Cotisation foncière des entreprises : 26 avril 2022 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 21/00337

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Cotisation foncière des entreprises : 26 avril 2022 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 21/00337

ARRET N°

N° RG 21/00337

N��Portalis DBWA-V-B7F-CHRT

COMPTABLE DU POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE DE LA MARTINIQU

C/

S.N.C. NORDY GEST

SCP BR ASSOCIES Me Anne RAVISE liquidateur

COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 26 AVRIL 2022

Décision déférée à la cour : Ordonnance du Juge Commissaire, près le Tribunal Mixte de Commerce de Fort de France, en date du 26 Avril 2021, enregistrée sous le n° 2019001800 ;

APPELANT :

COMPTABLE DU POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE DE LA MARTINIQUE

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représenté par Me Isabelle NALBERT, avocat au barreau de MARTINIQUE

INTIMEES :

S.N.C. NORDY GEST, en liquidation judiciaire

[Adresse 7]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Isadora ALVES, avocat postulant, au barreau de MARTINIQUE

Me Christine MARGUET LE BRIZAULT, avocat plaidant, au barreau des HAUTS DE SEINE

SCP BR ASSOCIES, agissant par Me Anne RAVISE,

ès qualités de liquidateur de la Société NORDY GEST

[Adresse 4]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Isadora ALVES, avocat au barreau de MARTINIQUE

Me Christine MARGUET LE BRIZAULT, avocat plaidant, au barreau des HAUTS DE SEINE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 21 Janvier 2022, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Claire DONNIZAUX, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour, composée de :

Présidente : Mme Christine PARIS, Présidente de Chambre

Assesseur : Mme Claire DONNIZAUX,Conseillère

Assesseur : M. Thierry PLUMENAIL, Conseiller

Greffière, lors des débats : Mme Micheline MAGLOIRE,

Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée au 29 mars 2022 puis, prorogée au 26 Avril 2022

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Par jugement du 10 avril 2018, le tribunal mixte de commerce de Fort de France a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la SNC NORDY GEST, et désigné Maître Leïla VALLERAY-ANDRE en qualité d’administrateur judiciaire et la SCP BR ASSOCIES en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 16 octobre 2018, le tribunal a converti le redressement en liquidation judiciaire et désigné Maître Anne RAVISE en qualité de liquidateur judiciaire.

Le pôle de recouvrement spécialisé de la Martinique a déclaré sa créance pour un montant total de 1 906 375,77 euros à titre définitif et 200 euros à titre provisionnel, par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 juillet 2018.

Il a converti sa créance déclarée à titre provisionnel pour 200 euros en créance définitive et privilégiée à hauteur de 147 euros par courrier du 25 mars 2019.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 février 2019, réceptionnée le 26 février 2019, Maître Anne RAVISE a informé le pôle de recouvrement spécialisé de la contestation de sa créance par le débiteur.

Aucune réponse à cette contestation n’est parvenue au mandataire judiciaire, qui a proposé au juge commissaire de rejeter la créance du pôle de recouvrement spécialisé.

Par ordonnance du 26 avril 2021, le juge commissaire a rejeté la créance du pôle de recouvrement spécialisé au motif que celui-ci n’a pas répondu à la contestation du mandataire judiciaire dans le délai de 30 jours.

Par déclaration électronique du 9 juin 2021, le pôle de recouvrement spécialisé de la Martinique a interjeté appel de cette ordonnance en ce qu’elle précise que le créancier n’a pas répondu au mandataire dans le délai de 30 jours en application des articles L. 622-27 et R. 624-1 du code de commerce, en ce qu’elle constate la régularité de la contestation de créance et en conséquence que le créancier n’a pas répondu au mandataire dans le délai de 30 jours de la réception de celle-ci, et en ce qu’elle ordonne que la créance soit rejetée en totalité.

Aux termes de ses conclusions responsives et récapitulatives notifiées par voie électronique le 27 juillet 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de la Martinique demande à la cour de :

– dire que l’appel est recevable et bien fondé,

– infirmer totalement l’ordonnance (RG N°2019001800) rendue le 26/04/2021 par le juge-commissaire en ce qu’il a rejeté sa créance pour un montant de 1 906 575,77 euros à titre privilégié et définitif,

– dire et juger que la « contestation », faute de porter sur une des créances contenues dans la déclaration du PRS de la Martinique, n’a pas fait courir le délai de réponse à contestation prévu par l’article L 622-27 du code de commerce,

– dire et juger que la contestation portant sur la régularité formelle de la déclaration, le délai de réponse de 30 jours n’est pas opposable au PRS,

– constater que la contestation de créance formée par le débiteur n’est pas sérieuse,

– dire par conséquent que la créance du comptable du pôle de recouvrement spécialisé doit être admise en totalité pour un montant de 1 906 396,77 euros à titre privilégié et définitif,

– condamner solidairement la SNC NORDY GEST et Me Anne RAVISE, associé de la SCP BR ASSOCIES en qualité de mandataire judiciaire de la SNC NORDY GEST à payer au comptable du PRS la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC,

– les condamner solidairement aux entiers dépens en ce compris le coût du timbre fiscal dématérialisé, dont distraction au profit de Maître Isabelle NALBERT, et de dire que ces condamnations seront passées en frais privilégiés de procédure.

Aux termes de leurs conclusions d’intimés n° 2 notifiées par voie électronique le 19 juillet 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus amples exposé des prétentions et moyens, la SNC NORDY GEST et la SCP BR ASSOCIES prise en la personne de Maître Anne RAVISE, en qualité de liquidateur de la SNC NORDY GEST, demandent à la cour de :

– à titre principal, déclarer irrecevable l’appel du comptable public responsable du pôle recouvrement spécialisé de Martinique,

– à titre subsidiaire, confirmer l’ordonnance rendue par le juge commissaire désigné à la liquidation judiciaire de la société NORDY GEST en date du 26 avril 2021 en ce qu’elle a rejeté en totalité la créance déclarée par le comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé de la Martinique,

– en tout état de cause, condamner le comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé de la Martinique à verser à Maître Anne Ravise de la SCP BR ASSOCIES, en qualité de liquidateur de la SNC NORDY GEST, une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux dépens d’appel, dont distraction au profit de Maître Isadora ALVES, avocat au barreau de Martinique.

La procédure a été clôturée le 21 octobre 2021. L’affaire a été fixée à l’audience du 21 janvier 2022 et mise en délibéré au 29 mars 2022, prorogé au 26 avril 2022.

MOTIFS :

Aux termes de l’article L. 622-27 du code de commerce, « s’il y a discussion sur tout ou partie de la créance, le mandataire judiciaire en avise le créancier en l’invitant à faire connaître ses explications. Le défaut de réponse dans le délai de 30 jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire, à moins que la discussion ne porte sur la régularité de la déclaration de la créance. »

L’article R. 624-1 précise que la lettre de contestation du mandataire « précise l’objet de la discussion, indique le montant de la créance dont l’inscription est proposée et rappelle les dispositions de l’article L. 622-27. »

L’article L. 624-3 alinéa 3 du code de commerce dispose par ailleurs que « le créancier dont la créance est discutée en tout ou en partie qui n’a pas répondu au mandataire judiciaire dans le délai mentionné à l’article L. 622-27 ne peut exercer de recours contre la décision du juge-commissaire lorsque celle-ci confirme la proposition du mandataire judiciaire. »

Il résulte de l’application de ces dispositions que la lettre du mandataire judiciaire non conforme aux prescriptions de l’article R. 624-1 ne peut pas faire courir à l’encontre du créancier le délai de 30 jours. De même, ne peut faire courir à l’encontre du créancier le délai de 30 jours une contestation de créance qui ne porterait pas sur la créance déclarée par ledit créancier.

Il est constant que le pôle de recouvrement spécialisé a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire dans le délai légal, que celui-ci a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 février 2019 réceptionnée le 26 février 2019, contesté cette créance, et que le pôle de recouvrement spécialisé n’a pas répondu à cette contestation de créance dans les 30 jours de sa réception.

Afin d’examiner la recevabilité du recours exercé par le pôle de recouvrement spécialisé contre l’ordonnance du juge commissaire, il y a lieu de déterminer si la contestation de créance émise par le mandataire judiciaire était régulière, portait bien sur la créance déclarée par le pôle de recouvrement spécialisé, et justifiait donc une réponse dans le délai de 30 jours de la part du créancier.

Le 19 juillet 2018, le pôle de recouvrement spécialisé a déclaré sa créance d’un montant total de 1 906,575,77 euros, à raison des créances fiscales suivantes :

Taxe sur la valeur ajoutée portant sur les périodes d’imposition suivantes :

– octobre 2009 à décembre 2009 (198 099,42 euros),

– janvier 2009 à mars 2010 (170 725,52 euros),

– avril 2010 à juin 2010 (166 635,79 euros),

– octobre 2010 à décembre 2012 (1 349 051 euros),

– octobre 2013 à décembre 2013 (19 758 euros),

– Cotisation foncière des entreprises au titre des années 2011 à 2018 (200 euros).

La lettre de contestation du mandataire judiciaire datée du 21 février 2019, qui comporte les mentions obligatoires telles que le montant de la créance contestée, ainsi que le rappel des dispositions de l’article L. 622-27 du code de commerce, ne comporte pas en elle-même le motif ni l’objet de la contestation, mais renvoie explicitement à une note jointe qui est réputée en faire partie intégrante, dès lors qu’il n’est pas contesté qu’elle était effectivement jointe à la lettre du mandataire judiciaire.

Cette note expose le litige qui a opposé la SNC NORDY GEST à l’administration fiscale concernant une demande de remboursement d’un crédit de TVA d’un montant de 3 700 000 euros, correspondant à la TVA portant sur différents biens acquis dans le cadre d’opérations de défiscalisation déclarées au titre des années 2006, 2007 et 2008.

Elle indique par ailleurs que la SNC NORDY GEST a fait l’objet de vérifications de compatibilité au titre des années 2006, 2007 et 2008. Selon l’auteur de la note, si ce litige a donné lieu à un contentieux qui s’est définitivement soldé par un rejet de la plupart des demandes de remboursement de crédit de TVA, il justifie néanmoins que la société NORDY GEST s’interroge sur le bien fondé des sommes réclamées au titre de la TVA pour les années 2009 à 2012, dès lors que le désaccord avec l’administration fiscale concernant l’année 2008 et que la déclaration de créance ne mentionne pas les dates de recouvrement.

Il est ensuite explicitement indiqué que « dès lors et en attente de précisions et justifications concernant les sommes de 1 349 051 euros déclarés au titre de la période du 1er octobre 2010 au 31 décembre 2012, 298 099,42 euros, 170 725,52 euros et 166 635,79 euros au titre des mois d’octobre, décembre 2009, janvier, mars, avril et juin 2010, je vous informe que la créance de la direction générale des finances publiques ne peut être que contestée ».

Indépendamment du caractère ou non justifié de la contestation formulée par le débiteur, il ne peut être soutenu que cette contestation ne portait pas sur les sommes déclarées par l’administration fiscale, dès lors que les sommes contestées sont explicitement visées par leur montant et par les périodes au titre desquelles elles ont été déclarées, et que les motifs de contestation, à savoir d’une part l’existence d’un litige antérieur portant sur d’importantes sommes, susceptible de mettre en doute le montant de la dette, d’autre part l’absence de mention de date de mise en recouvrement, et enfin l’absence de précision ou de justifications sur les sommes dues.

Il résulte en outre clairement de la lettre de contestation et de la note qui l’accompagne que le débiteur met en doute le montant de la créance déclarée par le pôle de recouvrement et qu’au regard de ces éléments le mandataire judiciaire entend proposer le rejet de la créance, ouvrant la voie à la procédure de vérification de la créance, sous réserve de réponse du créancier dans le délai de 30 jours.

Le pôle de recouvrement spécialisé soutient subsidiairement que la contestation du mandataire ne porterait que sur la forme de la déclaration de créance, ce qui lui permettrait d’échapper à la sanction de l’article L. 622-27. Il n’est toutefois aucunement question, dans la lettre du mandataire et la note jointe, de la régularité de la déclaration de créance. Les critiques portant sur le caractère erroné des créances déclarées ou sur l’absence mention de date de mise en recouvrement ne sont pas relatives à la régularité de la déclaration de créance mais portent sur le fond de celle-ci.

Dès lors de la contestation du mandataire judiciaire était régulière, qu’elle portait sur la créance déclarée et comportait le motif de la contestation, quelle que soit la pertinence de celui-ci, il appartenait au débiteur d’y apporter une réponse dans le délai de 30 jours de sa réception.

Faute d’y avoir procédé, le pôle de recouvrement spécialisé n’est pas recevable à interjeter appel contre l’ordonnance du juge commissaire qui a confirmé la proposition du mandataire.

Succombant, le pôle de recouvrement spécialisé sera condamné aux dépens et à payer à Maître Anne RAVISE de la SCP BR ASSOCIES, en sa qualité de liquidateur de la SNC NORDY GEST, la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Il sera débouté de sa demande sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,

DECLARE irrecevable l’appel formé par le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de la Martinique contre l’ordonnance du juge commissaire du 26 avril 2021 ;

CONDAMNE le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de la Martinique à payer à Maître Anne RAVISE de la SCP BR ASSOCIES, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SNC NORDY GEST, la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de la Martinique de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de la Martinique aux dépens d’appel, dont distraction au profit de Maître Isadora ALVES, avocat au barreau de Fort de France.

Signé par Mme Christine PARIS, Présidente de Chambre et Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL, Greffière, lors du prononcé à laquelle la minute a été remise.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

 


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