Bail d’habitation : 23 mars 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 20/02893

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Bail d’habitation : 23 mars 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 20/02893
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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 23/03/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 20/02893 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TDYX

Jugement (N° 18/05500)

rendu le 09 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANTE

Madame [C] [N]

née le 11 octobre 1955 à [Localité 6]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Karine Buchbinder-Botteri, avocat au barreau de Val-de-Marne, avocat plaidant

INTIMÉE

La SAS Gedira

prise en la personne de son président

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Franck Regnault, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

DÉBATS à l’audience publique du 02 janvier 2023 tenue par Bruno Poupet magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Bruno Poupet, président de chambre

Céline Miller, conseiller

Camille Colonna, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 23 mars 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 09 mai 2022

****

Mme [C] [N] a acquis le 19 septembre 2005 un appartement dans un immeuble vendu en l’état futur d’achèvement et situé [Adresse 7].

En 2007, elle en a confié la gestion à la SARL Capimmo, ayant pour nom commercial C@p’immo, laquelle, dans ce cadre, a conclu un bail d’habitation avec M. [G]. A compter de juillet 2013, le locataire a cessé de payer les loyers, ce dont il est résulté difficultés, démarches et procédures.

M. [G] a finalement libéré les lieux le 1er septembre 2017, Mme [N] a résilié le mandat de la société Capimmo le 19 décembre 2017 et a vendu l’appartement le 14 mai 2019.

Dans l’intervalle et par acte d’huissier du 21 septembre 2018, elle avait assigné les sociétés Capimmo et Gedira devant le tribunal de grande instance de Lille afin de les voir condamner solidairement à l’indemniser de fautes commises dans l’exercice de leur mandat, exposant que les documents qui lui avaient été adressés dans le cadre de celui-ci à compter de 2010 émanaient indifféremment de l’une ou de l’autre de ces sociétés, voire des deux ensemble.

Par jugement du 9 janvier 2020, le tribunal a:

– dit que la SARL Capimmo avait engagé sa responsabilité envers Mme [N] en raison de ses manquements dans l’exécution de son mandat de gérance,

– condamné ladite société à payer à Mme [N], à titre de dommages et intérêts, les sommes de :

* 2 400 euros pour la perte d’une chance d’éviter de supporter les frais inhérents à la propriété de l’appartement pendant 15 mois,

* 500 euros pour la perte d’une chance de recevoir de l’assureur l’indemnité de juillet et août 2017,

* 3 393,53 euros pour les frais engagés dans l’instance au fond,

* 200 euros pour la perte d’une chance de recouvrer sur M. [G] la réparation des dégradations locatives,

* 2 400 euros pour la perte d’une chance de percevoir l’indemnité de l’assurance pour la vacance locative,

* 3 000 euros pour le préjudice moral,

– dit que ces sommes porteraient intérêt au taux légal à compter du jugement,

– rejeté le surplus des demandes formées contre la SARL Capimmo,

– rejeté toutes demandes formées contre la SAS Gedira,

– condamné la SARL Capimmo à payer à Mme [N] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit n’y avoir lieu à aucune autre condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SARL Capimmo à supporter les dépens de l’instance.

Mme [N] a interjeté appel de ce jugement et, aux termes de ses dernières conclusions remises le 25 mai 2021, demande à la cour :

– de l’infirmer en ce qu’il a rejeté toutes ses demandes formées contre la SAS Gedira et dit n’y avoir lieu à aucune autre condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

statuant de nouveau,

– dire et juger que la société Gedira a engagé sa responsabilité envers elle en raison de manquements dans l’exécution de son mandat de gérance,

– condamner cette société, solidairement avec la société Capimmo, à lui verser, à titre de dommages et intérêts, les sommes au paiement desquelles cette dernière a été condamnée,

– débouter la société Gedira de l’intégralité de ses demandes et la condamner à lui régler la somme de 2’960 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, y incluant le timbre fiscal de 225 euros, avec droit pour la SCP Processuel de se prévaloir des dispositions de l’article 699 du même code.

La société Gedira, par conclusions remises le 22 février 2021, demande pour sa part à la cour, abstraction faite de redondances et de demandes de constat qui ne sont pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile :

– à titre principal, de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté toutes les demandes formées à son encontre,

– à titre incident et reconventionnel, d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau, de condamner Mme [C] [N] à lui verser à ce titre la somme de 4 756 euros,

– de condamner également celle-ci aux dépens autres que ceux relatifs au timbre fiscal, ces derniers étant inclus dans les factures justifiant la demande au titre de l’article 700 susvisé.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé de leur argumentation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient de rappeler à titre liminaire qu’aux termes de l’article 12 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu’il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. L’article 16 lui impose néanmoins de faire observer et d’observer lui-même le principe de la contradiction en toutes circonstances.

Mme [N] expose que si elle a donné un mandat de gestion à la société Capimmo, c’est ensuite essentiellement avec la société Gedira, agissant tantôt sous son nom seul tantôt avec l’enseigne C@p’immo, qu’elle a été en relations à propos de la gestion de son appartement, émettant l’hypothèse d’une cession de contrat entre les deux sociétés que conteste la société Gedira.

Cette dernière conclut au rejet des demandes de Mme [N] à son encontre en arguant d’une absence de lien contractuel entre elles, soulignant en outre qu’elle exerce son activité dans la région lyonnaise.

Il a donc été débattu contradictoirement de la question de l’existence d’un lien contractuel entre les parties et, le cas échéant, de sa qualification.

En vertu de l’ancien article 1165 du code civil, en vigueur à la date de conclusion du contrat de gérance dont il s’agit, comme de l’article 1199, en vigueur depuis le 1er octobre 2016, les conventions ne créent d’obligations qu’entre les parties contractantes.

Il n’est pas contesté que les sociétés Capimmo et Gedira sont deux personnes morales distinctes, ayant chacune un numéro d’inscription au registre du commerce et des sociétés de Lille-Métropole.

Le mandat de gérance versé aux débats, qui n’est ni daté ni signé mais dont il n’est pas discuté qu’il a été conclu en 2007, l’a été entre Mme [N] et la société Capimmo.

Toutefois, la société Gedira ne peut affirmer de bonne foi que Mme [N] l’a mise en cause «’pour des raisons inexpliquées’» et que celle-ci commet «’une grave confusion’».

Mme [N] verse en effet aux débats divers documents relatifs à la gestion de son appartement émanant de Gedira, notamment :

– un courrier du 10 octobre 2010 lui adressant le contrat de location conclu avec M. [G] en vertu du contrat de gérance et un courrier du 31 août 2015 lui transmettant un chèque de son assureur au titre de la garantie des loyers impayés, rédigés sur son papier à lettre, avec son numéro de RCS, mais portant également le nom commercial C@p’immo et le tampon de Capimmo,

– une lettre-virement du 6 octobre 2017 relative à la location de l’appartement,

– plusieurs avis d’échéance de loyer adressés au locataire de l’appartement, M. [G], établis par la société Gedira.

Elle produit également une lettre d’un huissier de justice à son conseil, en date du 5 décembre 2017, l’informant de ce que M. [G] a restitué les clés de l’appartement «’à un représentant de la société Gedira, société qui gère le bien pour le compte de Mme [N]’».

Or, les extraits Kbis des deux sociétés révèlent que, depuis leur origine, Mme [V] [K], mentionnée par le contrat de gérance comme représentant la société Capimmo pour sa conclusion, est la gérante de celle-ci et la présidente de Gedira et que pendant quasiment toute la durée du mandat de gestion, elles avaient la même adresse, [Adresse 1].

La société Gedira expose au demeurant dans ses conclusions que durant plusieurs années, Mme [K], gérante de Capimmo dans le Nord et associée de Gedira à [Localité 5] (Rhône), a exercé directement au sein de la société Capimmo ses fonctions d’agent immobilier mais que la société Gedira, située dans le sud, a connu un fort développement, si bien que Mme [K] a été amenée à y consacrer de plus en plus de temps à compter de 2015.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que si «’confusion’» il y a, elle est bien le fait de la société Gedira, probablement en raison d’une absence de rigueur de Mme [K], et que, si le mandat de gérance a été conclu par Mme [N] avec la société Capimmo, la mission du mandataire a été remplie également, et même principalement, par la société Gedira, y compris depuis son siège de [Localité 5].

Plusieurs courriers adressés par Mme [N] à la société Gedira révèlent qu’elle-même considérait celle-ci comme son interlocutrice naturelle.

Les pièces produites par Mme [N] permettent donc d’apporter la preuve d’une relation contractuelle entre les parties, à savoir un mandat tacite accordé à la société Gedira, concomitant au mandat écrit confié à la société Capimmo.

Il ressort des pièces du dossier et de la motivation du jugement, au regard des considérations qui précèdent, que les fautes du mandataire caractérisées par les premiers juges sont autant, si ce n’est plus, le fait de la société Gedira que de la société Capimmo et que sa responsabilité est donc engagée dans les mêmes conditions, l’indemnisation allouée à Mme [N] n’étant pas discutée. Il y a donc lieu de faire droit aux demandes de condamnation de l’intimée au paiement des mêmes sommes.

Il est constant que quand il y a participation de plusieurs à un fait dommageable, la réparation doit en être ordonnée pour le tout contre chacun s’il est impossible de déterminer la proportion dans laquelle chaque faute a concouru à produire le dommage subi par la partie lésée. Aussi y a-t-il lieu en l’espèce de dire que la société Gedira sera tenue au paiement des indemnités allouées à Mme [N] in solidum avec la société Capimmo.

Il ressort des termes de l’article 695 du code de procédure civile que le timbre fiscal de 225 euros mis à la charge des parties dans le cadre des procédures d’appel avec représentation obligatoire fait partie des dépens.

Vu les articles 696, 699 et 700 du même code.

PAR CES MOTIFS

La cour

infirme le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté toutes les demandes de Mme [N] dirigées contre la société Gedira,

statuant à nouveau, condamne ladite société à payer à Mme [N], à titre de dommages et intérêts, les sommes de :

* 2 400 euros pour la perte d’une chance d’éviter de supporter les frais inhérents à la propriété de l’appartement pendant 15 mois,

* 500 euros pour la perte d’une chance de recevoir de l’assureur l’indemnité de juillet et août 2017,

* 3 393,53 euros pour les frais engagés dans l’instance au fond,

* 200 euros pour la perte d’une chance de recouvrer sur M. [G] la réparation des dégradations locatives,

* 2 400 euros pour la perte d’une chance de percevoir l’indemnité de l’assurance pour la vacance locative,

* 3 000 euros pour le préjudice moral,

lesdites sommes portant intérêt au taux légal à compter de ce jour,

dit que la société Gedira est tenue au paiement de ces sommes in solidum avec la société Capimmo qui y a été condamnée par le jugement susvisé non frappé d’appel de ce chef,

confirme le jugement en ce qu’il a débouté la société Gedira de sa demande d’indemnité pour frais irrépétibles et la déboute de sa demande présentée à ce titre en cause d’appel,

la condamne aux dépens, incluant le timbre fiscal de 225 euros, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Processuel, et au paiement à Mme'[C]'[N] d’une indemnité de 2 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier

Delphine Verhaeghe

Le président

Bruno Poupet

 


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