N° RG 22/01341 – N° Portalis DBV2-V-B7G-JB34
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 13 AVRIL 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DU HAVRE du 06 Avril 2022
APPELANT :
Monsieur [U] [O]
Chez Mme [A] [T]
[Adresse 4]
[Localité 5]
présent
représenté par Me Céline BART de la SELARL EMMANUELLE BOURDON-CÉLINE BART AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Anne BRULLER, avocat au barreau de PARIS
INTIMES :
Monsieur [V] [I]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Emmanuel BURGET, avocat au barreau de PARIS
Société SAINT FIACRE DE [Localité 3]
[Adresse 6]
[Localité 3]
représentée par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Emmanuel BURGET, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 22 Février 2023 sans opposition des parties devant Madame BIDEAULT, Présidente, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame POUGET, Conseillère
Madame DE BRIER, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme DUBUC, Greffière
DEBATS :
A l’audience publique du 22 Février 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 13 Avril 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 13 Avril 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le château de [Localité 3] situé au sein du Domaine du Grand [Localité 3] est une propriété privée, classée monument historique.
En 2014, M. [I] et son épouse ont acquis le domaine en vue de le restaurer et de l’ouvrir au public.
Dans un premier temps, M. [I] a créé l’association [Localité 3] Partage qui oeuvre dans le domaine de la réinsertion par le travail de chômeurs de longue durée ainsi qu’au bien être d’enfants placés en foyer ou d’enfants handicapés.
A compter du 16 octobre 2014, M. [I] a embauché à titre personnel M. [O] en qualité de jardinier moyennant une rémunération mensuelle nette de 1800 euros aux termes d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein.
Le domaine du Grand [Localité 3] a été ouvert au public au cours de l’année 2017.
Ainsi, la société Saint Fiacre de [Localité 3] a été créée.
La société, qui a pour associé unique M. [I], a pour objet la location et visite du château de [Localité 3] et de ses dépendances, l’organisation d’événements, la vente de produits agricoles ainsi que la formation, la promotion et le développement du jardinage et de la culture des plantes.
A compter du 1er février 2017, la société a embauché en qualité de régisseur du domaine du Grand [Localité 3] M. [R], l’époux de M. [O].
Par avenant du 3 juin 2018, M. [O] s’est vu confier la coordination de l’équipe des jardiniers du domaine, a été nommé jardinier en chef, sa rémunération nette mensuelle étant portée à 2 000 euros.
Par avenant du 18 janvier 2020, il a été précisé qu’au titre de ses fonctions, le salarié à titre intérimaire prendra en charge, jusqu’à l’embauche au sein du domaine d’un gestionnaire hôtellerie et événementiel, l’accueil des hôtes, individuels et groupes, séjournant au manoir de [Localité 3]. La rémunération nette mensuelle du salariée était portée à 2 692 euros.
M. [O] a été placé en arrêt de travail à compter du 15 juillet 2020.
Estimant que son employeur avait gravement manqué à son égard à ses obligations légales et contractuelles, le salarié a saisi le 18 décembre 2020 le conseil de prud’hommes du Havre d’une demande tendant à voir prononcer la résiliation de son contrat de travail avec tous les effets attachés à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le 7 janvier 2021, à l’issue de la visite de reprise, le médecin du travail a rendu l’avis suivant :’ Inapte au poste en une seule visite dans le cadre de l’article R 4624-42 du code du travail. Etude de poste le 05/01/2021. Concertation avec l’employeur le 05/01/2021. Apte à un poste de travail dans une autre structure et lieu de travail.’
Par courrier en date du 14 janvier 2021, M. [I] a proposé au salarié un poste de reclassement en qualité de jardinier au sein du domaine de la Croix de Bontar dans le département du Var.
Par courrier du 20 janvier 2021, M. [O] a refusé ce poste.
Par courrier en date du 21 janvier 2021, l’employeur a fait connaître au salarié les motifs s’opposant à son reclassement et par courrier en date du 22 janvier 2021 l’a convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 29 janvier 2021.
M. [O] a été licencié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 5 février 2021 motivée comme suit :
‘Par courrier recommandé en date du 22 janvier 2021, je vous ai convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 29 janvier 2021 à 8 heures, auquel vous ne vous êtes pas présenté.
Par la présente, je vous informe que je suis contraint de vous notifier votre licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Comme vous le savez, à l’issue de l’examen médical de reprise du 7 janvier 2021 consécutif à votre absence due à un arrêt maladie non professionnel, vous avez été déclaré inapte à votre emploi de jardinier avec la précision suivante : ‘Apte à un poste de travail dans une autre structure et autre lieu.’
Après avoir effectué les recherches nécessaires, je vous ai proposé, par courrier recommandé du 14 janvier 2021, un reclassement sur un poste adapté à vos capacités, à savoir jardinier au sein du Domaine de la Croix de Bontar, que vous avez expressément refusé par lettre recommandée du 20 janvier 2021.
Par courrier du 21 janvier 2021, je vous ai fait part des motifs s’opposant à votre reclassement.
En effet, en dépit de mes recherches, je ne suis pas en mesure de vous proposer un autre poste de reclassement compatible avec les conclusions du médecin du travail.
Compte tenu de votre inaptitude, d’origine non professionnelle, médicalement constatée à votre poste et de cette impossibilité de reclassement, je suis donc dans l’obligation de procéder à votre licenciement.
Par conséquent, votre contrat de travail est rompu à la date d’envoi de la présente, soit le 3 février 2021.
Votre préavis ne pouvant être effectué du fait de votre inaptitude, ne fera pas l’objet d’une rémunération. Il sera néanmoins pris en compte pour le calcul de votre ancienneté et donc de l’indemnité de licenciement que vous percevrez.(…)’
Par jugement du 6 avril 2022, le conseil de prud’hommes du Havre a :
– dit et jugé qu’il n’existait pas de contrat de travail entre M. [O] et la société Saint Fiacre de [Localité 3],
– en conséquence, en application de l’article 81 du code de procédure civile, s’est déclaré incompétent pour juger le contentieux opposant M. [O] à la société Saint Fiacre de [Localité 3] et invité M. [O] à mieux se pourvoir,
– dit et jugé que M. [O] n’avait pas le statut cadre et en conséquence l’a débouté de ses demandes de rappels de salaire et congés payés afférents,
– dit et jugé que M. [O] est lié par un contrat de travail à M. [I],
– dit que M. [O] ne rapporte pas la preuve de manquements graves de M. [I] et l’a débouté de l’ensemble de ses demandes,
– dit et jugé que M. [O] ne rapporte pas la preuve d’avoir effectué des heures supplémentaires et l’a débouté de ses demandes afférents,
– débouté les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,
– laissé à chacune des parties la charge de ses dépens.
M. [O] a interjeté appel le 21 avril 2022 à l’encontre de cette décision qui lui a été régulièrement notifiée.
Par ordonnance en date du 26 avril 2022, M. [O] a été autorisé à assigner les parties défenderesses à jour fixe pour l’audience du 20 octobre 2022.
M. [I] et la société Saint Fiacre de [Localité 3] ont constitué avocat par voie électronique le 6 mai 2022.
Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 10 février 2023, le salarié appelant sollicite l’infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de :
– déclarer irrecevable et en tout état de cause infondée l’exception d’incompétence matérielle soulevée sur les demandes formées à l’encontre de la société Saint Fiacre de [Localité 3] en application des articles 75 et 81 du code de procédure civile,
– reconnaître qu’il avait le statut de cadre soumis aux dispositions de la convention collective des prestataires de service du secteur tertiaire à compter du 3 juin 2018,
– condamner en conséquence solidairement M. [I] et la société Saint Fiacre de [Localité 3] à lui verser un rappel de salaire de 14 497 euros du 3 juin 2018 à la date du jugement à intervenir assorti des congés payés afférents de 1 449,70 euros et de l’établissement des bulletins de paie régularisés portant sa rémunération brute mensuelle à 3 218 euros,
– prononcer aux torts exclusifs de l’employeur la résiliation judiciaire de son contrat de travail à la date de l’envoi de la lettre de licenciement et dire en tout état de cause le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamner solidairement M. [I] et la société Saint Fiacre de [Localité 3] à lui verser les sommes suivantes :
9 653 euros brut d’indemnité compensatrice de préavis,
965,30 euros brut de congés payés sur préavis,
4 827 net euros d’indemnité légale de licenciement,
39 000 euros d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamner solidairement M. [I] et la société Saint Fiacre de [Localité 3] à lui verser ses documents de rupture (certificat de travail, bulletin de paie régularisé, solde de tout compte, attestation Pôle Emploi),
– condamner solidairement M. [I] et la société Saint Fiacre de [Localité 3] à lui verser la somme de 29 826,20 euros brut à titre de rappel d’heures supplémentaires pour la période de novembre 2015 à juin 2020 assortie des congés payés afférents de 2 982,62 euros brut et des bulletins de paie régularisés,
– condamner solidairement M. [I] et la société Saint Fiacre de [Localité 3] à lui verser la somme de 19 308 euros au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
– condamner solidairement M. [I] et la société Saint Fiacre de [Localité 3] à lui verser la somme de 9 500 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de santé et de sécurité,
– condamner solidairement M. [I] et la société Saint Fiacre de [Localité 3] à lui verser les sommes de 7 508 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés et 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non prise de repos compensateur,
– condamner solidairement M. [I] et la société Saint Fiacre de [Localité 3] à lui verser la somme de 3 000 euros en applciation de l’article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 15 février 2023, M. [I] et la société Saint Fiacre de [Localité 3], intimés, réfutant les moyens et l’argumentation de la partie appelante, sollicitent pour leur part la confirmation de la décision déférée en toutes ses dispositions, demandent que soit rejetée l’intégralité des demandes formées par M. [O], qu’il soit condamné à leur verser à chacun la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et qu’il soit condamné aux entiers dépens.
A l’audience du 20 octobre 2022, l’affaire a été renvoyée à l’audience du 22 février 2023 à la demande des parties.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 février 2023.
Il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel aux écritures des parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur l’exception d’incompétence matérielle
Le conseil de prud’hommes s’est déclaré incompétent en application de l’article 81 du code de procédure civile pour juger du contentieux opposant M. [O] à la société Saint Fiacre de [Localité 3] en l’absence de contrat de travail entre les parties.
M. [O] sollicite l’infirmation du jugement entrepris de ce chef soutenant en premier lieu l’absence de motivation sur ce point de la décision critiquée, affirmant d’autre part que le conseil de prud’hommes a méconnu son obligation en ce qu’il n’a pas désigné le juge qu’il estimait compétent, précisant enfin qu’il sollicite la reconnaissance d’un coemploi de M. [I] et la société Saint Fiacre de [Localité 3] et que l’affirmation du conseil selon laquelle cette notion s’applique exclusivement dans le cadre de groupes de sociétés est erronée.
M. [I] et la société Saint Fiacre de [Localité 3] requièrent la confirmation du jugement entrepris de ce chef.
Ils rappellent que M. [O] était exclusivement salarié de M. [I], qu’en l’absence de contrat de travail liant M. [O] à la société Saint Fiacre de [Localité 3], le conseil de prud’hommes est incompétent.
Sur ce ;
L’article L 1411-1 du code du travail dispose que le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n’a pas abouti.
Le conseil de prud’hommes est donc compétent dans les litiges nés du contrat de travail ou dans un contentieux qui trouve son origine dans celui-ci, que ce soit au moment de sa conclusion, de son exécution ou de sa rupture.
Il est également compétent pour statuer sur la détermination d’une situation de coemploi ainsi que sur les conséquences de la reconnaissance d’une telle situation, telles qu’alléguées par le salarié, lesquelles se traduisent par une demande de condamnation solidaire de M. [I] et de la société Saint Fiacre de [Localité 3] à des dommages et intérêts, des rappels de salaire ou encore au paiement des indemnités de rupture.
Le jugement entrepris doit être infirmé en ce que le conseil de prud’hommes s’est déclaré incompétent pour juger si M. [I] et la société Saint Fiacre de [Localité 3] étaient ou non coemployeurs.
2/ Sur l’exeption d’incompétence s’agissant des demandes relatives à l’invention du salarié
Les intimés sollicitent la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il s’est déclaré incompétent pour connaître des demandes relatives à l’invention du salarié.
Cependant, à la lecture du jugement entrepris, la cour constate que le conseil de prud’hommes ne s’est pas déclaré incompétent mais a débouté M. [O] de sa demande.
En outre, il est observé qu’à hauteur d’appel le salarié ne forme aucune demande à ce titre au dispositif de ses conclusions, qu’il ne sollicite pas l’infirmation du jugement entrepris de ce chef.
En conséquence, la cour constate n’être saisie d’aucune demande à ce titre.
3/ Sur la demande au titre de l’irrecevabilité des demandes nouvelles
La cour rappelle qu’en application de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des écritures.
En l’espèce, les intimés ne forment aucune demande d’irrecevabilité des demandes nouvelles au dispositif de leurs écritures et sollicitent uniquement la confirmation du jugement entrepris.
A la lecture du jugement, la cour constate que les intimés avaient formé cette demande d’irrecevabilité de la demande relative à l’illégitimité du licenciement.
Cependant, le conseil de prud’hommes a omis de statuer à la fois sur la demande d’irrecevabilité soulevée mais également sur la demande tendant à juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Les intimés ne sollicitant pas la réparation de l’omission de statuer au dispositif de leurs écritures, il y a lieu de considérer que la cour n’en est pas saisie.
4/ Sur le co-emploi
Le salarié sollicite que M. [I] et la société Saint Fiacre de [Localité 3] soient condamnés solidairement au paiement de l’intégralité des sommes sollicitées arguant de l’existence d’un co-emploi.
Il affirme qu’il existait à la fois une confusion des employeurs et une confusion des activités.
Il conteste l’affirmation retenue par le conseil de prud’hommes selon laquelle le coemploi serait une notion exclusivement applicable aux groupes de sociétés.
Les intimés contestent l’existence d’un coemploi. Après avoir rappelé que la preuve du coemploi incombe au salarié, ils soutiennent que les critères de confusion d’intérêts, d’activité et de direction invoqués par l’appelant sont obsolètes et ne peuvent être invoqués que dans le cadre de groupes de sociétés.
Ils considèrent que le salarié ne démontre nullement la prétendue confusion d’intérêts, de direction et d’activités qu’il allègue, qu’il ne démontre pas l’immixtion permanente et entière de la société Saint Fiacre dans la gestion économique et sociale de la relation de travail entre Messieurs [I] et [O]. Ils précisent que la prise en charge de l’accueil des hôtes séjournant au manoir prévue par l’avenant du 18 janvier 2020 n’a jamais été effective.
Ils affirment que le salarié ne démontre pas avoir été sous la subordination de la société Saint Fiacre.
Sur ce ;
Il peut y avoir coemploi lorsque, dans le cadre d’un même contrat de travail, le salarié est dans un rapport de subordination avec plusieurs employeurs.
Le coemploi peut également être reconnu lorsqu’il existe une confusion d’intérêts, d’activité ou de direction entre l’employeur du salarié et une autre personne physique ou morale.
Si le coemploi est souvent observé dans des groupes de société, la notion est également applicable à une association ou un employeur particulier.
Ainsi, il peut être distingué le ‘coemploi juridique’ du ‘coemploi sociétaire’.
Le « coemploi juridique » permet de constater l’existence de coemployeurs en cas de double lien de subordination constaté par le fait qu’une pluralité d’employeurs exerce, sur un même salarié, les prérogatives de l’employeur. Cette situation de coemploi suppose d’établir le lien de subordination unissant un salarié à une société prétendument coemployeur.
L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs.
Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
En l’espèce, il ressort des éléments du dossier que le domaine du Grand [Localité 3] est à la fois la propriété de M. [I] qui y vit mais qu’il est également exploité par la société Saint Fiacre du [Localité 3] et l’association [Localité 3] Partage.
Si M. [O] a été initialement embauché par M. [I], il est établi que la société Saint Fiacre du [Localité 3] a embauché le 1er février 2017 M. [R] en qualité de régisseur du domaine, ce dernier ayant notamment pour mission de planifier et contrôler l’exécution des tâches du personnel, dont celles des jardiniers salariés.
Comme évoqué par les intimés au sein de leurs écritures ( page 3), ‘l’exécution du travail de M. [O] était donc supervisée directement par son mari’.
Ainsi, l’avenant signé le 3 juin 2018 par M. [O] stipule au titre de ses fonctions : ‘M. [V] [I] sera représenté au domaine du Grand [Localité 3] pa le régisseur, qui transmettra ses directives au salarié’.
Au vu de ces éléments, il est établi que la société Saint Fiacre Du [Localité 3], par l’intermédiaire de son salarié régisseur, M. [R], exerçait un pouvoir de direction et de contrôle sur l’activité de M. [O].
Aux termes de l’avenant du 18 janvier 2020, les parties ont convenu que M. [O], en complément de ses fonctions et à titre intérimaire, prendrait en charge jusqu’à l’embauche au domaine d’un gestionnaire hôtellerie et événementiel, l’accueil des hôtes, individuels et groupes, séjournant au manoir de [Localité 3].
Il n’est pas contesté que la gestion hôtelière du manoir de [Localité 3] est une activité de la société Saint Fiacre du [Localité 3].
Au vu de ces éléments, la cour constate que M. [O] a exercé ses prestations de travail sous la double subordination de M. [I] et de la société Saint Fiacre du [Localité 3].
En conséquence, la situation de coemploi est caractérisée.
Au regard de la situation de coemploi, M. [I] et la société Saint Fiacre du [Localité 3] seront condamnées in solidum au paiement des différents sommes auxquelles elles seront condamnées.
5/ Sur le statut cadre de la convention collective des prestataires de service du secteur tertiaire
M. [O], qui a été embauché sous le statut d’employé de la convention collective des particuliers employeurs revendique le bénéfice du statut cadre de la convention collecive des prestataires de service du secteur tertiaire.
Les intimés concluent au débouté de la demande considérant celle-ci dépourvue de fondement.
Sur la convention collective applicable
L’article L 2261-2 du code du travail dispose que la convention collective applicable est celle dont relève l’activité principale exercée par l’employeur.
Le juge doit donc pour déterminer la convention collective dont relève un employeur, apprécier concrètement la nature de l’activité qu’il exerce à titre principal, sans s’en tenir à ses statuts, ni aux mentions figurant au contrat de travail ou sur des bulletins de paie et autres documents de l’entreprise. La référence à son identification auprès de l’INSEE n’a qu’une valeur indicative et les fonctions exercées par le salarié sont indifférentes .
La charge de la preuve de l’activité réelle incombe à la partie qui demande l’application d’une convention collective.
En l’espèce, M. [O] a été embauché par M. [I] en qualité de particulier employeur. Il a toutefois été précédemment jugé que la société Saint Saint Fiacre du [Localité 3] avait également la qualité d’employeur.
La société Saint Fiacre du [Localité 3] a pour activité la location et visite du château de [Localité 3] et de ses dépendances, l’organisation d’événements, la vente de produits agricoles ainsi que la formation, la promotion et le développement du jardinage et de la culture des plantes.
La convention collective des prestataires de service du secteur tertiaire revendiquée par le salarié a comme champ d’application :
1. Les entreprises de téléservices,
2. Les centres d’affaires et entreprises de domiciliation qui, en tant que prestataires de services, assurent à titre principal une assistance aux entreprises en leur offrant un service,
3. Les entreprises de recouvrement de créances et/ou de renseignements commerciaux ou économiques,
4. Les entreprises de traduction, quelle que soit leur forme juridique, pour autant qu’elles délivrent des prestations de services de traduction ainsi que toutes activités s’y rattachant.
5. Toute structure autonome à but lucratif ou non lucratif généralement appelée palais des congrès ou centre de congrès ayant pour vocation d’offrir à toutes personnes physiques ou morales un service d’organisation et de prestation de services, internes ou externes, et des équipements destinés à les accueillir et/ou à animer leurs manifestations, à l’exclusion des foires et expositions.
6. Entrent également dans le champ d’application de la convention collective nationale des prestataires de services les entreprises dont l’activité principale réside dans :
– les services d’accueil à caractère événementiel : services d’accueil occasionnels dans le cadre de salons, conventions, colloques ou tout autre événement de relation publique ou commercial.
– les actions d’animation et de promotion : de l’échantillonnage, distribution, etc., à la promotion des ventes en grands magasins ou GSM dont l’objectif est de faire connaître et de vendre les produits (ou services) du client aux consommateurs sur le lieu de vente.
– la gestion annualisée de prestations de services d’accueil et d’accueil téléphonique en entreprises, la gestion totale de services d’accueil externalisés.
7. Les centres d’appels dont la vocation est de gérer à distance la relation que les entreprises souhaitent entretenir avec leurs clients et prospects. C’est un ensemble de moyens humains, organisationnels et techniques mis en place afin d’apporter à la demande et aux besoins de chaque client une réponse adaptée.
Entrent enfin dans le champ d’application de la convention collective des prestataires de services les entreprises dont l’activité principale réside dans :
– les actions de force de vente : actions dont l’objectif est de développer les ventes des produits ou des services du client.
– les actions d’optimisation de linéaires : actions dont l’objectif est de valoriser la présence, le positionnement et la visibilité des produits (ou services) du client dans son ou ses réseaux de distribution.
8. Les entreprises qui pratiquent l’activité de recherche de débiteurs en masse, autrement appelée activité d’enquête civile, entrent dans le champ d’application de la convention collective des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire.
Il ne ressort pas des éléments versés aux débats par le salarié que l’activité principale de la société Saint Fiacre de [Localité 3] entre dans le champ d’application de la convention collective des prestataires de service du secteur tertiaire.
Sur le statut de cadre
Si le salarié revendique le statut de cadre au motif qu’il était investi d’un rôle d’encadrement, il y a lieu de rappeler que la fonction d’encadrement n’est pas nécessairement ou exclusivement un critère d’attribution du statut.
En outre, M. [O] relève de la convention collective du particulier employeur qui ne prévoit pas de statut cadre mais uniquement, en son article 2, 21 emplois repères.
Au vu de ces éléments, il y a lieu de débouter le salarié de sa demande et, par voie de conséquence, de sa demande de rappel de salaire calculée en application d’une classification erronée.
6/ Sur la demande au titre des heures supplémentaires
Le salarié, qui soutient être soumis à la durée légale du temps de travail revendique le paiement d’un rappel de salaire à hauteur de 29 826,20 euros au titre des heures supplémentaires accomplies de novembre 2015 à juin 2020.
L’employeur, qui considère la demande dépourvue de fondement, soulève la prescription de celle-ci pour la période antérieure au 18 décembre 2017 en application de l’article L 3245-1 du code du travail.
Sur le moyen tiré de la prescription
L’article L 3245-1 du code du travail dispose que l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
La prescription est interrompue par la saisine du conseil de prud’hommes.
En l’espèce, le salarié a formé sa demande en saisissant le conseil de prud’hommes le 18 décembre 2020, son contrat de travail étant toujours en cours.
En application des dispositions sus-visées, la cour constate que les demandes antérieures au 18 décembre 2017 sont prescrites.
Sur le fond
Aux termes de l’article L 3171-4 du code du travail en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-2 al. 1, de l’article L. 3171-3 et de l’article L. 3171-4 précité, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Le salarié soutient avoir effectué de nombreuses heures supplémentaires au cours de la relation contractuelle. Il précise qu’un certain nombre de salariés a été convoqué par l’employeur pour régulariser les heures supplémentaires effectuées, qu’il n’a pas été concerné mais que cependant l’employeur a procédé à leur réglement partiel en espèces les 30 septembre 2016, 28 mai 2017 et 13 août 2017 en lui versant une somme totale de 4 596 euros correspondant à 395 heures effectuées.
Il soutient cependant ne pas avoir été intégralement réglé des heures supplémentaires effectuées.
Au soutien de ses allégations, le salarié verse aux débats :
– un tableau récapitulatif élaboré par ses soins des heures de travail effectuées chaque semaine,
– des feuilles d’heures enregistrées au domaine de l’employeur, certaines étant contrôlées et annotées par la secrétaire administrative, Mme [M],
– son carnet personnel au sein duquel il notait quotidiennement les tâches à effectuer.
Le salarié présente ainsi des éléments préalables suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre en apportant ses propres éléments.
L’employeur conteste les allégations de l’appelant. Il soutient que le salarié n’a formulé aucune réclamation quant à sa charge de travail au cours de la relation contractuelle et considère que sa demande est formée pour les besoins de la cause.
Il conteste la valeur probante des éléments produits par le salarié observant que le carnet produit n’est rien d’autre que son ‘journal intime’.
Il observe qu’il ressort des éléments produits que le salarié augmente artificiellement le montant de ses demandes en intégrant notamment des périodes de week-end pendant lesquelles il ne travaillait pas n’hésitant pas à demander une rémunération pour des périodes au cours desquelles il participait en qualité de bénévole à l’association [Localité 3] Partage (25 heures en novembre 2017 et 6 heures en février 2018 notamment).
Concernant les 6 feuilles d’heures communiquées, l’employeur conteste leur valeur probante rappelant que seul l’époux du salarié, M. [R], contrôlait son temps de travail en qualité de régisseur, Mme [M], secrétaire depuis juin 2018 ne signant pas ses feuilles et se contentant de les transmettre au régisseur.
L’employeur indique que lorsque le salarié effectuait ponctuellement des heures supplémentaires, celles-ci étaient compensées par des repos compensateurs de remplacement.
Il verse aux débats des attestations de quatre salariés qui témoignent de l’absence de surcharge de travail de M. [O] et de la prise systématique de jours de récupération.
Il sera rappelé que le salarié qui, pendant la durée de son contrat de travail, ne formule pas de demande spécifique à l’employeur en paiement d’heures supplémentaires, ne renonce pas pour autant à son droit de les réclamer, dans la limite de la prescription de l’article L 3245-1 du code du travail.
Si l’employeur conteste les allégations du salarié et la valeur probante des pièces produites, il ne produit pas les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par celui-ci, ni aucun élément permettant de contredire les relevés mensuels de ses horaires de travail dont il résulte qu’il a effectué des heures supplémentaires non payées.
Il ressort du témoignage de Mme [G] et des propres allégations de l’employeur que des heures supplémentaires étaient parfois effectuées, sans que le nombre de repos compensateurs de remplacement attribué soit établi.
Ainsi, au vu des éléments produits de part et d’autre, et sans qu’il soit besoin d’une mesure d’instruction, la cour a la conviction au sens du texte précité que M. [O] a bien effectué des heures supplémentaires non rémunérées.
Pour autant, la lecture des documents et l’activité du domaine établissent que le temps de travail réellement effectué est moindre que celui allégué.
En conséquence, dans les limites de la prescription précédemment retenue, il sera accordé au salarié un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées du 18 décembre 2017 à juin 2020 à hauteur de la somme mentionnée au dispositif.
Il ne ressort pas des éléments du dossier que le salarié a effectué des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel, qu’il n’a pas été rempli de ses droits au titre des repos compensateurs.
Par confirmation du jugement entrepris, il y a lieu de le débouter de sa demande de dommages et intérêts pour non prise des repos compensateurs.
7/ Sur le travail dissimulé
En application de l’article L8221-5 du code du travail est réputé travail dissimulé le fait pour un employeur de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L1221-10 du code du travail relatif à la déclaration préalable à l’embauche ou à l’article L3243-2 du code du travail relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail.
Ainsi, la dissimulation d’emploi salarié n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.
L’attribution par une juridiction au salarié d’heures supplémentaires non payées ne constitue pas à elle seule la preuve d’une dissimulation intentionnelle.
En l’espèce, le salarié soutient avoir été partiellement rémunéré des heures supplémentaires effectuées par le versement d’une somme en espèces, non déclarée.
Il a été précédemment jugé que le salarié n’avait pas été intégralement remplii de ses droits au titre des heures supplémentaires.
Il résulte du procès-verbal de réunion du 21 juin 2017 que les salariés attiraient l’attention du président de la société sur l’existence de règlement en espèces des heures supplémentaires, sans cotisations sociales et sur le dépassement du volume maximum de 220 heures supplémentaires par an.
Il n’est pas contesté que M. [I] a signé le 24 juin 2017 le procès verbal en apportant la mention suivante : ‘Je suis responsable de ces situations et nous allons travailler pour qu’elles ne perdurent pas’, ce dont il s’évince qu’il n’a pas contesté le paiement en espèces d’heures supplémentaires.
Il ressort ainsi des éléments produits que l’employeur avait connaissance de l’existence d’heures supplémentaires mais également qu’il en réglait certaines en espèces en s’affranchissant des cotisations sociale afférentes, ce qui caractérise une volonté de dissimulation frauduleuse et, partant, l’existence d’un travail dissimulé.
Par infirmation du jugement entrepris, il est fait droit à la demande formée par le salarié à hauteur de la somme mentionnée au dispositif.
8/ Sur le manquement à l’obligation de sécurité
Le salarié soutient que l’employeur a manqué à l’obligation de sécurité en ce qu’il n’a bénéficié que très partiellement de jours de congés payés ou de repos compensateurs. Il indique que la privation de ses droits à congés et repos a eu pour conséquence une dégradation de son état de santé dont M. [I] avait connaissance puisqu’il a reconnu lors d’une réunion le 21 juin 2017 être ‘responsable de ces situations.’
M. [O] affirme que l’employeur n’a pris aucune mesure de prévention, qu’il a été victime d’épuisement professionnel et d’anxiété dépressive réactionnelle ce qui a justifié son placement en arrêt maladie ininterrompu à compter du 1er juillet 2020 puis l’avis d’inaptitude.
Il verse aux débats un document qu’il intitule ‘procès-verbal de la réunion de travail du 21 juin 2017″, un mail de M. [D], ancien salarié, du 22 novembre 2021 qui expose les raisons de son départ du domaine en lien avec une surcharge de travail, nommant M. [I] ‘l’ogre’.
Il reproche en outre à son employeur la mise à disposition d’un logement de fonction vétuste.
L’employeur conteste tout manquement à l’obligation de sécurité. Il affirme que la charge de travail du salarié a toujours été conforme aux dispositions contractuelles et qu’il a plutôt bénéficié d’un régime de faveur, ce qui a créé des tensions au sein de l’équipe des salariés.
Sur ce ;
L’article L 4121-1 du code du travail dispose que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
L’employeur, tenu d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité.
Dès lors qu’il s’agit d’une obligation de sécurité à la charge exclusive de l’employeur, la charge de la preuve de son bon accomplissement incombe à ce dernier et non au salarié.
Il ressort des éléments produits que l’employeur ne justifie pas de la prise des congés, des temps de repos du salarié.
Il ne verse ainsi aux débats aucun élément relatif notamment aux vacances accordées au salarié.
Il ressort du document intitulé ‘procès-verbal de la réunion du 21 juin 2017″ signé par M. [I] que les salariés ont exprimé leurs difficultés relatives au temps de travail, ce document précisant ‘la charge de travail implique parfois l’impossibilité de prendre un jour de repos hebdomadaire. Dépassement du volume maximum de 220 heures supplémantaires par an, par défaut.’
Il n’est pas contesté que M. [I] a porté sur ce document la mention suivante : ‘je suis responsable de ces situations et nons allons travailler pour qu’elles ne perdurent pas’.
Nonobstant cette mention, l’employeur ne verse pas aux débats d’éléments tendant à établir la prise de mesures adaptées.
Le salarié verse aux débats des attestations aux fins d’établir qu’il était systématiquement présent au domaine lors des manifestations telles que l’accueil des groupes scolaires.
Mme [S], professeur des écoles, indique qu’en dépit des horaires tardifs, M. [O] était présent lors de ses venues. Elle précise avoir fait découvrir le domaine à des amis certains week-end et avoir à chaque fois rencontré M. [O].
Mme [L] atteste également avoir constaté la présence de M. [O] les week end. Mme [Z] précise que lors de ses fréquents passages, elle constatait la présence de M. [O], y compris le samedi.
Si l’employeur soutient que M. [O] était souvent présent en qualité de bénévole de l’association [Localité 3] Partage, il n’en justifie pas.
Si l’employeur établit que M. [O] et son époux ont, à plusieurs reprises, exprimé leur satisfaction de travailler au sein du domaine, que M. [O], lors d’une interview au sein d’un article du Figaro Magazine en date du 9 mai 2020 a précisé ‘être là au quotidien est une sorte d’enchantement’, ces éléments ne permettent pas d’établir le respect par l’employeur du temps de travail et, plus spécifiquement des temps de repos.
Il est établi que M. [O] a été placé en arrêt de travail en raison d’anxiété, troubles du sommeil, syndrome dépressif qu’il a évoqué avec le médecin du travail son épuisement professionnel, ses inquiétudes concernant l’augmentation des activités du domaine qui lui étaient confiées.
Au regard de ces éléments, il apparait que l’employeur n’établit pas avoir respecté son obligation de sécurité à l’égard du salarié.
Ce manquement a causé un préjudice à M. [O] en ce qu’il a été placé en arrêt de travail.
Ce préjudice sera intégralement réparé par l’octroi de dommages et intérêts à hauteur de 5 000 euros.
9/ Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail
En cas d’action en résiliation judiciaire suivie en cours d’instance d’un licenciement, l’examen de la résiliation judiciaire revêt un caractère préalable, dans la mesure où si la résiliation du contrat est prononcée, le licenciement ultérieurement notifié par l’employeur se trouve privé d’effet. L’examen de la légitimité du licenciement n’a donc lieu d’être opéré qu’en cas de rejet de la demande de résiliation judiciaire.
En l’espèce, M. [O] a saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail le 18 décembre 2020 et a été licencié ultérieurement le 5 février 2021, de sorte que l’examen de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail revêt un caractère préalable.
Lorsque les manquements de l’employeur à ses obligations légales, conventionnelles ou contractuelles sont établis, ont revêtu une gravité suffisante et empêchent la poursuite du contrat de travail, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail doit être accueillie.
Lorsqu’en cours d’instance de résiliation judiciaire le contrat de travail a été rompu, notamment par l’effet d’un licenciement, la date d’effet de la résiliation doit être fixée à la date de rupture effective du contrat, c’est à dire dans l’hypothèse considérée à la date du licenciement.
A l’appui de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, le salarié invoque les conditions particulièrement anormales de travail et de vie qui lui ont été imposées l’ayant conduit à un épuisement psychique et psychologique d’une gravité certaine, au constat de son inaptitude.
Il indique que le non-respect de la durée légale du travail, la violation par l’employeur de son obligation de sécurité constituent des manquements suffisamment graves.
L’employeur conteste la réalité des manquements allégués, soutenant que le salarié et son époux sont d’une particulière mauvaise foi, qu’ils avaient émis le souhait de quitter leurs emplois pour vivre au Portugal, qu’ils avaient fait part de leurs intentions dès le 4 juillet 2020, qu’ils ont déménagé une partie de leurs effets personnels dès le 20 juin 2020, que le relevé de situation Pôle Emploi communiqué le 9 février 2023 mentionne effectivement une adresse au Portugal.
Il a été précédemment jugé que l’employeur avait manqué à son obligation de sécurité en ce qu’il n’avait pas pris les mesures nécessaires pour préserver les temps de repos du salarié.
Il ressort des éléments du dossier que ce manquement de l’employeur a eu pour conséquence l’arrêt de travail du salarié puis, ultérieurement, un constat d’inaptitude.
Ce manquement était en conséquence suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
Par infirmation du jugement entrepris, il sera fait droit à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail avec effet au 5 février 2021.
Produisant tous les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la résiliation judiciaire ouvre doit pour le salarié aux indemnités de rupture (indemnité compensatrice de préavis, indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de congés payés) ainsi qu’à des dommages et intérêts appréciés sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail.
La cour constate que le contrat de travail du salarié porte comme mention de date d’embauche le 16 octobre 2014, date reprise par les intimés dans leurs conclusions (page 2) alors que les documents de fin de contrat mentionnent comme date d’entrée le 16 octobre 2015.
En conséquence, la date du 16 octobre 2014 sera retenue.
Au regard de l’ancienneté du salarié, des dispositions conventionnelles applicables, du salaire moyen reconstitué en tenant compte des heures supplémentaires, il sera accordé à M. [O] la somme de 6 032 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 603,20 euros au titre des congés payés afférents.
En outre, il ressort du solde de tout compte versé aux débats que le salarié a perçu la somme de 3 661,25 euros au titre de l’indemnité de licenciement, M. [O] ne contestant pas spécifiquement avoir perçu cette somme.
Le salarié n’invoque aucun moyen de fait ou de droit à l’appui de sa demande de complément d’indemnité de licenciement.
Au regard du montant de son salaire reconstitué, il sera accordé au salarié un complément d’indemnité de licenciement à hauteur de 862,75 euros.
Compte-tenu de la date de rupture du contrat de travail sont applicables les dispositions de l’article L 1235-3 du code du travail dans sa version issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.
Selon ces dispositions si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, en cas de refus de la réintégration du salarié dans l’entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par ledit article, en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise et du nombre de salariés employés habituellement dans cette entreprise.
Pour une ancienneté de 6 années dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, l’article L. 1235-3 du code du travail prévoit une indemnité comprise entre 1,5 et 7 mois de salaire.
En considération de sa situation particulière et eu égard notamment à son âge (43 ans), à l’ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer la réparation qui lui est due à la somme qui sera indiquée au dispositif de l’arrêt.
Il ressort du solde de l’attestation Pôle Emploi délivrée au salarié et du bulletin de salaire de février 2021 qu’une indemnité compensatrice de congés payés de 2 840,76 euros a été versée à M. [O], ce dernier ne contestant pas spécifiquement avoir perçu cette somme.
Si M. [O] sollicite à hauteur de cour le versement d’une indemnité compensatrice de congés payés à hauteur de 7 508 euros, il n’expose aucun moyen de fait ou de droit au soutien de sa demande.
En conséquence, par confirmation du jugement entrepris, le salarié est débouté de sa demande.
10/ Sur la remise des documents
Il sera ordonné la remise par M. [I] et la société Saint Fiacre de [Localité 3] à M. [O] de l’attestation Pôle Emploi, d’un certificat de travail, d’un solde de tout compte et d’un bulletin de paie récapitulatif conformes au présent arrêt.
11/ Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [O] les frais non compris dans les dépens qu’il a pu exposer.
Il convient en l’espèce de condamner les intimés, succombants dans la présente instance, à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour l’ensemble de la procédure.
Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des employeurs les frais irrépétibles exposés par eux.
Il y a également lieu de condamner les intimés aux dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant contradictoirement, en dernier ressort ;
Infirme le jugement du conseil de prud’hommes du Havre du 6 avril 2022 sauf en ce qu’il a débouté M. [O] de ses demandes au titre des repos compensateurs, de l’indemnité compensatrice de congés payés, du rappel de salaire au titre du statut de cadre ;
Statuant des chefs infirmés et y ajoutant :
Rejette l’exception d’incompétence soulevée ;
Dit prescrites les demandes de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires pour la période antérieure au 18 décembre 2017 ;
Dit et juge que M. [V] [I] et la société Saint Fiacre de [Localité 3] étaient coemployeurs de M. [U] [O] ;
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [U] [O] à la date du 5 février 2021 ;
Condamne M. [V] [I] et la société Saint Fiacre de [Localité 3] in solidum à verser à M. [U] [O] les sommes suivantes:
9 743,23 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées du 18 décembre 2017 à juin 2020 outre 974,32 euros au titre des congés payés afférents,
5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,
18 096 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
6 032 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 603,20 euros au titre des congés payés afférents,
862,75 euros au titre du complément d’indemnité de licenciement,
12 064 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour l’ensemble de la procédure,
Ordonne à M. [I] et à la société Saint Fiacre de [Localité 3] de remettre à M. [O] l’attestation Pôle Emploi, un certificat de travail, un solde de tout compte et un bulletin de paie récapitulatif conformes au présent arrêt ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne M. [V] [I] et la société Saint Fiacre de [Localité 3] in solidum aux dépens de première instance et d’appel.
La greffière La présidente