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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
FL
Code nac : 50B
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 22 NOVEMBRE 2016
R.G. N° 15/02107
AFFAIRE :
[C] [C]-[B]
…
C/
SARL FINPROGRESS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 04 Février 2015 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre : 01
N° Section :
N° RG : 2013F03022
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Bérénice DE CHAUVERON-RAMBAUD
Me Audrey ALLAIN,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT DEUX NOVEMBRE DEUX MILLE SEIZE,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame [C] [C]-[B]
née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 1] (Algérie)
[Adresse 1]
[Adresse 2]
Représentant : Me Bérénice DE CHAUVERON-RAMBAUD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 42
Représentant : Me Ouahab BOUREKHOUM, Plaidant, avocat au barreau de TOULON
Monsieur [N] [B]
[Adresse 1]
[Adresse 2]
Représentant : Me Bérénice DE CHAUVERON-RAMBAUD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 42
Représentant : Me Ouahab BOUREKHOUM, Plaidant, avocat au barreau de TOULON
SAS EDEN LOISIRS
N° SIRET : 753 703 073
[Adresse 1]
[Adresse 2]
Représentant : Me Bérénice DE CHAUVERON-RAMBAUD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 42
Représentant : Me Ouahab BOUREKHOUM, Plaidant, avocat au barreau de TOULON
APPELANTS
****************
SARL FINPROGRESS
[Adresse 3]
[Adresse 4]
Représentant : Me Audrey ALLAIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 344
Représentant : Me Sébastien FLEURY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R090
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 06 Octobre 2016 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur François LEPLAT, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Dominique ROSENTHAL, Président,
Monsieur François LEPLAT, Conseiller,
Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,
EXPOSÉ DU LITIGE
La société à responsabilité limitée DATA GEST, constituée le 2 mai 2001, et cogérée par [C] [C]-[B] et [N] [B], a pour activité la commercialisation de cadeaux d’affaires aux entreprises.
Selon une lettre du 2 mai 2012, la société à responsabilité limitée FINPROGRESS a fait part de son intention d’acquérir la totalité des parts de la société DATA GEST, réparties entre [C] [C]-[B], [N] [B] et la société civile EDEN, à laquelle il n’est pas contesté qu’a succédé la société par actions simplifiée EDEN LOISIRS ; un audit a été réalisé à cette fin, en mars 2012, et le cabinet d’expertise comptable PRM a valorisé la société DATA GEST entre 1.100.000 et 1.200.000 euros.
L’acquisition est intervenue à la suite d’un protocole d’accord signé entre les parties le 3 août 2012 sous diverses conditions suspensives, et l’acte réitératif de cession sous seing privé a été régularisé le 18 septembre 2012 au prix de 750.088 euros, les comptes de la société au 31 décembre 2011 faisant apparaître un résultat de l’exercice bénéficiaire à hauteur de 114.840 euros.
Deux compléments de prix, d’un montant total de 46.000 euros, étaient prévus en cas de maintien des contrats conclus avec les sociétés ALLIANZ FRANCE et CNP ASSURANCE, malgré une clause de changement de contrôle.
Une garantie d’actif et de passif, dite certificat de garantie, a été par ailleurs accordée par [C] [C]-[B] à la société FINPROGRESS. Pour sécuriser cet engagement, il a été assorti d’une garantie bancaire à première demande auprès de BNP PARIBAS.
ALLIANZ et CNP n’ont pas rompu leur contrat et [C] [C]-[B], [N] [B] et la société par actions simplifiée EDEN LOISIRS ont mis, en vain, la société FINPROGRESS en demeure, par courriers recommandés des 23 novembre 2012 et 24 janvier 2013 de procéder au règlement de leur créance.
Autorisée par ordonnance du 7 mai 2014 du juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Nanterre, une saisie conservatoire pratiquée a partiellement abouti au blocage de la somme de 25.544,43 euros.
Simultanément, et par courriers successifs des 9 novembre 2012, 11 janvier, 2 février, 28 février, 28 mars, 15 mai, et 9 juillet 2013, la société FINPROGRESS a reproché aux cédants d’avoir omis de mentionner des créances et d’avoir dissimulé de nombreuses difficultés concernant la situation financière de la société DATA GEST, et a mis en jeu, en vain, la garantie contractuelle de [C] [C]-[B].
Une saisie conservatoire, pratiquée en vertu d’une ordonnance du 12 février 2014, rendue par le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Toulouse, s’est révélée infructueuse.
Par assignation du 2 juillet 2013, la société FINPROGRESS a attrait [C] [C]-[B], [N] [B] et la société EDEN devant le tribunal de commerce de Meaux pour obtenir la mise en ‘uvre de la garantie. Ces derniers ayant saisi le tribunal de commerce de Nanterre en paiement des compléments de prix, le tribunal de commerce de Meaux, par jugement du 4 mars 2014, a renvoyé l’affaire devant le tribunal de commerce de Nanterre.
Enfin, par courrier du 28 février 2014, la société FINPROGRESS a demandé à BNP PARIBAS l’exécution de la garantie à première demande à hauteur de la totalité de la somme restant appelable, soit 181.000 euros ; la banque a ainsi adressé le 26 mars 2014 un règlement de ce montant à la société FINPROGRESS.
C’est dans ces circonstances que [C] [C]-[B], [N] [B] et la société EDEN, par acte d’huissier remis à personne le 28 juin 2013, ont fait assigner la société FINPROGRESS devant le tribunal de commerce de Nanterre, lui demandant de :
Vu les articles 1134 et 1147 du code civil.
Constater que Mme [C] [C], Monsieur [N] [B] et la société Eden sont créanciers à l’égard de la société Finprogress d’une somme en principal de 46.000 euros TTC au titre des compléments de prix,
En conséquence,
Condamner la société Finprogress au versement au profit de Mme [C] [C], Monsieur [N] [B] et la société Eden de la somme de 46.000 euros, augmentée des intérêts de retard au taux Euribor 3 mois, majoré de 7 points depuis le 24 janvier 2013,
Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir,
Condamner la société Finprogress au versement d’une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner la défenderesse aux entiers dépens.
Par jugement entrepris du 4 février 2015 le tribunal de commerce de Nanterre a :
Condamné la SARL Finprogress à verser à Madame [C] [C], Monsieur [N] [B] et la société Eden la somme globale à répartir entre eux de 46.000 euros augmentée des intérêts de retard au taux Euribor 3 mois majorés de 7 points depuis le 24 janvier 2013 ;
Condamné Madame [C] [C] à verser à la SARL Finprogress, au titre de sa responsabilité contractuelle, la somme totale de 192.260 euros répartie comme suit :
– 161.312 euros au titre de la perte nette comptable
– 24.246 euros au titre de l’absence de comptabilisation de la dépréciation des stocks
– 6.702 euros au titre de l’imposition complémentaire de CFE et d’IFR
Dit n’y avoir lieu de retenir la responsabilité délictuelle de Madame [C] [C],
Monsieur [N] [B] et la société Eden ;
Débouté la SARL Finprogress de ses autres chefs de demande ;
Rejeté la demande de Madame [C] de se voir restitué le montant de 181.000 euros versé par BNP Paribas à la SARL Finprogress ;
Dit que la somme de 181.000 euros versée par BNP Paribas au titre de sa garantie à première demande viendrait en déduction du montant de 192.260 euros ci-dessus accordé à la SARL Finprogress ;
Ordonné la compensation des sommes dues par chaque partie ;
Ordonné l’exécution provisoire du jugement sans constitution de garantie ;
Condamné in solidum Madame [C] [C], Monsieur [N] [B] et la société Eden à verser à la SARL Finprogress la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, déboutant pour le surplus ;
Condamné in solidum Madame [C] [C], Monsieur [N] [B] et la société Éden aux entiers dépens.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu l’appel interjeté le 19 mars 2015 par [C] [C]-[B],
[N] [B] et la société EDEN LOISIRS ;
Vu les dernières écritures signifiées le 14 septembre 2016 par lesquelles [C] [C]-[B], [N] [B] et la société EDEN LOISIRS demandent à la cour de :
Vu notamment les articles 1116, 1134, 1147 et 1254 du Code Civil,
INFIRMER le jugement attaqué en ce qu’il a partiellement fait droit aux demandes de la SARL FINPROGRESS à l’encontre de Madame [C]-[B] au titre :
– du résultat net déficitaire,
– de l’imposition supplémentaire CFE et IFR,
– de l’absence supposée de dépréciation des stocks.
CONFIRMER le jugement attaqué pour le surplus.
DIRE ET JUGER en effet que les demandes formulées par la SARL FINPROGRESS par voie d’appel incident sont infondées.
INFIRMER le jugement attaqué en ce qu’il a condamné in solidum Madame [C] [B], Monsieur [B] et la SAS EDEN LOISIRS au titre des frais irrépétibles et des dépens.
DEBOUTER la SARL FINPROGRESS de l’intégralité de ses demandes.
CONDAMNER la SARL FINPROGRESS à verser à Madame [C]-[B] la somme de 181.000 euros au titre de la garantie bancaire actionnée abusivement, avec intérêts au taux annuel de l’EURIBOR 3 mois augmenté de 8 points depuis le 28 février 2014 jusqu’à complet règlement.
DIRE ET JUGER que les éventuels règlements partiels s’imputeront en priorité sur les intérêts puis sur le capital.
CONDAMNER la SARL FINPROGRESS à verser une somme de 15.000 euros chacun à Madame [C]-[B], à Monsieur [B] et à la SAS EDEN LOISIRS sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
CONDAMNER la SARL FINPROGRESS aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de Maître Bérénice de CHAUVERON-RAMBAUD en application des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
Vu les dernières écritures signifiées le 14 septembre 2016 au terme desquelles la société FINPROGRESS demande à la cour de :
Vu les articles 1134 et 1116 du Code civil,
A titre principal :
CONFIRMER la décision du Tribunal de commerce de Nanterre en ce qu’il a condamné Madame [C] au paiement de la somme totale de 192.260 euros au titre de sa garantie répartie comme suit :
‘ 161.312 euros au titre de la perte nette comptable
‘ 6.702,00 euros au titre de l’imposition complémentaire de CFE et d’IFR pour les années 2011 et 2012
‘ 24.246 euros au titre l’absence de comptabilisation de la dépréciation des stocks
CONFIRMER la décision du Tribunal de commerce de Nanterre en ce qu’il a prononcé la compensation des sommes dues aux cédants en vertu de la clause de complément de prix stipulé dans l’acte de cession et celles dues par Madame [C] au titre de sa garantie;
CONFIRMER la décision du Tribunal de commerce de Nanterre en ce qu’il a constaté que la mise en jeu de la garantie bancaire a été effectuée selon les dispositions contractuelles ;
A titre d’appel incident :
INFIRMER PARTIELLEMENT la décision du Tribunal de commerce de Nanterre en ce qu’il a débouté la société FINPROGRESS de ses autres demandes ;
Et statuant à nouveau :
Condamner Madame [C] au titre de sa garantie au paiement de la somme de :
– 100.000 euros au titre du préjudice résultant du basculement de l’offre AIR FRANCE vers des e-cartes
– 5.298,62 euros au titre de l’absence de provision des droits acquis au titre du DIF
– 61.986,22 euros au titre de l’absence de comptabilisation et de paiement des factures 3LI
– 4.220,67 euros au titre des charges locatives non provisionnées et antérieures à la cession
– 6.254,07 euros au titre de la condamnation de la société DATA GEST dans le litige prud’homal l’opposant à Madame [N]
Dire et juger que Madame [C] a accepté le principe de sa garantie au titre du préjudice opposant la société DATA GEST à M. [R]
CONDAMNER Madame [C] au paiement de la somme de 41.555,77 euros au titre du contentieux opposant la société DATA GEST à M. [R]
A titre subsidiaire :
Constater que Madame [C] et M. [B] et la société EDEN ont commis un dol à l’encontre de la société FINPROGRESS
Condamner Madame [C] et M. [B] et la société EDEN au paiement de la somme totale de 363.765,51 euros répartie comme suit :
‘ 161.312 euros au titre de la perte nette comptable
‘ 100.000 euros au titre du préjudice résultant du basculement de l’offre AIR FRANCE vers des e-cartes
‘ 24.246 euros au titre l’absence de comptabilisation de la dépréciation des stocks
‘ 61.986,22 euros au titre de l’absence de comptabilisation et de paiement des factures 3LI
‘ 3.326 euros et 3.376 euros au titre de l’absence de comptabilisation d’impositions supplémentaires au titre de la cotisation foncière des entreprises et de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, pour les exercices 2011 et 2012
‘ 4.220,67 euros au titre de l’absence de comptabilisation des charges locatives de la société DATA GEST lors des exercices 2007, 2010 et 2011
‘ 5.298,62 euros au titre de l’absence de comptabilisation des droits au DIF
PRONONCER la compensation des sommes dues aux cédants en vertu de la clause de complément de prix stipulé dans l’acte de cession, à savoir 46.000 euros, avec celles dues en application de la présente décision, à savoir 363.765,51 euros
CONDAMNER en conséquence Mme [C] et M. [B] et la société EDEN à payer le solde issu de la compensation à savoir 317.765,51 euros
CONDAMNER en conséquence Madame [C], M. [B] et la société EDEN à payer la somme de 40.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral pour le dol commis à l’encontre de la société FINPROGRESS ;
Constater que Mme [C] a accepté le principe de sa garantie au titre du préjudice opposant la société DATA GEST à M. [R] ;
CONDAMNER Madame [C] au paiement de la somme de 41.555,77 euros au titre du contentieux opposant la société DATA GEST à M. [R]
En tout état de cause,
DÉBOUTER Madame [C], Monsieur [B] et la société EDEN de l’ensemble de leurs demandes ;
CONDAMNER in solidum Madame [C], Monsieur [B] et la société EDEN à verser à la société FINPROGRESS la somme de 16.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER Madame [C], Monsieur [B] et la société EDEN aux entiers dépens de première instance et d’appel ;
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1 – Sur le complément de prix :
Le complément de prix auquel la société FINPROGRESS a été condamnée en première instance au profit des consorts [B] et de la société EDEN LOISIRS, par application du protocole d’accord du 3 août 2012 pour le maintien des contrats conclus avec les sociétés ALLIANZ FRANCE et CNP ASSURANCE n’est pas remis en cause par les parties, la cour n’est donc pas saisie de ce chef.
2 – Sur la mise en jeu de la garantie de [C] [C]-[B]:
Les appelants exposent, d’une part, que l’article 1 du titre II du certificat de garantie consenti par [C] [C]-[B] à la société FINPROGRESS stipule que le prix convenu pour la cession des actions ayant été fixé d’un commun accord entre les parties en faisant référence à la situation active et passive du patrimoine de la Société telle qu’elle ressort du bilan arrêté au 31 décembre 2011, le GARANT certifie ce jour sincères et véritables les capitaux propres de la Société DATA GEST arrêtés à la date du 31 décembre 2011 et ressortant du bilan ci-annexé (Annexe n°9) qui servira de référence pour l’application de la présente garantie. Cette garantie porte non seulement sur le fait que (i) ce bilan comptable au 31 décembre 2011 donne une image fidèle du patrimoine de la Société à cette date, mais également sur (ii) l’exactitude des déclarations ci-dessus et, d’autre part, que l’article 3.1 du titre II du certificat de garantie consenti par [C] [C]-[B] à la société FINPROGRESS enferme sa mise en oeuvre dans un délai de 15 jours à compter de la date à laquelle (le bénéficiaire) aura eu ou devrait avoir eu connaissance de tout événement, poursuite, ou autre action ou procédure judiciaire ou administrative susceptible d’engager la responsabilité du garant.
Ils affirment que toutes les demandes formées par la société FINPROGRESS ne satisfont pas à cette condition de délai, mais surtout qu’elle n’établit pas que les pertes dont elle fait état trouvent leur origine dans un fait générateur antérieur aux comptes arrêtés au 31 décembre 2011, comptes qui ont servi, selon le protocole d’accord du 3 août 2012, à fixer le prix de cession.
Ils ajoutent que toutes informations utiles ont été communiquées au cessionnaire en cours de négociation, les situations comptables proches de la date de cession ayant été transmises et expliquées lors d’une réunion de présentation de la situation comptable au 30 septembre 2012, tenue le 24 octobre 2012.
Ils font observer que les éléments comptables versés aux débats par la société FINPROGRESS, établis non contradictoirement par son expert-comptable, ne sauraient rapporter utilement la preuve du préjudice qu’elle subit, puisqu’ils n’écartent pas les orientations commerciales propres au cessionnaire ou encore la période d’adaptation habituelle en la matière.
Les consorts [B] et la société EDEN LOISIRS critiquent par ailleurs la mise en jeu irrégulière par la société FINPROGRESS de la garantie à première demande auprès de BNP PARIBAS, sans avoir justifié de l’actionnement préalable du garant, en application de l’article III du titre II du certificat de garantie.
Ils font valoir les compétences professionnelles d'[I] [Y], gérant de la société FINPROGRESS, société spécialisée dans le conseil aux entreprises et la prise de participations, qui disposait ainsi de la capacité nécessaire à une appréciation minutieuse et détaillée de la situation de la société DATA GEST, ne pouvant sérieusement prétendre avoir été trompé en ce qui concerne la modification du contrat AIR FRANCE ou encore quant à une éventuelle omission de dépréciation des stocks.
La société FINPROGRESS reproche pour sa part aux cédants d’avoir intentionnellement omis des créances et dissimulé de nombreuses difficultés concernant la situation financière de la société DATA GEST, qui ont donné lieu à huit réclamations de sa part pour :
‘ la révélation d’un résultat net déficitaire et l’omission d’une écriture comptable
‘ l’omission d’éléments susceptible d’influer sur le contentieux prud’homal opposant la société DATA GEST et Monsieur [M] [R]
‘ l’omission concernant les modifications réalisées au sein du contrat Air France
‘ l’absence de provision au titre du DIF
‘ l’absence de dépréciation des stocks
‘ l’absence de paiement des factures du prestataire informatique (3LI)
‘ l’absence de paiement des charges locatives
‘ l’absence de provision de l’imposition supplémentaire de CFE et d’IFR 2011 et 2012.
Elle indique que la vente a été formalisée par acte du 18 septembre 2012, au vu d’une situation comptable arrêtée au 30 juin 2012, laissant apparaître un résultat bénéficiaire à hauteur de 12.054 euros, puis qu’ultérieurement à la signature de l’acte de cession, lui a été communiqué une situation comptable arrêtée au 30 septembre 2012, qui laissait quant à elle apparaître un déficit de 117.652 euros.
Elle reproche à [C] [C]-[B] de n’avoir donné d’autre explication à cette dégradation de la situation financière que la part croissante des demandes de chèques cadeaux par rapport aux dotations ; d’avoir anticipé de futurs bénéfices à hauteur de 355.184 euros en les inscrivant non pas en tant que produits constatés d’avance (qui sont des charges au bilan), mais en tant que rentrée immédiate de trésorerie (factures clients), maquillant ainsi la situation comptable de la société DATA GEST au 31 décembre 2011 et au 30 juin 2012.
La société FINPROGRESS dit n’avoir découvert non pas le 24 octobre 2012, mais le 8 novembre 2012 cette grave anomalie comptable remettant en cause l’équilibre financier de l’opération de cession et avoir actionné la garantie dès le lendemain, 9 novembre 2012, dans les délais contractuellement prévus.
Elle fait observer que les dissimulations qu’elle dénonce ont été opérées avant le 31 décembre 2011, ce qui ne remet pas en cause l’activation de la garantie. Elle ajoute que la dénonciation par les appelants des pièces comptables communiquées est intervenue bien tardivement, alors que l’expert-comptable a établi les comptes sur la base des informations communiquées par [C] [C]-[B], laquelle avait, par exemple, dissimulé les factures du fournisseur 3LI pour plus de 60.000 euros.
Elle fait valoir que la prétendue compétence professionnelle de son gérant n’est pas de nature à remettre en cause la garantie accordée par [C] [C]-[B], sauf à vider de contenu toute garantie valablement souscrite pour ce type d’opération.
* * *
Il est constant que la garantie de [C] [C]-[B] ne pouvait être mise en oeuvre que dans un délai de 15 jours à compter de la date à laquelle (le bénéficiaire) aura eu ou devrait avoir eu connaissance de tout événement, poursuite, ou autre action ou procédure judiciaire ou administrative susceptible d’engager la responsabilité du garant.
Il doit être relevé que la société FINPROGRESS, qui ne justifie d’aucune demande formulée au titre de la garantie avant la lettre recommandée avec avis de réception adressée à [C] [C]-[B], datée du 9 novembre 2012, courrier nécessairement reçu postérieurement à cette date, admet, dans le même temps, dans ses écritures, avoir participé à une réunion, le 24 octobre 2012 avec [C] [C]-[B] indiquant que : Ainsi, lors de la réunion du 24 octobre 2012 (…) chez l’expert comptable, il a été précisément demandé à Madame [C] d’apporter des explications à la dégradation brutale de la marge de l’entreprise. Lors de cette réunion, Madame [C] a été incapable de s’expliquer sur les causes et elle devait ainsi fournir des éléments de réponse postérieurement. Toutefois, ces éléments ne sont jamais intervenus et de ce fait, elle a été sommée par courrier du 9 novembre 2012 de faire la lumière sur les écarts constatés, en vain.
Il ressort de ces indications que la société FINPROGRESS a eu connaissance, le 24 octobre 2012 de la situation dégradée de la société DATA GEST et qu’elle disposait alors d’un délai de 15 jours, expirant le 8 novembre 2012, pour actionner la garantie de [C] [C]-[B].
A cet égard, le certificat de garantie stipule à l’article 3.1 du titre II que: Toute notification tardive ou non conforme aux règles visées au paragraphe ci-dessus et à l’article IV par le BÉNÉFICIAIRE au GARANT déchargera définitivement celui-ci de toute obligation de garantie au titre du préjudice en cause.
Il en résulte que la mise en jeu tardive de la garantie de [C] [C]-[B] par la société FINPROGRESS par lettre du 9 novembre 2012 et encore par lettres des 24 janvier 2013, 28 janvier 2013, 2 février 2013, 28 mars 2013, 15 mai 2013, 9 juillet 2013 auxquelles les appelants opposent justement la forclusion sur le même fondement, décharge celle-ci de toute obligation à son égard et que la cour, réformant le jugement sur ce point rejettera toutes demandes de condamnation formées contre elle, ès qualités de garant.
3 – Sur la mise en jeu de la garantie à première demande de BNP PARIBAS :
Selon l’article III du titre II du certificat de garantie : A la sûreté et garantie de la bonne exécution de la présente garantie, le GARANT remet ce jour même au BÉNÉFICIAIRE une garantie bancaire sous la forme de garantie à première demande. Aux termes de celle-ci, la banque s’engage à honorer sans discussion toute demande de versement formulée par le BÉNÉFICIAIRE, dès lors qu’elle sera accompagnée de la copie et du justificatif de l’envoi RAR de la Demande d’Indemnisation au GARANT au moins 10 jours auparavant.
Les appelants reprochent à la société FINPROGRESS de ne pas avoir fait précéder sa demande de garantie à BNP PARIBAS d’une demande adressée à [C] [C]-[B].
La société FINPROGRESS indique avoir actionné BNP PARIBAS par lettre recommandée avec avis de réception du 28 février 2014, après avoir adressé systématiquement à [C] [C]-[B] une demande d’indemnisation concomitamment à un appel en garantie pour chacun des préjudices subis par la société.
Mais elle ne produit cependant ni la copie du courrier adressé à BNP PARIBAS, ni la demande d’indemnisation adressée au garant au mois dix jours avant. En tout état de cause, la garantie de [C] [C]-[B] ayant été actionnée tardivement et se voyant opposer une forclusion, la société FINPROGRESS ne pouvait solliciter de BNP PARIBAS plus de droits que ceux qu’elle détenait du garant principal.
Infirmant le jugement sur ce point, la cour fera donc droit à la demande de [C] [C]-[B] de condamnation de la société FINPROGRESS à lui payer la somme de 181.000 euros au titre de la garantie bancaire actionnée, avec intérêts au taux annuel de l’EURIBOR 3 mois augmenté de 8 points depuis le 28 février 2014, conformément aux stipulations contractuelles, les éventuels règlements partiels devant s’imputer en priorité sur les intérêts, puis sur le capital.
4 – Sur le dol :
A titre subsidiaire, la société FINPROGRESS reprend ses demandes, totalisant une somme de 363.765,51 euros en alléguant des manoeuvres dolosives commises par [C] [C]-[B], [N] [B] et la société EDEN LOISIRS, visant à intentionnellement modifier les bilans comptables de la société DATA GEST par :
– la pratique d’une anticipation fictive des bénéfices,
– l’omission d’une écriture de stocks,
– la dissimulation de factures fournisseurs 3LI
– la dissimulation de la baisse de rentabilité du contrat AIR France
– la dissimulation de charges locatives impayée(s)
‘ la dissimulation de l’imposition supplémentaire de CFE et d’IFR 2011 et 2012 impayée
‘ l’omission de comptabilisation des droits au DIF.
Elle considère que si le bilan provisoire au 30 juin 2012 avait été réalisé de façon loyale, le résultat au 30 septembre 2012 n’aurait pas dû connaître un tel déficit, passant de 12.054 euros à -117.652 euros.
Elle pointe la dissimulation, au sein du bilan du 30 juin 2012, d’une écriture de stocks de 31.606 euros et de factures de la société 3LI pour 61.986,66 euros ; la modification du contrat existant avec AIR FRANCE qui aurait entraîné une baisse de marge par la désertion des partenaires d’AIR FRANCE du catalogue cadeau de la société DATA GEST au profit de cartes e-cadeau utilisables dans d’autres enseignes ; l’omission de provision de l’imposition supplémentaire de CFE (cotisation foncière des entreprises) et d’IFR (imposition forfaitaire sur les entreprises) 2011 et 2012, des charges locatives de la société DATA GEST ou des droits au DIF des salariés.
La société FINPROGRESS en déduit que son consentement a été vicié.
Mais les appelants, qui lui objectent le caractère subsidiaire de cette demande qui en traduirait la faiblesse, adhèrent à la motivation du jugement sur ce point, le tribunal ayant estimé que : les griefs reprochés aux cédants consistent en des erreurs comptables, fautes de gestion ou omissions qui ne sont pas par elles-mêmes constitutives de man’uvres dolosives et d’une intention délibérée de tromper l’acheteur ; que l’inexactitude des comptes sociaux résultant de ces constatations ne signifie pas que ces comptes ont été falsifiés en vue d’embellir fictivement la situation ou de masquer de mauvais résultats ; que le protocole d’accord du 3 août 2012 a été précédé d’un audit financier, commercial, juridique et fiscal de la société pour compte de la société FINPROGRESS, et qu’il n’est pas établi que les anomalies révélées ultérieurement à la cession, si elles avaient été connues antérieurement, auraient détourné l’acheteur de son acquisition, ce que la cour confirme.
5 – Sur les litiges prud’homaux :
Au titre des litiges prud’homaux opposant des salariés à la société DATA GEST, la société FINPROGRESS demande la garantie de [C] [C]-[B] à hauteur de 6.254,07 euros pour [K] [N] et de 41.555,77 euros pour [M] [R].
Seule la demande relative à [K] [N] ayant été présentée devant le tribunal de commerce de Nanterre, la société FINPROGRESS estime, sans être contredite, que celle relative à [M] [R] n’est pas nouvelle devant la cour, au sens des dispositions de l’article 564 du code de procédure civile.
S’agissant de [K] [N] la société FINPROGRESS se prévaut d’un jugement du conseil de prud’hommes de Bobigny du 13 février 2014, dont elle indique qu’il est exécutoire de plein droit par application de l’article R.1454-28 du code du travail.
Mais les appelants lui opposent justement l’existence d’un appel pendant devant la cour d’appel de Versailles, qui fait obstacle à la mise en jeu de la garantie, dont l’article 3.2 du titre II stipule que la demande d’indemnisation ne pourra être adressée au garant qu’une fois connu le montant définitif du préjudice indemnisable.
Le jugement qui a débouté la société FINPROGRESS sur ce point sera donc confirmé.
En ce qui concerne [M] [R], la société FINPROGRESS se prévaut d’un jugement du 21 avril 2015 du conseil de prud’hommes de Bobigny qui a dit que la rupture du contrat s’analysait en une prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur, produisant les effets d’un licenciement, allouant à [M] [R] une indemnité pour licenciement nul, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents outre une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle indique que cette décision, postérieure au jugement entrepris, lui a été notifiée le 30 avril 2015 et qu’elle-même a effectué sa demande d’indemnisation auprès de [C] [C]-[B] par lettre recommandée avec avis de réception du 15 mai 2015.
Les appelants font justement valoir que le courrier du 15 mai 2015 que la société FINPROGRESS met aux débats est assorti d’un avis de réception sur lequel le nom du destinataire est parfaitement illisible, la cour relevant au surplus l’absence de date de réception, ce qui ne permet pas de valider cet envoi que [C] [C]-[B] conteste avoir reçu. Aucun appel n’a, dans ces conditions, été interjeté contre ce jugement.
En tout état de cause, il n’est pas rapporté la preuve par la société FINPROGRESS que la demande d’indemnisation relative à cette condamnation, qui lui a été notifiée le 30 avril 2015, soit parvenue dans le délai de 15 jours stipulé à l’article 3.1 du titre II du certificat de garantie.
Elle sera donc rejetée.
6 – Sur l’article 700 du code de procédure civile :
Il n’y a pas lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
INFIRME, en ses dispositions frappées d’appel, le jugement entrepris du tribunal de commerce de Nanterre du 4 février 2015, sauf en ce qu’il a écarté les allégations de dol émises par la société à responsabilité limitée FINPROGRESS et débouté cette même société de ses demandes d’indemnisation au titre de la procédure prud’homale concernant [K] [N],
Et statuant à nouveau,
DÉCHARGE [C] [C]-[B] de toute obligation de garantie poursuivie par la société FINPROGRESS en application du certificat de garantie signé le 18 septembre 2012,
CONDAMNE la société à responsabilité limitée FINPROGRESS à payer à [C] [C]-[B] la somme de 181.000 euros au titre de la garantie bancaire actionnée, avec intérêts au taux annuel de l’EURIBOR 3 mois augmenté de 8 points depuis le 28 février 2014, les éventuels règlements partiels devant s’imputer en priorité sur les intérêts, puis sur le capital,
Et y ajoutant,
REJETTE toutes autres demandes,
CONDAMNE la société à responsabilité limitée FINPROGRESS aux dépens de première instance et d’appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l’article 699 du code de procédure civile.
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
signé par Mme Dominique ROSENTHAL, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,