COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 53B
1re chambre 2e section
ARRET N°
PAR DEFAUT
DU 21 MARS 2023
N° RG 22/00186 – N° Portalis DBV3-V-B7G-U6DU
AFFAIRE :
S.A. CARREFOUR BANQUE
C/
M. [R] [V]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Août 2021 par le Tribunal de proximité de Saint Germain en Laye
N° RG : 11-21-000010
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 21/03/23
à :
Me Jack BEAUJARD
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT ET UN MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A. CARREFOUR BANQUE
N° SIRET : 313 .811.515 RCS EVRY
Ayant son siège
[Adresse 3]
[Localité 4]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Maître Jack BEAUJARD de la SELAS DLDA AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 543 – N° du dossier 20220307 –
Représentant : Maître Christofer CLAUDE de la SELAS REALYZE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R175
APPELANTE
****************
Monsieur [R] [V]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Assigné par Procès-Verbal de recherches infructueuses (article 659 du code de procédure civile)
INTIME DEFAILLANT
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 24 Novembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
Madame Michèle LAURET, Conseillère chargée du secrétariat général,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
EXPOSE DU LITIGE
Le 16 janvier 2018, un contrat de crédit personnel n°51119868499002 a été conclu électroniquement au nom de M. [R] [V] auprès de la société Carrefour Banque, portant sur un capital de 9.500 euros.
Par acte de commissaire de justice délivré le 9 décembre 2020, la société Carrefour Banque a assigné M. [V] devant le juge des contentieux de la protection de [Localité 5] aux fins d’obtenir sa condamnation, sous le bénéfice de l’exécution provisoire à lui payer les sommes suivantes :
– 9 629,71 euros avec les intérêts au taux de 5,68 % à compter du 2 octobre 2019 et leur capitalisation,
– 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Par jugement réputé contradictoire du 26 août 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Saint-Germain-en-Laye a :
– débouté la société Carrefour Banque de sa demande de condamnation au paiement dirigée contre M. [V] en exécution du crédit du 16 janvier 2018 n°51119868499002,
– débouté la société Carrefour Banque de sa demande formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Carrefour Banque aux dépens,
– constaté l’exécution provisoire.
Par déclaration reçue au greffe le 11 janvier 2022, la société Carrefour banque a relevé appel de ce jugement. Aux termes de ses conclusions signifiées le 23 mars 2022, elle demande à la cour de :
– la déclarer recevable et bien fondée en son appel du jugement rendu le 26 août 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Saint-Germain-en-Laye,
Y faisant droit,
– annuler le jugement du 26 août 2021 en raison de l’excès de pouvoir du juge,
– dire que la cour se trouve saisi de l’entier litige par la dévolution au visa de l’article 562 du code de procédure civile,
En conséquence,
– juger qu’elle rapporte parfaitement la preuve de la validité et de la fiabilité de la signature électronique du contrat de crédit du 16 janvier 2018,
– juger qu’elle rapporte parfaitement la preuve de la signature électronique par M. [V] à l’offre de crédit du 16 janvier 2018,
– condamner M. [V] à lui payer la somme de 9 629,71 euros avec intérêts au taux conventionnel de 5,68 % à compter du 2 octobre 2019, date de la mise en demeure et jusqu’à parfait paiement,
A titre subsidiaire vu les articles 1361 et suivants du code civil,
– réformer le jugement en ce qu’il a soulevé d’office une prétendue signature non conforme au regard des dispositions des articles 1366 et 1367 du code civil et ce en l’absence même de toute contestation par M. [V],
– réformer le jugement en ce qu’il a considéré qu’elle ne rapportait pas suffisamment la preuve que M. [V] est bien le signataire du contrat de crédit du 16 janvier 2018 n°51119868499002,
– réformer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande en paiement à l’encontre de M. [V] au titre du contrat de crédit du 16 janvier 2018 n° 51119868499002,
En conséquence et à titre subsidiaire,
– condamner M. [V] à lui payer la somme de 9 629,71 euros avec intérêts au taux conventionnel de 5,68 % à compter du 2 octobre 2019, date de la mise en demeure et jusqu’à parfait paiement,
A titre infiniment subsidiaire et vu les articles 1302 et suivants du code civil,
– condamner M. [V] à lui payer la somme de 7 928,88 euros correspondant au montant du capital versé déduction faite des échéances réglées (9 500 ‘ 1 571,12) avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,
En tout état de cause,
– condamner M. [V] à lui payer la somme de 1 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [V] aux entiers dépens par application de l’article 699 du code de procédure civile, dont le recouvrement sera effectué par la SELAS DLDA Avocats représentée par Maître Jack Beaujard, avocat au Barreau des Hauts-de-Seine.
M. [V] n’a pas constitué avocat. Par acte d’huissier de justice délivré le 15 février 2022, la déclaration d’appel lui a été signifiée selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile. Par acte d’huissier de justice délivré le 29 mars 2022, les conclusions de l’appelant lui ont été signifiées selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 20 octobre 2022.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la validité de l’offre de crédit
Conformément à l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
Au soutien de son appel, la société Carrefour Banque fait valoir que :
– le premier juge ne pouvait pas relever d’office l’article 1367 du code civil ni les dispositions du décret n° 2001-272 du 30 mars 2002 et ne pouvait donc pas opposer d’office la question de la régularité de la signature électronique ;
– elle justifie des éléments démontrant la régularité de la signature électronique, étant précisé que M. [V] a renseigné l’offre de prêt ; ces informations permettent d’établir la mise en oeuvre d’une signature électronique sécurisée grâce à un dispositif sécurisé de création de signature électronique ; elle peut se prévaloir de la présomption de fiabilité du procédé de signature électronique utilisé jusqu’à preuve du contraire,
– de plus, M. [V] a payé les premières échéances sans contester la signature du prêt ni rapporté la preuve contraire du fiabilité du procédé de signature électronique.
Sur ce,
Le premier juge, en s’assurant de la bonne mise en oeuvre des dispositions applicables au contrat querellé, pour vérifier que la signature électronique présentée comme étant celle du débiteur non comparant présentait les garanties de fiabilité requises, n’a fait qu’assurer son office, conformément aux dispositions de l’article 472 du code de procédure civile. Il s’est assuré, dans le respect du principe contradictoire après avoir recueilli les observations de la banque, que les éléments versés permettaient l’identification de l’auteur de la signature.
Il convient de rejeter en conséquence la demande d’annulation du jugement déféré sur ce fondement.
Selon l’article 1366 du code civil, pris dans sa rédaction en vigueur à la date du contrat en litige, l’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité.
L’article 1367 du même code énonce que « la signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. (…) Lorsqu’elle est électronique, elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.»
En application de l’article 1 du décret 2017-1416 du 28 septembre 2017, qui se substitue au décret n° 2001-272 du 30 mars 2001, la fiabilité d’un procédé de signature électronique est présumée, jusqu’à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en ‘uvre une signature électronique qualifiée, au sens du règlement européen eIDAS du 23 juillet 2014.
La société appelante produit aux débats le fichier de preuve du contrat dont s’agit, créé par la société Opentrust, un certificat de conformité Opentrust, un certificat de conformité DocuSign ainsi qu’un guide juridique 0pentrust prestataire de service de certification électronique.
Aux termes ces documents, l’organisme de certification Opentrust atteste de la signature électronique de M. [V]. Ensuite, le document détaille le fichier de preuve et son contenu et notamment les différents documents ajoutés à la transaction, en pièces jointes sous format ‘.pdf’ et les différentes signatures apposées par M. [V] sur les documents présentés. La référence de la session de signature est reportée à chaque étape de la liste des opérations
Un document intitulé ‘attestation de signature électronique’ est également versé devant la cour et récapitule les différents documents signés électroniquement par M. [V], l’heure de signature et l’identifiant technique de transaction figurant également sur le document reprenant la chronologie de la transaction..
Ainsi, la société Carrefour Banque démontre-t-elle que le contrat a bien été signé de façon électronique, par M. [V] qui, pour signer électroniquement, s’est connecté à un serveur sécurisé sur son ordinateur et a réalisé ainsi une signature électronique par un mode sécurisé attesté par une société de services de certification électronique.
Le document qui reprend la chronologie de la transaction précise les différents documents visualisés par M. M. [V] emprunteur, à savoir le contrat, la synthèse des garanties, la fiche de dialogue, la fiche d’informations précontractuelles, la renonciation à l’assurance et enfin le bordereau de rétractation, et confirme que l’intimé a signé plusieurs documents, le contrat, la synthèse des garanties, la fiche de dialogue et la renonciation à l’assurance, avec l’indication que l’utilisateur a signé le document avec un certificat généré par le système en son nom.
La société Carrefour banque apporte la preuve de la signature du contrat par M. [V] , par voie électronique selon un mode sécurisé. Aucun élément des faits du litige ne permet de considérer que l’identité et la signature de l’emprunteur auraient été usurpées, ce d’autant que M. [V] a procédé au remboursement du crédit pendant plusieurs mois, sans contestation de sa part. Le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté la société carrefour Banque de ses demandes.
‘ Sur le montant de la créance
La société Carrefour Banque produit :
– le contrat de crédit du 16 janvier 2018,
– la fiche de dialogue
– une préconisation en réponse aux besoins en assurance de l’ emprunteur
– une notice d’assurance
– la FIPEN,
– la consultation du FICP,
– une convention de preuve de signature électronique
– un fichier de preuve Protect&Sign
– un tableau d’amortissement
– un historique de compte
– un détail de créance au 27 octobre 2020
– une lettre de mise en demeure préalable du 11 août 2019
– une lettre de mise en demeure de déchéance du terme du 2 octobre 2019
Il ressort des documents versés au débats que M. [V] est redevable envers la société carrefour Banque des sommes suivantes :
*1187,60 euros au titre des mensualités échues impayées
*160, 32 euros au titre d’une mensualité reportée
* 7668,32 euros au titre du capital restant dû,
*1 571,12 euros de versements à déduire.
La société Carrefour Banque sollicite également la condamnation de M. [V] à lui verser la somme de 613, 47 euros au titre de l’indemnité de résiliation.
Aux termes de l’article 1152 du code civil, lorsque le convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.
Il convient, pour apprécier d’office ou en cas de contestation, le montant contractuellement prévu de l’indemnité, de se référer à l’économie globale du contrat et à son équilibre, ainsi qu’à son application, et notamment au montant du crédit, à la durée d’exécution du contrat, au bénéfice déjà retiré par le prêteur, au taux pratiqué et au pourcentage fixé pour l’indemnité.
En l’espèce, compte tenu du montant et de la durée du prêt et du taux d’intérêt pratiqué, l’indemnité contractuelle de 8 % apparaît manifestement excessive au regard du bénéfice déjà retiré par le prêteur. Elle doit être réduite à un euro.
M. [V] est en conséquence condamné à payer à la société Carrefour Banque la somme de 7.445, 12 euros, assortie des intérêts au taux de 5,68 % à compter du 2 octobre 2019, outre 1 euro au titre de l’indemnité de résiliation.
– Sur les demandes accessoires
M. [V] est condamné aux dépens de première instance et d’appel, les dispositions prises sur les dépens de première instance étant infirmées. Ils pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La somme qui doit être mise à la charge de M. [V] au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance et en cause d’appel par la société Carrefour Banque peut être équitablement fixée à 1 000 euros.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Statuant par arrêt rendu par défaut et mis à disposition au greffe,
Rejette la demande d’annulation du jugement déféré,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Condamne M. [R] [V] à verser à la société Carrefour Banque la somme de 7.445,12 euros, assortie des intérêts au taux de 5,68 % à compter du 2 octobre 2019, outre 1 euro au titre de l’indemnité de résiliation,
Condamne M. [R] [V] à verser à la société Carrefour Banque la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [R] [V] aux dépens de première instance et d’appel, qui seront recouvrés, s’agissant des dépens d’appel, conformément à l’article 699 du code de procédure civile, par la SELAS DLDA Avocats représentée par Maître Jack Beaujard, Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine qui en a fait la demande.
– prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,