Cotisation foncière des entreprises : 28 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/07606

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Cotisation foncière des entreprises : 28 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/07606

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 8

ARRÊT DU 28 JUIN 2022

(n° / 2022 , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/07606 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CB4P6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 2 Juin 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2019051649

APPELANT

Monsieur [L] [O]

Né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 8]

Demeurant [Adresse 3]

[Localité 7]

Représenté par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044,

Assisté de Me Martine BONSOM, avocate au barreau de PARIS, toque : G0238,

INTIMÉS

S.E.L.A.R.L. AXYME, prise en la personne de Maître [U] [K] [G], en qualité liquidateur judiciaire de la SAS AVENUESOFTWARE,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 830 793 972,

[Adresse 4]

[Localité 5]

Non constituée

Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D’APPEL DE PARIS

SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 2]

[Localité 6]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Novembre 2021, en audience publique, devant la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre,

Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame [J] [Z] dans le respect des conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

MINISTÈRE PUBLIC : L’affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Monsieur François VAISSETTE, avocat général, qui a fait connaître son avis écrit le 2 octobre 2020 et ses observations orales lors de l’audience.

ARRÊT :

– par défaut

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE:

La SAS Avenuesoftware, créée le 7 mars 2003 par M. [O] et présidée par ce dernier, exerçait une activité de conseil et de service en ingénierie informatique.

Sur déclaration de la cessation des paiements du 24 octobre 2016 et par jugement du 2 novembre 2016, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société Avenuesoftware et fixé la date de la cessation des paiements au 1er juin 2016.

Le 13 septembre 2019, le ministère public a déposé une requête en sanction personnelle à l’encontre de M. [O] en lui reprochant la tenue d’une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière, l’augmentation frauduleuse du passif et la déclaration tardive de la cessation des paiements.

Par jugement du 2 juin 2020, non assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris, après avoir retenu les trois griefs invoqués, a prononcé à l’encontre de M. [O] une interdiction de gérer, fixé la durée de cette mesure à trois ans et dit que les dépens seraient employés en frais de liquidation judiciaire.

M. [O] a relevé appel du jugement selon déclaration du 19 juin 2020.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 5 janvier 2021, M. [O] demande à la cour :

– à titre principal, d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamné à une interdiction de gérer toute entreprise commerciale ou artisanale et toute personne morale d’une durée de 3 ans, à titre subsidiaire, de l’infirmer et d’exclure les sociétés SDMS (RCS Evry n° 527699870) et AvenueeSolutions (RCS Paris n° 815224910) du périmètre de l’interdiction et/ou de limiter cette interdiction à 1 an,

– en toute hypothèse, de confirmer le jugement en ce qu’il n’a pas prononcé de faillite personnelle, de débouter les intimés de toutes leurs demandes et de dire que les dépens seront employés en frais de liquidation judiciaire.

Dans son « avis » déposé au greffe et notifié par voie électronique le 2 octobre 2020, le ministère public invite la cour à confirmer le jugement.

La tentative de signification de la déclaration d’appel et des conclusions d’appelant à la SELARL Axyme, en qualité de liquidateur de la société Avenuesoftware, a donné lieu à l’établissement d’un procès-verbal de difficultés le 9 septembre 2020 à la suite du refus d’un employé de cette société de recevoir l’acte au motif que la liquidation judiciaire avait été clôturée le 10 juin 2020.

SUR CE,

– Sur l’augmentation frauduleuse du passif

L’article L. 653-4, 5°, du code de commerce dispose qu’est passible d’une faillite personnelle, le dirigeant qui a « frauduleusement augmenté le passif de la personne morale».

Le ministère public relève que la SAS Avenuesoftware a fait l’objet d’une vérification sur la période du 1er juillet 2008 au 31 décembre 2013 qui a donné lieu à un redressement en matière de TVA comprenant un rappel de droits de 37 786 euros et des pénalités de 13 604 euros, ce dont il déduit que le passif a été augmenté frauduleusement à concurrence de ce dernier montant.

M. [O] argue que le rappel de droits n’a pas augmenté le passif, que les pénalités représentent seulement 6,5 % du passif non vérifié de 209 133 euros et que le redressement, imputable à un retard dans le reversement de la TVA, ne procède ni d’une fraude, ni d’un arbitrage des règlements de la société Avenuesoftware au détriment de l’administration fiscale.

Le ministère public se borne à produire la déclaration de créance de l’administration fiscale, dont il ressort que celle-ci comprend au titre de la TVA afférente aux périodes du 1er juillet 2008 au 30 juin 2012 et du 1er juillet 2008 au 30 juin 2012, des pénalités de, respectivement, 7 793 et 5 811 euros, soit un total de 13 604 euros.

En l’absence de tout élément versé aux débats renseignant sur les circonstances et les motifs de l’application de pénalités par l’administration fiscale, le caractère frauduleux de l’augmentation du passif en résultant n’est pas établi.

Le grief ne peut donc être retenu.

– Sur le caractère tardif de la déclaration de la cessation des paiements

L’article L. 653-8, alinéa 3, du code de commerce prévoit qu’une interdiction de gérer peut être prononcée à l’encontre d’un dirigeant « qui a omis sciemment de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation ».

Le ministère public soutient que M. [O] a déclaré la cessation des paiements avec cinq mois de retard et déduit le caractère délibéré de ce manquement du montant d’une inscription de privilège prise le 1er juin 2016 et de l’importance de l’aggravation du passif pendant la période suspecte, à savoir, selon lui, 47 037 euros, représentant 22 % de l’insuffisance d’actif.

M. [O] conteste s’être délibérément soustrait à l’obligation de déclarer la cessation des paiements dans le délai de 45 jours. En ce sens, il fait valoir, d’une part, qu’il n’a pas eu connaissance de l’inscription de privilège en raison de difficultés de suivi du courrier envoyé à l’adresse du siège de la société Avenuesoftware et, d’autre part, que la prétendue aggravation du passif de 47 037 euros dont se prévaut le ministère public n’est pas établie.

Force est de constater, d’abord, que la date de la cessation des paiements a été fixée au 1er juin 2016 par le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire et que M. [O] a déclaré la cessation des paiements de la société Avenuesoftware le 24 octobre 2016, de sorte que le retard par rapport au délai de 45 jours imparti par les dispositions précitées est de 3 mois et 8 jours, et non de 5 mois comme l’affirme le ministère public.

Ensuite, il ressort de la requête du ministère public que le passif prétendument né pendant la période suspecte recouvre une créance du Crédit Agricole de 46 964 euros résultant d’un jugement du 12 octobre 2016 et la cotisation foncière des entreprises de l’année 2016, d’un montant de 75 euros. Or, M. [O] indique que l’assignation du Crédit Agricole a été délivrée le 23 mars 2016, date plausible au regard de celle du jugement, ce dont il s’évince que la créance en cause n’est pas née pendant la période suspecte, qui a débuté le 1er juin 2016. Quant à la cotisation foncière des entreprises, son fait générateur se situe au 1er janvier de l’année d’imposition et donc, en l’espèce, à une date antérieure au début de la période suspecte. M. [O] est donc bien fondé à soutenir que le ministère public échoue à démontrer l’existence d’une aggravation du passif pendant la période suspecte.

Enfin, la circonstance que l’administration fiscale a, le 1er juin 2016, inscrit un privilège pour un montant de 55 558,50 euros – étant observé qu’aucune autre inscription ne figure sur l’état versé aux débats, édité le 3 novembre 2016 – ne suffit pas à établir que le retard de 3 mois et 8 jours dans la déclaration de la cessation des paiements a été délibéré.

L’élément moral du grief faisant défaut, celui-ci n’est pas caractérisé.

– Sur la tenue de la comptabilité

L’article L. 653-5, 6°, du code de commerce dispose qu’est passible d’une faillite personnelle le dirigeant qui « [a] fait disparaître des documents comptables, [n’a pas] tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou [a] tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ».

Le ministère public fait valoir que les documents comptables produits par M. [O] pour la période du 1er juillet 2013 au 30 juin 2016 (journaux, grands livres généraux, grands livres clients et fournisseurs et balances générales, clients et fournisseurs) l’ont été postérieurement à la requête en sanction et ne permettent pas à eux seuls d’établir « la réalité comptable de l’entreprise ».

M. [O] soutient que la production tardive des documents comptables n’est pas sanctionnée par l’article L. 653-5, 6°, du code de commerce et prétend que la société Avenuesoftware a été confrontée à une impossibilité matérielle d’établir les bilans et comptes de résultat des exercices 2013/2014, 2014/2015 et 2015/2016 à la suite de difficultés techniques pour récupérer les sauvegardes de comptabilité et les transférer sur un nouveau système.

L’article L. 123-12 du code de commerce impose l’établissement de comptes annuels à la clôture de l’exercice, obligation dont M. [O] reconnaît qu’elle n’a pas été respectée au titre des exercices 2013/2014, 2014/2015 et 2015/2016.

Il convient également de relever que les allégations de M. [O] relatives aux difficultés techniques rencontrées par la société Avenuesoftware procèdent de simples affirmations.

Il s’ensuit que le grief est établi.

– Sur la sanction

M. [O] estime que, si une interdiction devait être prononcée à son encontre, il y aurait lieu d’en limiter la durée à un an et/ou d’exclure de son périmètre les sociétés SDMS et AvenueeSolutions. Il fait valoir à cet égard que le passif résulte, à hauteur de 72 %, d’une condamnation prononcée au profit d’un client par un jugement du 31 mai 2016 et de prêts souscrits entre 2 et 3 ans avant la liquidation judiciaire. Il expose également avoir dû prendre la direction de la société SDMS à la suite de l’accident vasculaire cérébral dont son gendre a été victime le 28 janvier 2018 et avoir besoin de poursuivre ses activités au sein de la société AvenueeSolutions afin de compléter le revenu procuré par sa pension de retraite, de 2 000 euros par mois.

En définitive, seul le grief relatif à la tenue de comptabilité a été retenu mais celui-ci revêt une gravité certaine puisque les comptes annuels, outil de gestion pourtant essentiel, n’ont pas été établis pendant trois exercices consécutifs.

Il conviendra, en conséquence, de prononcer une interdiction de gérer d’une durée de 18 mois, le jugement étant infirmé en ce qu’il a fixé cette durée à 3 ans.

Afin d’assurer l’effectivité de la sanction, seule la société SDMS sera exclue du périmètre de l’interdiction de gérer.

– Sur les dépens et frais irrépétibles

M. [O], qui succombe partiellement, sera tenu aux dépens de première instance, le jugement étant infirmé en ce qu’il a dit que ceux-ci seraient employés en frais de liquidation judiciaire, et d’appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en ce qu’il a prononcé à l’encontre de M. [L] [O], né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 8] (69), une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale et toute personne morale,

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Fixe la durée de la mesure d’interdiction précitée à 18 mois,

Exclut de cette mesure la société SDMS, immatriculée au registre du commerce et des sociétés d’Evry sous le numéro 527 699 870,

Condamne M. [L] [O] aux dépens.

La greffière,

Liselotte FENOUIL

La Présidente,

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

 


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