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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 13 AVRIL 2023
N° 2023/ 294
Rôle N° RG 22/01179 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BIYBA
S.C.I. GRAMONT
C/
[H] [T]
[W] [T]
[E] [V]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Chloé MARTIN
Me Delphine GUENIER
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 16 décembre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/04809.
APPELANTE
S.C.I. GRAMONT
dont le siège social est situé [Adresse 6] ayant élu domicile chez son administrateur de biens la société FONCIA MEDITERRANEE dont le siège social est situé [Adresse 3]
représentée par Me Chloé MARTIN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
et assistée par Me Thibaud VIDAL de la SELEURL VIDAL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
INTIMES
Madame [E] [V]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/4093 du 06/05/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
née le [Date naissance 4] 1973 à [Localité 8] (Algérie), demeurant [Adresse 9]
représentée par Me Delphine GUENIER, avocat au barreau de MARSEILLE
Madame [H] [V] épouse [T]
née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 8] (Algérie), demeurant [Adresse 5]
défaillante
Monsieur [W] [T]
né le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 10], demeurant [Adresse 7]
défaillant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Catherine OUVREL, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Catherine OUVREL, Présidente rapporteur
Mme Angélique NETO, Conseillère
Madame Myriam GINOUX, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Caroline VAN-HULST.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023.
ARRÊT
Rendu par défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023
Signé par Mme Catherine OUVREL, Présidente et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon bail sous seing privé du 27 janvier 2014, la SCI Gramont a donné en location à madame [H] [V] épouse [T], un logement situé [Adresse 5], moyennant un loyer mensuel de 520 € outre 30 € de provision sur charges. Monsieur [W] [T] s’est porté caution solidaire par acte du 27 janvier 2014. Madame [E] [V] épouse [P] pour sa part s’est également portée caution solidaire le 31 janvier 2014.
La SCI Gramont a fait délivrer un commandement de payer daté du 25 juin 2020 visant la clause résolutoire du bail et a mis en demeure madame [H] [V] épouse [T] de lui régler la somme de 2 191,18 €. Ce commandement a été dénoncé aux cautions.
Par ordonnance réputée contradictoire de référé en date du 16 décembre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire, pôle de proximité, de Marseille a :
dit n’y avoir lieu à référé,
laissé les dépens à la charge de la SCI Gramont,
rejeté toutes les demandes plus amples ou contraires.
Selon déclaration reçue au greffe le 26 janvier 2022, la SCI Gramont a interjeté appel de cette décision, l’appel portant sur toutes les dispositions de l’ordonnance déférée dûment reprises.
Par dernières conclusions transmises le 16 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SCI Gramont demande à la cour de :
réformer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
juger que par l’effet du commandement en date du 25 juin 2020 resté infructueux, la clause résolutoire contenue au bail liant les parties est acquise depuis le 26 août 2020 et que madame [H] [T] occupe sans droit ni titre depuis cette date, les locaux d’habitation situés [Adresse 5],
juger que depuis l’effacement partielle de sa dette locative, madame [H] [V] épouse [T] persiste à ne pas régler les nouvelles échéances locatives,
En conséquence :
‘ rejeter l’ensemble des demandes formulées par madame [E] [V] épouse [P], à l’exception de celle tendant au prononcer de l’acquisition de la clause résolutoire,
‘ ordonner l’expulsion immédiate de madame [H] [V] épouse [T] ainsi que de tout occupant de son chef, avec l’assistance d’un serrurier et le concours de la force publique si besoin est à l’expiration du délai fixé par l’article 24-VIII de la loi du 6 juillet 1989,
‘ condamner par provision et solidairement madame [H] [V] épouse [T], monsieur [W] [T] et madame [E] [V] épouse [P] au paiement de la somme de 3 021,67 euros au titre des loyers impayés, du solde des charges impayés et des frais de recouvrement suivant décompte en janvier 2022,
‘ condamner par provision et solidairement, madame [E] [V] épouse [P] et monsieur [W] [T] au paiement de la somme de 5 785,48 euros suivant décompte arrêté en février 2023,
‘ fixer au montant du dernier loyer échu, l’indemnité d’occupation due mensuellement par madame [H] [V] épouse [T], monsieur [W] [T] et madame [E] [V] épouse [P] jusqu’à restitution effective des lieux,
‘ condamner madame [E] [V] épouse [P], madame [H] [V] épouse [T] et monsieur [W] [T] à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ condamner madame [E] [V] épouse [P], madame [H] [V] épouse [T] et monsieur [W] [T] en tous les dépens du présent référé en ce compris le coût du commandement du 25 juin 2020 et ses dénonces des 1er et 2 juillet 2020.
Par dernières conclusions transmises le 31 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, madame [E] [V] épouse [P] sollicite de la cour qu’elle :
prononce la clause résolutoire afin que le contrat soit résilié de plein droit,
confirme la décision entreprise ‘en ce qu’elle a’,
confirme la décision en ce qu’elle a condamné la partie demanderesse aux dépens,
limite le montant des sommes réclamées aux loyers impayés à compter du 1er juin 2021,
expurge du décompte du commandement les frais de relance,
ramène le paiement de la dette à l’arriéré locatif tel qu’il résultera du décompte actualisé au jour de l’audience, en prenant en considération l’effacement de la dette locative par la commission de surendettement au 27 mai 2021,
déduise de la dette actualisée, sur le fondement de la responsabilité civile extracontractuelle de la SCI Gramont, la somme de 1 516 €, correspondant aux versements directs de la caisse d’allocations familiales suspendus depuis le 1er juillet 2021, situation qui est la conséquence de l’arrêté de péril affectant la propriété de la SCI Gramont,
lui octroie un échelonnement pour le règlement du reste de la dette,
la dispense de tout paiement au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour des raisons d’équité et au vu de ses difficultés financières.
Monsieur [W] [T] et madame [H] [V] épouse [T], régulièrement et respectivement intimés par actes remis dans les formes de l’article 659 du code de procédure civile le 28 février 2022, et remis à l’étude le 28 février 2022, n’ont pas constitué avocat et n’ont pas conclu.
L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance en date du 20 février 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il y a lieu d’observer que sont produits en cause d’appel l’ensemble des justificatifs requis, et notamment l’accusé réception du procès-verbal de monsieur [W] [T], ainsi que l’intégralité du commandement de payer de sorte que les difficultés procédurales retenues par le premier juge n’ont plus lieu d’être.
En revanche, par application de l’article 954 alinéa 6 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.
Ainsi, la cour qui n’est pas saisie de conclusions par l’intimé doit, pour statuer sur l’appel, examiner les motifs du jugement ayant accueilli les prétentions de cette partie en première instance.
Sur l’acquisition de la clause résolutoire et ses conséquences
En application des articles 7 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus.
En application des articles 1728, 1741 du code civil et 15 I de la loi du 6 juillet 1989, le locataire a pour obligation principale le paiement du loyer. Un manquement grave et répété à cette obligation justifie la résiliation du contrat ou la délivrance d’un congé pour ce motif à l’initiative du bailleur.
L’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa version applicable à l’espèce, tendant à améliorer les rapports locatifs dispose : I.-Toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.(…)
VI.-Par dérogation à la première phrase du V, lorsqu’une procédure de traitement du surendettement au sens du livre VII du code de la consommation a été ouverte au bénéfice du locataire et qu’au jour de l’audience, le locataire a repris le paiement du loyer et des charges, le juge qui constate l’acquisition de la clause de résiliation de plein droit du contrat de location statue dans les conditions suivantes :
1° Lorsque la commission de surendettement des particuliers a rendu une décision de recevabilité de la demande de traitement de la situation de surendettement formée par le locataire, le juge accorde des délais de paiement jusqu’à, selon les cas, l’approbation du plan conventionnel de redressement prévu à l’article L. 732-1 du code de la consommation, la décision imposant les mesures prévues aux articles L. 733-1, L. 733-4, L. 733-7 et L. 741-1 du même code, le jugement prononçant un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, le jugement d’ouverture d’une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire ou toute décision de clôture de la procédure de traitement du surendettement ;
2° Lorsqu’un plan conventionnel de redressement prévu à l’article L. 732-1 dudit code a été approuvé ou que la commission de surendettement des particuliers a imposé les mesures prévues aux articles L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7 du même code, dont le bailleur a été avisé, le juge accorde les délais et modalités de paiement de la dette locative contenus dans le plan ou imposés par la commission de surendettement des particuliers. Lorsque la commission de surendettement des particuliers a imposé pendant un délai la suspension de l’exigibilité de la créance locative en application du 4° de l’article L. 733-1 du même code, le juge accorde ce délai prolongé de trois mois pour permettre au locataire de saisir à nouveau la commission de surendettement des particuliers en application de l’article L. 733-2 du même code. Lorsque, dans ce délai, la commission de surendettement des particuliers a de nouveau été saisie d’une demande de traitement de la situation de surendettement, l’exigibilité de la créance locative demeure suspendue jusqu’à, selon les cas, l’approbation d’un plan conventionnel de redressement prévu à l’article L. 732-1 du même code, la décision imposant les mesures prévues aux articles L. 733-1, L. 733-4, L. 733-7 et L. 741-1 du même code, le jugement prononçant un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, le jugement d’ouverture d’une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire ou toute décision de clôture de la procédure de traitement du surendettement. A défaut, ou dès lors que la nouvelle procédure de traitement du surendettement est clôturée sans que de nouveaux délais de paiement de la dette locative aient été accordés, la clause de résiliation de plein droit reprend son plein effet ;
3° Par dérogation au 2° du présent VI, lorsqu’en application de l’article L. 733-10 du même code, une contestation a été formée par l’une des parties contre les délais et modalités de paiement de la dette locative imposés par la commission de surendettement des particuliers, le juge accorde des délais de paiement jusqu’à la décision du juge statuant sur cette contestation ;
4° Lorsque le juge statuant en application de l’article L. 733-10 du même code a pris tout ou partie des mesures mentionnées au 2° du présent VI, le juge accorde les délais et modalités de paiement de la dette locative imposés dans ces mesures. Lorsque la suspension de l’exigibilité de la créance locative a été imposée pendant un délai en application du 4° de l’article L. 733-1 du code de la consommation, le juge accorde ce délai prolongé de trois mois pour permettre au locataire de saisir à nouveau la commission de surendettement des particuliers en application de l’article L. 733-2 du même code. Lorsque, dans ce délai, la commission de surendettement des particuliers a de nouveau été saisie d’une demande de traitement de la situation de surendettement, l’exigibilité de la créance locative demeure suspendue jusqu’à, selon les cas, l’approbation d’un plan conventionnel de redressement prévu à l’article L. 732-1 dudit code, la décision imposant les mesures prévues aux articles L. 733-1, L. 733-4, L. 733-7 et L. 741-1 du même code, le jugement prononçant un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, le jugement d’ouverture d’une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire ou toute décision de clôture de la procédure de traitement du surendettement. A défaut, ou dès lors que la nouvelle procédure de traitement du surendettement est clôturée sans que de nouveaux délais de paiement de la dette locative aient été accordés, la clause de résiliation de plein droit reprend son plein effet (…).
VIII.-Lorsqu’un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire a été imposé par la commission de surendettement des particuliers ou prononcé par le juge ou lorsqu’un jugement de clôture d’une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire a été rendu, le juge suspend les effets de la clause de résiliation de plein droit pendant un délai de deux ans à partir de la date de la décision imposant les mesures d’effacement ou du jugement de clôture.
Par dérogation au premier alinéa du présent VIII, lorsqu’en application de l’article L. 741-4 du code de la consommation, une contestation a été formée par l’une des parties contre la décision de la commission de surendettement des particuliers imposant un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, le juge suspend les effets de la clause de résiliation de plein droit jusqu’à la décision du juge statuant sur cette contestation.
Ce délai ne peut affecter l’exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges.
Si le locataire s’est acquitté du paiement des loyers et des charges conformément au contrat de location pendant le délai de deux ans mentionné au premier alinéa du présent VIII, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué. Dans le cas contraire, elle reprend son plein effet.
Par application de l’article L 722-5 du code de la consommation, la suspension et l’interdiction des procédures d’exécution diligentées à l’encontre des biens du débiteur emportent interdiction pour celui-ci de faire tout acte qui aggraverait son insolvabilité, de payer, en tout ou partie, une créance autre qu’alimentaire, y compris les découverts mentionnés aux 10° et 11° de l’article L 311-1, née antérieurement à la suspension ou à l’interdiction, de désintéresser les cautions qui acquitteraient des créances nées antérieurement à la suspension ou à l’interdiction, de faire un acte de disposition étranger à la gestion normale du patrimoine ; elles emportent aussi interdiction de prendre toute garantie ou sûreté.
Le débiteur peut toutefois saisir le juge des contentieux de la protection afin qu’il l’autorise à accomplir l’un des actes mentionnés au premier alinéa.
L’interdiction mentionnée au même premier alinéa ne s’applique pas aux créances locatives lorsqu’une décision judiciaire a accordé des délais de paiement au débiteur en application des V et VI de l’article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 82-1290 du 23 décembre 1986.
En vertu de l’article L 741-1 du code de la consommation, si l’examen de la demande de traitement de la situation de surendettement fait apparaître que le débiteur se trouve dans la situation irrémédiablement compromise définie au deuxième alinéa de l’article L. 724-1 et ne possède que des biens mentionnés au 1° du même article L. 724-1, la commission impose un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.
L’article L 741-2 du même code précise qu’en l’absence de contestation dans les conditions prévues à l’article L. 741-4, le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire entraîne l’effacement de toutes les dettes, professionnelles et non professionnelles, du débiteur, arrêtées à la date de la décision de la commission, à l’exception des dettes mentionnées aux articles L. 711-4 et L. 711-5 et des dettes dont le montant a été payé au lieu et place du débiteur par la caution ou le coobligé, personnes physiques.
En l’occurrence, il résulte des pièces communiquées que les parties sont liées par un bail écrit en date du 27 janvier 2014 dans lequel est insérée une clause résolutoire applicable de plein droit en cas de non-paiement des loyers et charges dans le délai de deux mois à compter de la délivrance d’un commandement de payer.
Par acte délivré le 25 juin 2020, la SCI Gramont a fait commandement à madame [H] [V] épouse [T] de payer la somme de 2 191,18 € et a manifesté son intention de se prévaloir de la clause résolutoire précitée. Ce commandement a été dénoncé le 2 juillet 2020 à madame [E] [V] épouse [P], et le 1er juillet 2020 à monsieur [W] [T].
Le 19 mai 2021, l’immeuble au sein duquel se trouve le logement loué par madame [H] [V] épouse [T] à la SCI Gramont a fait l’objet d’un arrêté de péril, ce dernier ne concernant que le deuxième étage de l’immeuble, mais pas le 4ème étage de l’immeuble où se situe le logement en cause. L’arrêté de péril a été levé le 18 août 2021. En tout état de cause, il n’a jamais concerné le bien loué par madame [H] [V] épouse [T], ni même les parties communes. Il est donc sans incidence sur la situation locative de celle-ci en termes d’exception d’inexécution du paiement du loyer.
En revanche, il convient de relever que madame [H] [V] épouse [T] a bénéficié d’une mesure de surendettement des particuliers. Ainsi, le 27 mai 2021, la commission de surendettement des particuliers des Bouches du Rhône a effacé la dette locative de madame [H] [V] épouse [T] à hauteur de 2 763,81 € au titre des loyers dus pour le logement en cause sur la période, dans le cadre d’un plan de rétablissement personnel.
Or, d’une part, la recevabilité de sa demande de surendettement avait été retenue par la commission, ainsi qu’il résulte des pièces produites par madame [E] [V] épouse [P], à la date du 9 avril 2020. Or, la décision de recevabilité avait pour effet d’interdire à la locataire de payer en tout ou partie, une créance autre qu’alimentaire née avant la date de la décision. Aussi, aux termes du commandement du 25 juin 2020, seuls peuvent être appréciés les éventuels impayés au titre des mois de mai et juin 2020 pour justifier éventuellement la mise en oeuvre de la clause résolutoire. Or, la lecture du décompte intégré au commandement révèle qu’au titre de ces deux mois, madame [E] [V] épouse [P] a réglé son loyer résiduel, le bailleur percevant l’allocation logement de la caisse d’allocations familiales. Il n’est donc démontré, du moins avec l’évidence requise en référé, aucun impayé au titre des mois de mai et juin 2020, les mois antérieurs ne pouvant être pris en compte pour justifier la mise en oeuvre de la clause résolutoire.
D’autre part, madame [E] [V] épouse [P] a bénéficié d’un plan de redressement personnel avec effacement total de sa dette par décision du 27 mai 2021. Cette décision emporte, pour le débiteur qui a repris le paiement de ses loyers et charges, suspension des effets de la clause de résiliation de plein droit pendant un délai de deux ans à partir de la date de la décision imposant les mesures d’effacement ou du jugement de clôture. Or, la lecture du dernier décompte produit par la SCI Gramont, arrêté en février 2023, fait apparaître des paiements réguliers de la part de madame [E] [V] épouse [P], la dette qui perdure étant constituée par un arriéré locatif de 1 213 € retenu et non expliqué, alors qu’à cette date, l’intégralité de la dette locative de la locataire devait être effacée, ainsi que par un défaut de paiement de la caisse d’allocations familiales sur les mois de mai à août 2021 correspondant à la période pendant laquelle l’immeuble en cause a fait l’objet d’un arrêté de péril, entraînant la suspension généralisée de tout paiement par la caisse d’allocations familiales. Sur les autres périodes, et notamment l’année 2022, des paiements réguliers sont réalisés par madame [H] [V] épouse [T] qui ne peut donc être considérée comme défaillante. La suspension des effets de toute clause résolutoire serait donc susceptible de jouer jusqu’en mai 2023.
Dans ces conditions, et malgré la position de madame [E] [V] épouse [P] qui se prononce en faveur de la reconnaissance du jeu de la clause résolutoire, en sa qualité de caution et dans le but de limiter son propre engagement, il appert que les conditions de mise en oeuvre de la clause résolutoire du bail signé par madame [H] [V] épouse [T] avec la SCI Gramont, sur la base du commandement du 25 juin 2020, ne sont pas réunies, du moins avec l’évidence requise en référé.
Dans ces conditions, la mise en oeuvre de la clause résolutoire n’est pas acquise et l’ordonnance entreprise doit être confirmée en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur ce point, tout comme sur l’absence de fixation d’une indemnité d’occupation, le bail étant toujours en cours.
Sur la provision pour dette locative
Par application de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
A l’égard de la locataire
En l’occurrence, la SCI Gramont produit plusieurs décomptes de la créance alléguée qui s’avèrent peu lisibles. Ainsi, plusieurs d’entre eux, notamment celui intégré au commandement de payer et celui du 16 février 2023, dernier produit, font état d’un solde antérieur à hauteur de 1 535,48 €, remontant à 2014 et 2015, dont l’explication n’est pas donnée. De même, le dernier décompte de février 2023 comprend des dates identiques sur une majeure part de l’historique, à savoir le 2 juin 2022 rendant illisible le décompte. En outre, la dette retenue contre madame [H] [V] épouse [T] à hauteur de 1 213,10 € au jour de l’effacement de ses dettes par la commission de surendettement n’est pas justifiée et il est impossible d’en connaître l’origine alors, précisément que la procédure de rétablissement personnel avec apurement des dettes avait vocation à effacer l’intégralité de la dette de la locataire débitrice antérieurement à mai 2021.
Il ressort des décomptes produits, et notamment de celui du 21 janvier 2022, que madame [H] [V] épouse [T] a régulièrement réglé son loyer complémentaire à l’allocation logement directement versée par la caisse d’allocations familiales au bailleur. Il en résulte également que la caisse d’allocations familiales a cessé tout paiement à ce titre entre mai et août 2021, période pendant laquelle l’immeuble a fait l’objet d’un arrêté de péril. Si effectivement, l’appartement de madame [H] [V] épouse [T] n’était pas concerné, de sorte qu’aucune cause ne l’exonérait du paiement de son loyer, il est acquis néanmoins que la dette de la locataire a été générée par cette absence de versement d’une allocation logement en lien avec une défaillance plus générale du bailleur, également propriétaire de l’appartement dans le même immeuble directement visé par l’arrêté de péril. Aucune explication n’est fournie quant à l’absence de régularisation à ce titre, ni par la locataire, ni même par le bailleur.
De plus, le décompte du 21 janvier 2022 comprend des frais de relance qui ne peuvent être, sans contestation sérieuse, intégrés dans la dette locative imputable à la locataire.
Dans ces conditions, il appert que la dette locative de madame [H] [V] épouse [T] n’est pas établie avec l’évidence requise en référé, y compris en son quantum, qui se heurte à des contestations sérieuses. Dès lors, il n’y a pas lieu à référé sur la demande présentée par la SCI Gramont envers madame [H] [V] épouse [T] au titre de la provision sur loyer et charges impayés. L’ordonnance entreprise sera donc là encore confirmée.
A l’égard des cautions
En l’espèce, il est acquis et il résulte des actes de cautionnement rédigés tant par madame [E] [V] épouse [P] que par monsieur [W] [T], que ces derniers se sont portés cautions solidaires, sans bénéfice de division ni de discussion, de madame [H] [V] épouse [T] au titre du bail en cause, la validité de ces actes n’étant pas contestée.
Le principe de leur engagement n’est pas sérieusement contestable.
Concernant le quantum de celui-ci, il convient d’observer que les contestations sérieuses ci-dessus développées, affectant le montant de la dette susceptible d’être invoquée envers la débitrice principale, sont opposables aux cautions. Pour la partie non effacée de la dette locative, sollicitée à hauteur de 3 021,67 € en janvier 2022 par la SCI Gramont, il convient de retenir en conséquence l’existence de contestations sérieuses.
S’agissant de la dette effacée par la commission de surendettement au bénéfice de madame [H] [V] épouse [T] à hauteur de 2 763,81 € en mai 2021, il y a lieu d’observer qu’elle ne souffre en revanche d’aucune contestation ni quant à son imputabilité au bail en cause, ni quant à la période concernée. Or, par application des articles 2313 et 1350 et suivants du code civil, la caution ne peut exciper de décharges légales du débiteur à son profit. Il est de jurisprudence constante que les mesures de redressement judiciaire civil, dont la procédure de rétablissement personnel, sont sans influence sur les obligations des cautions qui ne peuvent se prévaloir des réductions de créance dont les mesures font bénéficier le seul débiteur principal, s’agissant d’exceptions personnelles à ce dernier. Aussi, l’effacement de la dette de madame [H] [V] épouse [T] à hauteur de 2 763,81 € est inopposable aux deux cautions.
En conséquence, il appert que la créance de la SCI Gramont envers madame [E] [V] épouse [P] et monsieur [W] [T] apparaît non sérieusement contestable à hauteur de 2 763,81 €, somme provisionnelle au paiement de laquelle il convient de condamner ces derniers. L’ordonnance entreprise doit donc être réformée de ce chef.
Sur les délais de paiement sollicités par la caution
Par application de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital. Il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
Toute stipulation contraire est réputée non écrite.
En l’occurrence, madame [E] [V] épouse [P] sollicite un échelonnement de sa dette.
Des pièces produites, il appert qu’elle est en instance de divorce, est hébergée en juillet 2022 dans un foyer suite à des violences conjugales et qu’elle a trois enfants partiellement à charge, dans le cadre d’une résidence alternée. Elle percevait 886 € au titre de l’allocation de retour à l’emploi en mars 2022. Elle est engagée en tant que caution de sa soeur.
Au vu de la situation financière délicate mais non totalement obérée de madame [E] [V] épouse [P], il convient de faire droit à sa demande de délais de paiement sur 36 mois, tel qu’indiqué au dispositif du présent arrêt. Là encore, l’ordonnance entreprise sera infirmée.
Sur l’article 700 du Code de procédure civile et les dépens
La décision entreprise doit être confirmée sur la charge des dépens dès lors que la SCI Gramont n’avait pas justifié des pièces requises en première instance, ses prétentions ne prospérant qu’en petite part en cause d’appel.
Les dépens d’appel seront mis à la charge, in solidum, de madame [E] [V] épouse [P] et monsieur [W] [T], qui succombent pour partie.
En revanche, l’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé au titre des prétentions de la SCI Gramont envers madame [E] [V] épouse [P] et monsieur [W] [T], et, en ce qu’elle a rejeté la demande de délais de paiement présentée par madame [E] [V] épouse [P],
Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses autres dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne in solidum madame [E] [V] épouse [P] et monsieur [W] [T] à payer à la SCI Gramont la somme provisionnelle de 2 763,81 € au titre de la dette locative arrêtée en mai 2021 au titre du bail d’habitation liant la SCI Gramont et madame [H] [V] épouse [T],
Autorise madame [E] [V] épouse [P] à se libérer du paiement de cette dette de 2 763,81 € en 35 versements identiques de 76 € chacun à régler au plus tard le 5 de chaque mois, outre paiement du solde à la 36ème échéance,
Dit qu’à défaut de paiement d’une seule échéance la totalité de la dette redeviendra immédiatement exigible,
Dit n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SCI Gramont de sa demande sur ce fondement,
Condamne in solidum madame [E] [V] épouse [P] et monsieur [W] [T] au paiement des dépens d’appel, qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle.
La Greffière La Présidente