N° RG 21/04885 – N° Portalis DBVX-V-B7F-NVNY
Décision du Juge des contentieux de la protection du TJ de SAINT-ETIENNE
du 09 mars 2021
RG : 20/04190
Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL LOIRE H AUTE-LOIRE
C/
[P]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
6ème Chambre
ARRET DU 06 Octobre 2022
APPELANTE :
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL LOIRE HAUTE-LOIRE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Jean-louis ROBERT de la SELARL SELARL ROBERT, avocat au barreau de ROANNE
assisté de Me Grégoire MANN de la SELARL LEX LUX AVOCATS, avocat au barreau de SAINT ETIENNE
INTIME :
M. [H] [P]
né le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 4]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
défaillant
******
Date de clôture de l’instruction : 7 Décembre 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 06 Septembre 2022
Date de mise à disposition : 06 Octobre 2022
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Dominique BOISSELET, président
– Evelyne ALLAIS, conseiller
– Stéphanie ROBIN, conseiller
assistés pendant les débats de Sylvie GIREL, greffier
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Dominique BOISSELET, président, et par Sylvie GIREL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
****
Faits, procédure et demandes des parties
Par acte sous seing privé du 3 janvier 2017, M. [H] [P] a ouvert un compte courant individuel, auprès de la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Loire Haute loire (ci-après dénommée le Crédit Agricole) .
Selon une offre préalable du 23 mai 2018, le Crédit Agricole a consenti à M. [H] [P] un prêt personnel d’un montant de 20.000 euros, remboursable en 72 mensualités, au taux contractuel de 3 % l’an.
Les échéances du prêt n’ont pas été réglées en totalité, et le compte courant a présenté un solde débiteur.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 juillet 2020, le Crédit Agricole a mis en demeure M. [H] [P] de régler les échéances impayées et de régulariser le solde débiteur du compte, en vain.
Par courrier du 9 septembre 2020, la déchéance du terme a été prononcée.
Par acte d’huissier du 6 novembre 2020, le Crédit Agricole a fait assigner M. [H] [P], devant le juge des contentieux de la protection de Saint Etienne, aux fins de le voir condamner à payer :
– 1.381,71 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2020, au titre du solde débiteur du compte n°72837940657,
– 17.519,68 euros, outre intérêts au taux contractuel de 3% à compter du 10 septembre 2020, au titre du prêt n° 00001697365,
– 1.500 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– les dépens.
A l’audience, le juge a soulevé d’office l’éventuelle déchéance du droit aux intérêts contractuels, en raison de l’absence de preuve de remise de la fiche d’informations précontractuelles et de la notice d’assurances et a interrogé la fiabilité de la signature électronique du contrat de prêt.
Par jugement du 9 mars 2021, le tribunal des contentieux de la protection de Saint Etienne a :
– condamné M. [H] [P] à payer à la société caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Loire Haute-Loire la somme de 1.381,71 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2020, au titre du solde débiteur du compte n°72837940657,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [H] [P] aux dépens,
– ordonné l’exécution provisoire.
Il a considéré que la signature électronique du prêt invoquée, n’était pas valide, le prêteur ne justifiant pas de la signature et de la teneur du contrat allégué.
Par déclaration du 3 juin 2021, le Crédit Agricole a interjeté appel des dispositions du jugement, l’ayant débouté du surplus de ses demandes et disant n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par des conclusions régulièrement signifiées le 9 août 2021, le Crédit Agricole demande à la cour d’appel de :
– réformer le jugement précité, en ce qu’il a rejeté la demande du Crédit Agricole au titre du solde du prêt à la consommation n° 00001697635, et celle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
et statuant à nouveau,
– condamner M. [H] [P] à lui payer la somme de 17.519,68 euros, outre intérêts au taux contractuel de 3%, à compter du 10 septembre 2020, au titre du prêt à la consommation n°00001697635,
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné M. [H] [P] à lui verser la somme de 1.381,71 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2020, au titre du solde débiteur du compte n° 72837940657,
– condamner M. [H] [P] à lui payer la somme de 2.000 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [H] [P] aux entiers dépens,
– dire que dans l’hypothèse où, à défaut de réglement spontané des condamnations par le jugement à intervenir, l’exécution devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier de justice, le montant des sommes retenues par l’huissier, en application de l’article A 444-32 du code de commerce, portant modification du décret du 12 décembre 1996 (tarif des huissiers) devra être supporté par le débiteur, en sus de l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
L’appelant fait valoir, à l’appui de ses prétentions, que contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, le prêt a bien été signé électroniquement par M. [P], conformément aux dispositions applicables en matière de signature électronique, la preuve de cette dernière étant rapportée par la production du fichier de preuve, et de l’enveloppe de preuve de la société Docu Sign-service Protect&Sign, prestataire de service de certification électronique.
En outre, les signatures électroniques du Crédit Agricole représenté par M. [Z] et de M. [P], suivi de sa date de naissance, figurent bien sur le contrat de prêt régularisé le 23 mai 2018.
Le numéro de transaction sur le fichier de preuve permet également de vérifier que la signature porte effectivement sur ce contrat de prêt.
De plus, le signataire s’est authentifié sur la page de consentement, en saisissant des données d’authentification spécifiques, vérifiées auprès d’un service externe de validation, fourni par le Crédit Agricole.
Dès lors, le contrat de prêt est parfaitement régulier et le déblocage des fonds a bien eu lieu le 1er juin 2018, comme le démontre le relevé du compte courant présenté.
Par ailleurs, le Crédit Agricole soutient que les échéances n’ont plus été réglées, à compter du mois de décembre 2019, et que la situation n’a pas été régularisée ensuite, de sorte que sa demande en paiement est justifiée.
M. [H] [P] n’a pas constitué avocat.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 décembre 2021.
MOTIFS DE LA DECISION
En application de l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, le juge ne fait droit à la demande, que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
Il convient préalablement de rappeler que le prêt, objet du présent litige est daté du 23 mai 2018, de sorte que les dispositions applicables du code de la consommation sont celles, postérieures à l’entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016.
Par ailleurs, la cour d’appel est saisie par la déclaration d’appel et les chefs de jugement critiqués. En l’espèce, le recours est limité au rejet de la demande de condamnation en paiement au titre du prêt consenti, et au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Dès lors, les dispositions relatives à la condamnation de M. [H] [P], au titre du compte courant débiteur, ne sont pas critiquées et sont donc définitives.
La demande de confirmation des dispositions concernant le solde du compte débiteur figurant aux termes des conclusions devant la cour d’appel, signifiées à l’intimé, est donc sans objet.
I – Sur la validité de la signature électronique
Aux termes de l’article 1366 du code civil, l’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée, la personne dont il émane, et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’état d’intégrité.
L’article 1367 alinéa 2 du code civil dispose que lorsqu’elle est électronique, la signature consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification, garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garanti, dans des conditions fixées par décret en conseil d’Etat.
L’article 1er du décret n°2017-1416 du 28 septembre 2017 prévoit que la fiabilité d’un procédé de signature électronique est présumée, jusqu’à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en oeuvre une signature électronique qualifiée.
En l’espèce, le prêteur n’invoque pas une signature électronique qualifiée et par là même une présomption de fiabilité.
Il appartient donc au Crédit Agricole, qui invoque la validité de la signature électronique, de justifier de l’usage d’un procédé fiable d’identification, garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache.
Le contrat de prêt, versé aux débats, mentionne l’identité du prêteur, représenté par [C] [Z], le nom, le prénom et la date de naissance de [H] [P] et la date et l’heure de présentation du contrat.
Le fichier de preuve de transaction de la société DocuSign, en sa qualité de prestataire de services de certification électronique (PSCE) est également produit. Il atteste de la signature électronique du crédit agricole et de M. [H] [P] le 23 mai 2018, sur le document contenu dans le fichier de preuves, document finalisé le 23 mai 2018 à 16h53, 21 secondes, suite à la signature de M. [P] [H], et mentionnant le déroulement du protocole de consentement, le signataire s’étant authentifié sur la page de consentement, en saisissant des données spécifiques, qui ont été vérifiées auprès d’un service externe de validation fourni par le client Crédit Agricole. Les documents précontractuels et contractuels signés électroniquement par M. [H] [P] concernent bien le prêt n° 00001697635, objet du présent litige et les documents joints intégrés au document contenu dans le fichier de preuves sont la fiche de dialogue, la fiche informations européennes normalisées, la fiche conseil assurance emrpunteur, la notice assurance, la convention Aeras, l’offre de prêt et l’échéancier.
Il est aussi produit un document intitulé ‘enveloppe de preuve’, présenté comme une enveloppe électronique, contenant le fichier de preuve référencé avec des caractéristiques spécifiques, crée par la société DocuSign, en sa qualité de prestataire de services de certification électronique pour les besoins du Crédit Agricole, cette enveloppe étant signée et horodatée électroniquement par DocuSign et la signature électronique pouvant être vérifiée sur le logiciel Microsoft Office Word 2007 à 2016, édité par la société microsoft.
Ainsi, le Crédit Agricole justifie de l’usage d’un procédé fiable d’identification, garantissant son lien avec l’offre de prêt auquelle elle s’attache.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments et des pièces produites que le Crédit Agricole établit la création d’une signature électronique par M. [P], ainsi que la fiabilité du processus de signature utilisé pour la conclusion du contrat, garantissant d’une part l’identification du signataire de l’acte et d’autre part l’intégrité de cet acte, aucune modification ne pouvant avoir lieu ultérieurement.
Ainsi, l’offre de prêt a été régulièrement signée, par voie électronique, et les dispositions des articles 1366 et 1367 du code civil ont été respectées.
En outre, il est également produit le relevé du compte bancaire de M. [H] [P], sur lequel figure le déblocage des fonds relatif au contrat de prêt, référencé 00001697635, soit la somme de 20.000 euros, le 1er juin 2018, l’historique mentionnant le versement des mensualités, le premier incident de paiement non régularisé étant daté du mois de décembre 2019.
Ces éléments extrinsèques corroborent au surplus le lien d’obligation liant les parties.
Le jugement déféré est donc infirmé, en ce qu’il a considéré que la preuve de la signature électronique et de la teneur du contrat n’étaient pas rapportée.
II/ Sur la demande en paiement
Conformément à l’article R 312-35 du code de la consommation, applicable au présent litige, les actions en paiement engagées devant le tribunal d’instance (devenu tribunal des contentieux de la protection), doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance, à peine de forclusion, ce point devant être vérifié d’office par le juge.
En l’espèce, il résulte de l’historique du compte que le premier incident de paiement non régularisé est daté du 10 décembre 2019, de sorte que l’assignation, délivrée le 6 novembre 2020, a bien été effectuée dans le délai biennal.
La demande en paiement est donc recevable.
Ensuite, en application de l’article L 312-39 du code de la consommation, en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts échus, mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif les sommes restant dues produisent des intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt.
En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat, et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil est fixée par un barème déterminé par décret.
En l’espèce, par courrier avec accusé de reception du 2 juillet 2020, le Crédit Agricole a mis en demeure M. [H] [P] de régler les échéances impayées dans un délai de dix jours, et l’a informé, qu’à défaut de paiement, la déchéance du terme serait prononcée.
Cette mise en demeure est restée infructueuse, et par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 septembre 2020, la déchéance du terme a été prononcée.
En outre, il résulte de l’historique du compte, du tableau d’amortissement produits et du décompte que les échéances impayées entre le 10 décembre 2019 et le 9 septembre 2020, date de la mise en demeure prononçant la déchéance du terme s’élèvent à 2.741,67 euros et le capital restant dû à la déchéance du terme est de 13.221,75 euros, soit un total de 15.963,42 euros avec intérêts au taux contractuel de 3%, à compter du 10 septembre 2020. L’appelante est donc fondée à obtenir le paiement de cette somme.
Concernant l’indemnité conventionnelle de 8%, calculée sur le capital restant dû à la date de déchéance du terme, elle revêt en l’espèce, un caractère excessif au regard du taux d’intérêt conventionnel déjà élevé. Il convient donc de la réduire à la somme de 100 euros, en application de l’article 1231-5 du code civil, étant précisé que cette somme porte intérêt au taux légal, à compter du 10 septembre 2020.
En conséquence, il convient de condamner M. [H] [P] à payer au Crédit Agricole la somme de 16.063,42 euros avec intérêts au taux contractuel de 3% sur la somme de 15.963,42 euros , à compter du 10 septembre 2020, et avec intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2020, sur la somme de 100 euros, et de réformer le jugement déféré en ce sens.
III – Sur les demandes accessoires
En application de l’article 696 du code de procédure civile, la partie succombant à l’instance supporte les dépens.
M. [H] [P] est en conséquence condamné aux dépens de la procédure d’appel, les dispositions relatives aux dépens de première instance n’étant pas contestées dans la déclaration d’appel.
L’équité commande, compte tenu de la disparité économique entre les parties, de ne pas prononcer de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La décision déférée sera donc confirmée sur ce point et le Crédit Agricole débouté également de sa demande sur ce fondement au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel.
Enfin, hors le cas spécifique prévu par l’article R.631-4 du code de la consommation, au profit du consommateur titulaire d’une créance à l’encontre d’un professionnel, aucune disposition légale ou règlementaire n’autorise le juge à faire supporter au débiteur les droits proportionnels de recouvrement ou d’encaissement de l’huissier de justice, mis à la charge du créancier.
Le Crédit Agricole est en conséquence débouté de sa demande de condamnation de M. [P] au paiement des sommes retenues par l’huissier, en application de l’article A 444-32 du code de commerce, portant modification du décret du 12 décembre 1996, dans l’hypothèse où une exécution forcée serait nécessaire.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant dans les limites de l’appel,
Réforme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a :
– débouté la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Loire Haute-Loire de sa demande, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté la demande de condamnation au paiement des sommes retenues par l’huissier, en application de l’article A 444-32 du code de commerce, portant modification du décret du 12 décembre 1996, dans l’hypothèse où une exécution forcée serait nécessaire
et statuant à nouveau
Condamne M. [H] [P] à payer à la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Loire Haute – Loire la somme de 16.063,43 euros, au titre du prêt n° 00001697635, avec intérêts au taux contractuel de 3 % sur la somme de 15.963,43 euros à compter du 10 septembre 2020, et au taux légal sur la somme de 100 euros, à compter du 10 septembre 2020,
Condamne M. [H] [P] aux dépens de la procédure d’appel,
Déboute la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Loire Haute-Loire, de sa demande au titre de l’article 700 en cause d’appel,
Rejette les autres demandes.
LE GREFFIERLE PRESIDENT