GLQ/KG
MINUTE N° 23/295
Pôle emploi Alsace ( )
Clause exécutoire aux :
– avocats
– délégués syndicaux
– parties non représentées
Le
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE – SECTION A
ARRET DU 21 Mars 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A N° RG 22/03137
N° Portalis DBVW-V-B7G-H42V
Décision déférée à la Cour : 26 Juillet 2022 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE HAGUENAU
APPELANTES :
S.A.S. [V] GROUPE
prise en la personne de son représentant légal
N° SIRET : 728 505 199
[Adresse 3]
[Localité 5]
S.À.R.L. MAISONS PREMIUM
prise en la personne de son représentant légal
N° SIRET : 309 344 430
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentées par Me Jean-marc SCHALLER, avocat au barreau de STRASBOURG
INTIME :
Monsieur [Y] [F]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Hélène DOTT, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 17 Janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme DORSCH, Président de Chambre
M. PALLIERES, Conseiller
M. LE QUINQUIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme THOMAS
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,
– signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Par contrat à durée indéterminée du 21 décembre 2016, M. [Y] [F] a été embauché en qualité de commercial par la S.A.R.L. [V] à compter du 1er février 2017. Suite à une cession des parts sociales de la société et à compter du 1er septembre 2019 , M. [Y] [F] a continué à exercer ses fonctions auprès de la S.A.R.L. [V] CONSTRUCTION, sans signer un nouveau contrat de travail.
Le 29 février 2020, M. [Y] [F] a été licencié pour faute grave.
Le 18 mars 2020, M. [Y] [F] a créé la S.A.R.L. ATPL CONSEIL. Cette société est intervenue auprès de la S.A.S. [V] GROUPE et de la S.A.R.L. MAISONS PREMIUM en qualité d’agent commercial, étant précisé que la S.A.R.L. [V] CONSTRUCTION, la S.A.S. [V] GROUPE et la S.A.R.L. MAISONS PREMIUM sont toutes les trois détenues et dirigées par M. [W] [V].
Le 02 mars 2021, la S.A.R.L. ATPL CONSEIL a assigné la S.A.S. [V] GROUPE et la S.A.R.L. MAISONS PREMIUM devant le président de la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Strasbourg statuant en référé pour solliciter le versement de provisions.
Par une ordonnances du 26 mai 2021, le juge des référés commerciaux a condamné la S.A.S. [V] GROUPE à verser à la S.A.R.L. ATPL CONSEIL une provision de 2 634,09 euros et a jugé que les autres demandes relatives à des devis antérieurs à la constitution de la S.A.R.L. ATPL CONSEIL se heurtaient à une contestation sérieuse.
Par une seconde ordonnance du 26 mai 2021, le juge des référés commerciaux a considéré que les demandes en paiement formées par la S.A.R.L. ATPL CONSEIL contre la S.A.R.L. MAISON PREMIUM se heurtaient à une contestation sérieuse.
Le 25 octobre 2021, M. [Y] [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Haguenau pour obtenir la condamnation in solidum de la S.A.R.L. [V] CONSTRUCTION, de la S.A.S. [V] GROUPE et de la S.A.R.L. MAISONS PREMIUM au paiement de rappels de commissions, de rappels de salaire et d’une indemnité pour travail dissimulé.
La S.A.S. [V] GROUPE et la S.A.R.L. MAISONS PREMIUM ont soulevé l’incompétence matérielle du conseil de prud’hommes de Haguenau et sollicité le renvoi de l’affaire devant le tribunal judiciaire de Strasbourg.
Par ordonnance du 26 juillet 2022, le conseil de prud’hommes s’est déclaré matériellement compétent.
La S.A.S. [V] GROUPE et la S.A.R.L. MAISONS PREMIUM ont interjeté appel le 11 août 2022 et ont été autorisées à assigner M. [Y] [F] à l’audience du 17 janvier 2023.
Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 décembre 2022, la S.A.S. [V] GROUPE et la S.A.R.L. MAISONS PREMIUM demandent à la cour de :
– déclarer le conseil de prud’hommes de Haguenau matériellement incompétent,
– renvoyer les parties devant le tribunal judiciaire de Strasbourg,
– condamner M. [Y] [F] à payer la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à chacune des parties appelantes,
– condamner M. [Y] [F] aux dépens.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 10 novembre 2022, M. [Y] [F] demande à la cour de confirmer l’ordonnance du 26 juillet 2022 et de condamner in solidum la S.A.S. [V] GROUPE et la S.A.R.L. MAISONS PREMIUM aux dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour un exposé plus complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux écritures précitées, en application de l’article 455 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 09 septembre 2022, la S.A.S. [V] GROUPE et la S.A.R.L. MAISONS PREMIUM ont été autorisées à assigner M. [Y] [F] à l’audience du 17 janvier 2023 à laquelle l’affaire a été plaidée et mise en délibéré au 21 mars 2023.
MOTIFS
1) Sur la compétence
Vu les articles 75 et suivants du code de procédure civile,
Aux termes de l’article L. 1411-1 du code du travail, le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient.
En l’espèce, le fait que le litige porte sur la détermination de la qualité d’employeurs de la S.A.S. [V] GROUPE et de la S.A.R.L. MAISONS PREMIUM à l’égard de M. [Y] [F] n’est pas en lui-même suffisant pour retenir la compétence matérielle du conseil de prud’hommes. Il convient de déterminer au préalable si ces sociétés avaient effectivement la qualité d’employeur du demandeur
Sur la demande à l’encontre de la SARL [V] CONSTRUCTION.
Il n’est pas contesté qu’avant son licenciement intervenu le 29 février 2020, M. [Y] [F] était salarié de la S.A.R.L. [V] CONSTRUCTION.
Par conséquent les demandes formulées à son encontre relèvent bien de la compétence du Conseil de Prud’Hommes.
Sur les demandes à l’encontre des sociétés [V] GROUPE et MAISON PREMIUM
L’intimé soutient qu’il se trouvait en outre dans une situation de coemploi à l’égard de la S.A.S. [V] GROUPE et de la S.A.R.L. MAISONS PREMIUM.
En l’absence d’un contrat de travail apparemment M. [F] supporte la charge de la preuve de l’existence du contrat de travail.
M. [Y] [F] fait valoir à ce titre qu’en qualité de commercial, il a permis la conclusion de contrats au profit de la S.A.S. [V] GROUPE et de la S.A.R.L. MAISONS PREMIUM, qu’il a été rémunéré par des commissions perçues sur les différents contrats qu’il a conclu pour ces deux sociétés, qu’il était l’interlocuteur principal des clients et qu’il disposait d’une carte de visite et d’une adresse électronique au nom de la S.A.R.L. MAISONS PREMIUM. Il considère par ailleurs qu’un lien de subordination existait dès lors que M. [W] [V] détenait et dirigeait la S.A.R.L. [V] CONSTRUCTION, son employeur, ainsi que la S.A.S. [V] GROUPE et la S.A.R.L. MAISONS PREMIUM.
Ces éléments ne permettent pas de caractériser l’élément essentiel du contrat de travail qu’est l’existence d’un lien de subordination entre M. [Y] [F] d’une part et la S.A.S. [V] GROUPE et la S.A.R.L. MAISONS PREMIUM d’autre part.
Par ailleurs, en dehors de l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s’il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière (Soc., 25 novembre 2020, pourvoi n°18-13.769). Le seul fait que les trois sociétés soient dirigées par la même personne est insuffisant pour démontrer une immixtion permanente dans la gestion de la société employeur et l’existence d’une situation de coemploi.
L’ordonnance du 26 juillet 2022 sera donc infirmée en ce que le conseil de prud’hommes s’est déclaré matériellement compétent pour statuer sur les demandes dirigées contre la S.A.S. [V] GROUPE et la S.A.R.L. MAISONS PREMIUM.
2) Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
L’ordonnance sera infirmée en ce qu’elle a réservé les dépens.
Compte tenu de l’issue du litige, il convient de condamner M. [Y] [F] aux dépens de première instance et d’appel. Il sera en outre condamné à payer à chacune des parties appelantes la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [Y] [F] sera débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par mise à disposition au greffe par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME l’ordonnance que l’ordonnance du Conseil de Prud’Hommes de Haguenau du 26 juillet 2022 en ce qu’il s’est déclaré matériellement compétant pour statuer sur les demandes formées contre la SARL [V] CONSTRUCTION ;
INFIRME l’ordonnance du conseil de prud’hommes de Haguenau du 26 juillet 2022 en ce qu’il s’est déclaré matériellement compétent pour statuer sur les demandes formées contre la S.A.S. [V] GROUPE et la S.A.R.L. MAISONS PREMIUM et en ce qu’il a réservé les dépens ;
Statuant à nouveau dans cette limite, et y ajoutant,
DÉCLARE le conseil de prud’hommes de Haguenau matériellement incompétent pour statuer dans le litige opposant M. [Y] [F] à la S.A.S. [V] GROUPE et à la S.A.R.L. MAISONS PREMIUM ;
RENVOIE l’affaire devant le tribunal judiciaire de Strasbourg pour le litige opposant M. [Y] [F] à la S.A.S. [V] GROUPE et à la S.A.R.L. MAISONS PREMIUM ;
RENVOIE l’affaire devant le conseil de prud’hommes de Haguenau pour le litige opposant M. [Y] [F] à la S.A.R.L. [V] CONSTRUCTION ;
CONDAMNE M. [Y] [F] aux dépens de la procédure de première instance et d’appel ;
CONDAMNE M. [Y] [F] à payer à la S.A.S. [V] GROUPE et à la S.A.R.L. MAISONS PREMIUM la somme de 500 euros (cinq cents euros) chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE M. [Y] [F] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 21 mars 2023, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.
Le Greffier Le Président