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CIV. 3
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 13 février 2020
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10098 F
Pourvoi n° W 19-13.481
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 FÉVRIER 2020
1°/ M. V… J…, domicilié […] ,
2°/ la société […] , dont le siège est […] ,
ont formé le pourvoi n° W 19-13.481 contre l’arrêt rendu le 6 décembre 2018 par la cour d’appel de Paris (pôle 4, chambre 7), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Séquano aménagement, dont le siège est […] ,
2°/ à la direction générale des finances publiques, dont le siège est […] ,
défenderesses à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat de M. J… et de la société […] , de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Séquano aménagement, et après débats en l’audience publique du 14 janvier 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. J… et la société […] aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. J… et la société […]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’avoir débouté les […] et M. J… de leurs demandes tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions de Sequano Aménagement et du commissaire du gouvernement au visa de l’article R. 13-49 ancien du code de l’expropriation, devenu l’article R. 311-26 du code de l’expropriation ;
AUX MOTIFS QUE
« Aux termes de l’article R 13-49 du code de l’expropriation, l’appel étant du 1er août 2012, l’appelant doit, à peine de déchéance, déposer ou adresser son mémoire et les documents qu’il entend produire au greffe de la chambre dans un délai de deux mois à dater de l’appel.
A peine d’irrecevabilité, l’intimé doit déposer ou adresser son mémoire en réponse et les documents qu’il entend produire dans le mois de la notification du mémoire de l’appelant. Le commissaire du gouvernement doit dans les mêmes conditions et à peine d’irrecevabilité, déposer ses conclusions et l’ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans les mêmes délais.
Les mémoires et les documents doivent être produits en autant d’exemplaires qu’il y a de parties plus un.
Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces transmises au greffe.
Appel incident peut être formé par les parties ou le commissaire du Gouvernement dans leur mémoire en réponse ou par déclaration faite au greffe de la chambre.
Cependant aux termes de l’article 631 du code de procédure civile, « devant la juridiction de renvoi, l’instruction est reprise en l’état de la procédure non atteinte par la cassation ». La juridiction de renvoi connait donc le litige dans l’état où celui-ci se trouvait devant la juridiction dont la décision a été cassée. Il en résulte que les parties et le commissure du gouvernement ne sont pas assujettis au respect des délais de dépôt de leur mémoire tel que ceux-ci sont fixés par l’article R. 13-49, cet article n’étant pas applicable devant la cour d’appel statuant sur renvoi de cassation.
Il convient en conséquence de débouter Monsieur J… et de déclarer recevables les conclusions de Séquano Aménagement adressées au greffe le 19 mars 2018, notifiées le 20 avril 2018 (AR du 25 avril 2018) et celles du commissaire du gouvernement adressées au greffe le 11 septembre 2018, notifiées le 14 septembre 2018 (AR du 17 septembre 2018 » (arrêt, p. 7) ;
ALORS QUE tenu de respecter et de faire respecter le principe du contradictoire, le juge ne peut relever un moyen d’office sans inviter préalablement les parties à formuler leurs observations ; qu’en relevant d’office, pour dire que les conclusions de l’expropriant et du commissaire du gouvernement étaient recevables, que les délais fixés par l’article R. 13-49 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ne sont pas applicables devant la juridiction statuant sur renvoi après cassation, sans inviter les parties à formuler leurs observations sur ce point, la cour d’appel a violé l’article 16 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’avoir débouté les […] représentés par M. J… et M. J… de leurs demandes tendant à voir fixer l’indemnité principale professionnelle destinée aux […] à la somme de 116 393 euros au titre des préjudices liés à la délocalisation au profit de son représentant A… L… J…, à la somme de 10.000 euros au titre de l’indemnité de remploi, débouté M. J… de sa demande en qualité de représentant des […] de voir fixer une indemnité de 37 000 euros en dommages et intérêts pour expulsion avant indemnisation justifiée, pour le moins en perte matérielles de 18 500 euros, et pour procédure abusive d’expulsion des […] ;
AUX MOTIFS QU’
« Aux termes de l’article L. 13-14 devenu l’article L. 322-1 du code de l’expropriation, le juge fixe le montant des indemnités d’après la consistance des biens à la date de l’ordonnance portant transfert de propriété ; en conséquence si lors du transport sur les lieux en date du 15 février 2012, la réalité de l’activité des établissements […] n’a pas été constatée, l’appréciation de celle-ci doit se faire à la date de l’ordonnance emportant transfert de propriété, à savoir, en l’espèce le 28 juin 2011 ;
Monsieur J… justifie de ses locaux commerciaux […] par la base foncière (pièce numéro I-j), par la cotisation foncière des entreprises 2011 (pièce numéro I-j), des baux commerciaux 2008(pièce 2-a), de ses activités par l’inscription au registre des métiers le 30 décembre 2008, (pièce numéro 1-d et 2b) au 30 janvier 2014 (pièces N° 19 et 20) , de la situation vis-à-vis de l’URSSAF en 2012 (pièce N° l-e), de la destination des locaux, à usage de garage, atelier remise et de la qualité de commerçant par l’inscription au registre du commerce et des sociétés au 1er janvier2014 (pièce N°18) qui emporte le paiement des impôts et des cotisations URSSAF; cependant la destination des locaux et la qualité de commerçant peuvent perdurer indépendamment d’une exploitation effective ;
Par mémoire récapitulatif et en réplique du 19 mars 2018, la société Séquano Aménagement a indiqué que l’entreprise […] ne communique aucune pièce comptable attestant d’un exercice effectif au cours des 3 dernières années, que l’ensemble des juridictions sur l’expropriation calculent l’indemnité d’éviction susceptible de revenir à l’évincé en considération du chiffre d’affaires réalisé au cours des 3 dernières années, soit en l’espèce 2009, 2010 et 2011 ;
Dans ses conclusions du 6 septembre 2018, le commissaire du gouvernement a également indiqué que la réalité de l’activité des […] n’a été ni constatée lors du transport du magistrat sur les lieux, ni attestée par la production de documents comptables ;
Dans ses conclusions en réponse en date du 20 août 2018, et du 24 septembre 2018, Monsieur J… n’a versé aucune pièce comptable pour démontrer la réalité d’une activité des […] à la date de l’ordonnance de transfert de propriété 28 juin 2011, produisant uniquement une régularisation des cotisations 2017 et appel de cotisation 2018 auprès de l’URSSAF (pièce numéro 18), un extrait d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés au 12 mars 2018 (pièce 26), mais avec comme adresse […] et un rapport d’expertise de M. G… du 22 mars 2012 indiquant « l’ensemble sert à un entrepreneur en maçonnerie , ce qui explique le nombre important de remises et ateliers », alors que lors du procès-verbal de transport antérieur du 15 févier 2012, qui fait foi jusqu’à inscription de faux, le juge de l’expropriation n’a pas constaté la réalité de l’activité des […] ;
En vertu de l’article 9 du code de procédure civile il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ;
Or M. J…, qui a été invité à la fois par Séquano Aménagement et par le commissaire au gouvernement à produire des pièces comptables attestant d’un exercice effectif au cours des années 2009, 2010 et 2011, ne rapporte pas la preuve de la réalité de l’activité effective des […] à la date de l’ordonnance d’expropriation du 28 juin 2011 contentant d’indiquer (page 11 de ses conclusions) « que les […] n’ont nul besoin de prouver une baisse du chiffre d’affaires pour être indemnisés » ;
Or il est de principe que seule l’exploitation effective, non démontrée en l’espèce, dans les lieux loués de l’activité autorisée par le bail ou régulièrement modifié au cours des 3 années ayant précédé sa date d’expiration a droit au renouvellement conformément à l’article L. 145-8 du code de commerce et par suite à une indemnité d’éviction ;
La Cour d’appel de Versailles dans son arrêt du 26 novembre 2013 a réformé le jugement quant au montant de l’indemnité de dépossession, l’a élevée à la somme de 545 157,57 euros, en valeur libre, et Monsieur J…, qui est à la fois le propriétaire de l’immeuble exproprié et le gérant de l’entreprise […], à supposer que l’entreprise […] ait une réelle activité à la date de l’ordonnance de transfert de propriété, ne peut être indemnisé au titre d’un préjudice commercial et ne peut prétendre en conséquence à une indemnité liée à la prise en compte du préjudice suite à la délocalisation de l’activité à […] par rapport au nouveau lieu d’habitation à […] sur la base de la perte du temps liée aux déplacements et aux coûts induits, s’agissant d’une décision de gestion de Monsieur J… ;
En conséquence les demandeurs n’établissent pas la réalité d’un préjudice lié à la délocalisation de l’activité des […] à […] par rapport au nouveau-lieu d’habitation à […] ;
En conséquence il convient d’ajouter au jugement déféré du juge de l’expropriation du tribunal de grande instance de Pontoise du 25 mai 2013 qui n’a pas statué sur la somme sollicitée de 38 46 euros « au titre de perte et frais attachés aux entreprises » (page 10) et de débouter Monsieur J… en son nom personnel et les […] représentés par M. J… de leurs demandes de voir fixer une indemnité principale professionnelle destinée aux […] à la somme de 116 393 € au titre des préjudices liés à la délocalisation au profit son représentant A… L… J…, avec intérêt, au taux légal 3 mois à compter de l’arrêt rendu ;
En conséquence il convient également de les débouter pour leur demande de voir ajouter une indemnité de remploi suivant le barème d’usage, pour le moins à la somme justifiée de 10 000 € ;
– Sur la demande de dommages-intérêts
Monsieur J… sollicite en sa qualité de représentant des […] la condamnation de l’autorité expropriante à la somme de 37 000 € à titre de dommages-intérêts, expulsion avant indemnisation justifiée pour le moins, perte matérielle 18 500 € et pour procédure abusive d’expulsion des […] ;
Cependant la procédure d’expulsion est régulière et non prématurée en l’absence de droits à l’indemnité des […], suite au rejet du pourvoi en cassation le 12 novembre 2015 contre l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 30 juin 2014 confirmant l’ordonnance d’expulsion.
Monsieur J… es qualité sera en conséquence débouté» arrêt, p. 11 à 13) ;
1/ ALORS, D’UNE PART, QUE le juge ne doit pas méconnaître les termes du litige ; qu’en refusant d’allouer une indemnité professionnelle à M. J…, pris en qualité de représentant des […], en ce qu’il ne justifiait pas d’une exploitation effective dans les lieux loués de l’activité autorisée par le bail ou régulièrement modifiée au cours des 3 années ayant précédé sa date d’expiration, de nature à faire naître un droit au renouvellement et par suite à une indemnité d’éviction, quand M. J… ne sollicitait pas d’indemnité d’éviction pour la perte d’un droit au bail ou d’un fonds de commerce, mais l’indemnisation du préjudice causé par l’expropriation résultant des conséquences de la distance entre son lieu d’habitation et son nouveau lieu de travail, caractérisées par une perte de temps et des coûts de transports (conclusions, p. 14, al. 2 et s.), la cour d’appel a violé l’article 4 du code de procédure civile ;
2/ ALORS, D’AUTRE PART, QUE le juge est tenu de répondre aux conclusions des parties ; qu’en retenant, pour refuser à M. J…, pris en qualité de représentant des […], l’indemnisation du préjudice causé par l’expropriation résultant des conséquences de la distance entre son lieu d’habitation et son nouveau lieu de travail, que la délocalisation de son activité à […] par rapport à son nouveau lieu d’habitation à […] résultait d’une décision de gestion de M. J…, sans répondre aux conclusions de celui-ci (pp. 9-10) soutenant qu’il n’avait pas retrouvé de local équivalent pouvant lui servir à la fois d’habitation et de lieu d’exercice de son activité professionnelle, et qui étaient donc de nature à établir que l’éloignement entre son domicile et son lieu de travail n’était pas la conséquence d’une décision de gestion, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
3/ ALORS, EGALEMENT, QUE l’exproprié doit être indemnisé pour couvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l’expropriation ; qu’en l’espèce, M. J… avait sollicité une indemnité de 18 500 euros en soutenant que suite à son expulsion sans indemnité préalable ni mise à disposition de locaux pour entrepôts provisoires, il avait perdu tout son matériel professionnel encombrant faute de disposer d’un lieu de garage ou d’une provision financière suffisante pour en louer un (conclusions d’appel, p. 13, alinéa 3) ; qu’en le déboutant de cette demande, au motif inopérant, car impropre à exclure l’existence d’un préjudice de ce chef, que l’expulsion était régulière et non prématurée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 13-13 du code de l’expropriation, applicable à l’espèce ;
4/ ALORS, ENFIN, QUE le juge est tenu de répondre aux conclusions des parties ; qu’en l’espèce, M. J… avait sollicité une indemnisation de 10 000 euros en faisant valoir qu’à la suite de son expulsion, le 2 juillet 2013, l’activité de son entreprise avait dû être interrompue en attendant qu’il ne retrouve des locaux disponibles, c’est-à-dire jusqu’au 1er janvier 2014 (conclusions d’appel, pp. 13-14) ; qu’en le déboutant de sa demande, sans répondre à ces conclusions, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.