N° RG 19/06442 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MS54
Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON
Au fond du 02 septembre 2019
RG : 19/02977
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRÊT DU 12 Mai 2022
APPELANT :
M. [Y] [J] [O]
né le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 5] (RHONE)
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représenté par la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1547
Et ayant pour avocat plaidant la SCP D’AVOCATS DUMONT-LATOUR, avocat au barreau de LYON, toque : 260
INTIME :
Comptable du Pôle de Recouvrement Spécialisé du Rhône
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Peggy JOUSSEMET de la SCP GRAFMEYER BAUDRIER ALLEAUME JOUSSEMET, avocat au barreau de LYON, toque : 673
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Date de clôture de l’instruction : 03 Novembre 2020
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 17 Février 2022
Date de mise à disposition : 12 Mai 2022
Audience tenue par Anne WYON, président, et Françoise CLEMENT, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier
A l’audience, Françoise CLEMENT a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :
– Anne WYON, président
– Françoise CLEMENT, conseiller
– Dominique DEFRASNE, magistrat honoraire
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
M. [Y] [O] était le président de la SAS Yves Montaigne qui exerçait une activité de commerce de gros d’habillement et de chaussures.
La société Yves Montaigne n’a pas acquitté ou n’a que partiellement acquitté huit déclarations de TVA, de janvier 2016, novembre 2016, décembre 2016 à avril 2018.
Elle n’a pas effectué la déclaration annuelle de résultat pour le calcul de l’impôt sur les sociétés.
Elle n’a pas acquitté, non plus, la cotisation foncière des entreprises (CFE) pour 2015 et 2017.
L’administration fiscale lui a délivré plusieurs avis de mise en recouvrement, fait pratiquer, le 12 mars 2018, une saisie immobilière sur un stock de fourrures, puis, le 26 juillet 2018, fait dresser le procès verbal de saisie.
M. [O] a déclaré la cessation des paiement de la société Yves Montaigne le 5 septembre 2018 et par jugement du 19 septembre 2018, cette société a été déclarée en liquidation judiciaire, ce qui n’a pas permis à l’administration fiscale d’appréhender le stock de fourrures saisi.
Dans ce contexte, après y avoir été autorisé par ordonnance sur requête du 29 mars 2019, le comptable du Pôle de recouvrement spécialisé du Rhône, par acte d’huissier du 15 avril 2019, a fait assigner à jour fixe M. [Y] [O] devant le président du tribunal de grande instance de Lyon, sur le fondement de l’article L 267 du livre des procédures fiscales, pour le voir condamner au paiement des impositions restant dues par la société Yves Montaigne, à hauteur de 140’358,97 €, y compris les pénalités.
Par jugement du 2 septembre 2019, le président du tribunal de grande instance a :
‘ déclaré M. [Y] [O] solidairement responsable avec la société Yves Montaigne du paiement de la somme de 136’958,97 €,
‘ condamné M. [Y] [O] à payer au comptable du Pôle de recouvrement spécialisé du Rhône la somme de 136’958,97 €,
‘ condamné M. [Y] [O] aux dépens ainsi qu’au paiement de la somme de
1 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 18 septembre 2019, M. [Y] [O] a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions, notifiées le 4 septembre 2020, M. [Y] [O] demande à la cour :
– d’infirmer le jugement dont appel et de débouter le comptable du Pôle de recouvrement spécialisé du Rhône de l’intégralité de ses prétentions à son encontre,
à titre subsidiaire :
– de débouter le comptable du Pôle de recouvrement spécialisé du Rhône de ses demandes de condamnation solidaire à son encontre, au titre de l’impôt sur les sociétés et de la CFE,
– de condamner le comptable du Pôle de recouvrement spécialisé du Rhône aux dépens ainsi qu’au paiement de 10’000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [Y] [O] conteste le montant la créance invoquée par le Trésor public, en indiquant :
– que les sommes dues au titre des 8 déclarations de TVA et des cotisations foncières des entreprises s’élèvent, au total, à 104’278,97 €
– que le juge commissaire, par deux ordonnances rendues le 29 novembre 2019, a constaté l’existence de deux instances en cours devant le tribunal administratif de Lyon pour des montants en litige de 3 400 € (IS 2013 et 2014) et 32’680 € (TVA 2013 et 2014), ce qui ramène la créance du Trésor à la somme de 68’198,97 €,
– que par ailleurs, le comptable du Trésor ne prouve pas l’impossibilité de recouvrer les sommes dans le cadre de la procédure collective, étant noté que le stock de fourrures a été vendu pour 97’130 € et que le trésor percevra au moins 30’000 € dans la procédure collective,
– qu’il existe en outre une procédure à l’encontre du bailleur de la société Yves Montaigne en vue d’obtenir la somme de 100’000 €,
– que le comptable du trésor a agi précipitamment et qu’on ne sait pas ce qui sera réellement dû.
Il conteste aussi toute responsabilité, au motif qu’il n’est pas rapporté la preuve d’inobservations graves et répétées des obligations fiscales de la société Yves Montaigne, ni par conséquent la preuve de man’uvres frauduleuses de son dirigeant ayant rendu impossible le recouvrement des impositions.
Dans ses dernières conclusions, notifiées le 12 octobre 2020, le comptable du Pôle de recouvrement spécialisé du Rhône demande, de son côté, à la cour :
– de confirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions et y ajoutant :
– de condamner M. [Y] [O] aux dépens ainsi qu’au paiement de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir :
– que l’imposition due et justement retenue par le tribunal s’élève à 104’278,97 € au titre de la TVA et de la CFE et à 32’680 € au titre du rappel TVA de 2013 et 2014, soit au total 136’958,97 €,
– que le tribunal administratif a rejeté les contestations de M. [O]
– qu’il existe bien pour le Trésor une impossibilité de recouvrement de sa créance, dès lors que le stock de fourrures a été manifestement surévalué par M. [O], de sorte que sa valeur réelle n’est pas démontrée, que la somme de 30’000 € avancée par le juge commissaire ne serait qu’un paiement très partiel, que la procédure d’opposition à commandement contre le bailleur est étrangère à la présente affaire,
– que les inobservations graves et répétées des obligations fiscales de la société Yves Montaigne sont avérées en l’espèce, compte tenu de la multiplicité des manquements et de la minoration volontaire des déclarations sur plusieurs exercices, étant noté, au demeurant, que la loi ne fixe pas un nombre minimum.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 novembre 2020.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Le comptable du Pôle de recouvrement spécialisé du Rhône se prévaut d’une créance à l’encontre de la société Yves Montaigne, à hauteur des sommes de 96 849,97 € au titre de la TVA, de 7 429 € au titre de la CFE et de 32’680 € au titre du rappel de TVA de 2013 et 2014.
M. [O] fait valoir deux instances en cours devant le tribunal administratif de Lyon dont l’une concerne la contestation de la somme de 32’680 € mais l’intimé produit deux décisions rendues par cette juridiction, le 9 avril 2019, rejetant les requêtes de la société Yves Montaigne.
A défaut de recours, l’imposition contestée est définitive
L’article L.267 du livre des procédures fiscales (dans sa rédaction issue de l’ordonnance 2010-420 du 27 avril 2010), dispose:
« Lorsqu’un dirigeant d’une société, d’une personne morale ou de tout autre groupement, est responsable des manoeuvres frauduleuses ou de l’inobservation grave et répétée des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société, la personne morale ou le groupement, ce dirigeant peut, s’il n’est pas déjà tenu au paiement des dettes sociales en application d’une autre disposition, être déclaré solidairement responsable du paiement de ces impositions et pénalités par le président du tribunal de grande instance. A cette fin, le comptable public compétent assigne le dirigeant devant le président du tribunal de grande instance du lieu du siège social.
Cette disposition est applicable à toute personne exerçant en droit ou en fait, directement ou indirectement, la direction effective de la société, de la personne morale ou du groupement.
Les voies de recours qui peuvent être exercées contre la décision du président du tribunal de grande instance ne font pas obstacle à ce que le comptable prenne à leur encontre des mesures conservatoires en vue de préserver le recouvrement de la créance du Trésor. »
L’inobservation grave et répétée des obligations fiscales par M. [O] , dirigeant de la société Yves Montaigne, est caractérisée, en l’espèce, par le défaut de paiement de huit déclarations de TVA pour un montant total de 96’849,97 €, dans la mesure où l’entreprise a conservé dans sa trésorerie des fonds collectés auprès de ses clients et destinés à être reversés au Trésor public, ainsi que par le défaut de paiement de la cotisation foncière des entreprises en 2015 et 2017, pour un montant de 7 429 €.
L’impossibilité pour le Trésor de recouvrer la dette fiscale est établie par le fait que M. [O] a déclaré la société Yves Montaigne en cessation des paiements dès qu’il a eu connaissance de la saisie du stock de fourrures, qu’il s’en est suivi aussitôt la mise en liquidation judiciaire de ladite société et qui a fait obstacle au recouvrement des fonds à son encontre.
Si le compte analytique produit par l’appelant révèle que le stock de l’entreprise a finalement été vendu pour la somme de 97’230 € et si le liquidateur indique dans un courrier du 23 septembre 2019 qu’une somme de l’ordre de 30’000 € pourrait revenir au Trésor public, il y a lieu cependant de constater que ce paiement est évoqué ‘sous toutes réserves’et qu’il ne serait qu’un paiement très partiel.
S’agissant de la procédure opposant la société Yves Montaigne à son bailleur, la société Hôtelière de la Porte de Sèvres, son issue apparaît aujourd’hui incertaine, notamment quant aux dommages-intérêts réclamés par la société Yves Montaigne.
En conséquence, les conditions d’application de l’article L 267 du livre des procédures fiscales étant, en l’espèce, réunies, il convient de confirmer le jugement dont appel, en ce qu’il a déclaré M. [O] solidairement responsable avec la société Yves Montaigne du paiement de la somme de 136’945,97 € et l’a condamné au paiement de ladite somme au comptable du Pôle de recouvrement spécialisé du Rhône.
Les dispositions du jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles de première instance doivent être également confirmées.
M. [O] supportera les dépens d’appel et devra régler en cause d’appel au comptable du Pôle de recouvrement spécialisé du Rhône la somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, tandis qu’il sera débouté de sa propre demande sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement querellé en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [Y] [O] aux dépens d’appel qui seront recouvrés, conformément à l’article 699 du code de procédure civile, par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande,
Condamne M. [Y] [O] à payer au comptable du Pôle de recouvrement spécialisé du Rhône la somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute M. [Y] [O] de sa demande sur ce fondement.
Le Greffier Le Président