Bail d’habitation : 6 avril 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 22/04369

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Bail d’habitation : 6 avril 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 22/04369
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délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre civile

ARRET DU 06 AVRIL 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 22/04369 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PQ2O

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 22 JUIN 2022

JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE MONTPELLIER N° RG 22/000371

APPELANT :

Monsieur [P] [E]

né le [Date naissance 3] 1972 au MAROC

de nationalité Marocaine

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représenté par Me FERRACCI substituant Me Nicolas GALLON, avocat au barreau de MONTPELLIER

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/008101 du 27/07/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

INTIMEE :

Madame [S] [Z]

née le [Date naissance 1] 1958

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Christelle GIRARD, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 14 Février 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 FEVRIER 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Virginie HERMENT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Eric SENNA, Président de chambre

Madame Myriam GREGORI, Conseiller

Mme Virginie HERMENT, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Laurence SENDRA

ARRET :

– Contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Eric SENNA, Président de chambre, et par M. Salvatore SAMBITO, Greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 21 octobre 2009, Mme [S] [Z] a donné à bail à M. [P] [E] un appartement situé [Adresse 2], à [Localité 4], moyennant le paiement d’un loyer d’un montant de 600 euros, outre une provision sur charges de 100 euros.

Le 29 mars 2021, Mme [S] [Z] a fait signifier un congé pour vendre à M. [P] [E] et à Mme [E].

Par acte d’huissier en date du 7 mars 2022, Mme [S] [Z] a fait assigner en référé M. [P] [E] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Montpellier afin qu’il constate la résiliation du bail d’habitation du 21 octobre 2009, à la date du 31 octobre 2021, qu’il ordonne la libération immédiate des locaux par M. [P] [E] et tous occupants de son chef, sous astreinte, qu’il ordonne leur expulsion et qu’il condamne M. [P] [E] au paiement d’une indemnité mensuelle d’occupation, à compter de la résiliation du bail jusqu’à la libération effective des lieux, ainsi qu’au paiement d’ une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes d’une ordonnance rendue le 22 juin 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Montpellier a :

– déclaré recevable l’action en référé,

– déclaré la procédure opposable à Mme [E],

– constaté l’échéance du bail conclu le 21 octobre 2009 entre Mme [S] [Z] et M. [P] [E], concernant l’immeuble à usage d’habitation situé [Adresse 2], à [Localité 4], à la date du 31 octobre 2021,

– déclaré en conséquence M. [P] [E] occupant sans droit ni titre des lieux situés à l’adresse ci-dessus mentionnée à compter du 1er novembre 2022,

– accordé à M. [P] [E] un délai de quatre mois pour quitter les lieux, ce délai commençant à courir à compter du 22 juin 2022 et s’achevant le 22 décembre 2022,

– dit qu’à l’issue de ce délai, à défaut pour M. [P] [E] d’avoir volontairement libéré les lieux dans les deux mois de la signification d’un commandement de quitter les lieux, il serait procedé à son expulsion, au besoin avec le concours de la force publique et l’aide d’un serrrurier, et il serait procédé au transport des meubles laissés dans les lieux, à ses frais, dans tel garde-meuble désigné par lui ou à défaut par la bailleresse,

– fixé au montant du loyer et des charges qui auraient été exigibles si le bail n’était pas arrivé à échéance, l’indemnité mensuelle d’occupation que M. [P] [E] devrait payer à compter de la date d’échéance du bail, soit le 31 octobre 2021, jusqu’à la date de la libération effective et définitive des lieux,

– débouté Mme [S] [Z] de ses autres demandes, et notamment de sa demande d’expulsion sous astreinte,

– condamné M. [P] [E] à payer à Mme [S] [Z] la somme de 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par déclaration en date du 16 août 2022, M. [P] [E] a relevé appel de cette ordonnance en ce qu’elle avait jugé la procédure d’expulsion opposable à Mme [E], avait constaté l’échéance du bail au 31 octobre 2021, l’avait déclaré occupant sans droit ni titre à compter de cette date, avait ordonné son expulsion, ne lui avait octroyé qu’un délai de quatre mois pour quitter les lieux et l’avait condamné au paiement d’une somme de 200 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 10 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, M. [P] [E] demande à la cour de :

– réformer la décision déférée et statuant à nouveau,

– dire et juger que la procédure d’expulsion est inopposable à Mme [M] [E], ce qui la rend caduque,

Subsidiairement,

– octroyer à Mme [E] et lui-même un délai de six mois leur permettant de demeurer dans les lieux dans l’attente d’une solution de relogement,

– débouter Mme [S] [Z] de ses demandes,

– laisser aux parties la charge de leurs dépens et frais de justice.

Il indique que la cotitularité du bail est consacrée par l’article 1751 du code civil qui prévoit que le droit au bail est censé appartenir à l’un et l’autre des époux, sans qu’aucune formalité ne soit exigée.

Il en déduit que la procédure d’expulsion doit être engagée contre les deux époux.

Il ajoute que l’article 9-1 de la loi du 6 juillet 1989 ne rend les notifications ou significations de plein droit opposables au conjoint du locataire que dans l’hypothèse où l’existence de ce partenaire ou de ce conjoint n’a pas été préalablement portée à la connaissance du bailleur. Il précise qu’en l’espèce, le fait que le congé pour vendre ait été délivré aux deux époux témoigne de ce que le bailleur était informé de la présence de l’épouse dans le logement, et que dès lors, le premier juge ne pouvait valablement lui reprocher de ne pas avoir informé la bailleresse de cette présence.

Il fait valoir que l’assignation n’a pas été délivrée à son épouse et qu’en conséquence la procédure d’expulsion lui est inopposable, ce qui la rend caduque.

Enfin, il mentionne que son épouse et lui sont conscients qu’ils doivent quitter les lieux, mais qu’ils sont de condition modeste et qu’au vu de leur situation, ils ne peuvent obtenir un logement que dans le parc locatif social.

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 3 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, Mme [S] [Z] demande à la cour de :

– confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance déférée,

– condamner M. [E] à lui payer une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Elle fait valoir que M. [E] n’a pas le pouvoir pour agir au nom de son épouse et interjeter appel. Elle ajoute que cette dernière, si elle entendait contester l’opposabilité de la procédure à son égard, aurait du intervenir volontairement à la présente instance ou former une tierce opposition.

Elle en déduit qu’à défaut d’intervention volontaire de Mme [E], l’appel doit être déclaré irrecevable concernant l’opposabilité de la procédure d’expulsion à cette dernière.

S’agissant de la demande de délais, elle précise qu’elle reprend les arguments par elle développés en première instance.

MOTIFS DE LA DECISION

L’appel interjeté dans les formes et délai de la loi est recevable.

A titre liminaire, la cour observe que ne sont critiquées que les dispositions de l’ordonnance rendue le 22 juin 2022 relatives à l’opposabilité de la procédure à l’épouse et à l’octroi de délais pour quitter les lieux.

Il résulte des dispositions de l’article 1751 du code civil que les deux époux co titulaires du bail doivent être rendus destinataires de tout acte influant sur le bail en cours, tels qu’un commandement de payer, une offre de renouvellement, un congé ou une assignation en justice, à peine d’inopposabilité au non destinataire.

En l’espèce, M. [E] soulève l’inopposabilité à son épouse de la procédure en résiliation du bail engagée par Mme [S] [Z], au motif qu’elle n’a pas été attraite en cette procédure, et invoque en conséquence la caducité de cette procédure.

Toutefois, la sanction d’une assignation qui aurait été délivrée en violation des droits d’un conjoint est l’inopposabilité de cet acte à celui qui n’en a pas été destinataire.

Ainsi, le défaut de mise en cause de Mme [E] n’est pas de nature à entraîner la caducité de la procédure en résiliation du bail, mais à permettre à celle-ci de soulever l’inopposabilité à son égard de la décision rendue dans le cadre de la procédure engagée par Mme [Z].

De plus, il est constant qu’en l’espèce, la bailleresse n’a assigné que M. [E] devant le juge des contentieux de la protection et que son épouse n’est pas intervenue à l’instance.

Cependant, M. [E] n’est pas recevable à invoquer la non opposabilité de la procédure en expulsion à son épouse, seule Mme [E] ayant la faculté de se prévaloir de l’inopposabilité de la procédure en résiliation du bail et en expulsion, du fait de l’absence d’assignation, ainsi que de la violation éventuelle des droits qu’elle détient en vertu de la co-titularité du bail en application des dispositions des articles 215 et 1751 du code civil.

Dès lors que M. [E] n’était pas recevable à demander que la procédure d’expulsion soit déclarée inopposable à son épouse, le premier juge ne pouvait statuer sur cette demande et déclarer la procédure opposable à Mme [E].

L’ordonnance déférée sera donc réformée en ce qu’elle a déclaré opposable à Mme [E] la procédure, et la demande tendant à voir déclarée la procédure inopposable à Mme M. [E] formée par son époux sera déclarée irrecevable.

S’agissant de la demande de délais formée par M. [E], l’article L. 412-3 du code des procédures civiles d’exécution dispose en son premier alinéa que le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation.

En l’espèce, M. [E] justifie que les revenus de son foyer sont composés des prestations versées par la caisse d’allocations familiales à hauteur de de 1 493, 59 euros et d’une allocation versée par Pôle emploi d’un montant de 1 147 euros. Il justifie également qu’il a trois enfants à sa charge, dont l’un présente des difficultés de mobilité.

Il établit du reste avoir sollicité un logement adapté dans le parc social.

Au regard des difficultés du foyer, qui sont donc établies, et du projet de vente du logement dont justifie l’intimée, c’est à juste titre que le premier juge a accordé à M. [E] un délai de quatre mois.

La décision déférée sera confirmée sur ce point.

M. [E], partie succombante, sera condamné aux dépens d’appel.

Il ne paraît pas inéquitable, au regard de la situation économique de l’appelant, bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale, de laisser à la charge de chacune des parties les frais par elle engagés en marge des dépens. Mme [S] [Z] sera donc déboutée de sa demande tendant à l’octroi d’une indemnité complémentaire en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Reçoit M. [P] [E] en son appel,

Infirme la décision déférée en ce qu’elle a déclaré la procédure opposable à Mme [E],

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable la demande de M. [P] [E] tendant à voir déclarer la procédure d’expulsion inopposable à Mme [E],

Confirme la décision déférée en toutes ses autres dispositions,

Y ajoutant,

Déboute Mme [S] [Z] de sa demande d’indemnité complémentaire formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [P] [E] aux dépens d’appel.

Le greffier Le président

 


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