Conflits entre associés : 4 mai 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/13327

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Conflits entre associés : 4 mai 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/13327

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 4 mai 2023

N°2023/88

Rôle N° RG 19/13327 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEYTM

[O] [Z]

[T] [C] épouse [Z]

C/

[B] [Y]

SCP [Y] & ASSOCIES

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Pierre-yves IMPERATORE

Me Agnès ERMENEUX

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d’AIX-EN-PROVENCE en date du 04 Juillet 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/04630.

APPELANTS

Monsieur [O] [Z]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 7] (69), demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Pierre-yves IMPERATORE de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et assisté de Me Gilles DUMONT-LATOUR, avocat au barreau de LYON

Madame [T] [C] épouse [Z]

née le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 7] (69), demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Pierre-yves IMPERATORE de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Gilles DUMONT-LATOUR, avocat au barreau de LYON

INTIMES

Monsieur [B] [Y] pris tant en sa qualité d’administrateur provisoire de la SARL JOHANNA et de la SARL R&G 515, qu’à titre personnel, demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Agnès ERMENEUX, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et assisté de Me Christophe BERARD, avocat au barreau de PARIS

SCP [Y] & ASSOCIES administrateurs judiciaires, pris en la personne de Maître [Y], es qualités d’administrateur provisoire de la SARL JOHANNA et de la SARL R&G 515, dont le siège est sis [Adresse 2]

représentée par Me Agnès ERMENEUX, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Christophe BERARD, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Février 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, et Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président

Madame Françoise PETEL, Conseiller

Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 4 mai 2023, après prorogation du délibéré

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 4 mai 2023.

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

La SARL R&G 515, détenue par M. [O] [Z], Mme [L] [Z] [X], M. [A] [V] et Mme [S] [V], chacun associé à 25%, a acquis le 24 juillet 2006 l’intégralité des parts constituant le capital de la SARL Johanna, propriétaire d’un fonds de commerce de brasserie et locations saisonnières exploité sur un terrain appartenant à la commune de [Localité 8].

M. [A] [V] était le gérant des deux sociétés.

L’acquisition des parts sociales de la société Johanna par la société R&G 515 avait été financée par deux emprunts souscrits auprès du Crédit agricole pour un montant total de 390000 euros, garanti par un cautionnement hypothécaire consenti par M. [O] [Z] et son épouse Mme [T] [C], sur un bien immobilier sis à [Localité 5].

Par ordonnances des 26 janvier et 17 mai 2010, le président du tribunal de commerce d’Aix-en-Provence a désigné la SCP Bouet [Y] prise en la personne de Maître [B] [Y], en qualité d’administrateur provisoire des deux sociétés, en raison d’une mésentente grave entre les associés, avec la mission, telle que sollicitée par M. [Z], de :

– gérer la société aux lieu et place de M. [A] [V],

– se faire remettre la comptabilité de la société et surtout les justificatifs comptables des recettes réalisées et surtout les dépenses exposées,

– envisager les conditions de la poursuite éventuelle de la société et organiser le cas échéant l’assemblée générale des associés afin de déterminer les modalités de cette continuation d’activité et procéder à la nomination éventuelle d’un nouveau gérant,

– proposer le rachat des parts des uns et des autres si la société ne peut continuer son activité dans la situation actuelle des associés,

– si aucune solution n’est possible, procéder à la liquidation de la société.

M. [Z] s’est plaint, durant le mandat exercé par Maître [B] [Y], de n’avoir aucune visibilité sur les éléments comptables et financiers de la société et sur la gestion de l’administrateur.

Une procédure de référé aux fins de communication de pièces initiée par les consorts [Z] le 25 octobre 2011 devant le président du tribunal de commerce d’Aix-en-Provence a fait l’objet d’un retrait du rôle.

Une deuxième procédure de référé a été engagée par M. [Z] qui sollicitait qu’il soit mis fin à la mission de Maître [B] [Y] et qu’un nouvel administrateur soit désigné.

Par ordonnance du 24 octobre 2013 le président du tribunal de commerce d’Aix-en-Provence s’est déclaré incompétent sur cette demande.

L’instance en appel de cette décision a fait l’objet d’un retrait du rôle le 2 octobre 2014.

Maître [B] [Y] ayant fait valoir ses droits à la retraite, le président du tribunal de commerce d’Aix-en-Provence a par ordonnance du 23 décembre 2015 désigné Maître [N] [Y] en qualité d’administrateur provisoire des sociétés R&G 515 et Johanna.

Maître [N] [Y] a constaté l’état de cessation des paiements des deux sociétés qui ont été placées en liquidation judiciaire par jugements du 26 juillet 2016, Maître [N] [U] étant désigné en qualité de liquidateur.

Estimant que Maître [B] [Y] avait commis de nombreux manquements dans l’exécution de son mandat d’administrateur provisoire, conduisant les sociétés R&G 515 et Johanna à la liquidation judiciaire, entraînant pour M. [O] [Z] d’importantes pertes financières, M. et Mme [Z] [C] ont, par acte du 27 juillet 2017, fait assigner devant le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence Maître [B] [Y] ès qualités d’administrateur provisoire des deux sociétés ainsi que la SCP [Y] et associés, aux fins d’obtenir leur condamnation à leur payer les sommes de :

– pour mémoire, une indemnisation en cours d’évaluation au titre de la perte de valeur du fonds de commerce depuis son acquisition,

– 326463,18 euros au titre de la créance détenue par M. [O] [Z] sur la société R&G 515 dont le recouvrement a été mis en péril par Maître [Y],

-125061,77 euros à M. [O] [Z] au titre des sommes qu’il a dépensées sur ses fonds personnels au bénéfice des sociétés Johanna et R&G515,

– 30000 euros à M. et Mme [Z] au titre de leur préjudice moral,

– 30000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 4 juillet 2019 le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence a, vu les articles L. 622-20 du code de commerce et 122 du code de procédure civile :

– déclaré les demandes de [O] et [T] [Z] irrecevables,

– condamné in solidum [O] et [T] [Z] à verser à [B] [Y] et à la SCP [Y] et associés une indemnité de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté toute autre demande,

– condamné in solidum [O] et [T] [Z] aux dépens,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Le tribunal a retenu à cet effet :

– qu’il était saisi de deux assignations, dont la dernière a bien attrait [B] [Y] à titre personnel devant le tribunal de grande instance,

– que l’assignation de l’administrateur provisoire ès qualités et de la SCP dans laquelle il exerçait sa mission n’a d’intérêt que dans le cadre d’une action dirigée contre la société, consistant à appeler en cause le mandataire au nom et pour le compte de cette société ; que les demandes dirigées contre Maître [B] [Y] ès qualités et contre la SCP [Y] et associés, qui ne représentent plus les sociétés Johanna et R&G515 sont dès lors irrecevables,

– qu’il ressort de l’article L.622-20 du code de commerce que le représentant des créanciers dont les attributions sont ensuite dévolues au liquidateur a seul qualité pour agir en réparation d’un préjudice qui n’est pas distinct de celui causé à l’ensemble des créanciers ;

– que la demande d’indemnisation pour la perte de valeur du fonds de commerce pour un montant porté ‘pour mémoire’ est irrecevable en ce qu’elle n’est ni déterminée ni déterminable et en ce que les époux [Z] n’ont pas qualité à agir aux lieu et place de la société Johanna,

– que la demande en remboursement de la créance détenue par M. [Z] sur la société R&G 515 à hauteur de 326463,18 euros n’est pas non plus recevable puisqu’elle se heurte aux dispositions de l’article L.622-20 du code de commerce, s’agissant d’une action tendant à reconstituer le gage commun des créanciers et relevant du monopole du liquidateur, l’intéressé ne rapportant pas la preuve d’un intérêt qui lui soit strictement personnel,

– qu’il en est de même des sommes réclamées par [O] [Z] au titre du remboursement de factures, impôts fonciers et frais réglés en sa qualité d’associé de la société R&G 515 avant l’ouverture de la procédure collective, ainsi que de l’indemnisation du préjudice moral qui n’est pas détachable des autres chefs de demandes,

– que l’action individuelle ne peut pas tendre à réparer les conséquences de l’aggravation de la situation du débiteur, c’est à dire l’augmentation du passif ou la diminution de l’actif ou encore les conséquences induites comme la perte pour les associés de la valeur du fonds appartenant à la société,

– que l’ensemble des réclamations des époux [Z] portent sur des sommes qui trouvent leur cause dans la mise en liquidation judiciaire des sociétés et doivent donc être déclarées irrecevables, seul le liquidateur ayant qualité pour agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers en vue de reconstituer le patrimoine de la société.

M. [O] [Z] et Mme [T] [C] épouse [Z] ont interjeté appel de cette décision le 13 août 2019.

Par conclusions déposées et notifiées le 11 mai 2020, les appelants demandent à la cour, vu les articles L.631-12, L.622-1, L.814-4 du code de commerce, 1240 du code civil, de :

– voir déclarer l’appel de M. et Mme [Z] recevable,

– voir constater les fautes commises par Maître [Y] [B] pris en sa qualité d’administrateur provisoire de la SARL Johanna et de la SARL R&G 515,

– voir constater le préjudice personnel subi principalement par M. [O] [Z], subsidiairement par M. et Mme [Z],

– voir constater que le préjudice des concluants est la conséquence des agissements fautifs de Maître [B] [Y],

En conséquence,

– voir condamner M. [B] [Y] pris tant en sa qualité d’administrateur provisoire de la SARL Johanna et de la SARL R&G515 qu’à titre personnel, et la SCP [Y] et associés, administrateur judiciaire, prise en la personne de Maître [Y] ès qualité d’administrateur provisoire de la SARL Johanna et de la SARL R&G515 à payer :

– la somme de 326463,18 euros au titre de la créance détenue par M. [O] [Z] sur la société R&G 515 dont le recouvrement a été mis en péril par Maître [Y],

– la somme de 125061,77 euros à M. [O] [Z] au titre des sommes qu’il a dépensées sur ses fonds personnels au bénéfice des sociétés Johanna et R&G515,

– la somme de 30000 euros à M. et Mme [Z] au titre de leur préjudice moral,

– la somme de 30000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– voir rejeter la demande de dommages et intérêts sollicitée par M. [B] [Y],

– le voir condamner aux entiers dépens distraits au profit de la SELARL Lexavoué Aix-en-Provence, avocats associés aux offres de droit.

Par conclusions déposées et notifiées le 11 février 2020, M. [B] [Y] et la SCP [Y] & associés demandent à la cour, vu les articles L.622-20, L.641-4 et L.641-9 du code de commerce, 1240 du code civil, de :

À titre principal :

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a déclaré les demandes de M. [O] [Z] et Mme [T] [C] épouse [Z] irrecevables,

– dire et juger les demandes de M. [O] [Z] et Mme [T] [C] épouse [Z] irrecevable pour défaut de qualité à agir,

– dire et juger les demandes de M. [O] [Z] et Mme [T] [C] épouse [Z] irrecevable pour défaut de qualité à défendre,

– dire et juger les demandes de M. [O] [Z] et Mme [T] [C] épouse [Z] irrecevable pour prescription,

À titre subsidiaire :

– dire et juger que M. [O] [Z] et Mme [C] épouse [T] [Z] ne rapporte la preuve d’aucune faute imputable à Maître [B] [Y] et la SCP [Y] et associés en lien causal direct avec un préjudice certain,

– par conséquent, débouter M. [O] [Z] et Mme [T] [C] épouse [Z] de l’ensemble de leurs demandes fins et conclusions,

En tout état de cause :

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la demande des concluants visant à obtenir la condamnation de M. et Mme [Z] à dommages et intérêts pour procédure abusive,

– condamner conjointement et solidairement M. [O] [Z] et Mme [T] [C] épouse [Z] à verser à Maître [B] [Y] et à la SCP [Y] et associés une somme de 10’000 euros en réparation de leur préjudice moral,

– condamner conjointement et solidairement M. [O] [Z] et Mme [T] [C] épouse [Z] à verser à Maître [Y] et la SCP [Y] et associés une somme de 5000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La procédure a été clôturée le 31 janvier 2023.

MOTIFS :

Les appelants reprochent à Maître [B] [Y] d’avoir commis des fautes dans l’exercice de son mandat d’administrateur provisoire, à l’origine de préjudices dont ils demandent réparation sur le fondement des dispositions de l’article 1240 du code civil.

C’est à juste titre que le premier juge a retenu qu’une telle demande n’était recevable qu’à l’encontre de Maître [B] [Y] attrait à la cause à titre personnel, et non à l’encontre de Maître [B] [Y] ès qualités d’administrateur provisoire de la SARL Johanna et de la SARL R&G515 ou de la SCP [Y] prise en ces mêmes qualités.

Aux termes de l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile relatif à la formalisation des conclusions d’appel, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

La cour n’examinera pas, en conséquence, le moyen tiré de la prescription de l’action, qui n’est pas invoqué dans la partie ‘discussion’ des conclusions des intimés.

Les articles L.622-20 et L.641-4 alinéa 4 du code de commerce réservent au seul liquidateur désigné par le tribunal, lorsqu’une liquidation judiciaire a été ouverte, la qualité pour agir au nom et dans l’intérêt des créanciers.

Il en résulte qu’un créancier d’une société en liquidation judiciaire n’est recevable à agir en réparation contre un tiers que si le préjudice allégué est un préjudice personnel, distinct du préjudice subi collectivement par tous les créanciers par l’effet de la procédure collective, et dont la réparation est étrangère à la reconstitution du gage commun.

Les appelants sollicitent la condamnation de l’administrateur provisoire à payer la somme de 326463,18 euros ‘au titre de la créance détenue par M. [O] [Z] sur la société R&G 515 dont le recouvrement a été mis en péril par Maître [Y]’.

Ils produisent à l’appui de cette demande un jugement rendu le 16 avril 2013 par le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence condamnant la société R&G515 à payer à M. [O] [Z] et Mme [L] [X] la somme de 326463,18 euros se décomposant en :

– une somme de 272066,66 euros correspondant à la somme versée au Crédit agricole par M. [Z] au titre de son engagement en qualité de caution hypothécaire de deux emprunts souscrits par la société R&G515,

– la somme de 54296,52 euros au titre d’un compte courant figurant dans les bilans de la société.

M. [Z] ne produit aucune pièce justifiant des conditions dans lesquelles il a été amené à régler au Crédit agricole la somme de 272066,66 euros.

Il s’évince des termes des courriers adressés par ses soins à Maître [Y] les 11 décembre 2010, 24 octobre 2012 et 8 septembre 2014 notamment, qu’en exécution d’accords conclus entre lui-même et le Crédit Agricole, il a fait effectuer par son notaire un versement de 100000 euros en 2010 et un versement de 172000 euros en 2012.

Il a par la suite sollicité l’inscription de sa créance à ce titre contre la société en compte courant d’associé.

Ainsi, la déclaration de cessation des paiements de la société R&G 515 déposée par Maître [N] [Y] mentionne un solde du compte courant d’associé de M. [Z] au 31 mars 2015 de 332463 euros au titre du jugement du 16 avril 2013.

Le préjudice résultant pour M. [Z] de l’impossibilité de recouvrer le solde de son compte courant d’associé ne se distingue pas de celui subi par l’ensemble des créanciers du fait de l’insuffisance d’actif de la liquidation judiciaire de la société débitrice, de sorte que la demande de M. [Z] en indemnisation de ce préjudice n’est pas recevable.

Il en est de même concernant les demandes d’indemnisation au titre des frais prétendument engagés par M. [Z] dans l’intérêt des sociétés R&R515 ou Johanna avant l’ouverture de leur liquidation judiciaire, au titre de travaux de rénovation (11475,17 euros), impôts fonciers (17540,21 euros), qui seront pareillement déclarées irrecevables, le jugement étant confirmé sur ces points.

Les autres demandes formulées par M. [Z] en indemnisation au titre de frais engagés pour son propre compte (huissier, expert-comptable, avocats, déplacements) qui ne se traduisent pas par une créance irrécouvrable contre la société en liquidation judiciaire, ne se heurtent pas à la fin de non-recevoir tirée de l’article L.622-20 du code de commerce.

Enfin la demande formée par M. et Mme [Z] en réparation d’un préjudice moral est recevable au regard du texte précité en ce qu’elle concerne un préjudice purement personnel.

À l’appui de ces demandes, les appelants reprochent à Maître [B] [Y] divers manquement tenant à l’absence de convocations régulières aux assemblées générales, à l’absence de réponse aux demandes de communications de pièces comptables et aux demandes d’explications sur la gestion, à des irrégularités, anomalies et erreurs affectant la comptabilité et en particulier les comptes annuels des deux sociétés, mises en évidence par deux experts-comptables consultés par M. [Z], au non-paiement des impôts fonciers dus par la SARL Johanna.

Ils reprochent à l’administrateur une mauvaise gestion à l’origine des pertes d’exploitation, d’avoir laissé M. [V] poursuivre la gestion de la société Johanna, conclure de faux baux et récolter les loyers en espèce, et la régie immobilière mandatée par l’administrateur ayant fait preuve de négligence, d’avoir laissé le bar restaurant inexploité et les locaux d’habitation à l’abandon sans entretien au point que l’ARS a émis le 21 février 2014 un arrêté portant mise en demeure de faire cesser la mise à disposition de locaux insalubres.

L’administration provisoire des sociétés est une institution prétorienne et c’est à tort que les appelants font référence aux dispositions des articles L.631-12 et L.622-1 du code de commerce relatifs aux pouvoirs et missions spécifiques de l’administrateur judiciaire désigné dans le cadre de la procédure de sauvegarde et/ou redressement judiciaire des entreprises, ces dispositions étant inapplicables à l’administration provisoire d’une société in bonis.

La désignation d’un administrateur provisoire est une mesure exceptionnelle ordonnée en cas de crise grave rendant impossible le fonctionnement de la société et menaçant celle-ci d’un péril imminent.

Il s’agit d’une mesure provisoire destinée à permettre à la société de continuer à fonctionner pendant le temps nécessaire à la résolution de la crise.

Du fait de sa nature conservatoire, la mission de l’administrateur provisoire, qui n’est pas un dirigeant au sens du droit des sociétés, est une mission de gestion et d’administration courante de la société.

Ainsi, il n’entrait pas dans la mission de Maître [Y] de décider d’une reprise d’exploitation du bar restaurant, précédemment abandonnée au profit de l’activité de location d’appartements suivant un choix de gestion antérieur à sa désignation.

Il ressort notamment de la décision de désignation de l’administrateur provisoire pour la société R&G 515 qu’il existait une mésentente grave entre associés susceptible de mettre en danger la pérennité de l’entreprise, que M. [Z] et sa fille représentant 50% du capital s’opposaient à l’approbation des comptes, que la société subissait des pertes d’exploitations.

Ainsi qu’il ressort de la déclaration de cessation des paiements formalisée par Maître [N] [Y] le 18 avril 2016, l’administrateur provisoire a été confronté dès sa prise de fonction à un manque de collaboration pratique des associés en conflit aigu et à la difficulté d’exploitation d’un site paupérisé où régnait un climat très hostile fait d’insécurité, d’insalubrité, de vandalisme et d’impayés.

Il ressort également du contenu et du ton des nombreux courriers échangés entre les parties que l’administrateur a également été confronté à une attitude particulièrement vindicative de M. [Z], confinant à l’agressivité et à l’insulte, le conduisant à déposer le 30 avril 2015 une plainte auprès du commissariat de police d’Aix-en-Provence.

Face à ces difficultés, Maître [Y] justifie s’être efforcé de conduire sa mission avec diligence, et avoir en particulier :

– convoqué les assemblées générales ordinaires annuelles pour les années 2010 à 2014 et communiqués aux associés les comptes de l’exercice (bilan, compte de résultat détaillé, annexe), le rapport de gestion et le texte des résolutions, ainsi qu’il résulte des procès-verbaux d’AGO versés aux débats,

– répondu, dans la mesure des informations dont il disposait, aux questions posées par M. [Z] et ses différents conseils, ainsi qu’il ressort de ces mêmes procès-verbaux et des courriers et mails des 10 février 2011, 17 février 2012, 21 mai 2012, 11 novembre 2012, 13 janvier 2013, et donné son accord pour que M. [Z] puisque consulter directement tous documents comptables ou de gestion directement auprès de l’expert-comptable et du mandataire chargé de la gestion immobilière,

– répondu par courrier du 20 novembre 2012 sur les critiques formulées par M. [Z] concernant la comptabilité et fait remplacer en 2012 le cabinet d’expertise-comptable Cogesteam par le cabinet Conseils Méditerranée.

Il affirme avoir procédé au règlement des taxes foncières ‘autant que faire se pouvait dans les limites de la trésorerie’ et justifie de règlements par lettres-chèques pour un montant total de 17134 euros.

S’agissant de l’exploitation des logements sociaux constituant l’activité de la société R&G515, Maître [Y] a fait établir à sa prise de fonctions un constat d’huissier ainsi qu’il ressort du procès-verbal d’AGO du 15 novembre 2010, et a confié la gestion locative au cabinet Accord suivant mandat du 4 mai 2010.

Les différents courriers et messages de ce mandataire produits par les parties témoignent de la difficulté à recouvrer les loyers initialement payés en espèces à M. [R] [Z] et à suivre les entrées et sorties des locataires.

Il ressort de ces échanges que Maître [Y] a demandé à la société Accord de mettre fin aux règlements en espèces et a enjoint à ce mandataire courant 2013 et 2014 d’engager des procédures contre les locataires défaillants, se heurtant toutefois à une insuffisance de trésorerie.

Maître [Y] fait valoir à juste titre qu’il ne peut être tenu pour responsable des agissements que M. [O] [Z] reproche à M. [O] [V] et à M. [R] [Z].

Il est également établi par les échanges de courriers produits par les parties que Maître [Y] a transmis à M. [O] [Z] un devis de travaux de réfection et a réuni les associés sur le site le 16 juillet 2012 pour déterminer les travaux à effectuer en urgence, réunion à l’occasion de laquelle il déplore avoir été insulté par M. [O] [Z].

Les appelants ne démontrent aucune faute caractérisée de l’administrateur provisoire, qui justifierait de faire supporter par Maître [Y] les nombreux frais que M. [Z] a cru devoir engager dans son propre intérêt auprès d’un huissier de justice, de huit avocats et deux experts-comptables ainsi que ses frais de déplacements depuis son domicile en Allemagne.

Il sera relevé que M. [Z], qui n’a pas sollicité d’expertise de gestion, n’a pas mené à terme les procédures engagées aux fins de communication de pièces et aux fins de remplacement de l’administrateur provisoire, qui ont fait l’objet de retraits du rôle, mesures nécessairement demandées par son avocat conformément à l’article 382 du code de procédure civile.

L’absence de démonstration d’une faute de l’administrateur provisoire conduit à débouter également les appelants de leur demande en réparation d’un préjudice moral consistant en l’altération de leur état de santé par l’angoisse de la gestion du différend et des difficultés financières rencontrées.

Les intimés qui ne démontrent pas que l’exercice par les appelants de leur droit d’agir en justice aurait dégénéré en abus, seront déboutés de leur demande reconventionnelle en dommages et intérêts, le jugement entrepris étant confirmé sur ce point.

Parties succombantes, M. et Mme [Z] seront condamnés aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, comme il sera dit au dispositif.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes formées par M. [O] [Z] au titre des frais d’huissier (973,09 euros), d’expert-comptable (11646 euros), d’avocats (6327,31+20210,30+36318,29+9000+4952,40 euros), de déplacements (6619 euros), et par M. et Mme [Z] au titre d’un préjudice moral,

Statuant à nouveau sur ce point, déclare les demandes précitées recevables mais mal fondées et les rejette,

Condamne in solidum M. [O] [Z] et Mme [T] [C] épouse [Z] à payer à Maître [B] [Y] et la SCP [Y] et associés la somme globale de 4000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à titre d’indemnité pour frais irrépétibles d’appel, ainsi qu’aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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