N° RG 22/01004 – N° Portalis DBV2-V-B7G-JBDR
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE DE LA PROXIMITE
ARRET DU 12 JANVIER 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
21/00566
Jugement du juge des contentieux de la protection du HAVRE du 3 janvier 2022
APPELANTE :
S.A. FLOA
RCS de Bordeaux 434 130 423
[Adresse 6]
[Localité 2]
représentée par Me Pascale BADINA de la SELARL CABINET BADINA ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de ROUEN
INTIME :
Monsieur [P] [S]
né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 5]
[Adresse 4]
[Localité 3]
N’ayant pas constitué avocat, bien que régulièrement assigné par acte d’huissier de justice remis à l’étude le 9 mai 2022.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 8 décembre 2022 sans opposition des avocats devant Madame GOUARIN, rapporteur.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Madame GOUARIN, Présidente
Madame TILLIEZ, Conseillère
Madame PICOT-DEMARCQ, Conseillère
DEBATS :
Madame DUPONT greffière lors des débats
A l’audience publique du 8 décembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 12 janvier 2023
ARRET :
rendu par défaut
Prononcé publiquement le 12 janvier 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
signé par Madame GOUARIN, présidente et par Madame CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
Exposé des faits et de la procédure
Suivant acte sous seing privé conclu le 23 juillet 2019 sous forme électronique, la Sa Banque du groupe Casino a consenti à M. [P] [S] un contrat de prêt personnel d’un montant de 15 000 euros remboursable en 36 mensualités au taux contractuel de 5,46 % et au taux annuel effectif global de 5,60 %.
Par lettre recommandée du 21 janvier 2021, le prêteur a mis en demeure
M. [Z] de régulariser les mensualités impayées à hauteur de la somme de
3 347,26 euros avant le 29 janvier 2021 sous peine de prononcé de la déchéance du terme du prêt.
Par lettre recommandée du 26 avril 2021, le prêteur a notifié à M. [Z] la déchéance du terme du prêt et l’a mis en demeure de régler la somme de
13 298,21 euros au titre du solde du prêt.
Par acte d’huissier du 16 juillet 2021, la Sa Floa, venant aux droits de la société Banque du groupe Casino, a fait assigner M. [Z] en paiement des sommes dues.
Par jugement du 3 janvier 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire du Havre a :
– débouté la société Floa de ses demandes ;
– condamné la société Floa aux dépens.
Pour statuer ainsi, le premier juge a estimé que le processus assurant la fiabilité de la transaction n’était pas complet, que la signature électronique ne pouvait pas être associée avec certitude au contrat litigieux et que l’intégrité de celui-ci nétait pas garantie de sorte que l’acte fondant la demande ne pouvait valablement être opposé à M. [Z].
Par déclaration du 22 mars 2022, la Sa Floa a relevé appel de cette décision.
M. [Z] n’a pas constitué avocat. La déclaration d’appel lui a été signifiée par dépôt de l’acte d’huissier à l’étude le 9 mai 2022. La présente décision sera rendue par défaut.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 novembre 2022.
Exposé des prétentions des parties
Par dernières conclusions reçues le 21 juin 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens de celles-ci, la société Floa demande à la cour de :
– infirmer le jugement dans toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
– condamner M. [Z] à lui régler la somme de 13 384,65 euros arrêtée au 15 juin 2021 avec intérêts au taux de 5,46 % par an sur la somme de
11 554,35 euros et au taux légal sur le surplus ;
– condamner M. [Z] à lui régler la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et aux dépens de première instance ;
Y ajoutant,
– condamner M. [Z] au paiement de la somme de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles d’appel et aux dépens d’appel.
A l’appui de ses prétentions, l’appelante fait principalement valoir qu’elle justifie des conditions dans lesquelles la signature électronique a été recueillie par la production de l’enveloppe de preuve et du fichier de preuve.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la validité de la signature électronique
Selon l’article 1366 du code civil, l’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité.
Aux termes de l’article 1367 du code civil, la signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de l’acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l’authenticité à l’acte. Lorsqu’elle est électronique, elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garantie.
L’article 1er du décret n°2017-1417 du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique dispose que la fiabilité d’un procédé de signature électronique est présumée, jusqu’à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en oeuvre une signature électronique qualifiée. Est une signature électronique qualifiée une signature électronique avancée, conforme à l’article 26 du règlement UE n°910/2014 du 23 juillet 2014 et créée à l’aide d’un dispositif de création de signature électronique qualifié répondant aux exigences de l’article 29 dudit règlement, qui repose sur un certificat qualifié de signature électronique répondant aux critères de l’article 28 de ce règlement.
En l’espèce, la société Floa verse aux débats l’enveloppe de preuve émise par la société DocuSign France, prestataire de service de certification électronique, qui atteste que M. [P] [S] a signé électroniquement le contrat le 23 juillet 2019 à 14h03, ainsi que le fichier de preuve Protect&Sign qui décrit précisément les états successifs du document issus de chacune des étapes du processus de signature et qui comporte les éléments d’identification du signataire, notamment son adresse de messagerie électronique.
L’appelante produit également l’attestation de conformité de l’archive établie par la société Cdc Arkhineo qui garantit l’intégrité de l’acte signé électroniquement.
Il résulte de ces documents que le signataire a procédé le 23 juillet 2019 à la signature électronique en s’authentifiant à l’aide d’un code transmis par sms par le service Protect & Sign.
L’enveloppe de preuve comporte le nom du signataire, la description du procédé de signature, l’heure de chacune des opérations ainsi que la référence de la transaction.
La fiche intitulée ‘Parcours client-Trust and Sign’ décrit les principales étapes du processus de signature ainsi qu’il suit :
– 8 juillet 2019 : création du dossier, lecture des contrats au format PDF, acceptation du protocole de consentement et envoi de la carte nationale d’identité, du RIB et des bulletins de salaire de M. [Z] ;
– 11 juillet 2019 : envoi d’une facture d’un fournisseur d’eau, d’électricité ou de téléphonie ;
– 18 juillet 2019 : envoi d’un justificatif de domicile ;
– 23 juillet 2019 : signature électronique du contrat.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la fiabilité de ce procédé est présumée, la preuve contraire ne pouvant être rapportée que par le signataire de l’acte.
Il s’en déduit que le contrat de prêt électronique signé le 23 juillet 2019 a la même force probante qu’un écrit sur support papier et que c’est à tort que le premier juge a estimé que la preuve de l’intégrité du contrat liant les parties était insuffisamment rapportée.
Le jugement déféré doit en conséquence être infirmé dans ses dispositions ayant débouté le prêteur de son action en paiement.
Sur la demande en paiement du solde du prêt
Aux termes de l’article L. 312-39 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au contrat souscrit le 8 juillet 2019, en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date de règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil est fixée suivant un barème déterminé par décret.
Ces dispositions sont rappelées à l’article 5.3 des conditions du contrat versé aux débats.
En l’espèce, le prêteur verse aux débats les pièces suivantes :
– le contrat de crédit signé électroniquement le 23 juillet 2019,
– le tableau d’amortissement,
– le justificatif de la consultation du FICP effectuée le 8 juillet 2019,
– la fiche de dialogue relative aux revenus et aux charges de l’emprunteur et les justificatifs y afférents,
– la notice d’information et de conseil relative à l’assurance,
– la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées,
– la fiche intermédiaires en opérations de banque et services de paiement,
– l’historique complet du compte,
– la lettre de mise en demeure préalable à la déchéance du terme,
– la lettre de notification de la déchéance du terme,
– le décompte de la créance arrêté au 15 juin 2021.
Il résulte de ces pièces qu’à la suite de la déchéance du terme prononcée par le prêteur en l’absence de régularisation des mensualités impayées, l’ensemble des sommes dues est devenu exigible et la société Floa est fondée à solliciter le paiement des sommes suivantes :
– 11 554,35 euros au titre du capital restant dû,
– 637,35 euros au titre des intérêts échus au 15 juin 2021,
– 268,60 euros au titre des primes d’assurance impayées,
– 924,35 euros au titre de l’indemnité contractuelle de défaillance,
Soit la somme de 13 384,65 euros au paiement de laquelle il convient de condamner M. [Z], outre les intérêts au taux de 5,46 % sur la somme de
11 554,35 euros et au taux légal pour le surplus à compter du 16 juin 2021.
Sur les frais et dépens
Les dispositions du jugement déféré à ce titre seront infirmées.
M. [Z] devra supporter la charge des dépens de première instance et d’appel et sera condamné à verser à la société Floa la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement dans toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Condamne M. [P] [S] à verser à la Sa Floa la somme de
13 384,65 euros, outre les intérêts au taux de 5,46 % sur la somme de
11 554,35 euros et au taux légal pour le surplus à compter du 16 juin 2021 ;
Condamne M. [P] [S] aux dépens de première instance ;
Condamne M. [P] [S] à verser à la Sa Floa la somme de
500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance ;
Y ajoutant,
Condamne M. [P] [S] aux dépens d’appel ;
Condamne M. [P] [S] à verser à la Sa Floa la somme de
800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d’appel.
Le greffier La présidente