Bail d’habitation : 11 avril 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/04321

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Bail d’habitation : 11 avril 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/04321
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ARRET

[L]

C/

[E]

MS/SGS/VB

COUR D’APPEL D’AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU ONZE AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS

Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : N° RG 21/04321 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IGQV

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL DE PROXIMITE D’ABBEVILLE DU ONZE JUIN DEUX MILLE VINGT ET UN

PARTIES EN CAUSE :

Madame [M] [L]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représentée par Me Arnaud EHORA de la SELARL S.FOUQUES,H.CABOCHE-FOUQUES ET A.EHORA, avocat au barreau d’AMIENS

APPELANTE

ET

Monsieur [I] [E]

né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 6]

de nationalité Portugaise

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me MERCIER substituant Me Gonzague DE LIMERVILLE de la SCP GONZAGUE DE LIMERVILLE – AVOCAT, avocats au barreau d’AMIENS

INTIME

DEBATS :

A l’audience publique du 14 février 2023, l’affaire est venue devant Mme Myriam SEGOND, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l’article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 11 avril 2023.

La Cour était assistée lors des débats de Madame Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de M. Pascal BRILLET, Président, M. Vincent ADRIAN et Mme Myriam SEGOND, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE DE L’ARRET :

Le 11 avril 2023, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Pascal BRILLET, Président de chambre et Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.

*

* *

DECISION :

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 20 octobre 2011, M. [E] a consenti à Mme [L] un bail d’habitation sur un appartement en duplex situé à [Adresse 5]. Ce bail a été renouvelé le 14 novembre 2014.

Le 1er octobre 2020, M. [E] a délivré à la locataire un commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire insérée au bail, avant saisine du tribunal de proximité d’Abbeville aux fins de résiliation, expulsion et paiement de diverses sommes.

Par jugement du 11 juin 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d’Abbeville a :

– constaté la résiliation du bail au 1er décembre 2020,

– ordonné l’expulsion de la locataire ainsi que tous occupants de son chef dans le délai de deux mois suivant un commandement d’avoir à quitter les lieux, au besoin avec l’assistance de la force publique,

– condamné Mme [L] à payer à M. [E] la somme de 4 843,21 euros au titre des loyers, charges et indemnités d’occupation impayés, échance de janvier 2021 incluse,

– fixé l’indemnité mensuelle d’occupation à un montant égal à la somme de 603,05 euros,

– condamné Mme [L] au paiement de l’indemnité d’occupation à compter de la résolution du bail et jusqu’à la libération effective des lieux,

– condamné Mme [L] à payer à M. [E] la somme de 350 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mme [L] aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer du 1er octobre 2020 et le coût de la dénonciation à la préfecture.

Par déclaration du 20 août 2021, Mme [L] a fait appel.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 4 janvier 2023.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions du 17 mai 2022, Mme [L] demande à la cour :

– d’infirmer le jugement,

– de débouter M. [E] de ses demandes,

– de condamner M. [E] à lui restituer le dépôt de garantie d’un montant de 540 euros,

– de lui accorder des délais de paiement de trois ans,

– de condamner M. [E] à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir, au visa de l’article 1219 du code civil, qu’elle était fondée à suspendre le paiement de son loyer du fait de l’inexécution par le bailleur de son obligation de délivrance d’un logement décent. Elle indique que le logement était dans un état de délabrement avancé, avec des fissures dans les murs, des portes et des fenêtres non étanches, des vélux détériorés par la chaleur et des fuites aux sanitaires ainsi que des problèmes de régulation de la température et de moisissures sur les murs. Elle ajoute

que ces désordres, outre les nuisances causées par les travaux de ravalement de l’immeuble réalisés par le propriétaire, l’ont contrainte à quitter le logement en août 2020.

Par conclusions du 7 septembre 2022, M. [E] demande à la cour de :

– confimer le jugement,

– condamner Mme [L] à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il réplique que Mme [L] ne prouve pas l’indécence du logement.

MOTIVATION

1. Sur l’exception d’inexécution

Vu les articles 6 et 7 de la loi du 6 juillet 1989 et les articles 2, paragraphes 2 et 6, et 3, paragraphe 1, du décret du 30 janvier 2002 ;

Selon les deux premiers textes, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé ; le locataire est tenu de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus et de prendre à sa charge l’entretien courant du logement et les réparations locatives définies par l’annexe du décret n° 87-712 du 26 août 1987.

Selon le troisième, le logement est protégé contre les infiltrations d’air parasites. Les portes et fenêtres du logement ainsi que les murs et parois de ce logement donnant sur l’extérieur ou des locaux non chauffés présentent une étanchéité à l’air suffisante. Le logement permet une aération suffisante. Les dispositifs d’ouverture et les éventuels dispositifs de ventilation des logements sont en bon état et permettent un renouvellement de l’air et une évacuation de l’humidité adaptés aux besoins d’une occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements. Le logement comporte en outre une installation permettant un chauffage normal, munie des dispositifs d’alimentation en énergie et d’évacuation des produits de combustion et adaptée aux caractéristiques du logement.

Il est admis, selon les circonstances, que le locataire puisse suspendre le paiement des loyers au propriétaire qui ne respecte pas son obligation de délivrer un logement décent (3e Civ., 17 décembre 2015, n° 14-22.754).

Mme [L] a cessé de payer son loyer en juin 2020.

Elle fournit plusieurs factures destinées à prouver qu’elle a assumé des travaux de mise en conformité dans le logement. Les factures d’achat de revêtement de sol en décembre 2016 et septembre 2019 aux prix de 375 et 298 euros ainsi que celle d’entretien de la chaudière en février 2019 au prix de 108 euros constituent des réparations locatives selon l’annexe du décret n° 87-712 du 26 août 1987 et l’article 2.3.2 du bail du 14 novembre 2014. De même, la réparation des fuites d’eau, sans précision de leur origine, constitue une réparation locative.

Mme [L] fournit en outre des photographies montrant des peintures écaillées et des attestations qui évoquent un ‘état de délabrement avancé’ et une ‘dégradation progressive de l’appartement’. M. [W] mentionne l’existence de ‘fissures dans les murs, portes et fenêtres non étanches, vélux détériorés par la chaleur’ ainsi que des problèmes de régulation de la température et de moisissure sur les murs. Si ces éléments constituent des indices d’une insuffisance du dispositif d’aération et de protection contre les infiltrations d’air, ils ne sont pas suffisants pour prouver l’indécence du logement, certains défauts pouvant tout aussi bien s’expliquer par un défaut d’entretien de la part de la locataire ou par la vétusté du logement.

Par ailleurs, le certificat médical du 31 juillet 2020, censé prouver que la locataire a déménagé en raison de l’état du logement, mentionne uniquement des problèmes de mobilité justifiant un départ de ce logement, d’autres documents médicaux évoquant une maladie d’ostéoporose peu compatible avec l’agencement de l’appartement en duplex. La date de départ alléguée par la locataire est d’ailleurs remise en cause par la signification à sa personne du commandement de payer les loyers.

Une expertise est à ce stade inutile puisque Mme [L] indique avoir quitté le logement.

Enfin, les éventuels troubles de voisinage causés par le propriétaire ne peuvent justifier la suspension du paiement du loyer par la locataire mais, tout au plus, l’octroi de dommages-intérêts.

Il convient donc de rejeter le moyen tiré de l’exception d’inexécution.

2. Sur la demande de restitution du dépôt de garantie

Vu l’article 22 de la loi du 6 juillet 1989 ;

La restitution du dépôt de garantie doit intervenir dans un délai maximal de deux mois à compter de la restitution des clefs par le locataire, après déduction, le cas échéant, des sommes restant dues au bailleur sous réserve qu’elles soient dûment justifiées. Le délai est ramené à un mois lorsque l’état des lieux de sortie est conforme à l’état des lieux d’entrée.

Le contrat de bail mentionne la remise par Mme [L] d’une somme de 540 euros à titre de dépôt de garantie. Le bailleur ne consteste pas que les clés lui ont été restituées à l’expiration du bail. Il n’allègue pas de dégradations locatives. Le montant du dépôt de garantie est dû et cette créance de la locataire se compense avec celle du bailleur au titre de l’arriéré de loyer et indemnité d’occupation fixé au 31 janvier 2021 à la somme de 4 843,21 euros.

La créance de loyer et indemnité d’occupation au 31 janvier 2021 doit donc être ramenée à la somme de 4 303,21 euros (4 843,21 – 540). Le jugement est infirmé sur ce point.

3. Sur la demande de délais de paiement

Vu l’article 24 V et VII de la loi du 6 juillet 1989 et l’article 1343-5 du code civil ;

Le juge peut, même d’office, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l’article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative. Pendant le cours des délais, les effets de la clause de résiliation de plein droit sont suspendus. Ces délais et les modalités de paiement accordés ne peuvent affecter l’exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges.

Indépendamment d’une demande de suspension des effets de la clause de résiliation de plein droit, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Mme [L] indique avoir quitté le logement qui ne lui convenait plus. La suspension des effets de la clause de résiliation de plein droit n’apparaît pas opportune.

Mme [L] peut cependant obtenir des délais de paiement dans la limite de deux années. Elle justifie percevoir une pension de reversion d’un montant mensuel moyen de 460,09 euros (bulletin de situation de janvier 2021). Sa déclaration d’impôt sur le revenu de 2021 mentionne un revenu annuel de 21 636 euros en 2020, soit 1 803 euros par mois. Elle apparaît donc en mesure d’acquitter sa dette en deux années par mensualités de 180 euros.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a constaté la résiliation du bail et prononcé l’expulsion de Mme [L]. Elle sera autorisée à régler sa dette en deux années selon les modalités précisées au dispositif du présent arrêt.

4. Sur les frais du procès

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et frais irrépétibles seront confirmées.

Partie perdante, Mme [L] sera condamnée aux dépens d’appel et à payer à M. [E] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a fixé la créance de M. [E] au titre de l’arrièré de loyer et indemnité d’occupation au 31 janvier 2021 à la somme de 4 843,21 euros,

Statuant à nouveau du chef infirmé :

Condamne [M] [L] à payer à [I] [E] la somme de 4 303,21 euros au titre de l’arrièré de loyer et indemnité d’occupation au 31 janvier 2021, après compensation avec le dépôt de garantie d’un montant de 540 euros,

Y ajoutant :

Accorde à [M] [L] un délai pour s’acquitter de sa dette moyennant le versement de 23 mensualités de 180 euros, outre une dernière échéance représentant le solde restant dû en principal, intérêts et frais, payables avant le 15 de chaque mois et pour la première fois avant le 15 du mois suivant le mois de la signification du présent arrêt,

Dit qu’à défaut de paiement à bonne date d’une seule mensualité, l’échéancier deviendra caduc et le solde sera intégralement dû,

Condamne [M] [L] aux dépens d’appel,

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne [M] [L] à payer à [I] [E] la somme de 1 000 euros.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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