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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRÊT DU 20 JANVIER 2023
(n°11, 1 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 21/06627 – n° Portalis 35L7-V-B7F-CDONH
Décision déférée à la Cour : jugement du 18 mars 2021 – Tribunal judiciaire de PARIS – 3ème chambre 1ère section – RG n°18/02779
APPELANTE
S.A.S. OREFI ORIENTALE ET FINANCIERE, agissant en la personne de son président en exercice, M. [Y] [S], domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 3]
[Localité 6]
Immatriculée au rcs de Bobigny sous le numéro 399 402 965
Représentée par Me Thomas GHIDINI, avocat au barreau de PARIS, toque G 115
Assistée de Me Elisabeth MAISONDIEU-CAMUS, avocate au barreau de PARIS, toque D 0519
INTIMÉS
S.A.S. LA PETITE REINE, prise en la personne de son président en exercice, M. [J] [L], domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 2]
[Localité 4]
Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 437 549 702
M. [J] [L]
Né le 24 mai 1971 à [Localité 7] (92)
De nationalité française
Exerçant la profession de producteur
Demeurant [Adresse 2]
Représentés par Me Arnaud MÉTAYER-MATHIEU de la SELARL HUGO AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque A 866
S.E.L.A.F.A. MANDATAIRE JUDICIAIRE ASSOCIES (MJA), représentée par Me [D] [W], prise en sa qualité de mandataire judiciaire de la société LA PETITE REINE
[Adresse 1]
[Localité 5]
Non assignée et n’ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Laurence LEHMANN, conseillère, faisant fonction de Présidente, et Madame Agnès MARCADE, conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.
Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Véronique RENARD, présidente de chambre,
Mme Laurence LEHMANN, conseillère,
Mme Agnès MARCADE, conseillère,
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRET :
Par défaut
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
signé par Véronique RENARD, présidente de chambre et par Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement contradictoire rendu le 18 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Paris.
Vu l’appel interjeté le 7 avril 2021 par la SAS Orefi orientale et financière contre M. [J] [L], la société La Petite Reine et la Selafa Mandataire judiciaire associés (MJA), ès qualités de mandataire judiciaire de la société La Petite Reine.
Vu l’avis d’avoir à signifier du 18 mai 2021 à la Selafa Mandataire judiciaire associés (MJA) en la personne de Me [D] [W], ès qualités de mandataire judiciaire de la société La Petite Reine.
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 27 janvier 2022 par la société Orefi, appelante.
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 17 septembre 2021 par M. [J] [L] et la société La Petite Reine, intimés.
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 12 juin 2022.
Vu la note d’audience du 9 novembre 2022 proposant aux parties d’adresser une note en délibéré au plus tard le 23 novembre 2021 sur la caducité soulevée par la cour de la déclaration d’appel à l’égard de la Selafa MJA, faute de signification de la déclaration d’appel à la partie défaillante en suite de l’avis d’avoir à signifier notifié par le greffe le 18 mai 2021.
Vu l’absence d’observation des parties.
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
La SAS Orefi Orientale et Financière (Orefi), immatriculée le 29 décembre 1994 au registre du commerce et des sociétés de Bobigny, a pour activités toutes prestations de service en matières commerciale, administrative, financière, comptable, informatique et de conseils. Elle est présidée par M. [Y]-[Z] [S], lequel a notamment fondé la société vente-privee.com.
La SAS La Petite Reine a pour activité la production, la distribution, l’édition et la diffusion d”uvres cinématographiques et audiovisuelles. M. [J] [L] dirige cette société et détient la quasi-totalité du capital social.
La SAS La Petite Reine Production, détenue intégralement par M. [L], a la même activité que la société La Petite Reine.
Pour financer le développement et la production de leurs films, les sociétés La Petite Reine et La Petite Reine Production, à l’instar d’autres producteurs français, nouent de nombreux partenariats avec des investisseurs, acteurs du monde audiovisuel ou investisseurs indépendants.
Le 16 octobre 2014, les sociétés Orefi et La Petite Reine Production ont signé un contrat d’investissement portant sur le projet de film intitulé « Nos femmes ».
Ce contrat prévoyait l’apport, par la société Orefi, en tant qu’investisseur financier, d’une participation d’un montant de 750.000 euros, et en contrepartie un droit à recettes égal à :
– 25% des recettes brutes jusqu’à récupération de l’investissement initial,
– 25% des recettes nettes part producteur résiduelles après amortissement du coût du film.
Le même jour (16 octobre 2014), les sociétés Orefi et La Petite Reine Production ont signé un autre contrat d’investissement portant sur le projet de film intitulé « Un moment d’égarement ».
Ce contrat comme le précédent, prévoyait l’apport, par la société Orefi, en tant qu’investisseur financier, d’une participation d’un montant de 750 000 euros, et en contrepartie un droit à recettes égal à :
– 25% des recettes brutes France et nettes résiduelles sur l’international jusqu’à récupération de l’investissement initial,
– 25% des recettes nettes part producteur résiduelles après amortissement du coût du film.
Les films « Nos femmes » et « Un moment d’égarement » sont sortis en salles respectivement les 29 avril 2015 et 24 juin 2015.
Le 13 novembre 2015, la société Orefi a reçu un versement de 75 000 euros au titre de sa part sur les recettes du film « Nos femmes », le film réalisant 387 946 entrées.
Les 7 janvier 2016 et 16 mars 2016, la société Orefi a également reçu de la société La Petite Reine Production deux paiements de 12 806 euros et de 152 357 euros au titre de sa part sur les recettes du film « Un moment d’égarement », le film réalisant 890 541entrées.
Invoquant une obligation morale de M. [J] [L] qui se serait engagé à la couvrir de toute perte sur investissement sur l’exploitation de ces films par la signature d’un accord sur un calendrier de paiement tandis que M. [L] lui aurait donné des informations mensongères, les films, eu égard à leurs budgets très élevés, ne pouvant être amortis qu’avec un minimum de 2 millions d’entrées par film, seuil rarement atteint par les films français, la société Orefi a fait assigner, par actes du 14 février 2018, M. [L] et la société La Petite Reine devant le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, de Paris en remboursement des investissements versés, soit 1.259.837 euros, ainsi qu’en paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive.
La société La Petite Reine Production est intervenue volontairement à l’instance pendante devant le tribunal.
Par jugements du 27 février 2018, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de sauvegarde à l’égard de la société La Petite Reine et de la société La Petite Reine Production.
Par ordonnance du 8 octobre 2018, le juge-commissaire à la procédure de sauvegarde de la société La Petite Reine a fait droit à la demande de relevé de forclusion formalisée par la société Orefi pour déclarer sa créance.
Selon lettres recommandées avec accusé de réception des 19 octobre et 10 novembre 2018, la société Orefi a respectivement déclaré sa créance au passif de la procédure collective des sociétés La Petite Reine Production et La Petite Reine à hauteur de 1’373 687,90 euros.
Par ordonnance du 24 janvier 2019, le juge de la mise en état a débouté M. [L] de sa demande de sursis à statuer dans l’attente de la décision définitive quant à la recevabilité de la déclaration de créance de la société Orefi à la procédure collective de la société La Petite Reine Production.
Par ordonnance du 16 mai 2019, le juge de la mise en état, après avoir recueilli l’accord des parties, a désigné un médiateur judiciaire, mais cette mesure n’a pas abouti.
Par jugements du 8 octobre 2019, le tribunal de commerce de Paris a arrêté les’plans de sauvegarde de la société La Petite Reine et de la société La Petite Reine Production, désignant la S.E.L.A.R.L. BCM prise en la personne de Me [G] en qualité de commissaire à l’exécution du plan et maintenant la Selafa MJA en la personne de Me [W] en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement dont appel, le tribunal judiciaire de Paris a’:
– déclaré la société La Petite Reine Production recevable en son intervention volontaire,
– déclaré irrecevable la demande de la société Orefi en fixation de sa créance au passif de la procédure collective de la société La Petite Reine,
– débouté la société Orefi de ses autres demandes,
– condamné la société Orefi aux dépens, lesquels pourront être recouvrés, pour ceux le concernant, par Me Vincent Gallet, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
– condamné la société Orefi à payer à M. [J] [L] et à la société La Petite Reine 5.000 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Orefi à payer à S.E.L.A.F.A MJA, prise en la personne de Me [W], es qualité de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la société La Petite Reine, 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire du jugement.
A l’audience de plaidoiries en date du 9 novembre 2022, sur interrogation de la cour, la société Orefi a précisé ne pas avoir fait signifier sa déclaration d’appel dans le délai imparti par l’avis d’avoir à signifier adressé par le greffe le 18 mai 2021, la Selafa MJA, ès qualités de mandataire judiciaire de la société La Petite Reine, n’ayant pas constitué avocat. Elle ajoute n’avoir pas plus fait signifier à la partie défaillante ses premières conclusions d’appel. Aucune note en délibéré n’a été adressée par les parties au plus tard le 23 novembre 2021 pour présenter des observations sur la caducité de la déclaration d’appel à l’égard de la Selafa MJA, ès qualités, soulevée par la cour.
En conséquence, il y a lieu de déclarer caduque la déclaration d’appel en date du 7 avril 2021 de la société Orefi à l’égard de la Selafa MJA, ès qualités de mandataire judiciaire de la société La Petite Reine.
La cour constate par ailleurs que la société La Petite Reine production qui était intervenue volontairement en première instance n’a pas été intimée par la déclaration d’appel en date du 7 avril 2021 de la société Orefi et n’est dons pas partie à l’instance d’appel.
La société Orefi a relevé appel du jugement du tribunal judiciaire de Paris précité et par ses dernières conclusions demande à la cour de’:
– constater que la déclaration de créances de la société Orefi dans la procédure collective de la société La Petite Reine vise bien la présente action et concerne une créance qui n’est pas de nature contractuelle’;
– constater que M. [L] en son nom personnel et celui de la société La Petite Reine a contracté une obligation naturelle de couvrir les pertes sur l’intégralité de son investissement à la société Orefi’;
– constater que son engagement est unilatéral, libre et non équivoque’;
– constater que ladite obligation s’est transformée en obligation civile au plus tard le 20 juin 2015 par l’engagement unilatéral de volonté de M. [L].
En conséquence,
– réformer le jugement entrepris d’une part en ce qu’il a déclaré la société Orefi irrecevable en sa demande de fixation de créance à la procédure collective de la société La Petite Reine ;
– réformer le jugement entrepris d’autre part en ce qu’il a considéré que l’engagement de M. [L] n’était pas libre ni suffisamment précis’;
– réformer le jugement entrepris enfin en ce qu’il a condamné la société Orefi à la prise en charge des frais irrépétibles’;
Ce faisant,
– condamner M. [L] et la société La Petite Reine solidairement au paiement de la somme de 1 259 837 euros au titre de l’obligation civile contractée’;
– dire que cette somme sera assortie d’un intérêt légal de 3% l’an à compter du 23 octobre 2015 et condamner M. [L] au paiement du montant du principal à parfaire au jour de l’arrêt au titre de cet intérêt’;
– condamner M. [L] au paiement de la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice moral subit par la société Orefi’;
– condamner M. [L] au paiement de la somme de 30 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens distraits au profit de Me Jean-Jacques Fanet sous sa due affirmation.
Dans leurs dernières conclusions, M. [L] et la société La Petite Reine, intimées, demandent à la cour de’:
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
Ce faisant,
– déclarer irrecevable sinon mal fondée la demande de la société Orefi en fixation de sa créance au passif de la procédure collective de la société La Petite Reine ;
– déclarer mal fondée la demande de la société Orefi à l’encontre de M. [J] [L] ;
– juger à ce titre qu’aucun engagement unilatéral ne lie M. [J] [L] ;
– juger sinon qu’aucun accord de volonté n’est intervenu entre, d’une part, Orefi et d’autre part, M. [J] [L] et La Petite Reine;
– prononcer sinon la nullité de l’engagement de M. [J] [L] ou de La Petite Reine ;
– juger plus subsidiairement que la société Orefi n’administre pas la preuve de l’engagement de M. [J] [L] ;
– débouter en toute hypothèse la société Orefi de toutes ses demandes à l’encontre de M. [J] [L] et de la société La Petite Reine ;
Et y ajoutant :
– condamner la société Orefi à verser à chacun des défendeurs la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel ;
– condamner la société Orefi aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de Me Arnaud Métayer-Mathieu.
Il convient à titre liminaire de préciser qu’il ressort du jugement du tribunal de commerce de Paris du 8 octobre 2019 arrêtant le plan de sauvegarde de la société La Petite Reine que celle-ci, créée en 1995, avait initialement pour activité le développement des activités de production, d’édition et de distribution de films et d”uvres audio-visuelles avant d’être scindée par son dirigeant et actionnaire, M. [L], en deux structures distinctes, la société La Petite Reine qui conserve la gestion du catalogue des films existants et la société La Petite Reine Production qui gère l’activité de production des nouveaux longs métrages dont les films « Nos femmes’» et «’Un moment d’égarement’» objets des contrats conclus entre la société Orefi et la seule société La Petite Reine Production.
Sur la recevabilité de la société Orefi à agir contre la société La Petite Reine
– Sur la recevabilité de la demande de la société Orefi de fixation de sa créance au passif de la procédure collective de la société La Petite Reine.
Par jugement du 27 février 2018, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de sauvegarde à l’égard de la société La Petite Reine.
Par ordonnance du 8 octobre 2018, le juge-commissaire à la procédure de sauvegarde de la société La Petite Reine a fait droit à la demande de relevé de forclusion formalisée par la société Orefi pour déclarer sa créance.
Le jugement du tribunal de commerce de Paris le 8 octobre 2019 arrêtant le plan de sauvegarde de la société La Petite Reine et fixant sa durée à 10 ans, mentionne la créance de la société OREFI objet du présent litige dans la rubrique «’créances soumises aux délais du plan’» avec un accord exprès à l’option 1 soit le règlement de 100% des créances selon un échéancier progressif sur 10 ans.
Bien que dans ses dernières écritures devant la cour, la société Orefi sollicite la condamnation solidaire de M. [L] et de la société La petite Reine à lui payer la somme de 1’259’837 euros, les appelants opposent à la société Orefi une fin de non-recevoir à sa demande de fixation de créance à la procédure collective de la société La petite Reine fondée sur le principe d’immutabilité de la déclaration de créance qui requiert que la créance qui fonde l’action judiciaire soit la même que celle ayant été déclarée à la procédure collective.
Il n’est pas discuté que le plan de sauvegarde de la société La Petite Reine arrêté par décision du tribunal de commerce de Paris en date du 8 octobre 2019 est toujours en cours et que la créance en litige dont se prévaut la société Orefi est née antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective du 27 février 2018.
Selon la déclaration de créance en date du 10 novembre 2018 adressée par le conseil de la société Orefi à Me [W] de la Selafa MJA, ès qualités de mandataire judiciaire de la société La Petite Reine, celle-ci porte sur la somme de 1’373’687,90 euros et, s’agissant de l’origine de la créance, après un rappel des accords contractuels liant la société Orefi et la société La Petite Reine Production, la déclarante vise la procédure judiciaire alors en cours devant le tribunal de grande instance de Paris, initiée par la société Orefi contre la société La Petite Reine Production et M. [L] par acte en date du 14 février 2018.
Si la déclaration de créance fait référence, ainsi que le font valoir les intimés, aux engagements contractuels liant la société Orefi et la société La Petite Reine Production et les investissements consentis à ce titre par la société Orefi pour les films «’nos femmes’» et «’un moment d’égarement’» qui devaient selon elle lui être remboursés avant le 23 février 2016, ce rappel tend à expliciter les circonstances qui ont amené le société Orefi à introduire la procédure devant le tribunal judiciaire de Paris contre M. [L] et la société La Petite Reine dont l’assignation est jointe à la déclaration de créance, assignation (pièce 11 [L] – La Petite Reine) qui fait bien référence à une obligation naturelle qui se serait transformée en obligation civile dont serait débitrice la société La Petite Reine et M. [L], ce pour une somme de 1’259’837 euros.
La circonstance que la déclaration de créance à la procédure collective de la société La Petite Reine Production soit identique à la déclaration de créance ci-avant rappelée est indifférente, la procédure judiciaire en cours dont il est fait état et fondant la déclaration de créance, étant celle initiée par acte en date du 14 février 2018 sur le fondement de l’existence d’une obligation civile à la charge notamment de la société La Petite Reine.
De même, le fait que la société Orefi a confondu les sociétés La Petite Reine et la société La Petite Reine Production et a indiqué au juge de la mise en état avoir eu l’intention d’assigner la société La Petite Reine Production et non la société La Petite Reine est inopérant, l’assignation devant le tribunal délivrée à la société La Petite Reine qui s’est alors constituée en défense, ayant pour fondement une obligation civile.
Aussi, la déclaration de créance de la société Orefi vise bien la présente procédure qui a pour fondement une obligation naturelle muée en obligation civile, et celle-ci doit être considérée comme recevable à solliciter la fixation de sa créance au passif de la procédure collective de la société La Petite Reine.
– Sur l’irrecevabilité de la société Orefi en raison du principe de l’estoppel
Les appelants font alors valoir que la société Orefi ayant affirmé tant devant le juge de la mise en état que devant le juge commissaire à la procédure de sauvegarde de la société La Petite Reine avoir voulu attraire devant le tribunal de grande instance de Paris la société La Petite Reine Production et non la société La Petite Reine qui lui est étrangère (pièces 12 et 17), ne peut se contredire au détriment d’autrui et vouloir désormais agir contre la société La Petite Reine, alors que l’action contre la société La Petite Reine Production lui est fermée faute de déclaration de créance recevable au passif de la procédure collective de cette dernière.
Le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d’autrui suppose que les prétentions de la partie à laquelle la fin de non-recevoir est opposée induisent l’adversaire en erreur sur les intentions de son auteur.
La seule circonstance qu’une partie se contredise au détriment d’autrui n’emporte pas nécessairement fin de non-recevoir, en particulier lorsque les actions engagées ne sont ni de même nature, ni fondées sur les mêmes conventions et n’opposent pas les mêmes parties.
Or, ainsi qu’il a été rappelé, l’assignation devant le tribunal de grande instance de Paris en date du 14 février 2018 visait la société La Petite Reine, qui s’est d’ailleurs constituée en défense. La circonstance que la société Orefi a ensuite précisé avoir eu l’intention d’assigner la société La Petite Reine Production qui est alors intervenue volontairement à la procédure devant le tribunal, ne rend pas les demandes de la société Orefi formées contre la société La Petite Reine irrecevables, la société Orefi n’ayant pas modifié ses prétentions à l’égard de celle-ci. De même, la demande en rectification d’erreur matérielle formée par la société Orefi devant le juge commissaire de la procédure collective de la société La Petite Reine tendant à ce que l’ordonnance du 8 octobre 2018 faisant droit à la demande de relevé de forclusion formalisée par la société Orefi pour déclarer sa créance à la procédure collective de la société La Petite Reine vise la société La petite Reine Production est indifférente ne concernant pas une action de même nature.
Aussi, la fin de non-recevoir opposée par la société La Petite Reine et M. [L] doit être rejetée.
– Sur le défaut d’intérêt à agir de la société Orefi contre la société La Petite Reine
La société La Petite Reine oppose enfin à la société Orefi une fin de non-recevoir faute d’intérêt au motif que la société Orefi a noué des relations contractuelles avec la seule société La Petite Reine Production et que M. [L] ne saurait engager la société La Petite Reine qu’il dirige par l’envoi de SMS personnels ce quand bien même la cession de cette dernière société et de son catalogue était envisagée par M. [L] pour dégager des liquidités.
Selon l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifié pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé.
Ainsi qu’il a été ci-avant rappelé, la société Orefi a attrait M. [L] et la société La Petite Reine dont ce dernier est le dirigeant pour les voir condamner solidairement à lui rembourser les investissements qu’elle a effectués pour la production des films «’Un moment d’égarement’» et «’Nos femmes’» se fondant sur une obligation naturelle muée en obligation civile de M. [L] et de la société qu’il dirige.
La société Orefi a bien effectué les investissements dont elle sollicite le remboursement et son intérêt à agir contre le dirigeant de la société La Petite Reine Production qui gère l’activité de production des nouveaux longs métrages dont les films « Nos femmes’» et «’Un moment d’égarement’» avec laquelle elle avait contracté n’est pas contesté. La société Orefi a donc également intérêt à agir contre la société La Petite Reine qui gère le catalogue des films précédents et dont la cession a été évoquée par son dirigeant pour obtenir des liquidités pour effectuer les remboursements, l’intérêt à agir n’étant pas subordonné à la démonstration du bien-fondé de l’action.
La fin de non-recevoir fondée sur le défaut d’intérêt à agir doit également être écartée.
La société Orefi sera en conséquence considérée comme recevable à agir contre la société La Petite Reine et le jugement infirmé de ce chef.
Sur l’obligation naturelle muée en obligation civile de M. [L] et de la société La Petite Reine à l’égard de la société Orefi
La société Orefi critique le jugement déféré qui a rejeté sa demande aux motifs qu’elle avait échoué à démontrer un engagement unilatéral et suffisamment précis de la part de M. [L] ce en raison d’une analyse partielle et erronée par le tribunal des échanges de SMS produits au débats. Elle fait valoir qu’une lecture attentive de ces échanges démontre que l’engagement de M. [L] pris pour lui-même et sa société ressort d’un consentement libre, éclairé et précis.
Il y a obligation naturelle chaque fois qu’une personne s’oblige envers une autre ou lui verse une somme d’argent non sous l’impulsion d’une intention libérale, mais afin de remplir un devoir impérieux de conscience et d’honneur. L’exécution volontaire ou la promesse d’exécution transforme l’obligation naturelle en obligation civile. Il doit être démontré un engagement personnel et non équivoque d’exécuter l’obligation naturelle.
Pour soutenir l’existence d’une obligation naturelle de M. [L] et de la société La Petite Reine qui se serait transformée en obligation civile ce qui confèrerait à la société Orefi le droit d’agir à leur encontre, cette dernière se fonde sur plusieurs échanges de SMS entre M. [L] et M. [Y]-[Z] [S], dirigeant de la société Orefi, constatés par huissier de justice sur le téléphone mobile de M. [S] selon procès-verbal de constat en date du 30 mai 2017.
Une lecture attentive par la cour de ces nombreux SMS qui ont été échangés entre le 1er janvier 2013 et le 5 octobre 2016, montre que M. [L] s’est rapproché de M. [S] qui est l’un de ses amis, pour lui proposer d’investir dans la production de certains de ses films ce que ce dernier a accepté par l’intermédiaire de la société Orefi, les messages suivants évoquant un succès mitigé des films et des discussions s’engageant entre M. [L] et M. [S] autour d’une proposition de ce dernier sur certaines conditions de rémunération des parties (investissements couverts dans leur globalité quel que soit le résultat des films coproduits, que soient capés à deux fois la totalité des investissements en cas de succès important du film «’un moment d’égarement’», engagement sur un échéancier de remboursement et un cliquet bonus de 500’000 euros s’il existe un nombre d’entrée exceptionnel du film «’un moment d’égarement’» – message du 20 juin 2015 à 9h06 capture 27 du procès-verbal), proposition à laquelle M. [L] n’adhère pas totalement répondant revenir avec une proposition «’au plus près possible de ton texto’» (capture 31 du procès-verbal).
Par SMS du 26 juillet 2015 M. [L] indique’: «’la première vie des deux films ne couvrira pas nos investissements par contre ils auront dans le futur après les diff tv ds 4 ans cela fait beaucoup trop long pour vous et je me suis engagé à ce qu’il n’y est (sic) pas de perte et je tiendrai parole je comprends que tu souhaites maintenant un échéancier et des réponses plus précises … et saches que je me prépare je cherche des liquidités entre autres pour les pertes à couvrir à ce sujet je cherche comme je te l’ai dit à faire une opération de titrisation de mon catalogue ou de vente et également de vendre une ‘uvre …’», les deux interlocuteurs évoquant ensuite la mise en place d’une échéancier pour rembourser l’investissement consenti le plus rapidement possible.
Au mois d’août 2015, M. [L] précise «’maintenant pour toutes ces raisons je mets un point d’honneur à ce que cette fois ci il n’y est (sic) pas de pertes…’» (capture 48 du procès-verbal) et indique «’je vous paierai avant mais nous devons faire un contrat le nôtre ne prévoyait pas cette garantie il faut aussi que je récupère vos parts dans le futur …’» (captures 49 et 50 du procès-verbal). Il explique au mois d’octobre ne pas être payé par son distributeur (SMS 13 octobre 2015 capture 57 du procès-verbal) et faire de son mieux en vendant le catalogue «’pour être liquide et tout vous rembourser … je n’ai pas de treso perso en liquide pour avancer en compte courant cela mais l’argent va arriver ce n’est qu’une question de retard’» (capture 60 du procès-verbal).
Les échanges suivants marquent une dégradation des relations entre M. [S] et M. [L], le premier insistant sur sa volonté de recouvrer au plus vite les sommes investies par amitié, évoquant une «’escroquerie à l’affect’» de M. [L], ce dernier évoquant plusieurs pistes pour recouvrer des liquidités (vente de catalogue, garantie d’un tableau). M. [S] mentionne également des solutions telles un échéancier, passer une partie sur Star 80, garantie d’un tableau (SMS du 1er décembre 2015 capture 72 du procès-verbal), M. [L] rappelant de son côté à son interlocuteur qu’il a procédé à un investissement et non à un prêt, vouloir rendre les investissements consentis «’pour démontrer que je ne suis pas un escroc et honorer la confiance que vous m’avez prêté’» (SMS du 29 octobre 2015) ou «’ je me suis promis à moi-même de vous prouver que j’ai une parole qu’elle a beaucoup de valeur à mes yeux’» (SMS du 16 avril 2016) ou encore «’j’ai dit que lorsque j’aurai de l’argent cash ce qui n’est pas le cas encore j’aurai le c’ur de réparer des pertes pour m’excuser de vous avoir proposé cet investissement qui finit mal Je te répète que je souhaite le faire et que rien de m’y oblige’» (SMS du 6 mai 2016).
Ces échanges témoignent d’une incompréhension de M. [S] de ne pouvoir récupérer rapidement le capital qu’il a investi par l’intermédiaire de la société Orefi dans la production des deux films «’Les Femmes’» et «’Un moment d’égarement’» qui n’ont pas rencontré le succès attendu en salles et des efforts de M. [L] pour essayer de trouver une solution financière pour permettre à son ami de récupérer les sommes investies sans pour autant qu’il puisse en être déduit un engagement libre et précis de M. [L] à titre personnel ou au nom de la société La Petite Reine de rembourser les sommes investies.
En effet, dans le cadre de ces échanges, M. [L] répondant aux sollicitations répétées de M. [S] qui le qualifie d’escroc, évoque les diverses solutions envisagées telles la mise en place d’un échéancier, les directeurs financiers des sociétés des deux correspondants devant se rencontrer, la vente d’un catalogue pour pouvoir obtenir des liquidités et les apporter en compte courant, voir la mise en garantie d’une ‘uvre d’art, tout en sollicitant la formalisation d’une convention, sans qu’il puisse en être déduit un engagement précis émanant de M. [L] personnellement, étant relevé que celui-ci évoque à de nombreuses reprises le remboursement des investissements grâce aux recettes du film qui sont perçues par la société La Petite Reine Production. La circonstance que M. [S] a investi les sommes en cause sur sollicitation de M. [L] est indifférente à caractériser une obligation naturelle de ce dernier qui se serait transformée en obligation civile.
De même le SMS du 20 juin 2015 précité de M. [S] proposant que les investissements soient couverts dans leur globalité quel que soit le résultat des films coproduits, que soient plafonnés à deux fois la totalité des investissements en cas de succès important du film «’un moment d’égarement’», qu’il y ait une engagement sur un échéancier de remboursement et un cliquet bonus de 500.000 euros s’il existe un nombre d’entrée exceptionnel du film «’Un moment d’égarement’», ne suffit pas à établir, ainsi que le soutient à tort la société Orefi, la transformation de l’obligation naturelle à supposer démontrée de M. [L] en obligation civile. En effet, les échanges qui ont suivi constituent des négociations entre deux parties ainsi que précédemment relevé, et ne caractérisent pas un engagement unilatéral de M. [L] à titre personnel ni au nom de la société La Petite Reine à rembourser les investissements consentis par la société Orefi au profit de la société La Petite Reine Production.
Aucun engagement personnel et non équivoque de M. [L] à titre personnel ou au nom de la société La Petite Reine d’exécuter l’obligation naturelle à supposer établie de permettre à son ami M. [S] de recouvrer les sommes qu’il a investies n’est caractérisé.
La société Orefi doit donc être déboutée de l’ensemble de ses demandes formées tant à l’encontre de M. [L] que de la société La Petite Reine.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes à ce titre de la société Orefi.
Sur les autres demandes
Le sens de l’arrêt conduit à confirmer les dispositions du jugement concernant les frais irrépétibles et les dépens.
L’équité commande de condamner la société Orefi à payer à M. [J] [L] et à la société La Petite Reine une indemnité complémentaire de 5 000 euros, à chacun, au titre des frais irrépétibles d’appel.
La société Orefi qui succombe supportera les dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a déclaré irrecevable la demande de la société Orefi Orientale et Financière en fixation de sa créance au passif de la procédure collective de la société La Petite Reine,
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,
Dit caduque la déclaration d’appel en date du 7 avril 2021 de la société Orefi Orientale et Financière contre la Selafa Mandataire judiciaire associés (MJA), ès qualités de mandataire judiciaire de la société La Petite Reine,
Dit la société Orefi Orientale et Financière recevable à agir contre la société La Petite Reine,
Déboute la société Orefi Orientale et Financière de l’ensemble de ses demandes formées contre la société La Petite Reine,
Condamne la société Orefi Orientale et Financière à payer à M. [J] [L] et à la société La Petite Reine une indemnité complémentaire de 5 000 euros à chacun, soit un total de 10’000 euros, au titre des frais irrépétibles d’appel,
Condamne la société Orefi Orientale et Financière aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de 1’article 699 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente