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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/03234 – N° Portalis DBVH-V-B7G-ISUF
CC
TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIMES
27 septembre 2022
RG:2020F572
[E]
C/
[O]
[F]
[G]
MINISTERE PUBLIC
S.E.L.A.R.L. BRMJ
Grosse délivrée
le 22 MARS 2023
à Me Georges POMIES RICHAUD
Me Alexia COMBE
Me Eve SOULIER
Me Stéphane GOUIN
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 22 MARS 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de NIMES en date du 27 Septembre 2022, N°2020F572
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre,
Madame Claire OUGIER, Conseillère,
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.
DÉBATS :
A l’audience publique du 02 Mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 22 Mars 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
Madame [U] [E] épouse [S]
née le [Date naissance 7] 1963 à [Localité 13]
[Adresse 10]
[Adresse 10]
Représentée par Me Valérie VERNET SIBEL de la SELAS FIDAL, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER
Représentée par Me Georges POMIES RICHAUD, Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉS :
Monsieur [C] [O]
né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 14]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représenté par Me Catherine KERDONCUFF, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER
Représenté par Me Alexia COMBE, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Monsieur [Z] [A] [M] [F]
né le [Date naissance 6] 1969 à [Localité 15]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Eve SOULIER de la SELARL EVE SOULIER-JEROME PRIVAT-THOMAS AUTRIC, Postulant, avocat au barreau D’AVIGNON
Représenté par Me Catherine TRIQUET, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER
Monsieur [N] [K] [G]
né le [Date naissance 3] 1966 à [Localité 11] ( PORTUGAL)
[Adresse 10]
[Adresse 10]
Représenté par Me Valérie VERNET SIBEL de la SELAS FIDAL, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER
Représenté par Me Georges POMIES RICHAUD, Postulant, avocat au barreau de NIMES
MINISTERE PUBLIC, représenté par Mme la PROCUREURE GENERALE près la Cour d’Appel de NIMES, domiciliée en ses bureaux sis
Au Palais de justice
[Adresse 9]
[Adresse 9]
S.E.L.A.R.L. BRMJ La SELARL BRMJ représentée par Maître [W] [P], Société d’Exercice Libéral à Responsabilité Limitée, au capital de 10.000 €, immatriculée au RCS de NIMES sous le n° 812 777 142, prise en sa qualité de Liquidateur Judiciaire de la SAS DEPANN’ECLAIR, désignée à cette fonction par jugement du Tribunal de Commerce de NIMES du 18 Janvier 2018,
Pôle Delta Littoral, KM DELTA
[Adresse 8]
[Adresse 8]
Représentée par Me Julien VOLLE de la SCP LOBIER & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
Affaire fixée en application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile avec ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 23 Février 2023
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 22 Mars 2023,par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSÉ
Vu l’appel interjeté le 5 octobre 2022 par Madame [U] [E] épouse [S] à l’encontre du jugement prononcé le 27 septembre 2022 par le tribunal de commerce de Nîmes dans l’instance n° 2020F572.
Vu l’appel interjeté le 7 octobre 2022 par Monsieur [C] [O] à l’encontre du jugement prononcé le 27 septembre 2022 par le tribunal de commerce de Nîmes dans l’instance n° 2020F572.
Vu l’appel interjeté le 11 octobre 2022 par Monsieur [Z] [A] [M] [F] à l’encontre du jugement prononcé le 27 septembre 2022 par le tribunal de commerce de Nîmes dans l’instance n° 2020F572.
Vu l’ordonnance du 10 octobre 2022 de jonction des procédures n° RG 22/03234 et 22/03251 sous le numéro unique 22/03234.
Vu l’ordonnance du 26 octobre 2022 de jonction des procédures n° RG 22/03234 et 22/03302 sous le numéro unique 22/03234.
Vu l’avis du 10 octobre 2022 de fixation de l’affaire à bref délai à l’audience du 2 mars 2023.
Vu les conclusions remises par la voie électronique le 22 décembre 2022 par Madame [U] [E] épouse [S], appelante, et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 24 février 2023- après clôture – par Madame [U] [E] épouse [S], appelante, et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 9 novembre 2022 par Monsieur [C] [O], appelant, et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 21 février 2023 par Monsieur [Z] [F], appelant, et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 23 février 2023 par Monsieur [R] [S], intimé par Monsieur [F], et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu le message adressé par le greffe aux parties le 26 février 2023, demandant leurs observations sur le non-paiement du timbre fiscal par Monsieur [G].
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 22 février 2023 par la SELARL BRMJ, intimée et appelante incidente, et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu les conclusions du Ministère public du 9 février 2023, notifiées aux parties le 10 février 2023,
Vu l’ordonnance du 10 octobre 2022 de clôture de la procédure à effet différé au 23 février 2023.
Vu le message adressé par la voie électronique par Madame [E] le 23 février 2023 aux fins de révocation de l’ordonnance de clôture, en vue de l’admission de ses dernières écritures.
Vu les conclusions déposées par la SELARL BRMJ es qualités le 28 février 2023 aux fins de rejet des conclusions n°3 déposées par Madame [E] le 24 février 2023, ainsi que des pièces 42 à 49 notifiées le même jour, soit postérieurement à la clôture.
Vu les conclusions d’incident déposées par Madame [E] le 28 février 2023 en réponse aux fins de révocation de l’ordonnance de clôture.
* * *
La société Depann’Eclair, constituée le 29 décembre 2005, a été immatriculée au RCS de Nîmes à compter du 15 octobre 2015 avant sa radiation d’office à effet au 2 février 2018.
Cette société avait pour objet social toute activité mécanique, le dépannage de véhicules légers et poids lourds, les réparations de tôlerie et de carrosserie sur ces mêmes véhicules.
Son capital social était fixé à 80 000 euros, divisé en 800 parts sociales détenues par :
Madame [E] à hauteur de 99% du capital social, soit 792 actions ;
Monsieur [B] à hauteur de 1% du capital social, soit 8 actions.
Les fonctions de dirigeant de la société ont été successivement occupées par :
Madame [E] du 6 avril 2006 au 10 février 2015 ;
Monsieur [O] du 10 février 2015 au 13 mai 2016 ;
Monsieur [F] du 13 mai 2016 à ce jour.
Par exploit du 4 décembre 2017, le comptable du pôle de recouvrement spécialisé a fait assigner la société Depann’Eclair devant le tribunal de commerce de Nîmes afin de voir ouvrir une procédure directe de liquidation judiciaire.
Par jugement du 10 janvier 2018, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de liquidation judiciaire sans poursuite d’activité à l’encontre de la SAS Depann’Eclair et a désigné la SELARL BRMJ en qualité de mandataire liquidateur. La date de cessation des paiements a été arrêtée au 15 juillet 2016.
Le passif admis définitif de la société Depann’Eclair était de 3 055 983,23 euros.
Par exploit du 27 mai 2020, Maître [W] [P], es qualité de mandataire liquidateur de la société Depann’Eclair a fait assigner Madame [U] [E] [S], Monsieur [Z] [F] et Monsieur [C] [O] devant le tribunal de commerce de Nîmes aux fins de voir constater qu’ils ont commis des fautes de gestion contribuant à l’insuffisance d’actif, les voir condamner solidairement à payer la somme de 3 055 983,23 euros à la SELARL BRMJ, de voir prononcer une mesure de faillite personnelle à leur encontre et les voir condamner à payer la somme de 3 000 euros à la SELARL BRMJ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 27 septembre 2022, le tribunal de commerce de Nîmes a :
Vu les articles L. 651-2 et suivants du code de commerce,
-Déclaré irrecevable l’action en intervention forcée de Monsieur [F] [Z] [A] [M] dirigée à l’encontre de Monsieur [S] [R] afin de le relever et garantir les condamnations pécuniaires qui seraient prononcées contre lui ;
Constatant que Monsieur [F], Madame [E] et Monsieur [O], dirigeants de droit à différentes périodes de la SAS Depann’Eclair, ont commis des fautes de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif de la SAS Depann’Eclair, mais à des degrés différents, en ne déclarant pas l’état de cessation des paiements, en poursuivant une activité déficitaire, en ne tenant pas de comptabilité complète, sincère et régulière, en méconnaissant les obligations fiscales et sociales et en détournant l’activité de la société Depann’Eclair vers la société Languedoc Poids Lourds et Cie constituée pour la cause,
-Condamné Monsieur [F], Madame [E] [S] et Monsieur [O] à supporter l’intégralité de l’insuffisance d’actif de la SAS Depann’Eclair ;
-Condamné solidairement Monsieur [F] et Madame [E] [S] au paiement de 90% du montant du passif, soit à la somme de 2 750 384,91 euros (deux millions sept-cent-cinquante mille trois-cent-vingt-quatre euros et quatre-vingt-onze cents) avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation, pour leur gestion de droit comme de fait, ayant contribué à créer et faire perdurer une activité déficitaire ;
-Condamné Monsieur [O] au paiement du 10% du montant du passif soit à la somme de 305 598,32 euros (trois-cent-cinq mille cinq-cent-quatre-vingt-dix-huit euros et trente-deux cents) pour sa gestion de droit passif, du 10 février 2015 au 13 mai 2016 ayant contribué à la poursuite d’une activité déficitaire ;
Vu les articles L. 653-4 et 655-5ème du code de commerce ;
-Prononcé à l’encontre de Monsieur [F] et de Madame [E] [S] une mesure de faillite personnelle à l’encontre de chacun d’entre eux, pendant une durée de 15 ans ;
-Prononcé à l’encontre de Monsieur [O] une mesure de faillite personnelle pendant une durée de 10 ans ;
-Dit qu’en application des articles L. 128-1 et suivants et R. 128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l’objet d’une inscription au fichier national des interdits de gérer, dont la tenue est assurée par leconseil national des greffiers des tribunaux de commerce ;
-Débouté Monsieur [F], Madame [E] [S], Monsieur [O] et Monsieur [S] de leurs demandes, fins et conclusions ;
-Condamné solidairement Monsieur [F], Madame [E] [S] et Monsieur [O] à payer et à porter à la SELARL BMJ représentée par Maître [P] [W], es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Depann’Eclair, la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
-Ordonné l’exécution provisoire de la présente décision ;
-Condamné solidairement Monsieur [F], Madame [E] [S] et Monsieur [O] aux dépens de la présente instance (en ce non compris le coût de la citation par voie d’huissier).
Le 5 octobre 2022, Madame [U] [E] épouse [S] a relevé appel de ce jugement.
Le 7 octobre 2022, Monsieur [C] [O] a relevé appel de ce jugement.
Le 11 octobre 2022, Monsieur [Z] [A] [M] [F] a relevé appel de ce jugement.
Par ordonnance du 10 octobre 2022, les procédures n° RG 22/03234 et 22/03251 ont été jointes sous le numéro unique 22/03234.
Par ordonnance du 26 octobre 2022, les procédures n° RG 22/03234 et 22/03302 sous ont été jointes sous le numéro unique 22/03234.
***
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, Madame [U] [E], épouse [S], demande à la cour, au visa des articles L. 651-2, L. 651-4, R. 651-5 du code de commerce, de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme, des articles L. 653-4, L. 655-5ème du code de commerce, de :
-Réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nîmes en date du 27 septembre 2022 en ce qu’il a dit :
« Vu le rapport du juge commissaire,
Vu les articles L.651-2 et suivants du Code de commerce
CONSTATE que Monsieur [F] [Z] [A] [M], Madame [E] [S] [U] et Monsieur [O] [C], dirigeants de droit à différentes périodes de la SAS DEPANN’ECLAIR, ont commis des fautes de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif de la SAS DEPANN’ECLAIR, mais à des degrés différents, en ne déclarant pas l’état de cessation des paiements, en poursuivant une activité déficitaire, en ne tentant pas de comptabilité complète, sincère et régulière, en méconnaissant les obligations fiscales et sociales et en détournant l’activité de la société DEPANN’ECLAIR vers la société LANGUEDOC POIDS LOURDS et Cie constituée pour la cause ;
CONDAMNE, Monsieur [F] [Z] [A] [M] domicilié [Adresse 1] , Madame [E] [S] [U] domiciliée [Adresse 10] et Monsieur [O] [C] domicilié [Adresse 5] ,à supporter l’intégralité de l’insuffisance d’actif de la SAS DEPANN’ECLAIR ;
A ce titre CONDAMNE solidairement Monsieur [F] [Z] [A] [M] et Madame [E] [S] [U] au paiement de 90% du montant du passif soit à la somme de 2.750.384,91 € avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation, pour leur gestion de droit comme de fait, ayant contribué à créer et faire perdurer une activité déficitaire et condamne M.[O] [C] au paiement de 10% du montant du passif soit à la somme de 305.598,32 euros pour sa gestion de droit passif du 10 février 2015 au 13 mai 2016 ayant contribué à la poursuite d’une activité déficitaire.
Vu les articles L.653-4 et 655-5ème du Code de Commerce,
PRONONCE à l’encontre de Mme [E] une mesure de faillite personnelle pendant une durée de 15 ans.
DIT qu’en application des articles L.128-1 et suivants et R.128-1 et suivants du Code de Commerce, cette sanction fera l’objet d’une inscription au Fichier national des interdits de gérer, dont la tenue est assurée par le Conseil national des greffiers des Tribunaux de commerce.
Déboute Mme [E] [S] [U] de ses demandes, fins et conclusions.
CONDAMNE solidairement Monsieur [F], Madame [E] et M. [O] [C] à payer et à porter à la SELARL BRMJ représentée par Maître [P] [W] es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS DEPANN’ECLAIR, la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision. QUI CONDAMNE solidairement Monsieur [F] [Z] [A] [M], Madame [E] [S] [U] et M. [O] [C] aux dépens de la présente instance (en ce non compris le coût de la citation par voie d’Huissier) » ;
Statuant à nouveau,
-Écarter des débats le rapport du juge commissaire en date du 10 septembre 2021 comme nul, inopposable et en tous les cas erroné ;
-Rejeter l’appel incident de la SELARL BRMJ ès qualité à l’encontre de Madame [U] [E] ;
-Débouter la SELARL BRMJ ès qualités de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de Madame [U] [E] ;
-Condamner la SELARL BRMJ ès qualités à payer à Madame [U] [E] la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens ;
-Débouter Monsieur [Z] [F] de ses demandes irrecevables et mal fondées.
Au soutien de ses prétentions, Madame [E] fait valoir que le rapport du juge commissaire est totalement erroné et qu’il doit être écarté des débats, au visa de l’article 6 de la CEDH. En effet, le rapport ne lui pas été adressé par lettre recommandée avec accusé de réception. Alors qu’elle s’était déplacée personnellement à l’audience du 26 octobre 2021, elle a été privée du droit d’être entendue personnellement sur ce rapport car l’affaire a été renvoyée. Etant privée du droit à un procès équitable, elle n’a pu démontrer que ce rapport est manifestement erroné en ce qu’il ne fait pas état des malversations de Monsieur [F], n’individualise par la situation des présidents successifs, fait l’impasse sur les poursuites pénales engagées à l’encontre de Monsieur [F] et sur la condamnation de ce dernier, prononcée par le tribunal correctionnel.
Sur le fond, Madame [E] soutient qu’elle n’a commise aucune faute de gestion. Plus précisément, elle n’était plus présidente de la société à la date où l’état de cessation des paiements aurait dû être déclarée (date de cessation des paiements fixée au 15 juillet 2016 et fin de ses fonctions de dirigeante le 31 janvier 2015). Lorsqu’elle était présidente, la comptabilité de la société était tenue ainsi que le démontrent les liasses fiscales 2013 et 2014. L’exercice 2013 a été bénéficiaire et celui de 2014 déficitaire, ce qui est insuffisant à démontrer la poursuite d’une activité déficitaire. Elle conteste l’accusation de comptabilité irrégulière proférée par le liquidateur judiciaire, comptabilité qui était en tout état de cause tenue par Monsieur [F]. Elle relève qu’aucune procédure d’alerte n’a été initiée par le commissaire aux comptes durant sa période de présidence. Elle prétend que Monsieur [F] détient une comptabilité qu’il ne produit pas pour masquer ses détournements frauduleux. En outre, le refus de Monsieur [F] de laisser réaliser un contrôle fiscal dans la société Depann’Eclair a eu pour conséquence directe d’entraîner l’ouverture d’une procédure pour obstruction à contrôle fiscal et une taxation d’office avec des pénalités à 100%. Elle ne peut se voir opposer une violation des dispositions fiscales et une opposition au contrôle fiscal qui sont intervenus postérieurement à la fin de ses fonctions. Et la SELARL BRMJ ne démontre pas un prétendu détournement de la société Depann’Eclair vers la société Languedoc Poids Lourds, car si tel avait été le cas, il n’aurait pas manqué d’agir.
Enfin, Madame [E] soutient que le liquidateur judiciaire n’établit pas une insuffisance d’actif à la date où elle a cessé ses fonctions et le lien de causalité entre les prétendues fautes de gestion et cette supposée insuffisance d’actif. Elle ajoute qu’on ne peut la tenir responsable ni des fautes de Monsieur [O] qui a accepté le jugement de première instance ni des fautes pénales de Monsieur [F] auxquelles elle n’a nullement participé. Aucune condamnation solidaire ne peut donc être prononcée.
De surcroît, elle rappelle les dispositions de l’article L.651-2 du code de commerce qui excluent toute responsabilité du dirigeant en cas de simple négligence.
En ce qui concerne la demande de faillite personnelle, Madame [E] expose que les conditions d’application des articles L.653-3 et L.653-5 6° (retenus par le tribunal pour la condamner) ne sont pas réunies et qu’elle émet « les plus vives protestations » sur les contre-vérités relevées dans le jugement.
***
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, Monsieur [Z] [F], appelant, demande à la cour, au visa de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme, de l’article 16 du code de procédure civile, de l’article 331 du code de procédure civile, de l’article 1884-11 du code civil, de l’article L. 654-2 du code de commerce, de la jurisprudence, de l’assignation en responsabilité pour insuffisance d’actif et en faillite personnelle du 27 mars 2020, de :
Vu le jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 27 septembre 2022,
A titre principal,
-Le dire nul et de nul effet
A titre subsidiaire,
-L’infirmer en toutes ses dispositions ;
-Dire nulle et et de nul effet, la désignation de Monsieur [Z] [F] en qualité de dirigeant de la société Depann’Eclair ;
-Débouter la requérante de l’intégralité de ses prétentions à son égard ;
A titre infiniment subsidiaire,
-Dire et juger que Monsieur [F] ne disposait d’aucun réel pouvoir de direction de la société Depann’Eclair malgré son poste de président de la société Depann’Eclair ;
-Dire que Monsieur [N] [G] est intervenu en qualité de dirigeant de fait de la société Depann’Eclair et a commis un délit de banqueroute au sens de l’article L.654-2 du code de commerce à compter de l’année au côté de Madame [U] [E] et de Monsieur [O] ;
-Dire que la disparition des actifs de la société Depann’Eclair au profit notamment de la société Languedoc Poids Lourds dont Monsieur [N] [G] est gérant et associé unique est antérieure à la nomination de Monsieur [Z] [F] en qualité de dirigeant de droit ;
-Dire que le passif de la société est constitué de dettes sociales et fiscales dont le fait générateur est intervenu durant la direction commune de Madame [E] [S] et de Monsieur [N] [K] [G] ;
-Dire et juger que l’absence d’actifs de la société Depann’Eclair n’est pas du fait de Monsieur [Z] [F] ;
-Constater l’impossibilité matérielle de Monsieur [F] à gérer la société SAS Depann’Eclair et ses tentatives de démission ;
-Dire et juger que les fautes commises dans le cadre de la gestion de la société Depann’Eclair ne lui sont pas imputables au sens de l’article L651-2 du code de commerce ;
-Dire et juger n’y avoir lieu à condamnation à son encontre ;
-Dire et juger n’y avoir lieu à prononcer de faillite personnelle à l’encontre de Monsieur [F] ;
A titre plus infiniment subsidiaire,
-Constater que les fautes de Monsieur [F] n’ont pas entraîné la disparition de l’actif de la société ni le creusement significatif du passif social ;
-Dire n’y avoir lieu à solidarité entre les dirigeants ;
-Fixer à un euro symbolique le montant des condamnations de Monsieur [F] au comblement du passif de la société SAS Depann’Eclair ;
-En cas de condamnation de Monsieur [F], dire qu’il sera relevé et garanti en tout par Monsieur [N] [G] ;
En tout état de cause,
Condamner Madame [E] [S] et Monsieur [C] [O] qui succombent à payer à Monsieur [Z] [F] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, Monsieur [F] fait valoir in limine litis qu’il a été reconnu dirigeant de fait, qualité sur laquelle il n’a pas été à même de s’expliquer, le privant ainsi du droit à un procès équitable, au sens de l’article 6 de la CEDH et en violation du principe du contradictoire. Par conséquent le jugement doit être annulé.
S’il a été effectivement nommé dirigeant de la société Dépann’Eclair, cette nomination est intervenue en violation de l’article 13 des statuts selon lequel la société est dirigée par une personne physique associée de la société ; or, il n’a jamais été associé de la SAS Depann’Eclair mais salarié et cette nomination est entachée de nullité. En outre, ses pouvoirs étaient fortement limités puisqu’il ne disposait d’aucune autonomie dans sa direction de la société et a agi sous le contrôle de ses employeurs qu’étaient Monsieur [S] et Madame [E] . C’est d’ailleurs cette dernière qui a procédé au transfert de l’activité au profit de la société Languedoc Poids Lourds avec transfert du siège social.
Il conteste les fautes de gestion qui lui sont reprochées car à la date de cessation des paiements, fixée au 15 juillet 2016, il n’était pas le dirigeant de la société et ne pouvait donc déclarer la cessation des paiements, cette tâche incombant à Monsieur [O]. Puisqu’il a été nommé dirigeant le 13 mai 2016, donc postérieurement à la cessation des paiements et après que la société ait été criblée de dettes sociales et fiscales, puis vidée de ses actifs, il ne peut avoir poursuivi l’activité déficitaire de la société, d’autant qu’en raison de son lien de subordination, il n’était pas en capacité de décider de la poursuite ou non des activités de la société, tant de fait que de droit. D’ailleurs, lorsqu’il a constaté l’état catastrophique de la société, il a cherché à en démissionner. De même, les périodes d’absence de comptabilité complète, sincère et régulière à l’origine de l’insuffisance d’actif sont antérieures à sa nomination au poste de président. Il déplore ne pas avoir été en capacité de répondre aux exigences fiscales en raison des carences des dirigeants pour la période contrôlée. Quant au détournement d’actif, il a eu lieu plus d’un an avant sa nomination, au cours des mandats de Madame [E] et de Monsieur [O] et sous la direction de Monsieur [S] ; il n’était alors qu’un simple salarié de la société Depann’Eclair, au niveau le plus bas de l’échelle de la convention collective.
Monsieur [F] soutient que l’assignation en responsabilité pour insuffisance d’actif et en faillite personnelle occulte entièrement le rôle de Monsieur [R] [S] et de la société Languedoc Poids Lourds et Cie dans l’absence d’actif de la société Dépann’Eclair. En effet, Monsieur [S] a sciemment réalisé un transfert d’actifs et de clients de la société Depann’Eclair vers la société Languedoc Poids Lourds et Cie dont il est l’un des dirigeants, a personnellement commis le délit de banqueroute et a agi de façon contraire à l’intérêt social de la société Depann’Eclair. L’appelant fait valoir, en ce qui le concerne, qu’il a adressé, le 11 janvier 2017, une attestation aux services fiscaux pour les informer que Monsieur [S] effectuait des retraits sur le compte de la société à des fins personnelles.
Monsieur [F] indique que Madame [E] a continué à tenir un rôle actif au sein d’une SCI 5D, pour laquelle la société Dépann’Eclair réglait des dépenses sans réelle contrepartie et qu’elle a toujours eu un rôle actif au sein de la société Depann’Eclair ;
Ainsi, il ne saurait être prononcé une condamnation solidaire à son encontre, la défaillance de l’entreprise étant intégralement liée à la gestion frauduleuse des époux [S], au regard de l’absence de déclarations tant sociales que fiscales sous leur direction pleine et entière, alors que lui-même n’était qu’un simple salarié des entreprises Depann’Eclair et Languedoc Poids Lourds, en dehors de toute délégation et de tout pouvoir.
***
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, Monsieur [N] [G], intimé sur appel de Monsieur [F], demande à la cour, au visa de l’article R.661-3 du code de commerce, 905-1 et 905-2 du code de procédure civile, de :
déclarer l’appel principal de Monsieur [Z] [F] formé par déclaration n°22/03746 en date du 11 octobre 2022 dirigé contre Monsieur [S] caduc et en tout cas irrecevable.
Au fond,
Vu les dispositions de l’article L.651-2 du code de commerce,
Confirmer le jugement en ce qu’il a :
Vu les articles L. 651-2 et suivants du code de commerce,
-Déclaré irrecevable l’action en intervention forcée de Monsieur [F] [Z] [A] [M] dirigée à l’encontre de Monsieur [S] [R] afin de le relever et garantir les condamnations pécuniaires qui seraient prononcées contre lui ;
Débouter Monsieur [Z] [F] de toutes ses demandes,
En tout état de cause,
Condamner Monsieur [Z] [F] à payer à Monsieur [G] la somme de 10 000 euros pour procédure abusive sur le fondement de l’article 1240 du code civil,
Condamner Monsieur [Z] [F] à payer à Monsieur [G] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, Monsieur [G] expose que les conclusions de Monsieur [F] ne sont pas dirigées contre lui et aucune demande par conclusions ne lui a été signifié en application de l’article 911 du code de procédure civile, de sorte que l’appel est caduc. Il ajoute que la déclaration d’appel n°22/03746 est irrecevable comme tardive, au visa de l’article R.661-3 du code de commerce, le délai de 10 jours étant dépassé. Au fond, il fait valoir que Monsieur [F] est irrecevable, pour défaut de qualité, à agir en insuffisance d’actif à son encontre, l’action ne pouvant être engagée que par le liquidateur ou le ministère public, voire par les contrôleurs de la société sous certaines conditions. Surabondamment, il invoque la prescription (triennale) de l’action en rappelant que la société a été déclarée en liquidation judiciaire le 10 janvier 2018.
Monsieur [R] [S], qui conteste l’intégralité des allégations de Monsieur [F] selon lesquelles il aurait créé la société Languedoc Poids Lourds pour détourner l’activité de la société Dépann’Eclair et se prétend au contraire victime de celui-ci, soutient que l’action engagée à son encontre est abusive. Il indique que Monsieur [F] a été condamné pénalement pour abus de confiance au préjudice de la société Languedoc Poids Lourds, quand bien même un appel est en cours et que l’action a été engagée à son encontre avec une légèreté blâmable et une intention de nuire.
***
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, Monsieur [C] [O], appelant, demande à la cour, au visa de l’article 400 du code de procédure civile, de la déclaration d’appel n° RG 22/03251 initié par lui le 7 octobre 2022, des déclarations d’appel initiées par Mme [E] le 5 octobre 2022 sous le n° RG 22/03234 et par Monsieur [F] sous le n° RG 22/03302 le 11 octobre 2022, des ordonnances en date des 10 octobre 2022 et 26 octobre 2022 portant jonction des procédures n° RG 22/03234, n° 22/03251 et n°22/03302, de :
-Constater la renonciation de Monsieur [O] de ses demandes telles que formalisées dans sa déclaration d’appel du 7 octobre 2022 et enregistré initialement sous le n° RG 22/03251 ;
-Dire et juger que Monsieur [C] [O] reste partie à la procédure n° RG 22/03234 en sa seule qualité d’intimé ;
-Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions à l’égard de Monsieur [O] ;
-Statuer ce que de droit sur les dépens.
***
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, la SELARL BRMJ es qualités, intimée et appelante incidente, demande à la cour de :
Sur l’appel principal de Monsieur [C] [O]
-Constater le désistement d’appel de Monsieur [C] [O] à l’encontre du jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 27 septembre 2022 ;
En conséquence,
-Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 27 septembre 2022 au titre de la condamnation de Monsieur [C] [O] au paiement de 10% du montant de l’insuffisance d’actif, soit la somme de 305 598,32 euros pour sa gestion de droit passive, du 10 février 2015 au 13 mai 2016 ayant contribué à la poursuite d’une activité déficitaire ;
-Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 27 septembre 2022 au titre du prononcé à l’encontre de Monsieur [C] [O] d’une mesure de faillite personnelle pendant une durée de 10 ans ;
Sur les appels principaux de Monsieur [Z] [F] et Madame [U] [E]
Vu l’article L. 651-2 du code de commerce
-Juger que Madame [U] [E] et Monsieur [Z] [F], dirigeants de droit, ont commis des fautes de gestion contribuant à l’insuffisance d’actif de la société Depann’Eclair en ne déclarant pas l’état de cessation des paiements, poursuivant une activité déficitaire, ne tenant pas de comptabilité complète, sincère et régulière, en méconnaissant les obligations fiscales et détournant l’activité de la société Depann’Eclair vers la société Languedoc Poids Lourds constituée pour la cause ;
-Débouter Madame [U] [E] et Monsieur [Z] [F] de leurs appels, de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
En conséquence,
-Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 27 septembre 2022 au titre de la condamnation solidaire de Madame [U] [E] et Monsieur [Z] [F] à supporter l’insuffisance d’actif devant la société Depann’Eclair, sauf au titre du quantum, la condamnation devant être portée à la somme de 3 055 983,23 euros au vu de l’appel incident formé ci-après par la SELARL BRMJ, es qualités de liquidateur judiciaire de la société Depann’Eclair ;
Vu les articles L. 653-1, L. 653-2, L. 653-4, L. 653-5, L. 653-11 du code de commerce,
-Juger que Madame [U] [E] et Monsieur [C] [O] ont commis des faits réprimés par les textes susvisés, faits ci-dessus exposés ;
-Débouter Madame [U] [E] et Monsieur [C] [O] de leurs appels, de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
En conséquence,
-Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 27 septembre 2022 en ce qu’il les a condamnés pour chacun d’entre eux à une faillite personnelle pendant une durée de 15 ans ;
Sur l’appel incident de la SELARL BRMJ, es qualités
Accueillant l’appel incident de la SELARL BRMJ, es qualités, de liquidateur de la société Depann’Eclair,
-Réformer le jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 27 septembre 2022 en ce qu’il a solidairement condamné Madame [U] [E] et Monsieur [Z] [F] à porter et payer à la SELARL BRMJ, es qualités de liquidateur judiciaire de la société Depann’Eclair, la somme de 2 750 384,91 euros représentant 90% de l’insuffisance d’actif ;
Statuant à nouveau,
-Condamner solidairement Madame [U] [E] et Monsieur [Z] [F] à porter et payer à la SELARL BRMJ, es qualités de liquidateur judiciaire de la société Depann’Eclair, la somme de 3 055 983,23 euros représentant l’intégralité de l’insuffisance d’actif ;
En tout état de cause
-Condamner Madame [U] [E] et Monsieur [Z] [F] à porter et payer à la SELARL BRMJ, es qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Depann’Eclair la somme de 5 000 euros en cas d’appel au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, la SELARL BRMJ es qualités expose que les dirigeants de droit successifs de la société ont tous commis des fautes de gestion.
Ainsi, en ce qui concerne la cessation des paiements, Monsieur [F] n’a jamais déclaré la cessation des paiements de la société Depann’Eclair alors que les premiers impayés fiscaux datent de 2008 et que la créance de l’administration fiscale n’a eu de cesse de croître pour atteindre la somme de 2 292 667,75 euros au jour de la liquidation judiciaire. Pourtant , au lieu de faire cette déclaration, Monsieur [F] a cherché à démissionner de ses fonctions.
La société Depann’Eclair était non seulement en cessation des paiements mais également déficitaire, les dirigeants successifs s’étant obstinés à poursuivre l’activité dans des conditions identiques jusqu’au jour de l’ouverture de la liquidation judiciaire. Les déclarations de créance de l’Urssaf, des DGFP du Gard et de l’Hérault, de l’IRP ARRCO-AGIRC démontrent l’ancienneté et l’importance des dettes de la société Dépann’Eclair. Mais aucune assemblée générale de la société Depann’Eclair n’a été réunie par les dirigeants pour faire délibérer les actionnaires sur les difficultés financières. En l’absence de comptabilité complète, sincère et régulière, la liasse fiscale 2013 et le projet de liasse fiscale 2014 produits par Madame [E] n’ont aucune valeur. L’accumulation de dettes sociales et fiscales exigibles depuis les exercices 2008, 2010, 2011 et 2012 démontre la poursuite d’une activité déficitaire et la faute de gestion de Madame [E] (outre celle des autres dirigeants).
Monsieur [F] et Madame [E] se sont abstenus, en leur qualité de dirigeant, de tenir une comptabilité complète, sincère et régulière pour les exercices 2014 (la liasse fiscale de cet exercice ne sera déposée que le 12 mars 2016), 2015, 2016, 2017. Lors des deux procédures de vérification de comptabilité effectuées sous la présidence de Madame [E], l’administration fiscale a démontré des minorations de TVA sanctionnées par une majoration de 40% ainsi que le caractère non régulier et non probant de la comptabilité de la société Depann’Eclair. Pire encore, les dirigeants de la société Depann’Eclair n’ont pas été en mesure de produire les pièces justificatives des produits et des charges engagées au cours des exercices 2013, 2014 et 2015. Et les dirigeants n’ont remis au liquidateur judiciaire aucun élément comptable pour les exercices 2016 et 2017, signe de leur carence.
-Madame [E] ne démontre pas les prétendues man’uvres de Monsieur [F] de dissimulation de la comptabilité, d’autant que seul le chef d’entreprise est responsable de la tenue de la comptabilité, et que pour les années 2013, 2014 et début 2015, cette tâche incombait à Madame [E]. Monsieur [F], en sa qualité de dirigeant de droit de la société Depann’Eclair, aurait dû tenir une comptabilité complète, sincère et régulière pour les exercices 2016 et 2017 et sa responsabilité est recherchée sur cette période.
Plus encore, Madame [E], Messieurs [O] et [F] se sont opposés au contrôle fiscal, exposant ainsi la société Dépann’Eclair à une majoration de 100% des droits rappelés, soit concrètement une majoration de 1 093 278 euros. Le redressement fiscal s’est ainsi élevé 2 339 863 euros.
Le liquidateur judiciaire relève que Madame [E] tente de se défausser de sa responsabilité en évoquant des problèmes de santé mais il fait valoir que l’expert ne s’est pas prononcé sur l’incapacité alléguée de Madame [E] de diriger et d’administrer la société Depann’Eclair. D’ailleurs, elle est demeurée plus de 5 années à la tête de la société après l’apparition de son problème de santé en 2009. Et davantage, Madame [E] a été désignée directrice générale de la société Languedoc Poids Lourds et Cie le 25 janvier 2021, ce qui démontre sa mauvaise foi.
-Monsieur [S], ancien époux de Madame [E], est devenu actionnaire unique et président de la société Languedoc Poids Lourds, dont l’activité est identique à celle de la société Depann’Eclair, et ce dans le but de détourner l’activité et les actifs de cette dernière. Un ancien salarié de la société l’a dénoncé et ce transfert de l’activité, du personnel et des clients de la société Depann’Eclair n’a pu se réaliser qu’avec l’assentiment et la complicité de ses dirigeants sociaux, lesquels y trouvaient un intérêt personnel puisque Monsieur [F] était repris en tant que salarié, avec reprise d’ancienneté, et le fils de Monsieur [O] embauché.
Monsieur [F] confirme d’ailleurs les dires de cet ancien salarié même s’il rejette la responsabilité sur Madame [E].
Au demeurant, le chiffre d’affaires de la société Languedoc Poids Lourds s’est accru à compter du détournement d’actif et d’activité de la société Depann’Eclair en 2015, alors qu’à l’ouverture de la procédure collective, il n’existait plus aucun actif dans la société Depann’Eclair. Face à cet actif inexistant, le passif définitif de la société Dépann’Eclair est fixé à 3 055 983,23 euros.
L’insuffisance d’actif était d’ores et déjà certaine à la cessation des fonctions de dirigeante de Madame [E]. Le liquidateur judiciaire rappelle qu’au cours de sa présidence, elle a omis de déclarer et de comptabiliser la TVA collectée et exigible, n’a pas été en mesure de présenter les pièces justificatives en matière de charge, a omis de comptabiliser les charges sociales, a poursuivi une activité déficitaire, de telles fautes de gestion ont contribué à accroître le passif de la société Depann’Eclair. C’est ainsi, qu’au seul titre des dettes sociales, plus de 412 966,43 euros venaient grever les capitaux propres de la société au 31 décembre 2014, lesquels après comptabilisation de ces charges éludées, devenaient négatifs à hauteur de 916 677,43 euros.
Le liquidateur judiciaire fait enfin valoir que le détournement de l’activité et des actifs au profit de la société Languedoc Poids Lourds a anéanti tout espoir de reprise de la société et a rendu vain toute cession partielle des éléments d’actifs. La causalité entre les fautes de gestion de Madame [E] et l’insuffisance d’actif est par conséquent manifeste.
Il forme appel incident au motif que la gravité des fautes de gestion reprochées aux dirigeants justifient pleinement une condamnation de Madame [E] et de Monsieur [F] à supporter l’intégralité de l’insuffisance d’actif.
Les faits commis par ces dirigeants amènent le liquidateur judiciaire à demander à leur encontre une mesure de faillite personnelle d’une durée de 15 ans, au visa des articles L.653-1, L.653-2, L.653-4, L.653-5 et L.653-11 du code de commerce.
***
L’affaire a été communiquée au Ministère Public qui a indiqué, dans ses conclusions écrites du 9 février 2023, qu’il :
‘1°) conclut à la confirmation par la cour de la décision entreprise au vu des motifs pertinents des premiers juges, en l’état du caractère avéré et incontestable de manière sérieuse de fautes de gestion ayant contribué de manière directe à la totalité de l’insuffisance d’actifs de la société Depann’Eclair tout au long des présidences consécutives des gérants de droit [U] [E], [C] [O] et [Z] [F], et notamment :
-le non-respect des obligations déclaratives en matière fiscale et sociale, et de tout paiement en découlant, la proposition de redressement fiscal du 27 septembre 2016 étant particulièrement éloquent;
-la tenue d’une comptabilité volontairement imparfaite, incomplète et donc non sincère et irrégulière, dans un but de dissimulation;
-l’absence de déclaration de cessation des paiements dans les 45 jours de son occurrence, en l’état de l’assignation d’un créancier du 4 décembre 2017 et d’une cessation des paiements fixée au 15 juillet 2016 (en réalité bien antérieure);
-la poursuite d’une activité déficitaire avérée depuis de longue date au regard de déclarations de créances fiscales et sociales exigibles dès 2008 et les années suivantes;
-le détournement de l’activité de la société Depann’Eclair débitrice vers la société Languedoc Poids Lourds;
2°) conclut à la confirmation de la décision entreprise à l’encontre de [C] [O], gérant de droit de la société Depann’Eclair du 10 février 2015 au 13 mai 2016, au visa de surplus du désistement d’appel à constater de ce dernier sollicitant la confirmation du jugement de première instance le concernant;
3°) conclut en voie de conséquence à la confirmation de la décision entreprise en ce qu’elle a condamné [Z] [F], gérant de droit de la société Depann’Eclair à compter du 13 mai 2015 et [U] [E], gérante de droit de cette même société du 6 avril 2006 au 10 février 2015 à une mesure de faillite personnelle d’une durée de 15 ans, tenant la gravité, la malignité et la réitération des faits (une précédente vérification fiscale pour les années 2008 à 2011 ayant révélé déjà des manoeuvres identiques), ainsi que le montant conséquent de l’insuffisance d’actifs qui en a résulté;
4°) conclut en voie de conséquences à la confirmation de la décision entreprise en ce qu’elle a condamné solidairement [Z] [F] et [U] [E] à supporter la dite insuffisance d’actifs, le lien de causalité entre les fautes de gestion avérées et l’insuffisance d’actifs étant parfaitement caractérisé;
5°) conclut à la réformation de la décision entreprise sur le quantum de l’insuffisance d’actifs mis à la charge de [Z] [F] et [U] [E], le dit quantum devant être porté à son intégralité, soit 3 055 983,23 euros, eu égard à la gravité des manquements sus-évoquée’.
***
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Sur la procédure :
– sur la demande de révocation de l’ordonnance de clôture :
Madame [E] expose que la signification tardive des conclusions et de nouvelles pièces de la SELARL BRMJ es qualités les 21 et 22 février 2023 l’ont privé de toute possibilité d’y répliquer avant clôture. Elle fait valoir que la SELARL BRMJ entendait solliciter le renvoi de la présente affaire, en raison de la fixation d’un référé devant le premier président le 3 mars 2023, avant de changer d’avis.
A cet égard, la SELARL BRMJ n’a formulé aucune demande de renvoi de l’affaire devant la chambre commerciale en raison d’une procédure de référé devant le premier président.
Il doit être par contre relevé que la SELARL BRMJ n’a communiqué dix pièces datant de 2016 à 2022 que le 22 février 2023 et la loyauté des débats impose que les parties puissent en prendre connaissance et en discuter. Dès lors, il sera fait droit à la demande de révocation de l’ordonnance de clôture afin d’admettre les conclusions et pièces de Madame [E] déposées le 24 février suivant.
Sur l’acquittement du timbre fiscal par Monsieur [G] :
Monsieur [R] [S] a régularisé sa situation en acquittant le timbre fiscal demandé, de sorte qu’il n’encourt pas l’irrecevabilité de sa défense.
Sur l’irrecevabilité de l’appel :
Monsieur [F] a interjeté appel le 11 octobre 2022 d’un jugement rendu le 27 septembre 2022 par le tribunal de commerce de Nîmes, lequel a notamment déclaré irrecevable l’intervention forcée de Monsieur [G] à la requête de Monsieur [F] (qui l’appelait en garantie de toute éventuelle condamnation prononcée à son encontre).
La demande de garantie est renouvelée en cause d’appel.
Aux termes de l’article R.661-3 du code de commerce, le délai d’appel des parties est de 10 jours à compter de la notification qui leur est faite des décisions en matière de responsabilité pour insuffisance d’actif.
En l’espèce, le jugement du tribunal de commerce de Nîmes a été notifié à Monsieur [F] le 28 septembre 2022, selon ce qui ressort du dossier de première instance communiqué en application de l’article 968 du code de procédure civile.
Le dixième jour du délai d’appel expirant un samedi, Monsieur [F] pouvait interjeter appel jusqu’au 10 octobre 2022 inclus.
Il s’ensuit que sa déclaration d’appel du 11 octobre 2022, enregistrée le 13 suivant sous le n° RG 22/03302 est tardive. L’appel de Monsieur [F] est donc irrecevable.
Sur la nullité du jugement :
Il ressort du dossier de première instance communiqué en application de l’article 968 du code de procédure civile que la SELARL BRMJ invoquait, dans des conclusions déposées le 29 octobre 2021 devant le tribunal de commerce, la qualité de gérant de fait de Monsieur [F] (avant d’être gérant de droit), s’appuyant pour cela sur la procédure de vérification fiscale.
Cela n’a pas échappé à la sagacité de Monsieur [F] qui répondait que « la notion de dirigeant de fait est laissée au tribunal, qui apprécie souverainement, au vu des éléments matériels versés au dossier, les motifs permettant de considérer si les conditions de la direction sont réunies », dans ses conclusions déposées le 22 mars 2022.
En retenant que l’attitude de Monsieur [F], « reconnue au sein de la société comme auprès des vérificateurs fiscaux et du liquidateur judiciaire, s’apparente à une gestion de fait » et qu’il ne peut « s’exonérer de sa responsabilité dans l’insuffisance d’actif ; sa nomination prétendument irrégulière aux fonctions de président de la société Dépann’Eclair ne le déchargent nullement et doit être reconnue, selon les périodes comme gérant de fait, puis gérant de droit », le tribunal n’a commis aucune violation du principe du contradictoire mais a répondu aux moyens soulevés par les parties.
La demande de Monsieur [F] en nullité du jugement est rejetée.
Sur la demande en nullité et en tous les cas d’inopposabilité du rapport du juge commissaire :
Le président du tribunal peut demander au juge commissaire, en vertu de l’article L.651-4 du code de commerce, communication de tout document ou information sur la situation patrimoniale des dirigeants.
L’article R.651-5 du code de commerce, invoqué par Mme [E], est relatif à l’application de l’article L.651-4.
Cette demande d’information n’a pas été émise par le président du tribunal, de de sorte que l’article R.651-5 du code de commerce est inapplicable à l’espèce.
En vertu de l’article R.662-12 du code de commerce, le tribunal statue sur rapport du juge commissaire sur ce qui concerne l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif.
Le jugement déféré précise que préalablement aux débats, le rapport du juge a été communiqué par les soins du greffe aux parties. Il importe peu que cette communication n’ait pas été faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, le droit au procès équitable de Madame [E] qui ne disconvient pas avoir eu connaissance de ce rapport (sa pièce 30), puisqu’elle en critique le contenu, a été respecté.
Madame [E] n’a pas été privée du droit d’être entendue sur ce rapport, contrairement à ce qu’elle soutient. L’audience prévue le 26 octobre 2021a fait l’objet d’un renvoi à la demande d’une autre partie (Monsieur [F]) et la présence de Madame [E] à cette audience n’est établie par aucune pièce du dossier. L’affaire a été finalement retenue à l’audience du 22 mars 2022, date à laquelle Madame [E] a comparu, ainsi que son avocat, et a été en mesure d’être entendue sur le rapport du juge commissaire, dans le cadre d’un procès équitable.
Madame [E] peut tout à fait soutenir que ce rapport est erroné et apporter les éléments de preuve nécessaires à sa démonstration mais sa contestation ne rend pas le rapport, soumis à la libre discussion des parties, nul ou inopposable.
Sa demande en nullité et inopposabilité du rapport est par conséquent rejetée.
Sur les dirigeants de la société :
Le liquidateur judiciaire es qualités se fonde uniquement sur les périodes de gérance de droit des dirigeants, soit :
Madame [E] du 6 avril 2006 au 10 février 2015 ;
Monsieur [O] du 10 février 2015 au 13 mai 2016 ;
Monsieur [F] du 13 mai 2016 à ce jour.
Il n’y a donc pas lieu de rechercher si Monsieur [F] a été dirigeant de fait avant de devenir dirigeant de droit.
Monsieur [F] fait valoir que sa nomination en qualité de gérant de droit est intervenue en violation des dispositions statutaires. Il est exact que les statuts limitent le choix du dirigeant parmi les associés de la société. Or, Monsieur [F] n’était pas associé mais salarié de la société Dépann’Eclair. Il n’a toutefois jamais contesté sa désignation intervenue par procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire du 13 mai 2016, publié le 7 décembre 2016. La nullité de la délibération n’a pas été demandée et Monsieur [F] s’est bel et bien prévalu de sa qualité de dirigeant lors des opérations de vérification fiscale s’étant déroulées en 2016. C’est ainsi que le 26 avril 2016, il s’est présenté aux deux agents du fisc comme le nouveau dirigeant et s’est engagé à fournir le procès-verbal entérinant cette nomination. Il adressait au fisc le PV d’AGO du 13 mai 2016 par courriel du 15 ju 2016, ainsi qu’une attestation de publication dans un journal d’annonces légales du 27 mai 2016.
Il n’appartient pas à la cour de se prononcer sur la nullité de la désignation d’un dirigeant dans le cadre d’une action fondée sur l’article L.651-2 du code de commerce, alors même que la délibération du 13 mai 2016 n’a pas été annulée et Monsieur [F] ne peut qu’être débouté de cette demande.
Si Madame [E] a indiqué dans le procès-verbal d’AGO qu’un « contrat » limiterait les fonctions de Monsieur [F] et que ce dernier devrait informer Madame [E] de tous paiements dépassant les 7000 euros, ce « contrat » aux dires même de Monsieur [F] n’a « jamais été élaboré ». Alors qu’il argue d’une direction de fait de Monsieur [G] et de Madame [E], il ne fait référence dans ses écritures sur ce point à aucune pièce venant au soutien de cette allégation – contestée par les autres parties – à l’exception de la pièce 18 produite par le liquidateur judiciaire.
Dans ce courrier manuscrit du 18 juin 2018, Monsieur [D] dénonce une organisation frauduleuse d’insolvabilité de la société Dépann’Eclair au profit de la société Languedoc Poids Lourds. Monsieur [F] est effectivement qualifié de « gérant de paille » mais il est également précisé qu’il connaît toutes les « combines » effectuées.
Le fait pour un dirigeant de droit de ne pas exercer ses prérogatives – dont il n’est pas rapporté la preuve qu’elles aient été limitées ‘ est susceptible de constituer une faute de gestion mais ne peut en aucun cas éliminer sa qualité de dirigeant de droit.
Assumant à l’époque cette qualité de gérant de droit, Monsieur [F] tentait de démissionner de ses fonctions en juillet 2017 mais, ainsi qu’il le reconnaît lui-même dans ses écritures « sans succès et sans réponse » de la part de Madame [E].
Il s’ensuit que le liquidateur judiciaire es qualités est fondé à agir contre Monsieur [F] en sa qualité de gérant de droit depuis le 13 mai 2016 jusqu’au 10 janvier 2018, date d’ouverture de la liquidation judiciaire.
Il est également fondé à agir à l’encontre de Madame [E] qui était gérante de droit du 6 avril 2006 au 10 février 2015.
L’appel de Monsieur [F] étant déclaré irrecevable, il n’y a pas lieu d’examiner la recevabilité de sa demande de garantie de toute condamnation par Monsieur [G], au motif qu’il a exercé une direction de fait et commis le délit de banqueroute.
Sur la confirmation du jugement en ce qui concerne Monsieur [O] :
Monsieur [O], qui assuré la direction de la société Dépann’Eclair entre le 10 février 2015 et le 13 mai 2016, renonce à ses demandes telles que formalisées dans sa déclaration d’appel du 7 octobre 2022 et enregistré initialement sous le n° RG 22/03251. Il sollicite la confirmation du jugement et le liquidateur judiciaire es qualités n’a pas formé appel incident à son encontre.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a condamné Monsieur [O] au paiement de 10% du montant du passif, soit la somme de 305 598,32 euros, pour sa gestion de droit passive du 10 février 2015 au 13 mai 2016 ayant contribué à la poursuite d’une activité déficitaire et en ce qu’il l’a condamné à une mesure de faillite personnelle d’une durée de 10 ans.
Sur l’insuffisance d’actif :
Le liquidateur judiciaire es qualités produit l’état des créances signé par le juge commissaire le 11 mars 2020, aux termes duquel le passif définitivement échu s’élève à 3 049 534,47 euros. Il communique également un courrier de l’huissier chargé de l’inventaire dans lequel celui-ci indique qu’il n’y a aucun actif à inventorier.
L’insuffisance d’actif s’établit donc à la somme de 3 049 534,47 euros à la date d’ouverture de la procédure collective.
A cette date, Madame [E] n’était plus gérante et l’insuffisance d’actif doit être certaine à la date du 10 février 2015 pour que sa responsabilité puisse être engagée.
La comptabilité de l’exercice 2013 fait état d’un bénéfice de 11 972 euros (pièce 31 de l’appelante).
Le projet (les comptes n’ont pas été déposés) de comptabilité de l’exercice 2014 fait état d’un bénéfice de 508 euros (pièce 32 de l’appelante).
Ainsi que le fait valoir le liquidateur judiciaire es qualités en produisant à l’appui de son argumentation, les déclarations de créance afférentes et admises ainsi que la proposition de vérification fiscale, la comptabilité au titre de ces deux exercices n’est pas exhaustive. C’est ainsi qu’il a été omis de comptabiliser la TVA collectée et exigible à hauteur de 123 760 euros au titre de l’année 2013, 151 356 euros au titre de l’année 2014 ; que de la TVA a été enregistrée comme déductible alors qu’elle n’était pas justifiée entraînant un rappel de 202 619 euros au titre de l’année 2013 et 144 975 euros au titre de l’année 2014.
Dès lors le résultat de l’exercice 2013 n’était pas bénéficiaire de 11972 euros mais déficitaire de 314 407 euros ((123 760 + 202 619) ‘ 11972).
A ce déficit doit s’ajouter le résultat négatif de l’exercice 2014, d’un montant de 295 823 euros ((151 356 + 144 975)- 508).
Par conséquent, les capitaux propres de la société Dépann’Eclair étaient négatifs de 207 888 euros fin 2013 ((capital social : 80 000 + réserve légale : 8000 + autres réserves : 10 500 + report à nouveau : 8019) ‘ 314 407.
Ils étaient négatifs à hauteur de 511 730 euros fin 2014 ((capital social : 80 000+ réserve légale : 8000 + autres réserves : 10 500) ‘ (report à nouveau : 314 407 + 295 823).
En réalité l’insuffisance d’actif est supérieure car l’exercice 2013 mentionne un passif sécurité sociale de 36 765 euros et le projet de liasse fiscale 2014 un passif de 40 632 euros. Or la déclaration de créance de l’Urssaf (définitivement admise) fait apparaître un passif de 334 256 euros dès la fin de l’année 2012.
Le projet de liasse fiscale 2014 un passif « caisse retraite salariés » de 93 539 euros. Or la déclaration de créance d’IRP Auto Retraite Agirc-Arrco ( définitivement admise) fait apparaître un passif de 162 527 euros au 31 décembre 2014.
Le jugement du tribunal de commerce de Montpellier a rejeté le 17 juin 2016 la demande d’ouverture d’une procédure collective à l’égard de la société Dépann’Eclair uniquement en l’absence de démonstration d’un état de cessation des paiements. L’expert-comptable de la société avait en effet produit une attestation faisant état d’un actif disponible important à cette date et le tribunal de commerce de Montpellier n’a pris en considération que le passif constitué par la seule créance d’IRP Auto Retraite Agirc-Arrco.
L’appréciation de l’insuffisance d’actif s’établit, non par rapport à une créance déterminée au regard de l’actif disponible, mais à la différence entre le montant du passif admis correspondant à des créances antérieures au jugement d’ouverture et le montant de l’actif de la personne morale débitrice. En présence de capitaux propres négatifs tels que relatés précédemment, l’insuffisance d’actif à la date de la démission de Madame [E] est avérée.
Sur les fautes de gestion :
Absence de déclaration de cessation des paiements
La cessation des paiements a été fixée au 15 juillet 2016. A cette date, Monsieur [F] était le dirigeant de droit de la société Dépann’Eclair. Il n’a pas procédé à la déclaration de cessation des paiements dans le délai de 45 jours et c’est l’administration fiscale qui a assigné, le 4 décembre 2017, la société Dépann’Eclair en ouverture d’une procédure collective.
Monsieur [F] ne craint pas de soutenir qu’il n’apparaissait pas comme dirigeant de la société Dépann’Eclair à la date de la cessation des paiements. Cette argumentation est balayée par les pièces qu’il a lui-même produites à l’administration fiscale, après s’est présenté le 26 avril 2016 aux deux agents du fisc comme le nouveau dirigeant, à savoir le PV d’AGO du 13 mai 2016 et une attestation de publication dans un journal d’annonces légales du 27 mai 2016.
Monsieur [F] qui était parfaitement au fait de la procédure de vérification fiscale puisque c’est lui qui a reçu le 1er mars 2016, le procès-verbal pour défaut de présentation de la comptabilité, puis a été destinataire le 27 septembre 2016 de la proposition de rectification fiscale, a poursuivi une politique de non-paiement des dettes fiscales de la société durant l’exercice 2016. En effet la cotisation foncière des entreprises 2016 n’a pas été réglée ce qui a contribué à augmenter l’insuffisance d’actif de la société Dépann’Eclair.
La faute commise par Monsieur [Z] [F] excède la simple négligence. En effet, le conseil de la société Dépann’Eclair adressait, le 29 juin 2016 un courriel à l’adresse [Courriel 12] (pièce 48 de Mme [E]) ‘ qui est l’adresse de messagerie de Monsieur [F] (cf procès-verbal de vérification fiscale, page 2) pour donner le résultat de la procédure initiée par IRP Auto devant le tribunal de commerce de Montpellier. Il était bien précisé dans ce courriel que l’état de cessation des paiements n’était pas démontré au regard de la seule créance IRP en comparaison de l’actif disponible. Mais le dirigeant savait, à cette date, en raison de la procédure de vérification fiscale, que la comptabilité de la société n’était pas complète et qu’il existait d’autres dettes. Il restait pourtant passif jusqu’en juillet 2017 où il tentait de démissionner au lieu de déclarer l’état de cessation des paiements. La faute de gestion est donc parfaitement caractérisée.
Ce même courriel mettait en garde l’intéressé du risque d’une action en paiement de sommes de IRP Auto à la suite du débouté de la demande d’ouverture de procédure collective. Aucun règlement n’a été effectué et la créance de cet organisme s’est aggravée en 2016 en l’absence de paiement des cotisations de l’exercice. Le défaut de déclaration de l’état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours a, là aussi, contribué à aggraver l’insuffisance d’actif.
Poursuite d’une activité déficitaire
Il a été vu précédemment que les capitaux propres de la société Dépann’Eclair étaient négatifs dès la fin de l’année 2013 mais que l’activité déficitaire s’est tout de même poursuivie en 2014. Elle s’est même aggravée durant cet exercice puisque la TVA n’a pas été payée pour un montant de 5 501 euros (créance admise), une amende fiscale de 10 806 euros contractée en 2014 a été déclarée et admise, outre des pénalités de 11 078 euros, la créance IRP Auto de l’exercice 2014, admise, s’est quant à elle élevée à 38 453 euros.
Madame [E] a donc poursuivi abusivement une activité déficitaire durant son mandat et cette poursuite d’activité n’a pu avoir lieu qu’en raison du non-paiement des charges fiscales, sociales créant ainsi une trésorerie artificielle. Cette faute excède la simple négligence car il s’agit d’une politique institutionnalisée de la part de la dirigeante, ainsi que le démontrent les déclarations de créance de l’Urssaf, faisant état de non-paiement de cotisations depuis le 31 décembre 2012, de la Direction Générale des Finances Publiques de l’Hérault portant sur des amendes et taxes impayées entre 2008 et 2010 et de l’IRP Auto portant sur des cotisations impayées depuis 2008.
Etant rappelé que Madame [E] a été gérante de la société de 2006 à 2015, c’est vainement qu’elle conteste ces déclarations de créance qui ont toutes fait l’objet d’une admission, sans aucune contestation de la part de la société débitrice. L’attestation Urssaf qu’elle produit au titre de l’exercice 2014 ne vient pas contredire l’existence d’une dette sociale ancienne, car un échéancier pouvait avoir été consenti, permettant ainsi la délivrance de ce document. L’allégation selon laquelle certaines créances étaient prescrites est inopérante en ce que la présente instance ne concerne pas une action en paiement de sommes ou de fixation de créances. S’il y a prescription, c’est bien qu’il existe des dettes qui n’ont pas été réglées pendant plusieurs années, ce qui démontre cette poursuite d’une activité déficitaire contribuant à aggraver l’insuffisance d’actif de la société. Enfin, Madame [E] ne peut se prévaloir d’une comptabilité qui a été déposée en 2014 (exercice 2013) mais qui est erronée, ainsi qu’il l’a été dit précédemment et d’un simple projet de liasse au titre de l’exercice 2014.
Madame [E] a ainsi commis une faute de gestion excédant la simple négligence car elle n’a tenu aucun compte du signal d’alerte envoyé par l’IRP Auto au moyen de l’assignation en ouverture d’une procédure collective qui a été délivrée le 28 avril 2014, alors qu’elle était dirigeante de la société Dépann’Eclair.
La passivité de Monsieur [F], qui a poursuivi l’activité déficitaire de la société à partir du 13 mai 2016 et qui ne peut se défausser sur l’existence d’une gestion de fait de la part de Monsieur [G] est également avérée. En tant que dirigeant de droit, il devait tenter d’apurer le passif de la société contracté les années précédentes mais il l’a au contraire augmenté en ne réglant pas les nouvelles dettes fiscales de l’année 2016. Il ne justifie d’aucune initiative visant à assainir la situation sociale et se complaît au contraire dans sa fonction revendiquée de « gérant de paille ».
Il a ainsi commis une faute de gestion qui excède la simple négligence, en ce que conscient de la dérive de la société, il n’a trouvé d’autre solution que de vouloir démissionner pour échapper à ses obligations de dirigeant.
Absence de comptabilité complète, sincère et régulière
Tout commerçant est tenu d’établir une comptabilité. L’absence de comptabilité est une faute de gestion et l’absence de remise de comptabilité au liquidateur emporte présomption d’absence de comptabilité.
Une procédure de vérification fiscale a porté sur la période du 1er janvier 2013 au 31 octobre 2015. Madame [E] était gérante de droit en 2013 et 2014. L’administration fiscale a mis en évidence le caractère non probant de la comptabilité au titre de l’exercice 2013, qui est de plus incomplète car uniquement constituée de la liasse fiscale. Quelques échanges de courriels avec le cabinet d’expertise comptable ne peuvent suppléer à cette carence, d’autant que l’un d’entre eux porte sur l’absence de participation de Madame [E] à une réunion d’information de l’expert-comptable programmée en 2013 pour des raisons de santé (l’intéressée justifie d’un syndrôme fibromyalgique ancien) tandis qu’un autre permet d’apprendre à la cour qu’un logiciel ne fonctionnera pas quelque temps, ce qui est totalement dépourvu d’intérêt. De même, le fait que la comptabilité soit tenue par Monsieur [Z] [F] n’exonère pas davantage Madame [E], dirigeante en fonction, de sa responsabilité. Il est du devoir du dirigeant de contrôler la bonne tenue de la comptabilité de la société et aucune pièce ne démontre un quelconque accomplissement de cette prérogative de la dirigeante, qui n’a pas songé à démissionner de son mandat avant 2015, malgré un état de santé dégradé depuis 2009.
L’exercice 2014 se caractérise par une absence totale de comptabilité, la liasse fiscale étant laissée en l’état de projet. Si Madame [E] n’était plus dirigeante en 2015, elle avait toujours la possibilité de vérifier que la comptabilité de l’exercice 2014 était déposée puisqu’elle demeurait associée de la société et en capacité de provoquer une assemblée générale.
Aucune comptabilité n’a été remise pour les exercices 2016 et 2017.
La faute de gestion est donc établie tant à l’encontre de Madame [E] pour les exercices 2013/2014 que de Monsieur [F] pour les exercices 2016/2017 , qui ne peut, faut-il encore le rappeler, se prévaloir de l’impossibilité d’exercer une fonction de direction qu’il a, au contraire, revendiqué devant l’administration fiscale. Il était, en outre, informé de l’absence de tenue de comptabilité préalablement à sa désignation : le procès-verbal de vérification fiscale note que Monsieur [F], alors responsable administratif, déclarait dès le 20 janvier 2016 au vérificateur que la comptabilité de l’exercice 2014 n’avait pas été établie.
La faute de gestion commise par Madame [E] excède la simple négligence car la société Dépann’Eclair était actionnée par le créancier IRP devant le tribunal de commerce de Montpellier aux fins d’ouverture d’une procédure collective, selon assignation du 28 avril 2014 et il était primordial de tenir une comptabilité probante aux fins de savoir précisément si la société était in bonis ou non.
La faute de gestion commise par Monsieur [F] excède également la simple négligence car il n’a aucunement tenté de remédier à l’absence de tenue de comptabilité dont il héritait en prenant ses fonctions de dirigeant et a poursuivi ses errements durant les exercices suivants.
Cette faute de gestion a contribué à aggraver l’insuffisance d’actif en privant les deux dirigeants successifs d’un instrument de suivi de l’activité de la société et donc des moyens de remédier à ses difficultés, lesquelles se sont amplifiées année après année.
Violation des dispositions fiscales et opposition à contrôle
Le liquidateur judiciaire rappelle à juste titre que les contrôleurs fiscaux ont mis en exergue :
une insuffisance de déclaration de TVA collectée exigible à hauteur de 310.792 € au titre des années 2011 et 2012 ;
une insuffisance de déclaration de TVA collectée exigible à hauteur de 123.760 € au titre de l’année 2013 ;
– une insuffisance de déclaration de TVA collectée exigible à hauteur de 151.356 € au titre de l’année 2014 ;
– la comptabilisation de TVA non déductible pour défaut de production des pièces justificatives à hauteur de 202.619 € au titre de l’exercice 2013 ;
– la comptabilisation de TVA non déductible pour défaut de production des pièces justificatives à hauteur de 144.975 € au
titre de l’exercice 2014 ;
– un défaut de souscription de la déclaration DADS1 relative aux salaires versés en 2014 ;
– un défaut de versement libératoire de la taxe d’apprentissage assise sur les rémunérations versées en 2014 ;
– un défaut de versement libératoire de la participation professionnel assise sur les salaires versés en 2014 ;
Le rapport expose que : « Les déclarations mensuelles de TVA afférentes à la période du 1 er Janvier 2013 au 31 Octobre 2015 ont été déposées par la Société DEPANN’ECLAIR mais se sont révélées fortement minorées à raison de la dissimulation d’une partie du chiffre d’affaires imposable.
Eu égard à l’importance des minorations de chiffre d’affaires constatées qui s’élèvent à 384.324 € pour l’ensemble de la période vérifiée et à la répétition de l’infraction sur l’ensemble de la période, le caractère imposable de la totalité des opérations réalisées par votre société ne pouvait être ignoré, d’autant que le pourcentage de TVA collectée non déclarée et reversée est significatif.
Dans ces conditions, les représentants de la Société ne pouvaient ignorer les omissions et ont donc agi sciemment.
(‘)
Au cas présent, une précédente vérification de comptabilité de la Société DEPANN’ECLAIR, qui a porté sur la période du 01/01/2008 au 30/06/2011, avait déjà mis en évidence des minorations importantes de la TVA exigibles déclarée qui avaient été sanctionnées par application de la majoration de 40% prévue à l’article 1729 du CGI.
Dans ces conditions, les représentants de la Société DEPANN’ECLAIR sur la période vérifiée du 01/01/2013 au 31/10/2015 (Mme [U] [E] jusqu’au 10 Février 2015 et M. [C] [O] à compter de février 2015), avaient nécessairement eu connaissance des faits et des situations qui motivent les rappels et ne pouvaient ignorer les obligations fiscales découlant des règles édictées à l’article 269-2-c du GCI et qui régissent l’exigibilité de la TVA collectée sur les prestations de services.
Cette circonstance établit l’élément intentionnel des infractions commises. »
La faute de gestion ainsi commise par Madame [E] excède par conséquent la simple négligence.
Elle a contribué à aggraver l’insuffisance d’actif en faisant supporter à la société Dépann’Eclair :
115.389 € au titre des intérêts de retard sur les droits de TVA
éludés,
15.614 € au titre des amendes sur les déclarations DADS.
Monsieur [F] a également commis une faute de gestion en se mettant en position d’opposition à contrôle fiscal. En effet, il a annulé à 7 reprises les rendez-vous pris pour vérification de la comptabilité, au dernier moment et sans motif valable.
La Société Dépann’Eclair a ainsi subi une majoration de 100 % des droits rappelés, soit la somme de 1.093.278 € aggravant d’autant l’insuffisance d’actif de la société.
Cette faute de gestion excède la simple négligence car Monsieur [F] avait été mis en garde le 6 juin 2016 sur les conséquences d’une opposition à contrôle fiscal à savoir l’application d’une majoration de 100%. Il était avisé que la persistance de son attitude fuyante conduirait à faire application des dispositions relatives à cette procédure. Un ultime rendez-vous était proposé le 16 juin 2016 au siège de la société, auquel Monsieur [F] faisait une nouvelle fois faux bond.
Détournement de l’activité et des actifs au profit d’une nouvelle société
Il est établi que la société Languedoc Poids Lourds a acheté des actifs de la société Dépann’Eclair en 2014 mais le « vil prix » n’est pas démontré. Dès lors, le lien de causalité avec une insuffisance d’actif n’est pas prouvé.
Le seul témoignage d’un ancien salarié de la société Dépann’Eclair ne suffit pas à établir un détournement d’actif ou d’activité et aucune pièce ne corrobore les allégations selon lesquelles les clients de la société Dépann’Eclair ont été repris par la société Languedoc Poids Lourds.
La reprise d’ancienneté des salariés de la société Dépann’Eclair par la société Languedoc Poids Lourds ne contribue pas à l’insuffisance d’actif de la société liquidée.
Cette faute de gestion ne sera pas retenue à l’encontre des deux dirigeants.
Sur le montant du comblement:
En vertu du principe de l’équivalence des conditions, il est suffisant que la faute soit l’une des causes de l’insuffisance d’actif et il n’est pas nécessaire que la faute ait contribué à la totalité de l’insuffisance d’actif.
Toutefois, le montant de la condamnation ne peut excéder celui de l’insuffisance d’actif tel qu’il est constaté au jour où le juge statue. L’auteur du dommage ne peut pas réparer plus que le préjudice (Com. 21 janvier 2003, no 01-03.656 ; Com. 19 décembre 2006, no 05-11.848 ; Com. 17 décembre 2013, n°12-25.519)
Alors que chacun des dirigeants est propriétaire de biens immobiliers de parts sociales dans des SCI, aucun n’a tenté à un quelconque moment, de redresser ou de renflouer la société.
Il est par contre établi que Madame [E] avait une santé précaire et que Monsieur [F] a succédé à Monsieur [O] alors que la société connaissait déjà de graves difficultés financières.
Il s’ensuit que, par application du principe de proportionnalité, Madame [E] sera condamnée à supporter l’insuffisance d’actif de la société Dépann’Eclair à hauteur de 511 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation. Monsieur [F], par application du même principe, sera condamné à payer la somme de 2 230 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation.
Les deux dirigeants ayant exercé leurs mandats dans une stricte continuité des fautes de poursuite abusive d’une activité déficitaire, manquements dans la tenue de la comptabilité et violation des dispositions fiscales, seront tenus solidairement dans les limites de leurs condamnations respectives.
Le jugement déféré sera infirmé en ce sens.
Sur la mesure de faillite personnelle :
Les faits commis par ces dirigeants amènent le liquidateur judiciaire à demander à leur encontre une mesure de faillite personnelle d’une durée de 15 ans, au visa des articles L.653-1, L.653-2, L.653-4, L.653-5 et L.653-11 du code de commerce.
Tant Madame [E] que Monsieur [F] ont commis les faits de défaut de comptabilité, comptabilité incomplète ou manifestement régulière, sanctionnés par l’article L.653-5 6° du code de commerce.
La poursuite abusive de l’activité déficitaire, dans un intérêt personnel, n’est par contre pas démontrée.
Le manquement,défini par l’article L.653-5 6° du code de commerce, commis en toute connaissance de cause par les dirigeants est suffisamment grave, au regard des conséquences qu’il a entraînées pour la société Dépann’Eclair, pour justifier une mesure de faillite personnelle durant 15 années.
Sur la demande de dommages intérêts pour procédure abusive de Monsieur [G] :
Les faits commis par Monsieur [F] au préjudice de la société Languedoc Poids Lourds ne concernent pas cette instance. Son intention de nuire n’est pas établie, étant rappelé que ce n’est pas ce dirigeant qui a écrit au liquidateur pour dénoncer des détournements d’actif et d’activité qui auraient été commis au préjudice de la société Dépann’Eclair.
Il convient en conséquence de débouter Monsieur [G] de sa demande de dommages intérêts.
Sur les frais de l’instance :
L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de Monsieur [G],
Madame [E] et Monsieur [F], qui succombent en leurs prétentions, devront supporter les dépens de l’instance et payer à la SELARL BRMJ es qualités une somme équitablement arbitrée à 5000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Révoque l’ordonnance de clôture et fixe la nouvelle clôture de l’affaire au 24 février 2023.
Déclare recevables les conclusions et pièces déposées par Madame [E] le 24 février 2023.
Constate que Monsieur [R] [S] a régularisé sa situation en acquittant le timbre fiscal réclamé,
Déclare l’appel de Monsieur [Z] [F] enregistré sous le numéro 22/03302 irrecevable,
Rejette la demande de nullité du jugement déféré,
Rejette la demande de nullité ou d’inopposabilité du rapport du juge commissaire,
Déboute Monsieur [F] de sa demande de nullité de sa désignation en qualité de gérant de droit,
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné Monsieur [O] au paiement de 10% du montant du passif, soit la somme de 305 598,32 euros pour sa gestion de droit passive du 10 février 2015 au 13 mai 2016 ayant contribué à la poursuite d’une activité déficitaire et en ce qu’il l’a condamné à une mesure de faillite personnelle d’une durée de 10 ans.
Dit que l’insuffisance d’actif était certaine à la date de démission de Madame [E],
Dit que Madame [U] [E] a commis des fautes de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif de la société Dépann’Eclair consistant en une poursuite abusive d’activité déficitaire, l’absence de comptabilité sincère et régulière, violation des règles fiscales,
Dit que l’insuffisance d’actif s’élevait à la somme de 3 049 534,47 euros à la date d’ouverture de la procédure collective,
Dit que Monsieur [Z] [F] a commis des fautes de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif de la société Dépann’Eclair consistant en un défaut de déclaration de paiement dans le délai légal, en une poursuite abusive d’activité déficitaire, l’absence de comptabilité sincère et régulière, la violation des règles fiscales par une opposition à contrôle,
Infirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné Monsieur [F], Madame [E] [S] à supporter l’intégralité de l’insuffisance d’actif de la SAS Depann’Eclair et condamné solidairement Monsieur [F] et Madame [E] [S] au paiement de 90% du montant du passif, soit à la somme de 2 750 384,91 euros (deux millions sept-cent-cinquante mille trois-cent-vingt-quatre euros et quatre-vingt-onze cents) avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation, pour leur gestion de droit comme de fait, ayant contribué à créer et faire perdurer une activité déficitaire,
Et statuant à nouveau de ces chefs,
Condamne Madame [U] [E] et Monsieur [Z] [F] à supporter partiellement l’insuffisance d’actif de la société Dépann’Eclair,
Condamne solidairement dans les limites du montant de leurs condamnations respectives, Madame [U] [E] à payer la somme de 511 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2020, date de l’assignation et Monsieur [Z] [F] à payer la somme de 2 230 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2020, date de l’assignation, à la SELARL BRMJ es qualités,
Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions,
Y ajoutant,
Déboute Monsieur [G] de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive et d’application de l’article 700 du code de procédure civile.
Dit que Madame [U] [E] et Monsieur [Z] [F] supporteront solidairement les dépens d’appel et payeront solidairement à la SELARL BRMJ es qualités une somme de 5 000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Rappelle qu’en application de l’article R.653-3 alinéa 1 du code de commerce, les décisions prononçant la faillite personnelle font l’objet des publicités prévues à l’article R.621-8 du code de commerce et dit qu’une copie du présent arrêt sera adressé au ministère public et au directeur départemental des Finances Publiques du Gard.
Dit que la présente décision sera signifiée à Madame [E] et à Monsieur [F], par les soins du greffe de la cour d’appel, en application de l’article R.653-3 alinéa 2 du code de commerce.
Arrêt signé par la présidente et par la greffiere.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,