lorsque le jugement assorti de l’exécution provisoire n’a pas été exécuté, relève de la compétence exclusive du premier président ou, dès qu’il est saisi, du conseiller de la mise en état ;

Que la cour est dès lors incompétente pour en connaître ;

Considérant que les dispositions de l’article 906 du Code de procédure civile, selon lesquelles les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément, ne sont pas prescrites sous peine d’irrecevabilité des pièces qui n’auraient pas été communiquées avec la signification des conclusions ;

Considérant que la société L’OREAL justifiant en toute hypothèse avoir fait signifier par huissier de justice à la société BEAUTE ET PARFUMS, suivant acte du 3 décembre 2012, les pièces n°1 à 76 visées au bordereau de communication de pièces joint à ses conclusions du 25 septembre 2012, la procédure est régulière, le principe du débat contradictoire ayant été respecté ;

Sur la recevabilité des demandes additionnelles en contrefaçon des marques SPECIFIQUE et EXTREME,

Considérant que les sociétés intimées soutiennent que les demandes additionnelles en contrefaçon formées par la société L’OREAL au fondement des marques SPECIFIQUE et EXTREME seraient irrecevables à défaut d’être suffisamment rattachées à la demande en contrefaçon de la marque NOA, objet de l’assignation introductive d’instance ;

Considérant que selon les dispositions de l’article 70 du Code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ;

Considérant en l’espèce que si la société L’OREAL ne formulait aux termes des assignations respectivement délivrées les 20 et 21 octobre 2010 aux sociétés COSMETICA CABINAS et BEAUTE ET PARFUMS que des demandes en contrefaçon de sa marque communautaire NOA n°2652170, elle a invoqué, par conclusions du 16 février 2011, des actes en contrefaçon de ses marques SPECIFIQUE n°2404622 et EXTREME n°3200201 en faisant valoir que les opérations de saisie-contrefaçon diligentées le 28 septembre 2010 avaient permis d’établir que la société COSMETICA CABINAS faisait également usage des signes SPECIFIC et EXTREME pour ses produits, chacun de ces signes désignant une ligne de soins ;

Considérant qu’il suit de ces éléments que les demandes additionnelles en contrefaçon des marques EXTREME et SPECIFIQUE reposent sur les mêmes faits et sur les mêmes fondements de droit que la demande originaire en contrefaçon de la marque NOA outre qu’elles opposent les mêmes parties ;

Qu’elles présentent ainsi un lien de rattachement suffisant avec la demande originaire et doivent être déclarées recevables ainsi qu’il a été jugé avec raison par le tribunal ;

Sur l’intérêt à demander la déchéance des droits de marques pour l’intégralité des produits libellés,

Considérant qu’il est constant que la société L’OREAL développait initialement :

-dans l’acte introductif d’instance, une demande en contrefaçon de la marque NOA pour les produits suivants : parfums, eaux de toilette ; gels et sels pour le bain et la douche non à usage médical, savons de toilette, déodorants corporels ; cosmétiques notamment crèmes, laits, gels et huiles de bronzage et après-soleil (cosmétiques), produits de maquillage, shampoings, gels, mousses, baumes et produits sous la forme d’aérosol pour le coiffage et le soin des cheveux, laques pour les cheveux, colorants et produits pour la décoloration des cheveux, produits pour l’ondulation et la mise en plis des cheveux, huiles essentielles , soit pour l’intégralité des produits de la classe 3 visés dans l’enregistrement de la marque ;

-dans ses écritures du 16 février 2011, des demandes en contrefaçon de sa marque SPECIFIQUE n° 2404622 en ce qu’elle désigne : les Shampoings; gels, mousses, baumes et produits sous la forme d’aérosol pour le coiffage et les soins des cheveux; laques pour les cheveux; colorants et produits pour la décoloration des cheveux; produits pour l’ondulation et la mise en plis des cheveux; huiles essentielles, ( ces produits correspondant à la totalité des produits de la classe 3 visés dans l’enregistrement de la marque), et de sa marque EXTREME n°3200201sans plus de précision sur les produits opposés, ce dont il y a lieu de déduire que sont opposés tous les produits couverts par l’enregistrement ;

Considérant que la société COSMETICA CABINAS ayant par ses écritures du 6 février 2012 conclu à la déchéance, pour défaut d’usage sérieux, des droits de la société L’OREAL sur les trois marques opposées, pour l’intégralité des produits et services libellés aux enregistrements respectifs, avec effet au 21 octobre 2006, la société L’OREAL, aux termes de ses dernières écritures de première instance, signifiées le 15 février 2012, indiquait limiter ses demandes en contrefaçon aux produits suivants :

-s’agissant de la marque communautaire NOA n° 2652170 : Parfums, eaux de toilette; gels et sels pour le bain et la douche non à usage médical; savons de toilette; déodorants corporels; cosmétiques notamment crèmes, laits, lotions, gels et poudres pour le visage, le corps et les mains; laits, gels et huiles de bronzage et après-soleil (cosmétiques),

-concernant la marque communautaire SPECIFIQUE n° 2404622 : Shampoings, gels, mousses, baumes et produits sous la forme d’aérosol pour le coiffage et les soins des cheveux,

-concernant la marque communautaire EXTREME n°3 200 201 : Shampoings, gels, mousses, baumes et produits sous la forme d’aérosol pour le coiffage et les soins des cheveux ;

Considérant que selon la société L’OREAL, la société COSMETICA CABINAS n’a intérêt à agir en déchéance pour défaut d’usage sérieux que pour les produits précités qui sont ceux qui lui sont expressément opposés au soutien de la demande en contrefaçon ;

Mais considérant que selon les dispositions de l’article 31 du Code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention ;

Que par ailleurs, l’article 51 du Règlement (CE) n° 207/2009 sur la marque communautaire dispose que la déchéance des droits sur la marque peut être demandée à titre reconventionnel dans une action en contrefaçon ;

Considérant qu’il s’infère en l’espèce des éléments de la procédure que les sociétés L’OREAL et COSMETICA CABINAS déploient concurremment leur activité économique dans le domaine des produits pour la toilette, des produits de beauté, des produits de maquillage, des produits cosmétiques, que, compte tenu de cette circonstance, la société L’OREAL a estimé utile d’invoquer au soutien des demandes en contrefaçon de ses marques l’intégralité des produits de la classe 3 couverts par ces marques, avant de retrancher certains de ces produits dans le but de les faire échapper aux demandes en déchéance de la partie adverse ;

Considérant que la société COSMETICA CABINAS est dès lors fondée à prétendre que si la société L’OREAL a trouvé un intérêt à lui opposer, au soutien de demandes en contrefaçon, l’ensemble des produits respectivement couverts par les enregistrements invoqués, elle-même justifie ainsi d’un intérêt légitime à demander la déchéance pour l’ensemble de ces produits ;

Qu’en effet, rien n’interdirait à la société L’OREAL d’intenter à nouveau une action en contrefaçon de ses marques à l’encontre de la société COSMETICA CABINAS pour les produits qu’elle renonce à opposer dans le cadre de la présente procédure ;

Considérant, par voie de conséquence, que la société COSMETICA CABINAS est recevable à poursuivre la déchéance des droits de la société L’OREAL sur les trois marques invoquées, pour l’intégralité des produits de la classe 3 couverts par ces marques ;

Que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Sur le mérite des demandes en déchéance des droits sur les trois marques invoquées,

Considérant que selon l’article 15-1 du Règlement (CE) n° 207/2009 sur la marque communautaire :

Si, dans un délai de cinq ans à compter de l’enregistrement, la marque communautaire n’a pas fait l’objet par le titulaire d’un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, ou si un tel usage a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque communautaire est soumise aux sanctions prévues au présent règlement, sauf juste motif pour le non-usage (…) ;

Que l’article 51 de ce même Règlement dispose :

Le titulaire de la marque communautaire est déclaré déchu de ses droits (…)

a) si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, et qu’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage ; toutefois, nul ne peut faire valoir que le titulaire est déchu de ses droits, si, entre l’expiration de cette période et la présentation de la demande ou de la demande reconventionnelle, la marque a fait l’objet d’un commencement ou d’une reprise d’usage sérieux (…) ;

Considérant que les trois marques communautaires visées par l’action en déchéance pour défaut d’usage sérieux ont été respectivement enregistrées le 25 juillet 2003 pour la marque NOA, le 22 janvier 2003 pour la marque SPECIFIQUE, le 8 décembre 2006 pour la marque EXTREME ;

Qu’il importe, au sens des dispositions qui précèdent, de rechercher si les marques litigieuses ont fait l’objet d’un usage sérieux sur une période de cinq ans à compter des enregistrements respectifs, c’est-à-dire :

-pour la marque NOA, la période du 25 juillet 2003 au 25 juillet 2008,

-pour la marque SPECIFIQUE, la période du 22 janvier 2003 au 22 janvier 2008,

-pour la marque EXTREME, la période du 8 décembre 2006 au 8 décembre 2011 ;

Qu’il est à cet égard précisé qu’il incombe au titulaire de la marque de rapporter les preuves d’un usage sérieux de la marque relativement à la période concernée de cinq ans ;

Qu’il doit être enfin ajouté que seules sont pertinentes à caractériser un usage sérieux de la marque, les preuves d’un usage conforme à la fonction essentielle de la marque qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine d’un produit ou d’un service, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance ;

Considérant que la société L’OREAL verse aux débats, s’agissant de la marque NOA, des publicités extraites de magazines datés de 2008, 2010 et 2011 pour une eau de toilette identifiée par l’appellation NOA, des coupures d’écran en date du 11 octobre 2010 du site internet www.cacharel.com exposant des flacons d’eau de toilette, d’eau de parfum, de lait pour le corps, de gel moussant et de déodorant sur lesquels sont apposés la marque ;

Considérant que ces éléments ajoutés à des listes de prix et à des factures de commercialisation afférentes aux années 2006, 2007, 2008, 2009, 2010 et 2011 pour de l’eau de toilette, de l’eau de parfum, du lait pour le corps, du gel moussant, du déodorant, établissent un usage sérieux de la marque pour les parfums, eaux de toilette ;gels pour le bain et la douche non à usage médical; déodorants corporels; cosmétiques notamment crèmes, laits, lotions, gels et poudres pour le visage, le corps et les mains visés à l’enregistrement ;

Considérant que la cour constate en revanche que la société L’OREAL ne rapporte aucune preuve d’exploitation de la marque NOA, ni sur la période du 22 juillet 2003 au 22 juillet 2008, ni, pour justifier le cas échéant d’une reprise de l’usage de la marque, sur la période postérieure au 22 juillet 2008, pour les autres produits du libellé de l’enregistrement à savoir en classe 3, les sels pour le bain et la douche non à usage médical; savons de toilette; laits, gels et huiles de bronzage et après-soleil (cosmétiques); produits de maquillage; shampoings; gels, mousses, baumes et produits sous la forme d’aérosol pour le coiffage et le soin des cheveux; laques pour les cheveux; colorants et produits pour la décoration des cheveux; produits pour l’ondulation et la mise en plis des cheveux; huiles essentielles ;

Que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a prononcé, pour les produits précités, la déchéance des droits de la société L’OREAL sur la marque communautaire NOA n° 2652170 à compter du 25 juillet 2008 ;

Considérant, s’agissant de la marque SPECIFIQUE, que la société L’OREAL verse à la procédure les catalogues de prix pour les années 2006, 2007, 2008, 2009, 2010 et 2011, destinés aux coiffeurs revendeurs ;

Considérant que la cour observe que ces catalogues mettent en exergue en première page de couverture le signe ‘KERASTASE Paris’ et énumèrent dans les pages intérieures des gammes de produits pour les cheveux dont une ‘gamme spécifique’ , une ‘gamme nutritive’ et une ‘gamme résistance’ ;

Considérant que le terme ‘spécifique’ est ici perçu, de même que les termes ‘nutritive’ et ‘résistance’ comme un signe descriptif d’une qualité ou d’une caractéristique du produit et non pas comme une marque destinée à identifier l’origine commerciale du produit, la fonction de la marque étant assurée par le signe parfaitement arbitraire ‘KERASTASE Paris’ en couverture du catalogue et en-tête de chacune des pages intérieures du catalogue ;

Considérant, par ailleurs, que les publicités extraites de publications de 2009 et 2010 ainsi que les coupures d’écran du site internet www.kerastase.fr datées de février 2011, montrent des flacons sur lesquels le signe SPECIFIQUE est inscrit en petits caractères entre, au sommet, le signe KERASTASE qui le surplombe en gros caractères et, à la base, la lettre majuscule K prolongée d’une large bande de couleur horizontale qui lui sert de socle ;

Considérant que le tribunal a retenu avec raison, au terme de ces constatations, que l’utilisation ainsi faite de la marque verbale SPECIFIQUE, à laquelle sont ajoutés d’autres éléments dénominatif et figuratif présentant un caractère dominant, altère le caractère distinctif de la dénomination SPECIFIQUE qui se fond dans un ensemble où elle perd son autonomie et son pouvoir attractif propre ;

Qu’il s’en infère que le terme SPECIFIQUE tel qu’il est apposé sur les produits qu’il est destiné à distinguer, est inapte à remplir la fonction essentielle de la marque qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit marqué ;

Considérant que faute pour la société L’OREAL de justifier d’une utilisation de la marque conforme à la fonction de la marque, le jugement dont appel sera confirmé en ce qu’il a prononcé à compter du 22 janvier 2008 la déchéance des droits sur la marque SPECIFIQUE pour tous les produits visés à l’enregistrement à savoir en classe 3 les Shampoings; gels, mousses, baumes et produits sous la forme d’aérosol pour le coiffage et les soins des cheveux; laques pour les cheveux; colorants et produits pour la décoloration des cheveux; produits pour l’ondulation et la mise en plis des cheveux; huiles essentielles ;

Considérant, concernant la marque verbale EXTREME, que les pages publicitaires et coupures d’écran datées de 2010, 2011, 2012, exposent des flaconnages qui mettent en exergue la marque REDKEN se déployant en caractères gras sur toute la largeur du conditionnement, le signe EXTREME, suivi de la description du produit : ‘EXTREME shampoo’, ‘EXTREME conditionner’ occupant quant à lui un petit espace en partie inférieure droite du flaconnage ;

Or considérant que la place dominante accordée au signe hautement arbitraire REDKEN altère le caractère distinctif de la dénomination EXTREME qui est à l’inverse très évocatrice de la qualité des produits pour cheveux qu’elle désigne ;

Que, de surcroît, inséré au sein d’expressions telles que ‘EXTREME shampoo’, ‘EXTREME conditionner’, le signe EXTREME est compris comme un adjectif qualificatif se rapportant au nom commun qui le suit et perd inéluctablement de sa force distinctive ;

Considérant qu’il suit de ces observations que le signe EXTREME n’est pas utilisé par la société L’OREAL à titre de marque apte à garantir l’identité d’origine des produits sur lesquels elle est apposée ;

Que force est à cet égard de relever que les publicités versées aux débats présentent le produit promu accompagné du slogan ‘REDKEN pousse le soin à l’extrême’, ce dont il ressort que c’est le signe REDKEN qui assure la fonction de la marque et qu’à ses côtés, le signe EXTREME ne revêt tout au plus qu’un caractère évocateur ;

Considérant que la demande en déchéance des droits sur la marque EXTREME sera en conséquence accueillie et la déchéance prononcée à compter du 8 décembre 2011 pour tous les produits visés à l’enregistrement c’est-à-dire, en classe 3, les Shampoings; gels, mousses, baumes et produits sous la forme d’aérosol pour le coiffage et les soins des cheveux; laques pour les cheveux, colorants et produits pour la décoloration des cheveux; produits pour l’ondulation et la mise en plis des cheveux; huiles essentielles ;

Que le jugement sera réformé sur ce point ;

Sur la forclusion par tolérance,

Considérant qu’il résulte des développements qui précèdent que la demande en déchéance des droits sur la marque NOA n’est pas fondée en ce qui concerne les parfums, eaux de toilette ;gels pour le bain et la douche non à usage médical; déodorants corporels; cosmétiques notamment crèmes, laits, lotions, gels et poudres pour le visage, le corps et les mains visés à l’enregistrement ;

Considérant que la demande en contrefaçon de la marque NOA formée par la société L’OREAL est dès lors recevable pour les produits précités ;

Considérant que pour combattre la demande en contrefaçon les sociétés intimées font valoir que la société L’OREAL avait connaissance depuis plus de cinq ans de l’utilisation par la société COSMETICA CABINAS du signe incriminé AINHOA pour des produits de la classe 3 et opposent en conséquence la fin de non recevoir tirée de la forclusion par tolérance ;

Considérant que selon les dispositions de l’article 54 du Règlement sur la marque communautaire, Le titulaire d’une marque communautaire qui a toléré pendant cinq années consécutives l’usage d’une marque communautaire postérieure dans la Communauté en connaissance de cet usage, ne peut plus demander la nullité ni s’opposer à l’usage de la marque postérieure sur la base de cette marque antérieure pour les produits ou services pour lesquels la marque postérieure a été utilisée, à moins que le dépôt de la marque postérieure n’ait été effectué de mauvaise foi ;

Considérant, en l’espèce, que la marque AINHOA a fait l’objet d’un dépôt communautaire en classe 3 du 3 juin 2002 ;

Considérant que les pièces versées à la procédure montrent que depuis l’année 2000, la marque AINHOA a fait l’objet, pour des produits de la classe 3, de publications publicitaires nombreuses et régulières dans différents pays de l’Union européenne et en particulier la France notamment dans les revues ELLE et VOGUE ;

Considérant qu’il est au surplus établi que la marque AINHOA et les marques de la société L’OREAL ont été promues dans les mêmes publications françaises, italiennes, espagnoles, parfois dans le même numéro, ainsi le numéro de septembre 2003 du magazine italien ESTETICA VIVA, le numéro de juillet 2003 de la revue coréenne IN STYLE, le numéro de novembre 2009 du magazine espagnol C&C MAGAZINE ;

Considérant que les programmes des différents salons professionnels internationaux qui se sont tenus depuis 2001, en particulier le salon LOOK INTERNATIONAL organisé à Madrid en 2004, justifient de la présentation par la société COSMETICA CABINAS des produits AINHOA et de la participation de la société L’OREAL à ces mêmes salons ;

Considérant qu’il est établi que les sociétés L’OREAL et COSMETICA CABINAS sont toutes deux adhérentes, depuis 2006, de l’association espagnole de parfums et cosmétiques STANPA ;

Considérant enfin qu’il s’infère de ces éléments que la société L’OREAL avait nécessairement connaissance, depuis plus de cinq ans au jour de l’assignation en contrefaçon délivrée le 20 octobre 2010 à la société COSMETICA CABINAS, de l’exploitation par cette société de la marque AINHOA pour des produits de la classe 3;

Considérant qu’il sera fait droit en conséquence à la fin de non-recevoir tirée de la forclusion par tolérance opposée à demande en contrefaçon incriminant la marque AINHOA ;

Que le jugement dont appel sera réformé sur ce point ;

Sur la demande en contrefaçon de la marque SPECIFIQUE,

Considérant que cette demande est irrecevable dès lors que les actes incriminés de contrefaçon de la marque SPECIFIQUE ont été constatés par procès-verbal de saisie-contrefaçon du 28 septembre 2010, soit postérieurement à la déchéance des droits de la société L’OREAL sur la marque prononcée à compter du 22 janvier 2008 ;

Sur la demande en contrefaçon de la marque EXTREME,

Considérant que cette demande est en revanche recevable, la déchéance des droits sur cette marque n’ayant été prononcée qu’à compter du 8 décembre 2011 ;

Considérant qu’il ressort du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 28 septembre 2010 ainsi que des procès-verbaux de constat établis le 8 octobre 2010 et le 25 novembre 2010 et enfin des coupures de presse et des extraits de sites internet versés aux débats, que la société COSMETICA CABINAS utilise le terme EXTREME pour des produits de soin pour le visage de la marque AINHOA au sein des expressions suivantes :

-specific extreme eclat instant,

-specific extreme plus repair,

-specific extreme eye active repair,

-specific extreme active repair cream ;

Considérant qu’il s’infère de ces constatations que le terme incriminé ‘extreme’ n’est jamais utilisé seul mais fondu dans des expressions où il remplit la fonction d’un adjectif qualificatif se rapportant au nom commun qui le suit (repair cream, eye repair ) ;

Qu’il est ainsi perçu comme descriptif d’une caractéristique du produit, le consommateur comprenant aisément les termes ‘extreme’ et ‘specific extreme’ comme suggérant que les produits auxquels ils s’appliquent sont d’une extrême efficacité et spécifiquement étudiés pour répondre au problème à traiter ;

Considérant que la société COSMETICA CABINAS n’utilisant pas le signe incriminé ‘extreme’ à titre de marque, l’action en contrefaçon qui n’est autorisée que dans les cas où l’usage du signe par un tiers porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer, sans confusion possible, ce produit ou service de ceux qui ont une autre provenance, ne saurait prospérer ;

Que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point ;

Sur les autres demandes,

Considérant que les demandes en dommages-intérêts respectivement formées par les sociétés intimées pour procédure abusive seront rejetées, aucun élément ne permettant d’établir que la société L’OREAL, qui a pu se méprendre sur l’étendue de ses droits, a agi en justice par mauvaise foi, légèreté blâmable ou intention de nuire ;

Considérant que l’équité commande d’allouer à chacune des sociétés intimées une indemnité complémentaire de 10.000 euros ;

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement dont appel sauf en ce qu’il a déclaré irrecevable la demande en déchéance des droits sur la marque EXTREME et en ce qu’il a rejeté la fin de non recevoir tirée de la forclusion par tolérance,

Statuant à nouveau des chefs réformés,

Déclare la société L’OREAL déchue de ses droits à compter du 8 décembre 2011 sur la marque communautaire verbale EXTREME n° 3 200 201 pour désigner en classe 3 les Shampoings; gels, mousses, baumes et produits sous la forme d’aérosol pour le coiffage et les soins des cheveux; laques pour les cheveux; colorants et produits pour la décoloration des cheveux; produits pour l’ondulation et la mise en plis des cheveux; huiles essentielles ,

Déclare forclose l’action en contrefaçon de la société L’OREAL incriminant la marque AINHOA au fondement de sa marque communautaire semi-figurative NOA n° 2652170,

Y ajoutant,

Rejette toutes demandes contraires aux motifs de l’arrêt,

Condamne la société L’OREAL aux dépens de la procédure d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile et à payer à chacune des sociétés intimées une indemnité complémentaire de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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