Conflits entre associés : 7 février 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 22/03788

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Conflits entre associés : 7 février 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 22/03788

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 07 FEVRIER 2023

N° RG 22/03788 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-M2TY

[L] [I]

c/

[A] [I] épouse [V]

[E] [R] [I] épouse [Z]

[S] [K] [I]

[M] [I]

[O] [J] [N] [I]

[H] [I] épouse [P]

S.C.E. [Adresse 10] [O] [I]

G.F.A. [Adresse 10] [O] [I]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats :

Décision déférée à la Cour : ordonnance rendu le 07 juillet 2022 par TJ de LIBOURNE (RG n° 22/00089) suivant déclaration d’appel du 04 août 2022

APPELANT :

[L] [I]

né le 04 Juin 1956 à [Localité 11]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Mathieu RAFFY de la SELARL MATHIEU RAFFY – MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX (postulant), par Me Isaline POUX de la SELARL IP ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS (plaidant) substituée à l’audience par Me Sandrine JANIN-GADOUX, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS :

[A] [I] épouse [V]

née le 11 Janvier 1950 à [Localité 11]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Véronique VOUIN de la SELARL VÉRONIQUE VOUIN, avocat au barreau de BORDEAUX

[E] [R] [I] épouse [Z]

née le 28 Octobre 1947 à [Localité 11]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 12] – [Localité 7]

Non comparante, non représentée (DA signifiée le 21/09/2022 et les conclusions les 19/10/2022, 14/11/2022 et 17/11/2022)

[S] [K] [I]

née le 16 Mai 1951 à [Localité 11]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 5]

Non comparante, non représentée (DA signifiée le 22/09/2022 et les conclusions les 27/10/2022, 23/11/2022 et 08/12/2022)

[M] [I]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 4]

Représentée par Me Marion GARRIGUE-VIEUVILLE de la SELARL CABINET ETCHE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

[O] [J] [N] [I]

né le 20 Août 1952 à [Localité 11]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 8]

Non comparant, non représenté (DA signifiée le 22/09/2022 et les conclusions les 17/10/2022, 14/11/2022 et 23/11/2022)

[H] [I] épouse [P]

née le 21 Février 1954 à [Localité 11]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 3]

Non comparante, non représentée (DA signifiée le 21/09/2022 et les conclusions les 17/10/2022, 14/11/2022 et 22/11/2022)

S.C.E. [Adresse 10] [O] [I]

dont le siège social est [Adresse 10] – [Localité 6]

Représentée par Me Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX (postulant), et par Me Benoît TONIN de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de BORDEAUX (plaidant)

G.F.A. [Adresse 10] [O] [I]

dont le siège social est [Adresse 10] – [Localité 6]

Représentée par Me Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX (postulant), et par Me Christine JAIS-MELOT de la SELARL LEXYMORE, avocat au barreau de BORDEAUX (plaidant)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du cpc, l’affaire a été débattue le 13 décembre 2022 hors la présence du public, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Hélène MORNET, présidente, et Danielle PUYDEBAT, conseillère, chargées du rapport

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Président : Hélène MORNET

Conseiller : Danielle PUYDEBAT

Conseiller : [M] DELAQUYS

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Véronique DUPHIL

Greffier lors du prononcé : Florence CHANVRIT

ARRÊT :

– réputé contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 al. 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Le groupement foncier agricole du [Adresse 10], propriétaire du domaine immobilier exploitant un vignoble dans l’appellation Saint Emilion, « [Adresse 10] », a été constitué le 1er février 1974 par M. [G] [I], décédé le 14 décembre 1994, et ses huit enfants.

Depuis le rachat par M. [Y] [W], des 4 036 parts initialement détenues par les autres enfants [I], seul M. [L] [I] y détient 1147 parts, 937 parts dépendant par ailleurs de l’indivision successorale de sa mère, Mme [X] [OJ] veuve [I], décédée le 8 septembre 2011.

Concomitamment à la création du GFA, le domaine a été donné à bail à ferme à la société civile d’expIoitation- SCEA- du [Adresse 10] également constituée avec les enfants de M. [G] [I].

Par jugement du 30 décembre 2014, le tribunal de grande instance de Libourne a ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Mme [X] [OJ]. Aucun projet de partage n’a pu intervenir depuis.

M. [I] détient 14/32 ièmes de cette indivision successorale.

L’indivision est représentée par un administrateur judiciaire auprès de la SCE et du GFA depuis 2011 en raison de la mauvaise entente entre les coïndivisaires. Maître [C], qui a été désigné par une ordonnance du juge des référés le 15 octobre 2015, renouvelée le 22 avril 2021 pour une année, celui-ci est décédé en fin d’année 2021.

Le 22 mars 2022, M. [L] [I] a convoqué ses coïndivisaires pour qu’ils se décident à nommer un nouvel administrateur. Les parties présentes ont désigné Maître [F], qui a refusé cette charge.

Par acte du 17 mai 2022, Mme [A] [I], épouse [V], la SCEA du [Adresse 10] et le GFA du [Adresse 10] ont assigné les coindivisaires devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Libourne pour demander, sur le fondement des articles 1844 du code civil, 834 et 835 du code de procédure civile, la désignation d’un mandataire ad hoc pour représenter l’indivision au sein de l’assemblée générale des deux sociétés, disposant d’un droit de vote lors de toute assemblée générale ordinaire ou extraordinaire à venir, indépendamment des coindivisaires.

Parallèlement, par acte du 5 mai 2022, M. [L] [I] a assigné l’ensemble de ses coïndivisaires, la SCE et le GFA devant la présidente du tribunal judiciaire de Libourne afin de faire désigner un administrateur de l’indivision auprès de la SCE et du GFA sur le fondement de l’article 815-6 du code civil.

M. [I] demande la jonction de ces deux instances.

Par une ordonnance du 7 juillet 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Libourne a :

– Ordonné la mise hors de cause de MM. [CB] [B], [T] [B] et [U] [B] ;

– Désigné la SELARL AJILINK, prise en la personne de Maître [VL] ou de Maître [D], sise [Adresse 9], en qualité de mandataire ad’hoc ;

– Dit que le mandataire ad’hoc aura pour mission de représenter les copropriétaires des 57 parts sociales indivises dans la SCE [Adresse 10] et des 927 parts indivises dans le GFA [Adresse 10] dépendant de la succession de feue Mme [X] [OJ] ;

– Dit que le mandataire ad hoc pourra disposer d’un droit de vote lors de toute assemblée générale à venir indépendamment des co-indivisaires, en sa seule conscience et dans le strict intérêt des sociétés concernées ;

– Dit que la mission de ce mandataire sera fixée à douze mois à compter de l’acceptation de sa mission, renouvelable par le juge des référés sur saisine de la partie la plus diligente, à défaut, sa désignation deviendra caduque ;

– Dit qu’en cas de refus de sa mission ou d’empêchement légitime, le mandataire ci-dessus désigné sera remplacé par ordonnance rendue sur simple requête ;

– Dit que le montant de ses honoraires sera à partager à parts égales entre les indivisaires ;

– Rejeté les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Rejeté toutes les autres demandes ;

– Condamné la SCEA du [Adresse 10] [O] [I] et le GFA du [Adresse 10] [O] [I] aux dépens de l’instance.

Procédure d’appel :

Par déclaration du 4 août 2022, M. [L] [I] a relevé appel de l’ordonnance concernant la désignation de l’administrateur ad hoc, les pouvoirs qui lui ont été confiés, les frais irrépétibles et les dépens. Il a également fait appel du jugement rendu par la présidente du tribunal judiciaire le même jour.

Ont constitué avocat en appel, le GFA et la SCEA, ainsi, parmi les indivisaires, Mmes [A] [V] et [M] [I].

Selon dernières conclusions en date du 11 octobre 2022, M. [L] [I] demande à la cour de :

– Infirmer l’ordonnance du 7 juillet 2022 en ce qu’elle a désigné la SELARL AJILINK comme mandataire judiciaire et fixé ses prérogatives ;

En conséquence :

– ordonner la fin de la mission de la SELARL AJILINK en tant que mandataire ad’hoc ;

– désigner un administrateur provisoire afin de représenter l’indivision ;

– juger que l’administrateur provisoire nommé exercera les missions suivantes :

– Représenter l’indivision [X] [I] dans les sociétés ci-après :

* GFA [Adresse 10] ‘ [O] [I], société au capital de 932.558.353 euros, ayant son siège social à [Localité 6] ‘ [Adresse 10], immatriculée sous le numéro 349.558.353 RCS de [Localité 11], dont l’indivision [X] [I] possède 937 parts indivises ;

* SCEA [Adresse 10] [O] [I], société au capital de 15.244,99 euros, ayant son siège social à [Localité 6] ‘ [Adresse 10], immatriculée sous le numéro 314.492.695 RCS Libourne, dont l’indivision [X] [I] possède 57 parts indivises.

– Se faire remettre : par le notaire nommé à cet effet par délégation du Président de la Chambre Départementale des Notaires de la Gironde, toutes pièces et actes ayant trait à la succession [X] [I] :

o les éléments financiers et les comptes relatifs à la succession ;

* Par les sociétés GFA [Adresse 10] [O] [I] et la SCEA [Adresse 10] [O] [I], le détail et l’historique des créances et/ou dettes au bénéfice ou à la charge de la succession [X] [I] depuis la date du décès de Mme [X] [I].

o Ouvrir un compte bancaire au nom de l’indivision [I] ;

– Se faire remettre toutes sommes et valeur appartement à l’indivision [X] [I] et en justifier aux membres de l’indivision ;

o Appeler les fonds nécessaires en proportion des droits de chacun, pour faire face aux dépenses qui seront à régler ;

o Plus généralement faire tout ce qui sera nécessaire pour administrer les biens, propriété de l’indivision, jusqu’à l’issue du partage amiable ou judiciaire.

– Désigner la SELARL Ajilink, prise en la personne de Maître [VL], sise [Adresse 9], en qualité d’administrateur provisoire de l’indivision ;

– Juger que la mission de l’administrateur provisoire de l’indivision sera fixée pour une durée de douze mois à compter de la date du délibéré et que sa mission pourra être renouvelée sur saisine de la partie la plus diligente ;

– Fixer le montant de la provision devant être versée à l’administrateur provisoire et considérer que le montant devra être réglé à parts égales entre les indivisaires ;

– A titre subsidiaire : infirmer l’ordonnance du 7 juillet 2022 en ce qu’elle a désigné la SELARL AJILINK, prise en la personne de Me [VL] ou de Me [D], sise [Adresse 9], en qualité de mandataire ad’hoc ;

– Désigner la SELARL AJILINK, prise en la personne de Me [VL], sise [Adresse 9], en qualité de mandataire ad’hoc ;

En tout état de cause : condamner solidairement Mme [A] [V], la SCEA du [Adresse 10] [O] [I] et Le Groupement Foncier Agricole [Adresse 10] [O] [I] à 2.000 € d’article 700 ainsi qu’aux entiers dépens.

Selon dernières conclusions en date du 9 novembre 2022, Mme [V] demande à la cour de :

– Dire et juger les demandes principales de M. [L] [I] irrecevables ;

– Dire et juger ses demandes subsidiaires recevables ;

– Procéder à la désignation du seul Me [VL] la SELARL AJILINK ;

– Confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses autres dispositions ;

– Y ajoutant, condamner [L] [I] à verser à sa soeur [A] [V] la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC ;

– Le condamner en tous les dépens.

Selon dernières conclusions en date du 8 novembre 2022, Mme [M] [I] demande à la cour de :

– Confirmer la décision rendue ;

– Condamner M. [L] [I] à verser à Mme [M] [I] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du CPC ;

– Condamner M. [L] [I] aux entiers dépens de 1ère instance et d’appel.

Selon dernières conclusions en date du 14 novembre 2022, le GFA [Adresse 10] demande à la cour de :

– Confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 7 juillet 2022 par le Président du Tribunal Judiciaire de Libourne en ce qu’elle a :

o Désigné un mandataire ad hoc chargé de représenter les copropriétaires des 57 parts sociales indivises dans la SCE [Adresse 10] et des 927 parts indivises dans le GFA [Adresse 10] dépendant de la succession de feue Mme [X] [OJ] ;

o Dit que le mandataire ad’hoc aura pour mission de représenter les copropriétaires des 57 parts sociales indivises dans la SCE [Adresse 10] et des 927 parts indivises dans le GFA [Adresse 10] dépendant de la succession de feue Mme [X] [OJ] ;

o Dit que le mandataire ad hoc pourra disposer d’un droit de vote lors de toute assemblée générale à venir indépendamment des co-indivisaires, en sa seule conscience et dans le strict intérêt des sociétés concernées ;

o Dit que la mission de ce mandataire sera fixée à douze mois à compter de l’acceptation de sa mission, renouvelable par le juge des référés sur saisine de la partie la plus diligente, à défaut, sa désignation deviendra caduque ;

o Dit qu’en cas de refus de sa mission ou d’empêchement légitime, le mandataire ci-dessus désigné sera remplacé par ordonnance rendue sur simple requête ;

o Dit que le montant de ses honoraires sera à partager à parts égales entre les indivisaires ;

– La réformer en ce qu’elle a désigné la SELARL AJILINK, prise en la personne de Me [VL] ou de Me [D], sise [Adresse 9], en qualité d’administrateur provisoire de l’indivision et désigner en ses lieux et place la SELARL AJILINK, prise en la personne de Me [VL] ;

– Y ajoutant, déclarer irrecevables les demandes nouvelles présentées par M. [L] [I]

– Débouter M. [L] [I] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

– Condamner M. [L] [I] au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens d’appel.

Selon dernières conclusions en date du 9 novembre 2022, la SCE [Adresse 10] demande à la cour de :

– In limine litis, sur la demande de désignation d’un administrateur provisoire de l’indivision dépendant de la succession de feue Mme [X] [OJ] : se déclarer incompétente ;

– Déclarer la demande de M. [L] [I] irrecevable comme étant nouvelle ;

– Sur le fond, confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a :

‘ désigné un mandataire commun avec mission de représenter les copropriétaires des

57 parts sociales indivises dans la SCE [Adresse 10] et des 927 parts indivises dans le GFA [Adresse 10] dépendant de la succession de feue Mme [OJ] ;

‘ dit que le mandataire pourra disposer d’un droit de vote lors de toute assemblée générale à venir indépendamment des coindivisaires, en sa seule conscience et dans le strict intérêt des sociétés concernées ;

‘ dit que la mission du mandataire sera fixée à douze mois à compter de l’acceptation de sa mission, renouvelable par le juge des référés sur saisine de la partie la plus diligente, à défaut deviendra caduque ;

‘ dit qu’en cas de refus de sa mission ou d’empêchement légitime, le mandataire ci-dessus désigné sera remplacé par ordonnance rendue sur simple requête ;

‘ dit que le montant de ses honoraires sera à partager à parts égales entre les indivisaires ;

– Infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a désigné la SELARL AJILINK prise en la personne de

Me [VL] ou Me [D], sise [Adresse 9], en qualité de mandataire ad hoc ;

Et statuant à nouveau,

– Désigner la SELARL AJILINK prise en la personne de Me [VL], sise [Adresse 9], en qualité de mandataire ad hoc ;

– Débouter M. [L] [I] de toutes ses demandes, fins et conclusions plus

amples ou contraires,

– Condamner M. [L] [I]à payer à la SCE [Adresse 10] [O] [I] la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens de l’appel.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 29 novembre 2022.

L’affaire a été fixée à l’audience collégiale du 13 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des demandes de M. [L] [I] :

La SCE [Adresse 10] [O] [I] soulève l’irrecevabilité des demandes d’infirmation de l’ordonnance déférée, au motif qu’elles ne font que reprendre ses prétentions visant, par appel distinct, à contester le rejet , par jugement rendu par le président du tribunal judiciaire de Libourne du 7 juillet 2022, de sa demande de désignation d’un administrateur provisoire de l’indivision dépendant de la succession de feue Mme [X] [OJ], veuve [I].

Toutefois, l’appel formé contre l’ordonnance de référé est recevable en ce qu’il a été régulièrement porté dans les délais de recours devant la cour d’appel de Bordeaux également compétente. L’appréciation des prétentions de l’appelant relève du bien fondé de son recours examiné ci-après.

Mme [A] [I], épouse [V] et la SCEA du [Adresse 10] invoquent par ailleurs l’irrecevabilité des prétentions de M. [I] en appel, s’agissant de demandes nouvelles au sens de l’article 564 du code de procédure civile.

Il ressort cependant de la lecture de l’ordonnance déférée que les prétentions de M. [I], pour s’opposer à la désignation d’un mandataire ad hoc devant le juge des référés, présentait les mêmes demandes que celles qui fondent son recours et qui ne peuvent, en conséquence, être qualifiées de prétentions nouvelles.

Sur la désignation d’un mandataire ad hoc :

L’article 1844 du code civil énonce que « Tout associé a le droit de participer aux décisions collectives.

Les copropriétaires d’une part sociale indivise sont représentés par un mandataire unique, choisi par les indivisaires ou en dehors d’eux. En cas de désaccord, le mandataire sera désigné en justice à la demande du plus diligent ».

Cette désignation spéciale au droit des sociétés, dans l’hypothèse de parts sociales indivises, exclut l’application des dispositions relatives aux pouvoirs des indivisaires définies à l’article 815-3 du code civil.

En l’espèce, cette demande a été soumise au juge des référés, compte tenu de l’urgence à remplacer Maître [C], décédé avant la fin de sa mission d’administrateur ad hoc, précédemment désigné par une ordonnance du juge des référés le 15 octobre 2015, et dont le mandat a été renouvelé chaque année, en dernier lieu par ordonnance du 22 avril 2021 pour une année.

Pour solliciter l’extension de la mission de l’administrateur provisoire à l’ensemble de la gestion de l’indivision, M. [I] fait état et produit un procès-verbal de réunion des indivisaires, établi en date du 22 mars 2022, favorable, à la majorité des deux tiers, à la désignation de Maître [F], en qualité de mandataire général, avec une mission d’administration générale de l’indivision, conformément aux dispositions de l’article 815-3 du code civil.

Toutefois, il est constant que ledit procès-verbal n’a été signé que par quatre des sept indivisaires, que le mandataire désigné, Maître [F], n’a pas donné suite à la mission proposée, et surtout que ce procès-verbal, qui vise explicitement une mission générale de représentation des indivisaires, ne s’inscrit pas dans le cadre soumis au juge des référés, limité par les dispositions spéciales précitées de l’article 1844 du code civil, mais dans celui de l’article 815-3 du code civil.

La production de ce document, s’il confirme la réalité de différents anciens entre plusieurs des indivisaires, ayant justifié de nombreuses procédures antérieures, dont certaines sont toujours en cours, ne peut valablement fonder le recours de M. [I] contre la désignation d’un administrateur ad hoc, laquelle n’a vocation en l’espèce que de poursuivre une mission continue depuis 2015, fondée sur les dissensions persistantes entre les membres de l’indivision depuis le décès de leur mère, et dont l’utilité pour assurer la pérennité de la gestion et du fonctionnement social et économique des deux sociétés, est constante et démontrée.

Il convient dès lors de confirmer l’ordonnance déférée, quant au contenu de la mission de l’administrateur ad hoc, quant à sa durée et à la désignation de la SELARL AJILINK, sauf à préciser que la SELARL AJILINK sera prise en la personne de Maître [VL].

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

M. [I] qui succombe en son appel sera condamné aux entiers dépens de l’instance, ainsi, en équité, qu’au versement , à chacun des intimés constitués, d’une indemnité de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

DECLARE recevables les demandes en appel de M. [L] [I] contre l’ordonnance déférée ;

CONFIRME, dans la limite de l’appel, l’ordonnance de référé rendue le 7 juillet 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Libourne, sauf à préciser la désignation de l’administrateur ad hoc ;

Y ajoutant,

DIT que la SELARL AJILINK sera prise en la personne de Maître [VL] ;

CONDAMNE M. [L] [I] aux entiers dépens de l’appel ;

Le CONDAMNE à verser, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 500 euros à chacun des intimés constitués, soit 1 500 euros à Mme [A] [I], épouse [V], 1 500 euros à Mme [M] [I], 1 500 euros au Groupement Foncier Agricole [Adresse 10] [O] [I], 1 500 euros à la société civile d’exploitation [Adresse 10] [O] [I], soit au total la somme de 6 000 euros.

Signé par Hélène MORNET, Présidente de la chambre et par Florence CHANVRIT, AAP Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

 


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