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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 3 – Chambre 1
ARRET DU 05 AVRIL 2023
(n° 2023/ , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/17033 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEMUP
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Septembre 2021 – Tribunal Judiciaire de PARIS – RG n° 20/37082
APPELANT
Monsieur [P] [S] [C]
né le 04 Septembre 1958 à [Localité 4] (PAYS-BAS)
[Adresse 1]
[Localité 7]
représenté par Me Myriam MOUCHI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0062
INTIMEE
Madame [O] [J] [K]
née le 28 Février 1975 à [Localité 6] (45)
[Adresse 2]
[Localité 7]
représentée par Me Delphine MAILLET, avocat au barreau de PARIS, toque : A0117
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Patricia GRASSO, Président, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Patricia GRASSO, Président
Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller
Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.
***
EXPOSE DU LITIGE :
Pendant leur concubinage, M. [P] [C] et Mme [O] [K] ont acquis en indivision par parts égales, un bien immobilier situé [Adresse 3] (78).
Ce bien a été vendu le 1er juin 2017. La somme de 428 997,75 euros, le reliquat du prix de vente, a été séquestré entre les mains du notaire, Maître [W] [U].
Par acte d’huissier du 26 juillet 2018, M. [C] a assigné Mme [K] devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir ordonner l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage judiciaire de l’indivision existant entre les parties.
Par jugement du 20 mai 2020, la 2ème chambre civile du tribunal judiciaire de Paris s’est déclarée matériellement incompétente pour statuer sur le litige au profit du juge aux affaires familiales du même tribunal sur le fondement de l’article L. 213-3 du code de l’organisation judiciaire, s’agissant de la liquidation d’une indivision entre concubins.
Par jugement du 6 septembre 2021, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Paris a statué dans les termes suivants :
-ordonne l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l’indivision ayant existé entre M. [C] et Mme [K],
-déboute M. [C] de sa demande de fixation de créance sur Mme [K],
-fixe au profit de l’indivision une créance sur Mme [K] au titre de l’indemnité d’occupation relative au bien indivis d’un montant de 23 800 euros,
-invite Maître [W] [U], notaire à [Localité 5], constitué séquestre, à déconsigner les sommes suivantes au profit de chacun des coïndivisaires :
*226 398,87 euros au profit de M. [C],
*202 598,87 euros au profit de Mme [K],
-condamne les parties à un partage par moitié des dépens exposés à ce jour,
-ordonne l’exécution provisoire du présent dispositif.
M. [P] [C] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 28 septembre 2021.
Aux termes de ses uniques conclusions notifiées le 21 octobre 2021, l’appelant demande à la cour de :
-dire et juger M. [C] recevable et bien fondé en son appel,
-infirmer le jugement du 6 septembre 2021 en ce qu’il a débouté M. [C] de sa demande de fixation d’une créance au titre du prêt à l’encontre de Mme [K] et réduit l’indemnité d’occupation à compter du 1er septembre 2016,
statuant de nouveau,
-dire et juger que Mme [K] devra rembourser M. [C] la somme de 76 250 euros correspondant à la moitié de la quote-part avancée par M. [C] pour le compte de Mme [K] au titre de l’acquisition du bien,
-dire et juger que Mme [K] est redevable d’une somme totale de 36 750 euros à titre d’indemnité d’occupation sur la période courant entre le mois de septembre 2015 et le mois de mai 2017,
-dire et juger que le solde du prix de vente, déduction faite du remboursement de la créance détenue par M. [C] et de l’indemnité d’occupation lui revenant, sera partagé par moitié entre M. [C] et Mme [K],
à titre subsidiaire,
-désigner Maître [W] [U], notaire à [Localité 5], ou tout notaire qu’il plaira au tribunal (sic), afin de procéder à la liquidation de l’indivision, à charge pour le notaire de déposer son rapport dans un délai maximal de 4 mois à compter de la décision à intervenir,
-dire et juger dans cette hypothèse que la consignation sera réglée par moitié entre les parties,
en tout état de cause,
-ordonner l’exécution provisoire de la décision à venir,
-condamner Mme [K] au paiement d’une somme de 3 000 euros en l’application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
Aux termes de ses uniques conclusions notifiées le 4 novembre 2021, Mme [O] [K], intimée, demande à la cour de :
à titre principal,
-confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [C] de sa demande de créance,
statuant à nouveau,
-débouter M. [C] de sa demande d’indemnité d’occupation,
-dire et juger que le notaire devra établir un acte de partage conforme au titre, chacun des ex-concubins devant percevoir 50% du prix de vente,
subsidiairement,
-dire et juger que la moitié de l’indemnité d’occupation due à l’indivision revient à Mme [K] soit 11 900 euros,
-désigner au besoin tel notaire qu’il plaira en vue d’établir des opérations de comptes, liquidation et partage de l’indivision ayant existé entre Mme [K] et M. [C], les comptes devant intégrer les dépenses de vie courante et de nourrice exposées par Mme [K] dans l’intérêt de la famille pour toute la durée de la vie commune,
-dire que les frais d’expertise doivent être à la charge de M. [C],
en tout état de cause,
-condamner M. [C] à verser à Mme [K] une somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 31 janvier 2023.
L’affaire a été appelée à l’audience du 22 février 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, il sera rappelé qu’en vertu de l’article 562 du code de procédure civile, l’appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
Dès lors, eu égard aux termes circonscrits de la déclaration d’appel et des premières conclusions de l’intimée portant appel incident, l’effet dévolutif n’a opéré que pour les chefs de dispositif du jugement frappé d’appel ayant débouté Monsieur [C] de sa demande de fixation de créance sur Madame [K] et fixé au profit de l’indivision une créance sur Madame [K] au titre de l’indemnité d’occupation relative au bien indivis d’un montant de 23 800 euros.
Sur la créance de Monsieur [C] au titre du prêt
Pour acquérir le bien devant constituer leur domicile commun, les parties ont souscrit deux prêts :
– prêt n°70042623302 pour un capital emprunté de 600 000 euros avec des mensualités de remboursement de 3 019,85 euros et une assurance décès invalidité de 147 euros par mois,
– prêt n°70042623311 pour un capital emprunté de 300 000 euros avec des mensualités de remboursement de 1 509,93 euros et une assurance décès invalidité de 73,50 euros par mois.
Monsieur [C] fait valoir que compte tenu alors d’une disparité dans les conditions de ressources, il a assumé le paiement effectif des 2/3 des crédits immobiliers à charge de compte ultérieur entre les parties ; que le règlement des quotes-parts de propriétés doit correspondre aux droits respectifs des parties dans le bien et qu’il n’a jamais été envisagé entre les concubins une quelconque intention libérale de sa part.
Il reproche au tribunal d’avoir considéré qu’il existait une volonté commune de partager les dépenses de la vie courante, sans qu’il n’y ait lieu à établissement de compte entre les parties, ce qui produit selon lui un enrichissement sans cause de Madame [K] à son préjudice.
Madame [K] répond qu’en plaidant qu’il n’avait aucune intention libérale, Monsieur [C] semble considérer comme normal que sa concubine ait élevé les enfants, payé les charges de la vie courante dont les nourrices, tandis qu’il capitalisait des revenus et obtenait une créance sur elle en contrepartie des services rendus.
Elle soutient avoir réglé 119 792 € de frais de garde après déduction fiscale et que si Monsieur [C] réglait les sorties, le gaz, l’électricité, c’est elle qui réglait la grande majorité des frais de vie courante car il était souvent en déplacement professionnel et qu’elle habillait les enfants, les nourrissait, s’occupait de leurs frais médicaux, etc, les gardait y compris [T], fille de son concubin, lorsque celle-ci n’était pas avec sa mère.
En vertu de l’article 815-13 du code civil, lorsqu’un indivisaire a amélioré à ses frais l’état d’un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l’équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l’aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des impenses nécessaires qu’il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu’elles ne les aient point améliorées. Le remboursement de l’emprunt contracté lors de l’acquisition du bien indivis constitue une dépense de conservation.
Pour les époux séparés de biens ou les partenaires de Pacs, le financement de la part de l’autre dans le logement acquis en indivision ne permet pas la revendication d’une créance lors de la séparation, sauf pour l’époux ou le partenaire à apporter la preuve que les paiements n’ont pas été proportionnés à ses facultés contributives.
Aucune disposition légale ne règle cependant la contribution des concubins aux charges de la vie commune, de sorte que chacun d’eux doit, en l’absence de volonté exprimée à cet égard, supporter les dépenses de la vie courante qu’il a engagées.
Ainsi un concubin qui, pendant la vie commune, a remboursé les échéances d’un emprunt bancaire souscrit pour financer l’acquisition du bien indivis servant de résidence principale aux deux concubins, l’a fait au titre des dépenses de la vie courante.
En l’absence de disposition légale régissant la contribution des concubins aux charges de la vie commune, le juge ne peut donc pas considérer qu’un concubin aurait participé davantage aux charges de la vie commune que l’autre et il n’y a donc pas lieu d’examiner les facultés contributives des parties.
En l’espèce, la participation de chacun des concubins aux charges repose sur leur accord de volonté, tacite, en l’absence de rédaction d’une convention de concubinage.
Au cours de la vie commune, les parties avaient en effet mis en place deux comptes joints approvisionnés par chacun d’eux et permettant de régler les échéances du crédit et certaines dépenses communes dont les frais de garde des enfants, les sorties, le gaz, l’électricité, selon une répartition résultant de leur accord tacite.
Madame [K] a également effectué des dépenses depuis son compte propre, certes pour ses dépenses personnelles mais également pour les dépenses de vie courante compressibles ou imprévisibles de la famille comme l’habillement, la nourriture ou les frais médicaux, puisqu’elle assumait principalement la garde des enfants au quotidien, Monsieur [C] voyageant beaucoup dans le cadre de sa profession.
Cette organisation suffit à démontrer qu’il existait une volonté commune de partager les dépenses de la vie courante de sorte que Monsieur [C] devait conserver la charge majoritaire des échéances du prêt immobilier, sans qu’il y ait lieu à établissement de comptes entre les concubins sur ce point.
Il est enfin rappelé que les modalités de remboursement du prêt immobilier sont sans incidence sur les droits de propriété indivis tels qu’ils résultent de l’acte d’acquisition de sorte qu’au vu des éléments ci-dessus retenus et du fait que pendant la vie commune Monsieur [C] a ainsi été logé, ses paiements étant une contrepartie des avantages dont il a profité pendant la période du concubinage, il n’y a pas eu d’enrichissement sans cause de Madame [K].
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [C] de sa demande de fixation de créance sur Mme [K].
Sur l’indemnité d’occupation due par Madame [K]
Le tribunal a fixé une indemnité d’occupation de 2 800 € du 1er septembre 2016 au 17 mai 2017.
Madame [K] demande à la cour de réformer le jugement entrepris et de débouter Monsieur [C] de sa demande d’indemnité d’occupation, faisant valoir qu’elle n’a pas joui privativement de la maison mais a bénéficié du logement familial dans le cadre d’une obligation naturelle familiale.
Monsieur [C] demande à la cour de fixer l’indemnité d’occupation à la somme de 3 500 € par mois de septembre 2015 à mai 2017 inclus.
Aux termes de l’article 815-9 du code civil, un indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité.
En l’espèce, Monsieur [C] a quitté le domicile le 10 août 2015 pour s’établir dans une location, tandis que Madame [K] est restée dans la maison avec les enfants et ce d’un commun accord jusqu’à son entrée dans une location à [Localité 7] dans le courant du mois de mai 2017, date de la vente du bien indivis.
Par mail en date du 25 janvier 2016, Madame [K] a écrit à Monsieur [C] :
« sur la base de mes ajustements (coût nounou + frais divers) j’accepte ta proposition de 1360 euros de pension alimentaire à partir de la date de vente de la maison.
– En complément, tu gardes à ta charge les frais de cantine et d’école
– les activités périscolaires (loisirs) sont à 50 %/50 % entre toi et moi. »
Madame [K] était ainsi d’accord pour la mise en place d’une contribution du père à compter de la vente de la maison, c’est à dire à compter du moment où elle aurait également des dépenses de logement à sa charge, précisant également qu’elle solliciterait 1’aide du père aussi avant la vente du bien si cette vente intervenait trop tardivement.
Monsieur [C] reproche au tribunal d’avoir conclu de cet échange qu’il existait ainsi une convention entre les parties relative à une jouissance exclusive à titre gratuit du bien indivis par la mère avec les enfants au titre de la contribution à l’entretien et l’éducation du père.
Toutefois, ce n’est que le 19 septembre 2016 que les parties sont convenues par convention parentale de fixer une contribution du père à l’entretien des enfants à compter du 1er septembre 2016 et le tribunal a donc fait une exacte appréciation de l’accord des parties selon lequel entre le 10 août 2015 et 1er septembre 2016, la contribution du père se faisait par l’occupation gratuite du logement indivis et qu’elle se faisait ensuite par la voie du versement d’une somme mensuelle, mettant ainsi fin à l’occupation gratuite.
Ainsi le jugement sera confirmé en ce qu’il a retenu la période du 1er septembre 2016 au 17 mai 2017.
Monsieur [C] fait valoir que la valeur locative du bien immobilier a été estimée à la somme de 3 500 € par mois selon attestation de l’agence Immobilière Havilland du 23 mai 2017.
Force est de constater que c’est exactement la valeur locative retenue par le tribunal qui y a à bon droit appliqué, pour fixer l’indemnité d’occupation à 2 800 € par mois, non contestée, à titre subsidiaire, par Madame [K], un abattement de précarité de 20 % justifié par l’absence de garanties légales liées au bail d’habitation.
Cette indemnité d’occupation est une créance de l’indivision, et le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a fixé au profit de l’indivision une créance sur Mme [K] au titre de l’indemnité d’occupation relative au bien indivis d’un montant de 23 800 euros.
C’est par un calcul exact que le premier juge a donc réparti le prix de vente du bien, soit 428 997,75 euros, à hauteur de 226 398,87 euros au profit de M. [C] et 202 598,87 euros au profit de Mme [K].
Sur les demandes accessoires
L’équité ne justifie pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’une ou de l’autre des parties.
Eu égard à la nature du litige, il convient d’ordonner l’emploi des dépens en frais généraux de partage et de dire qu’ils seront supportés par les copartageants dans la proportion de leurs parts dans l’indivision.
Il n’y a pas lieu de statuer sur l’exécution provisoire, la décision de la cour n’étant susceptible que d’un pourvoi en cassation non suspensif.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement en tous ses chefs de dispositif dévolus à la cour ;
Dit n’y avoir lieu à indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne l’emploi des dépens en frais généraux de partage et dit qu’ils seront supportés par les copartageants dans la proportion de leurs parts dans l’indivision.
Le Greffier, Le Président,