ARRET
N°
[M]
C/
[S] [B]
le 04 mai 2023
à
Me Ravisy
Me Maître
CB/MR/BG
COUR D’APPEL D’AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE
ARRET DU 04 MAI 2023
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N° RG 18/04361 – N° Portalis DBV4-V-B7C-HDVI
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE BEAUVAIS DU 25 OCTOBRE 2018 (référence dossier N° RG F 17/00194)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
Monsieur [R] [M]
[Adresse 3]
[Localité 4]
comparant en personne, assisté et plaidant par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d’AMIENS, avocat postulant
concluant et plaidant par Me Philippe RAVISY de la SELARL ASTAE, avocat au barreau de PARIS
ET :
INTIME
Monsieur [O] [S] [B]
[Adresse 2]
[Localité 1]
comparant en personne, assisté, concluant et plaidant de Me Stéphane MAITRE, avocat au barreau de PARIS
Me Aurélie GUYOT, avocat au barreau D’AMIENS, avocat postulant
DEBATS :
A l’audience publique du 16 février 2023, devant Madame Corinne BOULOGNE, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l’affaire a été appelée.
Madame [C] [Z] indique que l’arrêt sera prononcé le 13 avril 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame [C] [Z] en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Les conseils des parties ont été avisés par RPVA que le délibéré était prorogé au 04 mai 2023.
Le 04 mai 2023, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.
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* *
DECISION :
M. [M], né le 8 août 1958, a été embauché par la société Saverglass à compter du 11 septembre 2006 (la société ou l’employeur), par contrat à durée indéterminée, en qualité de secrétaire général.
Le 30 novembre 2006, M. [M] a été nommé membre du conseil d’administration de la société Saverglass.
Par avenant du 1er janvier 2007, le contrat de travail de M. [M] a été transféré à la société Sequoia, devenue la holding du groupe.
Au cours de l’année 2011, le contrat de travail de M. [M] a été repris par la société Archimede, nouvelle société holding du groupe, suite à l’absorption de la société Sequoia.
Par courrier du 18 mai 2015, M. [M] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement.
Par courrier du 23 juin 2015, la société Archimède a notifié à M. [M] son licenciement pour faute grave, en raison de manquements graves dans l’exécution de ses missions et d’une fracture irrémédiable qu’il avait créé entre lui et de trop nombreux cadres clés du groupe.
Le 23 août 2016, la société Archimède a été absorbée par la société Olympe, venant aux droits de cette dernière.
La société Archimède avait pour directeur général M. [S] [B].
Contestant les exceptions d’incompétence et la fin de non-recevoir notamment soulevées par M. [S] [B], et ne s’estimant pas rempli dans ses droits au titre de l’exécution de son contrat de travail, M. [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Beauvais le 3 août 2017.
Par jugement du 25 octobre 2018, la juridiction prud’homale a :
– dit M. [M] mal fondé en ses demandes et l’a débouté ;
– mis M. [S] [B] hors de cause ;
– reçu l’intervention volontaire du syndicat CGT Saverglass et l’a débouté ;
– dit que les dépens engagés par chacune des parties restaient à leur charge.
Le 30 novembre 2018, M. [M] a interjeté appel de ce jugement.
Par plusieurs ordonnances le conseiller de la mise en état s’est dit incompétent pour statuer sur les demandes de M. [S] [B] relatives aux exceptions d’incompétence fondées sur les dispositions des articles L 1411-1 et L 1411-4 du code de commerce, sur l’exception de nullité de l’action prud’hommale de M. [M] qui serait constitutive d’abus de droit et de détournement de procédure et sur l’incident de communication de pièces qui relève en réalité de l’article 770 du code de procédure civile.
Par arrêt sur déféré du 9 juin 2021, la cour a confirmé le conseiller de la mise en état qui avait déclaré irrecevable l’exception de nullité de forme de la saisine prud’homale par M. [M].
Par conclusions communiquées par voie électronique le 13 janvier 2023, M. [M], appelant à titre principal et intimé à titre incident, demande à la cour de :
déclarer irrecevables les nouvelles prétentions de M. [S] [B] qui n’auraient pas été présentées dans ses conclusions notifiées dans le délai d’un mois de l’article 905-2 du code de procédure civile qui expirait le vendredi 18 janvier 2019 ;
déclarer ainsi irrecevable la demande présentée dans les conclusions de M. [S] [B] notifiées le 29 novembre 2022, tendant à voir :
– « déclarer recevable l’intimé en son appel incident »,
– «évoquer et statuer sur les exceptions et incidents de procédure soulevés par M. [S] [B] en première instance et réitérés en appel y compris dans les présentes conclusions, en application des articles 568 et 565 de code de procédure civile »,
dire et juger qu’il est aussi bien fondé que recevable en ses demandes, fins et conclusions ;
Y faisant droit
Sur la jonction des appels
constater qu’un seul et même litige donne lieu à trois actions et instance différentes devant la cour ;
ordonner la jonction des procédures pendantes sous les numéros de RG 18/04199, 18/04344 et 18/04361 ;
Sur les exceptions de procédure reprises par M. [S] [B] devant la cour
dire que la cour n’est pas saisie des exceptions de procédure présentées par M. [S] [B], et le déclarer irrecevable en ses exceptions de procédure ;
Subsidiairement, le declarer mal fondé en ses exceptions de procédure et l’en débouter ;
Sur la demande d’écarter des pièces des débats
débouter les intimés de leur demande tendant à voir écarter des débats certaines pièces du concluant,
écarter des débats les 21 attestations communiquées sous les numéros oly92 à oly112 ;
écarter des débats l’attestation de Madame [D] [H] communiquée sous le numéro oly 113 ;
écarter des débats le mail de M. [A] à M. [B] du 17 mai 2015, communiqué sous le numéro oly 86 ;
Sur la communication des pièces et conclusions à la CGT, intervenant volontaire :
déclarer irrecevable sinon mal fondées les demandes de M. [B] en ce qu’elles concernent les pièces qui pourraient être communiquées au syndicat CGT, lequel n’est pas partie à cette instance ;
Sur le fond :
réformer le jugement en ce qu’il a débouté M. [M] des demandes formulées contre M. [S] [B] et en ce qu’il a procédé à la mise hors de cause de ce dernier ;
Sur le co-emploi et la responsabilite solidaire de M. [S] [B]
constater que le demandeur a démontré l’existence du lien de subordination individuel et personnel qu’a manifestement entretenu M. [O] [S] [B] à son égard et ce, y compris lorsqu’il n’était pas le représentant légal des sociétés Archimède et Saverglass ;
Constater qu’il a également établi :
‘ d’une part, la confusion d’intérêts, d’activité et de direction entre M. [O] [S] [B] et les différentes sociétés du groupe Saverglass ;
‘ d’autre part, le fait que cette triple confusion est détachable des fonctions de mandataire social de l’intéressé du fait que la preuve est rapportée des immixtions dans la gestion du groupe dans un but personnel ou dans l’intention de nuire à certaines personnes.
En conséquence,
dire et juger que M. [O] [S] [B], qui a joué le rôle d’un employeur de mauvaise foi, sera tenu solidairement des condamnations indemnitaires qui seront prononcées contre les sociétés défenderesses ;
rejeter les demandes d’infirmation et de confirmation partielles du jugement 17/210 faites par M. [B] de ce chef ;
Condamnation au titre du harcèlement moral
condamner solidairement l’intimé au paiement de la somme de 30 000 euros à titre d’indemnisation du préjudice moral provoqué par la dégradation de ses conditions de travail avant son licenciement ;
Au titre du licenciement
A titre principal,
dire que son licenciement était nul ;
Sur l’indemnité de réintégration :
‘ condamner solidairement l’intimé au paiement d’une indemnité de réintégration ayant la nature de dommages et intérêts, dont le montant sera égal aux salaires dont il a été privé entre son licenciement et sa réintégration effective, sur la base d’une rémunération mensuelle de 19 783 euros (moyenne des 12 derniers mois) ;
‘ avant que le montant définitif ne soit fixé, condamner solidairement les intimés à titre de provision à valoir sur l’indemnité de réintégration, au paiement de la somme nette de 1 820 000 euros (soit 92 mois de salaires) ;
‘ juger que cette provision sera majorée d’une somme indemnitaire de 19783 euros par mois sur la période courant entre la date de prononcé du jugement et celle de la réintégration effective ;
‘ ordonner à l’intimé :
o de lui payer le solde de l’indemnité de réintégration en lui payant la somme nette permettant de l’indemniser intégralement des salaires et accessoires de salaire dont il a été privé entre la date de son licenciement et la date de sa réintégration ;
o la nullité étant prononcée à raison d’une violation de la liberté d’expression, dire et juger qu’il n’y aura pas lieu à déduction des allocations qu’il a perçu du pôle Emploi ;
‘ ordonner aux intimés de payer dans les huit jours de la signification du jugement les sommes suivantes :
o 22 037,00 euros au titre des salaires dont le demandeur a été privé durant la mise à pied outre 2 203,70 euros au titre des congés payés afférents ;
A titre subsidiaire, si la cour jugeait que le licenciement n’est pas nul ;
dire et juger qu’il existe une présomption irréfragable de violation d’une de ses libertés fondamentales ;
dire et juger que son licenciement en date du 23 juin 2015 était dénué de toute cause réelle et sérieuse ;
dire et juger son licenciement comme nul ;
lui accorder le bénéfice des condamnations visées ci-dessus à titre principal au titre de la nullité du licenciement ;
A titre infiniment subsidiaire,
dire et juger que son licenciement en date du 23 juin 2015 était dénué de toute cause réelle et sérieuse ;
condamner solidairement l’intimé à lui payer les sommes provisionnelles de :
‘ 22 037,00 euros au titre des salaires dont il a été privé durant la mise à pied ;
‘ 2 203,70 euros au titre des congés payés afférents ;
‘ 52 888,80 euros au titre du préavis ;
‘ 5 288,88 euros au titre des congés payés afférents ;
‘ 61 405,32 euros au titre de l’indemnité de licenciement.
condamner solidairement les intimés à payer à M. [M] la somme 474 792 euros au titre d’indemnisation de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.
Dans tous les cas,
condamner solidairement l’intimé au paiement des sommes suivantes :
‘ 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral provoqué par la brutalité de la procédure de licenciement ;
‘ 20 000 euros à titre de dommages et intérêts à raison du préjudice moral provoqué par le dénigrement auquel s’est livré M. [O] [S] [B] dans la lettre de licenciement ;
‘ 20 000 euros à titre de dommages et intérêts à raison du préjudice moral provoqué par le dénigrement auquel a continué de se livrer M. [O] [S] [B] après le licenciement ;
condamner solidairement l’intimé au paiement :
‘ de 414 969 euros à titre de dommages et intérêts du fait de la perte de plus-value provoquée par l’attribution arbitraire d’actions boosting à tous les cadres associés de la société boosting sauf M. [M], montant à parfaire en fonction de l’impact fiscal du paiement de ces dommages et intérêts ;
‘ de 96 839 euros à titre de dommages et intérêts du fait de sa perte de l’intéressement aux résultats pour les exercices 2015 à 2021, montant à parfaire en fonction de la date effective de réintégration et de l’impact fiscal pour M. [M] du paiement de ces dommages et intérêts ;
Au titre de la perte de chance de réaliser une plus-value de cession lors de la sortie du LBO qui a débuté au mois de mars 2016
A titre principal,
ordonner à l’intimé de communiquer à M. [M] l’ensemble des informations et de la documentation lui permettant de réinvestir 2 360 000 euros au capital du groupe Saverglass, de vérifier de manière effective qu’il bénéficie d’une parfaite égalité de traitement dans le cadre de ce réinvestissement par rapport aux plus hauts dirigeants du groupe Saverglass et d’y adhérer ;
A titre subsidiaire,
désigner tel expert qu’il plaira à la cour pour évaluer son préjudice au titre de la perte de chance de réaliser une plus-value de cession dans le cadre du 3ème LBO de 2016, l’expert désigné qui devra justifier d’une expérience internationale en matière d’évaluation des titres dans le cadre d’un lbo étant inscrit auprès de la cour d’appel d’amiens ou, à défaut, auprès de la cour de cassation ;
indiquer à l’expert qu’il devra tenir compte du fait que son réinvestissement se trouve indûment exclu devait intervenir dans les mêmes conditions notamment juridiques, fiscales et financières (applicables en mars 2016) que celles offertes aux principaux dirigeants du groupe Saverglass ;
ordonner aux intimés de communiquer à l’expert, sous 15 jours à compter de sa désignation et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, l’ensemble de la documentation (traduite en français) concernant le montage juridique et financier du 3ème lbo, le business plan du groupe saverglass et la structure du système d’actionnariat des cadres mis en place ;
dire et juger que l’expert devra rendre son rapport dans les 3 mois de sa désignation ;
dire et juger que les coûts de l’expertise seront consignés par l’intimé.
Plus généralement,
dire et juger M. [O] [S] [B] aussi mal fondé qu’irrecevable en toutes ses demandes, fins et conclusions ; l’en débouter ;
ordonner la capitalisation des intérêts de toutes les condamnations de nature salariale dès lors que les sommes sont dues pour plus d’une année entière;
condamner solidairement l’intimé au titre de l’article 700 du code de procédure civile à lui rembourser, sur justificatifs, la totalité des coûts externes exposés dans le cadre de la présente instance, soit un montant de 441 000 euros à parfaire ;
condamner solidairement l’intimé aux entiers dépens.
Par conclusions communiquées par voie électronique le 28 novembre 2022, M. [S] [B], intimé à titre principal et appelant à titre incident, demande à la cour de :
le déclarer recevable en son appel incident ;
A titre principal, avant toute défense au fond
déclarer recevables les exceptions et incidents de procédure qu’il a soulevés depuis le début de la procédure en première instance comme en appel ;
subsidiairement, au cas où la cour estimerait n’en être pas valablement saisie par l’appel principal de l’appelant et par son appel incident :
évoquer et statuer sur les exceptions et incidents de procédure soulevés en première instance et réitérés en appel y compris dans les présentes conclusions, en application des articles 568 et 565 de code de procédure civile ;
Sur les exceptions d’incompétence
A titre principal
dire et juger que la juridiction prud’homale est incompétente pour statuer sur l’action engagée par M. [M] à son encontre, faute de contrat de travail entre lui et M. [M] ;
dire et juger que la juridiction prud’homale est incompétente pour statuer sur toute demande de M. [M] liée à ses actions ou sa situation actionnariale au sein du groupe Saverglass, en particulier sa demande au titre des actions boosting ou au titre de la perte d’une chance de poursuivre son actionnariat au sein du groupe ;
dire et juger que la juridiction prud’homale est incompétente pour statuer plus précisément sur les demandes suivantes de M. [M] :
« condamner solidairement les intimés au paiement :
‘ de 414 969 euros à titre de dommages et intérêts du fait de la perte de plus-value provoquée par l’attribution arbitraire d’actions boosting à tous les cadres associés de la société boosting sauf M. [M], montant à parfaire en fonction de l’impact fiscal pour M. [M] du paiement de ces dommages et intérêts,
(‘)
Au titre de la perte de chance de réaliser une plus-value de cession lors de la sortie du LBO qui a debuté au mois de mars 2016,
A titre principal,
– ordonner aux intimés i) de remettre M. [M] dans l’exacte situation qui aurait été la sienne au capital du groupe Saverglass s’il avait pu, dans le cadre du 3ème lbo de mars 2016, réinvestir un montant maximum de 2 360 000 euros (soit 50% du produit de cession de ses actions issues du 2ème LBO), dans les mêmes conditions que les plus hauts dirigeants du groupe Saverglass (membres du comité exécutif) et ii) de lui communiquer l’ensemble des informations et de la documentation lui permettant de vérifier de manière effective cette égalité de traitement et d’y adhérer.
A titre subsidiaire,
– désigner tel expert qu’il plaira à la cour pour évaluer le préjudice subi par M. [M] au titre de la perte de chance de réaliser une plus-value de cession dans le cadre du 3ème lbo de 2016, l’expert désigné qui devra justifier d’une expérience internationale en matière d’évaluation des titres dans le cadre d’un LBO étant inscrit auprès de la cour d’appel d’Amiens ou, à défaut, auprès de la cour de cassation ;
– indiquer à l’expert qu’il devra tenir compte du fait que le réinvestissement dont M. [M] se trouve indûment exclu devait intervenir dans les mêmes conditions notamment juridiques, fiscales et financières (applicables en mars 2016) que celles offertes aux principaux dirigeants du groupe saverglass ;
– ordonner aux intimés de communiquer à l’expert, sous 15 jours à compter de sa désignation et sous astreinte de 100 par jour de retard, l’ensemble de la documentation (traduite en français) concernant le montage juridique et financier du 3ème LBO, le business plan du groupe Saverglass et la structure du système d’actionnariat des cadres mis en place ;
– dire et juger que l’expert devra rendre son rapport dans les 3 mois de sa désignation ;
– dire et juger que les coûts de l’expertise seront consignés par les intimés. »
– se declarer incompétente et déclarer incompétente la juridiction prud’homale pour statuer sur les demandes incidentes formées par le syndicat par voie d’intervention volontaire, au profit du tribunal de commerce de Paris ;
Subsidiairement,
renvoyer l’examen de l’affaire au fond devant la juridiction compétente de premier degré, ou plus subsidiairement devant la cour, après avoir en tout état de cause invité préalablement la concluante à constituer avoué et à conclure sur le fond de ces demandes ;
Sur l’exception de nullité
dire et juger que l’action prud’homale initiée par M. [M] à son encontre était nulle, car constitutive d’abus de droit et de détournement de procédure dans le seul but de divulguer ou de couvrir la divulgation des informations ou pseudo informations et pièces confidentielles, personnelles et privées protégées notamment par le droit au respect de la vie privée, et les informations couvertes par le secret professionnel, le droit au respect de la vie privée, le secret des correspondances et le secret des affaires ;
annuler l’action et l’appel entrepris par M. [M] à son encontre ;
Sur l’incident de communication et de production de pièces
ordonner à M. [M] de ne communiquer au syndicat aucune conclusion ni pièce contenant une information ou pseudo information à caractère confidentiel, tant que la cour n’aura pas statué sur sa compétence, la régularité et la recevabilité de l’intervention volontaire et de l’appel du syndicat dans cette affaire ;
annuler en attendant la communication de pièces et conclusions déjà faite par M. [M] au syndicat en première instance comme en appel ;
Subsidiairement,
Juger subsidiairement qu’en cas de renvoi de l’affaire au fond, dans l’hypothèse où la présente instance serait jointe à l’instance d’appel initiée par ailleurs par le syndicat, et dans l’hypothèse où l’intervention du dit syndicat serait jugée régulière et recevable, les pièces et conclusions de M. [M] auxquelles pourrait dans cette hypothèse accéder le syndicat devront se limiter aux éléments ayant un lien direct avec les demandes formées par le dit syndicat, et que devront en tout état de cause être écartées de cette communication toute conclusion et pièces de m. [M] contenant des informations ou pseudo-informations à caractère confidentiel relatives à la situation personnelle, patrimoniale et actionnariale des cadres et dirigeants actuels du groupe, et celles couvertes notamment par le secret professionnel, le droit au respect de la vie privée, le secret des correspondances et le secret des affaires.
Sur la demande de jonction
ne pas ordonner la jonction des procédures d’appel concernées, tant que, notamment, n’auront pas été définitivement tranchées les questions de la place du syndicat et de lui-même dans ce dossier, et les incidents de communication de pièces qui en résultent ;
En conséquence
déclarer recevable l’intimé en son appel incident ;
En conséquence, nonobstant les demandes qui précèdent, à toutes fins et en tant que de besoin, s’agissant des dispositions du jugement dont appel,
infirmer le jugement rendu le 25 octobre 2018 par le conseil de prud’hommes de Beauvais sous le numéro de RG 17/00194 en ce qu’il a :
– reçu l’intervention volontaire du syndicat CGT ;
confirmer partiellement, sous réserve des précisions ci-dessous, le jugement rendu le 25 octobre 2018 par le conseil de prud’hommes de Beauvais sous le numéro de rg 17/00194, en ce qu’il a :
– dit M. [M] mal fondé en ses demandes et l’en a débouté, étant précisé que ce débouté résulte déjà de l’incompétence de la juridiction prud’homale pour statuer sur les demandes de M. [M] dirigées contre lui ;
– l’a mis hors de cause ;
– débouté le syndicat CGT saverglass de ses demandes ;
condamner M. [M] à lui verser la somme de 15 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, et laisser à la charge de M. [M] les éventuels dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 1er février 2023 et l’affaire fixée à l’audience de plaidoirie du 16 février 2023.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.
MOTIFS
Sur les moyens tirés de la procédure
Sur la demande de jonction
M. [M] sollicite de la cour qu’elle joigne les procédures d’appels de la présente procédure et de celle par laquelle il avait engagé une action à l’encontre des sociétés Saverglass et Olympe exposant qu’il avait demandé au greffe de citer en intervention forcée M. [S] [B] mais que le conseil de prud’hommes a ouvert un nouveau numéro de rôle alors qu’il s’agissait d’une seule instance, que l’affaire a été radiée et qu’il avait en vain demandé la jonction, que deux jugements différents ont été rendus, le premier ne statuant que sur la compétence et le second tranchant le fond.
Il rapporte que le greffe du conseil de prud’hommes a annulé le premier numéro de rôle et en a créé deux nouveaux, que les jugements n’ont pas statué sur cette demande, que cette erreur et omission de statuer constituent un trouble manifeste à une bonne administration de la justice et que la troisième procédure initiée par le syndicat CGT a aussi vocation à être jointe.
M. [S] [B] s’oppose à cette demande car elle intervient trop tardivement, que le salarié aurait dû saisir en omission de statuer, que divers points de procédure doivent être tranchés préalablement notamment sur la question de la recevabilité des demandes, que la CGT n’est pas appelante contre lui dans ce jugement et qu’il refuse de communiquer des pièces dans ces conditions,que M. [M] est seul responsable de la complexité de l’affaire car il a d’abord fallu obtenir la rétractation de l’ordonnance autorisant la saisie de documents, en régularisant un appel nullité de l’ordonnance de conciliation puis en demandant le renvoi au bureau de jugement ce qui a provoqué la radiation de l’affaire et en poursuivant au pénal trois cadres pour fausses attestations et enfin en le poursuivant en qualité de coemployeur et en manoeuvrant la CGT pour qu’il intervienne.
Sur ce
L’article 367 du code de procédure civile dispose que ‘ Le juge peut, à la demande des parties ou d’office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.
Il peut également ordonner la disjonction d’une instance en plusieurs.’
En l’espèce, la première procédure engagée par M. [M] a visé les sociétés Saverglass et Olympe à laquelle est intervenue volontairement la CGT.
La cour constate que la procédure engagée par le syndicat CGT vise à obtenir la condamnation des sociétés Saverglass et Olympe à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la violation de la protection d’ordre public des lanceurs d’alerte et des atteintes aux intérêts collectifs des salariés de la société Saverglass du site de [Localité 6] dont il assure la représentation et la défense.
Les premiers juges l’ont déboutée en motivant sur l’absence d’atteinte à l’intérêt collectif de la profession.
La dernière procédure engagée par M. [M] à l’égard de M. [S] [B] a fait l’objet d’un autre jugement lui aussi frappé d’appel sous un autre numéro.
Au regard de l’ensemble de ces éléments il n’apparaît pas de bonne administration de la justice de joindre les 3 procédures d’appel. En revanche il est opportun de juger ensemble les dossiers enregistrés sous les numéros 4199 et 4344 afin de juger la demande de la CGT en même temps que la compétence prud’homale relative aux actions, ces deux points ayant été tranchés par les premiers juges.
Sur la fin de non recevoir tirée de l’absence d’appel incident sur les exceptions de procédure soulevées par M. [S] [B]
M. [M] soutient qu’ayant statué directement sur la demande au fond, les premiers juges ont rejeté implicitement les exceptions de procédure, que pour autant M. [S] [B] dans ses conclusions reprend les mêmes exceptions soulevées en première instance mais sans former appel incident du jugement sur ces exceptions sauf sur la recevabilité de l’intervention volontaire de la CGT alors que cette dernière n’est pas intimée ni sur l’appel principal ni sur l’appel incident.
Il fait valoir qu’en application de l’article 954 du code de procédure civile la cour n’est pas valablement saisie des exceptions de porcédure qui doivent être déclarées irrecevables, que le dispositif et les motifs sont clairs, que l’ordonnance de la mise en état est sans effet sur la cour qui n’est pas nécessairement saisie d’une exception d’incompétence, que du fait de la concentration des prétentions de l’article 910-1 du code de procédure civile l’intimé ne peut plus ajouter au dispositif de ses prétentions ; qu’il n’a pas sollicité la réformation du jugement alors que la cour n’est pas saisie d’un appel-compétence lui permettant d’évoquer les articles 568 et 565 visés par l’intimé permettant de rendre recevable une exception à procédure nouvellement présentée en appel car elle ne serait pas soulevée in liminé litis et contreviendrait à l’article 74 du code de procédure civile.
M. [S] [B] réplique que le jugement ne tranche pas le fond mais seulement l’exception d’incompétence qu’il avait soulevé, que malgré les termes inadéquats du jugement ne laisse aucun doute sur le fait que le conseil des prud’hommes a statué au regard de l’absence de contrat de travail entre lui et M. [M] et l’a mis hors de cause ; qu’il demande depuis le début de la procédure d’appel à ce que le jugement soit confirmé en ce qu’il le met hors de cause ; que la cour est en tout état de cause saisie de son appel incident antérieur à la jurisprudence de la Cour de cassation de 2021 sur la nécessité de mentionner confirmation/infirmation.
Surabondamment l’intimé argue que par son appel total M. [M] a saisi la cour des exceptions tranchées implicitement, que par l’évocation la cour peut aussi trancher les chefs non tranchés infra petita.
Sur ce
Le jugement dont appel a notamment :
– dit M. [M] mal fondé en ses demandes et l’a débouté
– mis M. [S] [B] hors de cause.
Ce dernier avait soulevé en première instance des exceptions de nullité, des fins de non recevoir, un incident de communication de pièces.
Le jugement a débouté M. [M] et mis hors de cause M. [S] [B] car en 2011 le contrat de travail de M. [M] a été transféré au sein de la société Archimède nouvelle société holding du groupe dont M. [L] était président et M. [S] [B], directeur général, si bien que celui-ci n’était plus l’employeur de M. [M], le tout au visa de l’article L1411-1 du code du travail.
Ainsi si le dispositif du jugement n’indique pas qu’il rejette les demandes de M. [M] en vertu d’une incompétence fondée sur les articles L 1411-1 et L1411-2 du code du travail, il ne fait aucun doute qu’il n’a pas tranché le fond mais seulement les exceptions d’incompétence.
La jurisprudence exigeant des parties de mentionner expressément si elles demandent l’infirmation ou la confirmation n’est applicable qu’à compter du 17 septembre 2021, pour les actions engagées après cette date, elle ne peut donc s’appliquer en l’espèce, l’action étant engagée bien avant.
La cour observe que l’appel régularisé par M. [M] est un appel portant sur la totalité du jugement ; partant il a donc sollicité l’infirmation du jugement en toutes ses dispositions en ce compris les exceptions de procédure rejetées implicitement.
La cour déboute M. [M] de sa demande tendant à voir juger irrecevables les exceptions de procédure élevées par M. [S] [B].
Sur l’incompétence en application des articles L 1411-1 et L1411-2 du code du travail
M. [S] [B] soulève l’incompétence de la juridiction prud’hommale faute pour M. [M] de rapporter la preuve d’un contrat de travail, que la jurisprudence invoquée ne modifie pas cette exigence, que même à rechercher la compétence dans le cadre d’un coemploi, encore faut-il engager l’action dans le délai de deux ans de l’article L1471-1 dans sa version applicable au jour de l’introduction de l’instance, qu’en tout état de cause le représentant physique d’une société ne peut être considéré comme employeur à titre personnel, que la jurisprudence invoquée par M. [M] vise la responsabilité personnelle de dirigeants vis à vis de tiers, qu’en cas de faute détachable du mandat social la responsabilité encourue doit être recherchée auprès des juridictions commerciales et non sociales.
Il ajoute que M. [M] ne peut contourner la prescription de son action en soutenant qu’il est attrait dans le cadre d’une intervention forcée dans une procédure engagée dans le délai car l’article 331 alinéa 1 du code de procédure civile exige que l’action envers le tiers en intervention forcé ne soit pas prescrite à son égard, que la jurisprudence invoquée par le salarié rendue par la juridiction d'[Localité 5] date de 2014 et est fondée sur le principe de l’unicité de l’instance qui a disparu le 1er août 2016, que peu importe que la prescription en matière de harcèlement soit de 5 ans car il est nécessaire d’examiner à titre liminaire la recevabilité de la demande.
M. [S] [B] argue qu’il a toujours agi en qualité de président de la société Saverglass ou de directeur général de la holding Sequoia devenue Archimède notamment lors du licenciement de M. [M], qu’aucun acte n’est détachable de ces fonctions, qu’il n’exerçait pas un pouvoir de subordination à l’égard des cadres du groupe ; que la contre-lettre invoquée qui lui aurait permis de licencier n’est pas produite à la procédure et que la référence qui y est faite par M. [I] dans un projet de courrier n’est pas probant.
Il fait valoir que les conditions du coemploi ne sont pas réunies, à savoir une confusion d’intérêts entre lui et l’employeur, une confusion d’activité entre les sociétés du groupe et lui, pas davantage de confusion de direction ni d’immixtion dans la gestion économique et sociale, que la simple exécution d’un mandat social ne fait pas de lui un employeur à titre personnel, que la version du putsh de 2013 donnée par M. [M] est très éloignée de la réalité car il en était aussi à l’intiative et avait réussi à faire plier l’actionnaire principal.
M. [M] réplique que M. [S] [B] n’est pas attrait en sa qualité de dirigeant de la société Olympe mais à titre personnel, que son action est recevable car elle se fonde sur les dispositions des articles L 1132-3-3 et L 1152-2 du code du travail relatives à la discrimination des lanceurs d’alerte et à celle de victimes de harcèlement moral.
Dans ses conclusions de fond M. [M] prétend que M. [S] [B] est son coemployeur de la société Olympe et de Saverglass invoquant d’une part le fait qu’il l’a licencié contre l’opposition formelle du groupe [W] actionnaire majoritaire, d’autre part qu’il disposait d’un véritable levier personnel sur les cadres du groupe en raison du système d’actionnariat, enfin que pendant la présidence de M. [I], M. [S] [B] disposait d’une contre-lettre lui permattant de licencier les directeurs et que malgré le changement de direction il exerçait le rôle et les attributions du ‘ patron’ au sein de l’entreprise.
Il fait valoir qu’alors qu’il n’avait pas encore retrouvé son mandat social au sein du groupe il l’a convoqué le 11 mars 2015 pour une première réunion, que le lendemain il l’écartait du Codir, le 13 mars il organisait une réunion entre lui et les autres membres du Comex, que dés le 15 mars sans aucune concertation avec [W] il arrêtait la décision de l’évincer en convoquant tous les membres du Comex sauf lui en inscrivant à l’ordre du jour ses fonctions en vue de réaffectation, que le 2 avril à l’issue de la réunion du Comex il actait sa rétrogradation, qu’il s’en était suivi une période de harcèlement moral à laquelle assistait impuissant l’associé majoritaire qui ne pouvait s’opposer sauf à se faire rabrouer par M. [S] [B].
Il rapporte qu’en 2011 le groupe [W] voulait racheter le groupe Saverglass en LBO ( leverage buy out) et donc mettre en place un actionnariat au profit des managers, que ceux-ci ont du consentir au profit de M. [S] [B] une procuration illimitée afin de se présenter devant [W] comme incarnant l’intérêt collectif du management, qu’au lieu de revenir vers les managers pour déterminer les règles de gouvernance il a organisé seul le système d’actionnariat en s’accaparant tous les pouvoirs dont celui d’allouer et réallouer les actions grâce à des promesses unilatérales de vente permettant à [W] de racheter les actions de managers quittant l’entreprise, que ce procédé garantissait à M. [S] [B] une totale docilité des managers qui avaient investi leur patrimoine personnel dans l’opération.
Il argue que dans les LBO le pouvoir d’allouer les actions entre managers est donné à un ou deux dirgeants opérationnels les mieux placés pour organiser équitablement le mécanisme d’intéressement, que ce pouvoir est lié à la qualité de dirigeant opérationnel mais que M. [S] [B] a fait en sorte que ce pouvoir soit détachable de son rôle opérationnel puisque qu’elle que soit le poste occupé il a toujours eu la main sur la gestion du pacte d’actionnaires, qu’avant de quitté l’entreprise en novembre 2013 il a obtenu de garder ce pouvoir qui lui a permis ensuite d’imposer sa volonté, même si ce n’est pas lui qui récupèrait les actions des salariés licenciés, qu’il n’avait pu garder ses actions que grâce à l’intervention d'[W].
Il souligne qu’en 2013 M. [S] [B] a obtenu de M. [I] une contre-lettre lui permettant de licencier les directeurs de Saverglass, que même pendant la période de direction de M. [I], M. [S] [B] continuait de se comporter en dirigeant.
Le salarié invoque une triple confusion d’intérêts, d’activité et de direction détachable du mandat social précisant qu’une personne physique dirigeante peut être reconnue comme coemployeur, qu’à travers sa holding Louxor M. [S] [B] est le premier actionnaire du groupe Saverglass après l’investisseur financier, sa situation contrastant avec celle des managers, ce qui caractérise la confusion d’intérêts, que la confusion de direction est établie par le fait que M. [S] [B] prenait les décisions concernant les recrutements des directeurs, les personnes désignées en cas d’absence alors que seuls les organes sociaux sont habilités à le faire, qu’il a désigné M. [I] comme celui qu’il avait coopté pour prendre la relève, que la confusion d’activités résultant des déclarations et le positionnement de M. [S] [B] qui en fait l’incarnation du groupe Saverglass.
M. [M] prétend que cette triple confusion est détachable du son mandat social de M. [S] [B], qu’en fin d’année 2013 il avait organisé le putsch des directeurs (menace de grève illimitée) pour lui permettre de rester directeur général malgré le souhait de l’actionnaire majoritaire [W] de le voir prendre sa retraite, manoeuvre renouvellée en 2015 pour que M. [I] soit écarté et revenir aux commandes, puis oeuvrer à son licenciement après une campagne de harcèlement moral parce qu’il avait dénoncé des pratiques illicites au sein du groupe, que M. [S] [B] a utilisé le mandat social dans son intérêt personnel et dans l’intention de nuire car depuis qu’il a engagé la procédure contre lui, il a subi diverses pressions par lettre ouverte aux salariés fin 2017 pour dénoncer son action, outre des mises en demeures envoyées par les directeurs à son domicile personnel et sommation interpellative de son ancienne secrétaire qui avait refusé d’attester contre lui.
Enfin il ajoute que M. [S] [B] a imposé son fils fraichement sorti d’une école de commerce pour lui confier le poste de chef de projet de l’usine de [Localité 7], que les réunions professionnelles se déroulent à son domicile personnel, que des décisions économiques irrationnelles par rapport aux intérêts du groupe, fonction d’une nébuleuse d’autres sociétés.
Sur ce
Il résulte des articles L 1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération.
Ainsi, il est de principe que l’existence d’un contrat de travail suppose la réunion de trois éléments : la fourniture d’une prestation de travail moyennant rémunération dans un lien de subordination caractérisé notamment par le pouvoir de l’employeur de donner des ordres et des directives et d’en contrôler l’exécution.
Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
L’existence d’un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur.
En l’espèce M. [M] a été embauché le 11 septembre 2006 par la société Saverglass alors présidée par M. [S] [B].
Le 1er janvier 2007 le contrat de travail a été transféré à la société Sequoia devenu employeur de M. [M].
Puis en 2011 le contrat de travail de M. [M] a été poursuivi par la société Archimède, la nouvelle holding du groupe Saverglass dont M. [L] était le président alors que M. [S] [B] en était le directeur général.
Il n’existe donc pas de contrat de travail liant M. [M] et M. [S] [B].
L’action engagée par le salarié vise à faire juger M. [S] [B] co-employeur des sociétés Saverglass et Olympe (qui a succédé à la société Archimède).
La jurisprudence sur le co-emploi consiste à faire reconnaître la qualité d’employeur à une personne qui n’est pas liée par un contrat de travail ; si la personne est reconnue comme co-employeur, cette reconnaissance, nonobstant la différence de définition juridique entre employeur et co-employeur, confère alors à cette personne les mêmes obligations envers un salarié que l’employeur avec lequel il est lié par un contrat de travail.
Il faut donc, en toutes hypothèses, que la Cour apprécie d’abord si les conditions d’un co-emploi sont réunies envers M. [S] [B], avant d’en tirer ensuite les conséquences quant à la compétence du conseil de prud’hommes saisi.
Hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur à l’égard du personnel employé par une autre que s’il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d’intérêts, d’activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière.
La Cour de cassation a abandonné le critère de la triple confusion pour caractériser le co-emploi. Celui-ci est établi uniquement en cas d’immixtion permanente d’une personne physique ou morale dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière.
Ainsi ce nouveau critère du co-emploi au sein d’un groupe est l’immixtion de la personne physique ou morale dominante, dans la gestion économique et sociale de la filiale ou de la société dominée, se traduisant par la prise en main par la perssonne physique ou morale de la gestion économique, technique et administrative ainsi que de la gestion des ressources humaines, avec pour conséquence la perte totale d’autonomie d’action de celle-ci, ne lui permettant plus de se comporter comme le véritable employeur de ses salariés.
La perte d’autonomie d’action de la société, qui ne dispose pas du pouvoir réel de conduire ses affaires dans le domaine de la gestion économique et sociale, est déterminante dans la caractérisation d’une immixtion permanente anormale de la société-mère, constitutive d’un co-emploi, justifiant alors que le principe d’indépendance juridique des personnes morales soit exceptionnellement neutralisé.
Il n’y a immixtion sociale qu’à condition que la direction du personnel et la gestion des ressources humaines soient prises en main par une personne physique ou morale qui ne permet plus à la filiale de se comporter comme le véritable employeur à l’égard de ses salariés
Il convient de rechercher si en l’espèce existent les éléments de nature à établir que M. [S] [B] agissait véritablement de façon permanente en lieu et place de la société Olympe, de sorte que celle-ci aurait totalement perdu son autonomie d’action.
La cour observe que lorsqu’il a prononcé le licenciement de M. [M] le 23 juin 2015, M. [S] [B] était directeur général de la société Olympe et avait donc qualité pour le faire. Le licenciement semble avoir été mis en oeuvre grâce à l’existence d’une contre-lettre consentie par M. [I], ancien directeur général sur ordre de l’actionnaire principal qui permettait à M. [S] [B] de garder ce pouvoir.
Si cet actionnaire principal n’était pas d’accord pour évincer M. [M], il n’en demeure pas moins qu’il avait accepté de donner son consentement à la contre-lettre, qu’il avait donc accepté le risque d’une utilisation contraire à son souhait et d’autre part il n’a pas pris de mesure particulière à la suite du licenciement alors qu’une procédure de révocation aurait pu être envisagée.
Par ailleurs le conflit qui aurait existé entre M. [S] [B] et [W] l’actionnaire principal, alors que M. [L] était président de la société Archimède , n’a pas eu pour effet sa révocation alors d’une part que le président détermine les orientations de l’entreprise, que le président organise à l’interne la société (recrutement, direction et révocation du personnel) et convoque les assemblées générales ordinaires et extraordinaires.
Le co-emploi requiert une immixtion permanente anormale par une personne physique ou morale et corrélativement la perte totale d’autonomie de l’autre personne morale ou physique. Or en l’espèce si M. [S] [B] assurait la direction de la gestion commerciale et financière, la direction des ressources humaines et la gestion économique de la société Olympe, cette direction résulte de ses fonctions de directeur général.
Le leveraged buy-out (LBO) ou rachat avec effet de levier est un montage financier permettant le rachat d’une entreprise en ayant recours à un endettement important. Une société holding passive a pour objet social exclusif de détenir des participations au capital de PME opérationnelles et une société holding animatrice gère un portefeuille de participations, mais aussi participe de façon active à la conduite de la politique du groupe et au contrôle de ses filiales qui aura pour rôle de s’endetter dans le but d’acheter une société cible.
Le reste des fonds provient généralement de fonds spécialisés en capital-risque (banques, assurances,…).
Dans tous les cas, les repreneurs deviennent actionnaires majoritaires de la société rachetée. Celle-ci doit rembourser l’emprunt en reversant des dividendes à la holding, la société holding récupèrant le cash flow.
L’instauration d’un LBO qui aurait permis à M. [S] [B] d’exercer une influence sur les managers ne suffit à elle seule à fonder un co-emploi entre lui et la société Olympe holding du groupe Saverglass sauf à démontrer que les prérogatives du directeur général étaient exercées non en vertu du mandat social mais en fonction de l’intérêt personnel sans lien avec les intérêts de la société.
Si de manière générale M. [S] [B] dirigeait les ressources humaines, gérait les finances et la politique commerciale de la société Olympe, il exerçait ces fonctions en qualité de directeur général et non en sa qualité personnelle.
Il n’est pas établi par la procédure que l’actionnaire principal lui ait retiré ses pouvoirs de direction et de gestion résultant directement de ces fonctions.
Il résulte de ces éléments qu’il n’est pas établi que M. [S] [B] s’était immiscé de façon totale et permanente en lieu et place de la société Olympe, de sorte que celle-ci aurait totalement perdu son autonomie d’action. Il s’en déduit que le co-emploi n’est pas établi.
En conséquence la cour écartant le co-emploi, il y a lieu d’accueillir la fin de non-recevoir tirée de l’incompétence de la juridiction prud’homale pour trancher le litige et en application de l’article 81 du code de procédure civile de renvoyer les parties devant les juridictions de droit commun à savoir le tribunal judiciaire.
Le jugement est donc infirmé en ce qu’il a dit M. [M] mal fondé en ses demandes et l’a débouté et mis hors de cause M. [O] [S] [B].
Il faut juste confirmer en ce qu’il l’a mis hors de cause.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Eu égard à la solution donnée au présent litige, il convient de confirmer les dispositions de première instance sur les frais irrépétibles.
Il apparait inéquitable de laisser la charge de M. [S] [B] les frais qu’il a exposés pour la présente procédure d’appel. M. [M] sera condamné à lui verser une somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [M] succombant est débouté de sa demande au même titre.
Il est en outre condamné aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire en dernier ressort mis à disposition au greffe
Confirme le jugement rendu le 25 octobre 2018 par le conseil de prud’hommes de Beauvais en ses dispositions soumises à la cour sauf à ajouter que l’incompétence de la juridiction prud’homale résulte du fait de l’absence de co-emploi,
Y ajoutant,
Dit que M. [O] [S] [B] n’est pas coemployeur de M. [R] [M]
Dit que la juridiction prud’homale est incompétente pour statuer sur les demandes de M. [R] [M]
Dit que la juridiction compétente pour statuer sur ces demandes est le tribunal judiciaire
Condamne M. [R] [M] à payer à M. [O] [S] [B] la somme de 1000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel ;
Déboute M. [R] [M] de sa demande sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au présent arrêt ;
Condamne M. [R] [M] aux dépens d’appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.